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  • Préemption et responsabilité de la commune

    Une décision de préemption prise illégalement engage la responsabilité de la commune à l'égard de l'acquéreur évincé qui n'a pas pu réaliser le projet qu'il envisageait :

     

    «Considérant que, par un jugement devenu définitif du 30 mai 2000, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé, sur la demande de la société anonyme RANCHERE, la délibération du conseil municipal de la commune de Pompignac du 15 novembre 1996 décidant de préempter la parcelle cadastrée ZM 231 P, laquelle avait fait l'objet d'une promesse de vente dont la société RANCHERE était titulaire ; que l'annulation de cette délibération a été prononcée au motif qu'elle ne répondait pas aux exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, aux termes duquel « toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé » ; que, par un jugement du 27 juin 2002, le même tribunal a admis que l'illégalité sanctionnée par son précédent jugement était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Pompignac et l'a condamnée à verser à la SA RANCHERE la somme de 13 795,57 euros, majorée des intérêts, en réparation des dépenses inutilement exposées pour le lotissement que la société projetait de réaliser sur le terrain objet de la délibération annulée ; que, par la voie de l'appel principal, la SA RANCHERE conteste ce jugement du 27 juin 2002 en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la réparation de son manque à gagner et de ses frais financiers, qu'elle évalue à la somme totale de 279 056, 86 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Pompignac conteste le principe de sa condamnation ainsi que le montant de la réparation mise à sa charge ;

    Sur la responsabilité :

    Considérant que l'illégalité de la décision de préemption du 15 novembre 1996 est fautive et, comme telle, susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Pompignac dès lors qu'elle est à l'origine d'un préjudice ; que l'exercice du droit de préemption institué au profit des collectivités publiques sur les aliénations d'immeubles doit être justifié par un projet suffisamment précis ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la délibération du conseil municipal de la commune de Pompignac était justifiée par un tel projet, même si postérieurement à cette délibération la commune a étudié des projets de logements locatifs ; que le vice dont est entachée la décision de préemption a pour conséquence directe le préjudice subi par la SA RANCHERE du fait de l'impossibilité dans laquelle la société s'est trouvée, à cause de cette décision, de réaliser sur le terrain qu'elle se proposait d'acquérir, comme le lui permettait la promesse de vente dont elle bénéficiait quand bien même cette promesse était-elle unilatérale, le lotissement pour lequel elle disposait d'une autorisation délivrée par le maire de la commune le 3 septembre 1996 ; que la circonstance que les autorités compétentes auraient pu reprendre la même décision de préemption en répondant aux exigences de motivation de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, ne permet pas d'écarter l'existence de ce lien de causalité entre le préjudice invoqué et la décision de préemption illégale eu égard à l'absence de projet susceptible de justifier alors cette décision ; qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Pompignac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a retenu le principe de sa responsabilité ;

    Sur la réparation :

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que le lotissement destiné à la construction de maisons individuelles d'habitation envisagé par la SA RANCHERE, sur un terrain d'une superficie globale de 32 914 mètres carrés, et pour lequel elle disposait de l'autorisation d'urbanisme nécessaire répondait alors à une forte demande de constructions de cette nature dans ce secteur ; que ce projet, dont l'intérêt commercial est démontré eu égard à la qualité de l'emplacement du terrain d'assiette et à l'état du marché immobilier, avait donné lieu à des mesures d'exécution suffisamment avancées de la part de la société RANCHERE pour établir sa volonté d'en poursuivre la réalisation ; que le préjudice subi par elle correspond aux dépenses inutilement engagées pour la réalisation du projet de lotissement qu'elle a dû abandonner ; que son préjudice correspond également à la privation des bénéfices qu'elle pouvait raisonnablement attendre de cette opération de lotissement ; que, toutefois, le lotissement projeté par la SA RANCHERE portait sur un terrain formé de deux parcelles d'assiette, dont seule la parcelle ZM 231 P soumise au droit de préemption a donné lieu à la délibération illégale du 15 novembre 1996 ; que la société requérante n'indique pas en quoi la préemption de l'une des parcelles, qui appartenaient à des propriétaires différents, faisait obstacle à tout projet de lotissement dans l'autre ; que dans ces conditions, les dépenses inutilement exposées par l'entreprise et la privation de bénéfices subie par elle ne peuvent être regardées comme la conséquence directe de la décision de préemption illégale qu'en tant qu'elles concernent la parcelle objet de cette décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice tenant aux vaines dépenses de la société exposées au titre de la parcelle ZM 231 P en cause en l'évaluant à la somme de 7 000 euros et du préjudice découlant du manque à gagner subi au titre de cette même parcelle en l'évaluant à la somme de 65 000 euros, soit une somme totale de 72 000 euros qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Pompignac ; que si la SA RANCHERE demande en outre que lui soient remboursées les charges financières qu'elle soutient avoir supportées au titre des exercices 1999 et 2000 faute d'avoir pu disposer de la trésorerie correspondant au profit du lotissement, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier ces charges ; que, par suite, les conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice ne sauraient être accueillies ;

    Considérant que la SA RANCHERE a droit aux intérêts de la somme de 72 000 euros à compter du 22 mars 2001, date de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Bordeaux ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la SA RANCHERE est fondée à demander la réformation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Bordeaux dans la mesure où l'indemnité qu'il lui alloue est inférieure à celle définie ci-dessus et que, d'autre part, l'appel incident de la commune de Pompignac doit être rejeté ».

     

    (Cour Administrative d'Appel de Bordeaux 21 avril 2000)
  • Création de la copropriété et demande de permis de construire

    Lorsqu’un constructeur réalise une opération de promotion et qu'il a commencé à vendre les premiers appartements, la copropriété est créée, et si un permis de construire doit être demandé pour la réalisation reste du programme sur la partie commune constituée par le terrain d'assise du projet, alors c'est le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic qui a seule qualité pour demander ce permis et non le constructeur initial :

    «Considérant qu'en vertu d'un premier permis de construire délivré le 12 mars 1981, la société civile immobilière Les Salicornes a obtenu l'autorisation de construire, sur un terrain d'une superficie de 2 353 m2 dont elle était alors propriétaire au lieu-dit La dune d'Aval sur le territoire de la commune de Wissant, cadastré section AD n° 9, 75 et 76 et devant demeurer indivis pour faire l'objet d'une copropriété, 44 logements dans trois immeubles collectifs destinés à être vendus en l'état futur d'achèvement des travaux ; que le bâtiment A ayant seul été édifié, un nouveau permis de construire a été délivré à la S.C.I., à sa demande, le 30 novembre 1998 l'autorisant à construire 65 logements dans deux nouveaux bâtiments B et C ; que ce permis a été retiré par arrêté du 20 octobre 1999 du maire de Wissant au motif que la S.C.I., qui avait omis d'indiquer que le terrain faisait partie d'une copropriété, ne justifiait pas de l'accord des copropriétaires pour la réalisation des constructions projetées ; que tant le permis de construire du 30 novembre 1998, la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ce permis, que l'arrêté de retrait du 20 octobre 1999 ont été contestés par M. et Mme X et huit autres copropriétaires ainsi que par le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Salicornes devant le tribunal administratif de Lille ;

    Sur la recevabilité de la requête :

    Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée : Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ; qu'en vertu de l' article 18 de la même loi, le syndic est chargé de représenter le syndicat en justice, notamment dans les cas visés à l'article 15 ; qu'en application de ces dispositions, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Salicornes , représenté par le syndic, a intérêt lui donnant qualité pour contester, conjointement avec des copropriétaires, le jugement en date du 23 avril 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté de retrait du 20 octobre 1999 et rejeté les conclusions dirigées contre le permis de construire du 30 novembre 1998 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ledit permis ;

    Sur la légalité de l’arrêté en date du 30 novembre 1998 :

    Considérant qu'en vertu de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme, la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ;

    Considérant qu'à la date à laquelle l'administration a délivré le permis attaqué, les appartements du bâtiment A avaient été vendus ; que ces ventes ont entraîné l'application du statut de la copropriété aux parties communes et à la totalité du sol sur lequel devait être réalisé l'ensemble du programme, à concurrence de 4 000/10 000ème pour le bâtiment A construit sur les lots 1 à 63 et de 6 000/10 000ème pour les bâtiments B et C à construire sur le lot n° 64 ; qu'en particulier, les requérants sont alors devenus copropriétaires du terrain d'assiette du projet ; que, contrairement à ce que soutient la S.C.I., aucune stipulation du règlement général de copropriété ne lui conférait le droit exclusif d'édifier des constructions sur le lot n° 64 ; que ce lot ne constitue ainsi pas un lot transitoire sur lequel la S.C.I. aurait été en droit de solliciter un permis de construire sans l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires requis par l'article 25b de la loi du 10 juillet 1965 susvisée ;

    Considérant qu'il n'est pas contesté que la S.C.I. n'avait pas recueilli, avant de présenter sa nouvelle demande de permis de construire, l'assentiment des autres copropriétaires ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu' elle ait reçu des acquéreurs mandat pour passer tous actes nécessaires à la bonne réalisation du projet selon la faculté offerte par l'article R. 261-5 du code de la construction ;

    Considérant que, dans ces conditions, la société civile immobilière n'avait pas qualité pour présenter la demande de permis de construire qui ne pouvait l'être valablement que par la copropriété et que le permis délivré le 30 novembre 1998 l'a été en méconnaissance des dispositions susrappelées de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'administration, qui avait délivré le premier permis de construire du 12 mars 1981, ne pouvait ignorer, à la date à laquelle le permis de construire contesté a été sollicité, que les appartements du bâtiment A étaient achevés et habités par leurs propriétaires, et qu'ainsi le terrain faisant l'objet de la demande était désormais possédé en copropriété ; qu'elle ne peut dès lors utilement soutenir que la société civile immobilière Les Salicornes avait la qualité de propriétaire apparent dudit terrain ; que, par suite, en l'absence d'accord préalable des copropriétaires, le permis de construire en date du 30 octobre 1998 est entaché d'illégalité et doit être annulé ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande dirigée contre le permis de construire du 30 novembre 1998 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ledit permis ».

     

    (Cour Administrative d'Appel de Douai 9 octobre 2003)