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  • Le terrain du Maire et le détournement de pouvoir

    Un détournement de pouvoir qui se passe de commentaire :

     

    "Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 22 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE, dont le siège est 34, rue Bamberger à Hénonville (60119) ; l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 9 juillet 2002 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 1er juillet 1999 du conseil municipal de la commune d'Hénonville approuvant le plan d'occupation des sols ;


    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code de l'urbanisme ;

    Vu le code général des collectivités territoriales ;

    Vu le code de justice administrative ;




    Après avoir entendu en séance publique :

    - le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes, 

    - les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune d'Hénonville, 

    - les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;





    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE et les autres appelants énonçaient dans leurs écritures devant la cour, à l'appui d'un moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir, plusieurs faits tendant à établir que la décision de classement en zone NAia de la parcelle située à l'angle de la route départementale 121 et de la route départementale 105 avait procuré un avantage au maire de la commune ; qu'eu égard au caractère précis et circonstancié de ces énonciations, la cour ne pouvait écarter le moyen ainsi soulevé sans indiquer, après avoir rappelé la teneur de l'argumentation des appelants, ceux des éléments du dossier lui permettant de conclure que la décision attaquée n'avait pas été prise dans un but étranger à l'intérêt général ; qu'en se bornant à relever dans son arrêt que les faits invoqués « ne suffisaient pas à établir l'existence d'un détournement de pouvoir », sans indiquer ceux des éléments du dossier qui l'amenaient à écarter ce moyen, la cour a entaché cet arrêt d'une insuffisance de motivation ; que celui-ci doit, pour ce motif, être annulé ;

    Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

    Sur les conclusions dirigées contre le plan d'occupation des sols dans son ensemble :

    Considérant que si l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, prévoit que le rapport de présentation du plan d'occupation des sols doit justifier de la compatibilité de son contenu avec les orientations du schéma directeur, ces dispositions n'obligeaient pas la commune à mentionner dans ce rapport les orientations du projet de schéma directeur du Vexins-Sablons, lequel était en cours d'élaboration à la date de la délibération attaquée ; que les autres erreurs et insuffisances de faible importance relevées par l'association requérante dans le rapport de présentation ne sont pas de nature à entacher d'illégalité la délibération attaquée ; 

    Sur les conclusions dirigées contre le plan d'occupation des sols en tant qu'il classe deux parties de la commune respectivement en zone NC et en zone NAia :

    En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir : 

    Considérant que le classement en zone NAia de la parcelle située à l'angle de la route départementale 121 et de la route départementale 105 a eu pour effet de permettre la vente de cette parcelle appartenant au maire à un prix très supérieur à celui fixé lors de la mutation antérieure, dans la semaine qui a suivi l'adoption du nouveau plan d'occupation des sols ; que la commune se bornait à soutenir devant la cour que « le fait que le maire de la commune possède ou exploite des terrains ou immeubles dans les zones dont le classement est contesté ne suffit pas à établir l'existence d'un quelconque détournement de pouvoir », sans faire état d'éléments de nature à contrebalancer les indications précises et circonstanciées données par la requérante ; que si, devant le Conseil d'Etat, la commune soutient que la décision litigieuse vise à attirer des activités économiques sur son territoire, ni cet argument, dénué de toute précision, ni aucune autre pièce du dossier ne permet de considérer que la décision litigieuse, qui a pour effet de favoriser directement les intérêts du maire, a été prise dans un but d'intérêt général ; que la décision de classer en zone NAia la parcelle litigieuse doit, par suite, être annulée au motif qu'elle est entachée de détournement de pouvoir ;

    Considérant que le classement en zone NC d'une partie de l'ancien parc du château a pour effet de conférer à ces terres une vocation agricole et d'y permettre, conformément aux dispositions de l'article 1NC du règlement du plan d'occupation des sols, l'installation d'établissements hippiques ; que si un tel classement permet d'accroître la valeur de ces terres, qui appartiennent à des membres de la famille du maire, il ressort des pièces du dossier qu'elles sont situées dans une partie de la commune dont la vocation agricole ne peut être contestée et que l'installation d'établissements hippiques, justifiée par la proximité des anciens haras du château, répond à la vocation touristique d'Hénonville soulignée lors de l'enquête publique par le commissaire-enquêteur ; que le moyen tiré du détournement du pouvoir dont serait entachée la décision classant cette partie de l'ancien parc du château d'Hénonville en zone NC doit, dès lors, être écarté ;

    En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :

    Considérant qu'aux termes de cet article : « Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune, intéressé au classement en zone NC et NAia des parcelles litigieuses, a rapporté le projet de délibération ayant conduit à l'adoption du plan d'occupation des sols, laquelle est intervenue lors d'une séance du conseil municipal à laquelle il participait ; que la participation à cette séance d'une personne intéressée au classement des parcelles litigieuses a été de nature à vicier la procédure d'élaboration du plan d'occupation des sols en tant qu'il concerne lesdites parcelles ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération du conseil municipal approuvant le plan d'occupation des sols de la commune d'Hénonville en tant que ce document d'urbanisme classe en zone NC et NAia les terrains mentionnés ci-dessus ; que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par les requêtes n'est de nature à justifier l'annulation demandée ;

    Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Hénonville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; 



    D E C I D E :
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    Article 1er : L'arrêt du 16 décembre 2004 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

    Article 2 : La délibération du conseil municipal de la commune d'Hénonville approuvant le plan d'occupation des sols est annulée en tant que ce plan classe en zone NC une partie de l'ancien parc du château d'Hénonville et en zone NAia la parcelle située à l'angle de la route départementale 121 et de la route départementale 105.

    Article 3 : Le jugement du 9 juillet 2002 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

    Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE est rejeté. 

    Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Hénonville sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

    Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION LES AMIS DU CHATEAU D'HENONVILLE, à la commune d'Hénonville et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer."

  • Détournement de pouvoir : un exemple

    Voici un arrêt qui statue en retenant le détournement de pouvoir :

     

    "Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars 1992 et 23 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :


    1°) d'annuler le jugement en date du 22 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé : - la délibération en date du 5 mai 1986 du conseil municipal de la commune d'Angicourt, d'une part, en ce qu'elle classe en zone UD les parcelles A. 305 et A. 307 et, d'autre part, en ce que le règlement du plan d'occupation des sols qu'elle approuve omet de reprendre la disposition du rapport de présentation instituant une marge de protection de non constructibilité en bordure des espaces boisés ; - l'arrêté du 23 octobre 1986 par lequel le maire de la commune d'Angicourt lui a accordé un permis de construire sur lesdites parcelles ;


    2°) de rejeter les demandes présentées par l'Association pour la sauvegarde d'Angicourt et le Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise devant ce tribunal ;


    3°) de condamner l'Association pour la sauvegarde d'Angicourt et le Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;


    Vu les autres pièces du dossier ;


    Vu le code de l'urbanisme ;


    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;


    Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;


    Après avoir entendu en audience publique :


    - le rapport de Mme Hubac, Maître des Requêtes,
    - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Jean X...,
    - les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

    Considérant que, par trois demandes distinctes, l'Association pour la sauvegarde d'Angicourt et le Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise ont demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation, d'une part, sous le n° 86-1415, de la délibération du 5 mai 1986 du conseil municipal de la commune d'Angicourt approuvant la révision du plan d'occupation des sols de la commune, d'autre part, sous les n°s 87-172 et 87-183, de l'arrêté du 23 octobre 1986 accordant à M. Jean X... le permis de construire sur les parcelles A. 305 à A. 307 classées en zone UD au plan d'occupation des sols approuvé le 5 mai 1986 ; que, après les avoir jointes, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à ces demandes par un jugement du 22 janvier 1992 et a annulé le permis de construire de M. X... par voie de conséquence de l'illégalité du classement desdites parcelles ; que M. X..., qui n'était pas partie et n'a pas été mis en cause dans l'affaire n° 86-1415, n'est recevable à faire appel du jugement susmentionné du tribunal administratif d'Amiens qu'en tant qu'il a, par son article 3, annulé le permis de construire dont il était titulaire ;


    Considérant que M. X..., propriétaire sur le territoire de la commune d'Angicourt des parcelles cadastrées A. 305 à A. 307, classées en zone ND en tant qu'espace boisé à conserver par le plan d'occupation de sols rendu public le 27 octobre 1975, puis reclassées en zone UD constructible par le plan d'occupation des sols approuvé le 26 octobre 1978, a obtenu le 22 juin 1981 le permis tacite d'y construire une maison d'habitation ; que ledit permis a été annulé par le tribunal administratif d'Amiens le 22 juin 1982 et que la requête d'appel de M. X... contre ce jugement a été rejetée par le Conseil d'Etat par une décision du 4 mars 1987, en raison de l'illégalité du classement desdites parcelles en zone UD ; que ces parcelles ont été reclassées en zone ND par le plan d'occupation des sols révisé approuvé le 25 juillet 1983 ; que, toutefois, au terme d'une nouvelle modification du plan d'occupation des sols approuvée par délibération du 5 mai 1986, lesdites parcelles ont à nouveau été classées en zone UD et qu'un permis de construire a été délivré à M. X... le 23 octobre 1986 ;

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le classement des parcelles de M. X... en zone UD par la délibération approuvant la modification du plan d'occupation des sols de la commune d'Angicourt n'a été décidé que dans le but de rendre constructibles lesdites parcelles, supportant la construction entreprise par M. X..., et de régulariser ainsi une situation de fait ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. X..., que la décision aurait eu un objectif d'intérêt général ou répondu à des considérations d'urbanisme qui auraient justifié d'étendre la zone UD au détriment des espaces boisés à conserver dans cette partie de la commune ; que, dans ces conditions, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'està tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis de construire qui lui avait été délivré le 23 octobre 1986 au motif de l'illégalité qui entachait le classement desdites parcelles en zone UD du plan d'occupation des sols ;


    Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :


    Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Association pour la sauvegarde d'Angicourt et le Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise, qui ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à payer à M. X... le remboursement des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;


    Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.


    Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean X..., à l'Association pour la sauvegarde d'Angicourt, au Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise, à la commune d'Angicourt et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme."