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  • Le bail commercial, la demande de déspécialisation et le commandement visant la clause résolutoire

    Un commerçant qui allait prendre sa retraite avait souhaité céder son droit au bail et avait signifié un acte de déspécialisation à ses bailleurs, auquel ceux-ci n'avaient pas répondu négativement.

     

     

    Ils lui avaient cependant délivré un commandement visant la clause résolutoire prévue au bail au motif que le fonds n’était pas exploité.

     

     

    La Cour de Cassation approuve les juges d’avoir décidé que ce commandement ne pouvait être considéré comme une réponse négative à la demande de déspécialisation :

     

     

     « Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er février 2007) rendu en matière de référé, que les consorts X..., propriétaires indivis de locaux à usage commercial à destination de tabac, presse, bimbeloterie et cadeaux, les ont donnés à bail le 29 juillet 1985 à M. Y... ; que le locataire souhaitant faire valoir ses droits à la retraite, a décidé de céder son droit au bail et a signifié, le 12 août 2005, un acte de déspécialisation à ses bailleurs les consorts Z... et à son créancier inscrit la caisse méditerranéenne de financement (CAMEFI) ; que le 11 octobre 2005, les consorts X... lui ont notifié un commandement visant la clause résolutoire indiquant que deux propriétaires des lieux ne s'étaient pas vus signifier l'acte de déspécialisation ; que M. Y... a , les 7 et 10 novembre 2005, notifié celui-ci aux consorts A... ; que le 2 décembre 2005, les bailleurs ont assigné M. Y... en acquisition de la clause résolutoire et expulsion, faute d'avoir tenu les lieux garnis et la boutique ouverte et achalandée ;

     

     

     

    Attendu que les consorts B..., C..., A... font grief à l'arrêt de rejeter ces demandes alors, selon le moyen :

     

     

    1°/ que le bailleur dont le locataire, qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, lui a signifié son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance ; qu'un commandement contestant la demande de déspécialisation du bail signifié au locataire dans le délai de deux mois constitue la preuve du refus d'accord du bailleur à celle-ci, de sorte que cet accord ne peut être réputé acquis ; qu'en décidant néanmoins que le commandement signifié par les consorts Z... le 11 octobre 2005 ne saurait s'analyser comme un refus d'accord de leur part, la cour d'appel a violé les articles L. 145-51 du code de commerce et 808 du code de procédure civile ;

     

     

    2°/ que subsidiairement, les clauses de résiliation de plein droit pour cessation d'activité cessent de produire effet pendant le temps nécessaire à la réalisation des transformations faites après l'obtention d'un accord du bailleur relatif à la déspécialisation des lieux loués ; qu'en cas de pluralité de bailleurs, le preneur doit signifier sa demande de déspécialisation du bail à chacun d'eux et obtenir l'accord de chacun d'eux ; qu'en affirmant néanmoins que la clause de résiliation de plein droit pour cessation d'activité stipulée dans le contrat de bail de M. Y... était suspendue le 11 octobre 2005 pour en déduire que le commandement délivré à cette date, resté infructueux pendant un mois, enjoignant à ce dernier d'exécuter ses obligations contractuelles, n'avait pas pu avoir pour effet de résilier son bail après avoir pourtant constaté qu'à cette date, M. Y... n'avait pas signifié sa demande de déspécialisation à l'ensemble des bailleurs de sorte qu'en l'absence d'accord de chaque bailleur sur la déspécialisation, la clause de résiliation de plein droit pour cessation d'activité n'avait pas cessé de produire effet, la cour d'appel a violé les articles L. 145-41 et L. 145-51 du code de commerce, 1134 du code civil et 808 du code de procédure civile ;

     

     

    3°/ qu'à titre également subsidiaire, toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit produit effet un mois après un commandement demeuré infructueux ; qu'en se bornant à affirmer que les consorts C..., B..., A... ne justifiaient pas que dans le mois du commandement délivré le 11 octobre 2005 à M. Y... , le fonds serait resté fermé pour en déduire qu'il n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles relatives à l'exploitation et à la garniture des lieux loués, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dernier, ayant été admis à percevoir ses droits à la retraite dès le 1er juillet 2005, ne pouvait plus légalement exploiter aucun fonds de commerce depuis cette date, de sorte que le fonds était nécessairement resté fermé dans le mois du commandement signifié postérieurement à cette date, ce dont il résultait que M. Y... avait manqué à ses obligations contractuelles ce qui justifiait la résiliation de plein droit du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-41 et L. 145-51 du code de commerce, 1134 du code civil et 808 du code de procédure civile ;

     

     

    Mais attendu qu'ayant constaté que les bailleurs ne justifiaient pas que dans le mois du commandement visant la clause résolutoire, le fonds serait resté fermé et que le seul constat d'huissier de justice versé aux débats faisait état du magasin fermé les 29 septembre 2005, 3,4,5,6 et 7 et 10 octobre 2005, la cour d'appel, qui a dit à bon droit que le commandement visant la clause résolutoire ne pouvait s'analyser comme un refus d'accord à la déspécialisation, a pu retenir, abstraction faite du motif surabondant relatif à la suspension de la clause de résiliation de plein droit et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'il n'y avait pas lieu à référé ».

     

     

    (Cour de Cassation 5 mars 2008)

     

     

    L’article L145-51 du Code de Commerce :

     

     

    « Lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. A défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance.

     

     

     

    La nature des activités dont l'exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble.

     

     

     

    Les dispositions du présent article sont applicables à l'associé unique d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail. »

     

     

  • La modification du POS (ou du PLU) et le détournement de pouvoir

    Le fait de modifier un document d'urbanisme dans le but de permettre la réalisation d'une construction ayant fait l'objet d'une annulation d'autorisation parce qu'elle violait le règlement d'urbanisme antérieur n'est pas forcément constitutif d'un détournement de pouvoir :

     

     

    « Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2007, complétée par mémoire enregistré le 9 janvier 2008, présentée pour M. et Mme André X, demeurant ..., par la Selarl Soler-Couteaux/Lllorens, avocats au barreau de Strasbourg ;

     

    M. et Mme X demandent à la Cour :

     

    1°) d'annuler le jugement n° 0404674 en date du 21 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Marckolsheim en date du 25 octobre 2004 délivrant un permis de construire à la SCI du Grand Bleu ;

     

    2°) d'annuler le permis de construire susmentionné ;

     

    3°) de mettre à la charge de la commune de Marckolsheim la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

     

     

    Ils soutiennent que :

     

     

    -  le jugement attaqué est entaché d'absence de motivation;

     

    - le permis de construire contesté est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité du plan d'occupation des sols de la commune qui a fait l'objet d'une modification pour rendre possible la délivrance du permis de construire un centre équestre, antérieurement illégal ;

     

    - le plan local d'urbanisme a été irrégulièrement modifié, dès lors que la modification en cause comporte de graves risques de nuisance, ce qui obligeait la commune à mettre en œuvre la procédure de révision ;

     

    - il n'est pas douteux que l'exploitation d'un centre équestre comporte des risques graves de pollution des eaux souterraines ;

     

    - la modification en cause est entachée de détournement de pouvoir à celle en ce qu'elle a uniquement eu pour objet de régulariser la construction d'un manège à chevaux dont le précédent permis de construire avait été suspendu par le juge des référés administratifs ; - cette modification n'obéit qu'à des préoccupations d'intérêt privé, ce qui caractérise bien le détournement de pouvoir ;

     

    - la cour doit donc écarter les dispositions du plan d'occupation des sols modifié et constater que le permis de construire est illégal au regard des dispositions antérieures du plan d'occupation des sols ;

     

    - le permis de construire litigieux méconnaît les dispositions du règlement sanitaire départemental ;

     

     

    Vu le jugement attaqué ; Vu enregistré le 30 août 2007, le mémoire en défense présenté par la commune de Marckolsheim, par Me Sonnenmoser, qui conclut au rejet de la requête et demande la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

     

    Elle soutient que :

     

    - le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

     

    - les modifications du plan local d'urbanisme relevaient de la simple procédure de modification et non de la procédure de révision, compte tenu de l'objet des modifications en cause qui n'emportent pas en soi des nuisances graves ;

     

    - la création du centre équestre ne comporte pas de graves risques de nuisance ; - la modification du plan local d'urbanisme n'est pas entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu'elle obéit à un but d'intérêt général et qu'elle est fondée sur des motifs d'urbanisme ;

     

    - le permis de construire en cause ne méconnaît pas les dispositions du règlement sanitaire départemental, dont au surplus certaines dispositions invoquées ne sont pas applicables à l'exploitation d'un centre équestre qui ne constitue pas une activité agricole ;

     

     

    Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de l'urbanisme ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2008 : - le rapport de Mme Stahlberger, présidente, - les observations de Me Dietenhoffer, de la SELARL Soler-Couteau, Llorens, avocat de M. et Mme X ; - et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

     

     

    Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant qu'en se bornant à relever dans son jugement que la modification du plan local d'urbanisme de la commune de Marckolsheim approuvée par délibération du conseil municipal en date du 12 août 2004 ne méconnaît aucune disposition du règlement sanitaire départemental, alors que le moyen était soulevé à l'encontre du permis de construire lui-même et non à l'appui du moyen tiré de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme, le tribunal a entaché ce jugement d'une omission à statuer ; qu'ainsi le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 21 novembre 2006 doit être annulé ;

     

    Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ; Sur la légalité du permis de construire attaqué :

     

    Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme : En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme : Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme : «Le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé par délibération du conseil municipal après enquête publique. La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée (…) c) Ne comporte pas de graves risques de nuisance (…)» ; Considérant que par la délibération du 12 août 2004, le conseil municipal de Marckolsheim a modifié le règlement du plan local d'urbanisme en supprimant, dans l'énoncé de la vocation de la zone INA 4, destinée à des activités de sports, de loisirs ou d'attractions ouvertes au public, la restriction des constructions les accompagnant à des «aménagements légers» et en autorisant des «constructions peu importantes» et «des installations surfaciques», nécessaires aux sports équestres ; que cette modification a en outre porté sur l'article 10 INA 4 relatif à la hauteur des constructions autorisées, portant celle-ci de 5,5 mètres à 8 mètres au faîtage, ainsi que sur l'article 11 INA autorisant une pente de toit plus faible ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces modifications ont été décidées en vue de régulariser l'implantation dans ce secteur d'un centre équestre et doivent être examinées au regard de la nature de l'activité sportive désormais autorisée ; que les modifications en cause ne sont pas d'une grande ampleur et ne génèrent pas par elles-mêmes de graves risques de nuisance ; que la circonstance que le centre équestre existant dans la zone serait une source de nuisances importantes est inopérante à cet égard ; qu'il s'ensuit que les modifications susanalysées ont pu légalement être adoptées selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article L. 123-4 du code de l'urbanisme ;

     

    Sur le détournement de pouvoir : Considérant que s'il est établi que les modifications du plan local d'urbanisme adoptées par délibération du conseil municipal de Marckolsheim en date du 12 août 2004 ont eu notamment pour but de permettre la réalisation d'un centre équestre dans une zone au demeurant déjà réservée aux activités sportives et de loisirs, cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à entacher le plan local d'urbanisme de détournement de pouvoir, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le maire aurait poursuivi ainsi un but étranger à l'intérêt général ;

     

    Sur le moyen tiré de la méconnaissance du règlement sanitaire départemental : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le bâtiment abritant les boxes à chevaux est situé à plus de 25 mètres du reste de la zone de loisirs ou de bâtiments d'habitation de tiers et que la fumière est située à plus de 5 mètres d'immeubles d'habitation du reste de la zone de loisirs ; que si l'écurie est située à 150 mètres de l'étang appartenant aux requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci ait une vocation acquicole ; que, dès lors, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire litigieux méconnaîtrait les dispositions du règlement sanitaire départemental auxquelles se réfère expressément ledit permis ;

     

     

    Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Marckolsheim, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme X le paiement à la commune de Marckolsheim de la somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions ;

     

    DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 0404674 en date du 21 novembre 2006 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé. Article 2 : La requête de M. et Mme X est rejetée. Article 3 : M. et Mme X verseront à la commune de Marckolsheim la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme André X, à la commune de Marckolsheim et à la SCI du Grand Bleu. »

     

     

    (Cour Administrative d'Appel de Nancy 7 février 2008)