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  • Bail emphytéotique et fraude au droit de préemption

    Cette décision du 28 mars 2007 de la Cour de Cassation est relative à une espèce assez originale : un bail emphytéotique avait en effet été conclu afin de faire échec au droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles.

     

    On notera la maladresse du preneur qui avait ouvertement déclaré à un huissier que la conclusion de ce bail emphytéotique ne se justifiait que pour faire échec au droit de préemption en question …

     

    « Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 2005), que la société Solvay Spécialités France (la société), propriétaire de terrains et constructions sur le territoire de la commune de Cassis, a conclu avec M. X... par acte authentique du 21 juillet 2000 un bail emphytéotique de 99 ans ; que ces terrains sont compris dans une zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles ; qu'en 2001, le conservatoire du littoral et des rivages lacustres (le conservatoire) a assigné la société et M. X... en annulation du bail qui aurait été signé en fraude de son droit de préemption ; qu'en 2003, ces biens ont fait l'objet d'un transfert de propriété par ordonnance d'expropriation rendue au profit de la commune de Cassis ;

     

    Sur le moyen unique, pris en ses cinq premières branches, réunies, ci-après annexé :

    Attendu qu'ayant relevé que l'extinction des droits réels de l'exproprié résultant de l'ordonnance d'expropriation ne valait qu'à compter de cette décision alors que l'annulation du bail, si elle était prononcée, avait un effet rétroactif, que la qualité à agir du conservatoire, établissement public administratif chargé d'une mission de service public en vertu des articles L. 322-1 et suivants du code de l'environnement, résultait de l'article L. 142-3 du code de l'urbanisme, étant titulaire, comme le département auquel il peut se substituer, d'un droit de préemption, que l'intérêt à agir du conservatoire résultait de la mission qui lui était confiée par la loi de mener des opérations foncières pour la préservation des équilibres écologiques et le respect des sites naturels littoraux , alors que les terrains litigieux se trouvaient dans le périmètre des espaces sensibles à côté de terrains dont cet établissement public était déjà propriétaire, la cour d'appel, qui a déclaré recevable l'action du conservatoire, a, abstraction faite de motifs surabondants relatifs aux arrêtés de déclaration d'utilité publique et de cessibilité, légalement justifié sa décision de ce chef ;

    Sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :

    Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation du bail emphytéotique, alors, selon le moyen, que la fraude au droit de préemption par un bail emphytéotique suppose que ce bail constitue une vente déguisée faisant fraude au droit de préemption ; qu'en ne recherchant pas si tel n'était pas le cas en l'espèce, alors au surplus qu'elle y était fortement invitée aussi bien par la société Solvay que par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation, L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme, notamment L. 142-3, 1134, 1165, 1167 et 2236 du code civil ;

    Mais attendu qu'ayant constaté que la société qui était informée dès le 23 mars 1998 de l'intention du conservatoire d'acquérir les terrains et constructions et de sa recherche d'un accord sur le prix de cession, avait conclu le 21 juillet 2000 un bail emphytéotique pour le prix de 2 500 000 francs outre une redevance annuelle de 60 000 francs, que M. X... avait répondu à un huissier de justice le 27 juillet 2000 que "le bail ne se justifiait que pour faire obstacle au droit de préemption" et relevé que la conclusion d'un bail emphytéotique de la durée maximum de 99 ans avait donc pour objectif délibéré de permettre à la société d'échapper, de fait, à "l'expropriation" désormais privée d'intérêt pour le conservatoire en raison des droits du preneur, et à ce dernier, même en l'absence de pacte de préférence, d'être titulaire d'un droit réel susceptible d'hypothèques et de cession, que compte tenu de la superficie et de la situation du terrain litigieux de plus de 26 hectares, M. X... avait acquis la possibilité de rentabiliser une opération d'intérêt privé à visée spéculative en se plaçant délibérément hors du champ d'application de la loi d'intérêt général puisqu'il était énoncé dans le bail que "l'immeuble donné à bail est destiné à la construction d'immeubles à usage d'habitation ou à la construction et à l'exploitation d'immeubles et d'équipements à usage touristique ou de bureaux à l'exclusion de toutes autres destinations", la cour d'appel qui, procédant à la recherche qui lui était demandée, a retenu que le contrat de bail litigieux n'était donc pas la simple manifestation de l'habileté juridique des parties à cet acte mais caractérisait la fraude aux droits du conservatoire, défenseur de l'intérêt général, pour échapper durablement à son droit de préemption tout en assurant au bailleur et au preneur une rentabilité du bien concerné, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

    PAR CES MOTIFS :

    REJETTE le pourvoi ;

    Condamne M. X... aux dépens ;

    Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M. X... à payer au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 2 000 euros ;

    Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de la société Solvay Spécialités France ».

  • Retrait du permis de construire et annulation de la vente

    Cette décision rendue le 23 mai 2007 par la Cour de Cassation casse un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait jugé que le retrait du permis de construire, après la vente, avait pour effet d’entraîner l’annulation de la vente d’un terrain.

     

    Les conseillers de la cour d’appel avaient jugé que l’effet rétroactif du retrait devait conduire à considérer que le permis de construire n’avait jamais été accordé, alors que la Cour de Cassation considère que cette rétroactivité est sans effet sur l’erreur, qui s’apprécie au moment de la conclusion du contrat.

     

    En fait, les acquéreurs auraient dû prévoir une condition suspensive tenant au caractère définitif du permis de construire.

     

    «Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 octobre 2005), que, selon acte sous seing privé en date du 9 novembre 1998, la SNC Passariello (la SNC) a vendu aux époux Z... une parcelle de terrain à bâtir, située en bordure d'un cours d'eau, sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire ; que celui-ci ayant été délivré le 16 décembre 1998, les parties ont réitéré la vente par acte authentique reçu le 29 décembre suivant par M. Y..., en concours avec M. X..., notaires ; qu'à la suite d'une crue du cours d'eau survenue les 18 et 19 janvier 1999, le maire a, le 4 février 1999, rapporté l'arrêté municipal du 16 décembre 1998 et refusé le permis de construire ; que les époux Z... ont assigné la SNC en annulation de la vente pour erreur sur la substance et MM. Y... et X... en responsabilité ;

    Sur le moyen unique du pourvoi principal :

    Vu l'article 1110 du code civil ;

    Attendu que pour accueillir la demande en annulation de la vente, l'arrêt, qui relève que le retrait fait disparaître rétroactivement la décision qui en fait l'objet laquelle, de ce fait, est réputée n'avoir jamais existé, retient qu'il est établi que le caractère constructible du terrain en cause était un motif déterminant du consentement donné par les époux Z..., dans la mesure où ceux-ci avaient fait insérer dans l'acte sous seing privé en date du 9 novembre 1998 une condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire, et que l'arrêté municipal du 4 février 1999 rapportant le permis de construire précédemment accordé et refusant tout permis consacre le caractère inconstructible du terrain en cause ;

     

    Qu'en statuant ainsi, alors que la rétroactivité est sans incidence sur l'erreur, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

    Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

    Vu l'article 1382 du code civil ;

    Attendu que pour débouter les époux Z..., l'arrêt retient qu'ils n'ignoraient pas que le terrain dont ils faisaient l'acquisition était situé dans une zone inondable, que M. X... et M. Y..., notaires, ont pris la précaution de leur faire signer la fiche intitulée "renseignements d'urbanisme", qui a été annexée à l'acte authentique en date du 29 décembre 1998 et dans laquelle il a été expressément indiqué "inondable de 0 à 1 mètre - limite crue centennale", que dans cet acte, après le rappel du contenu de la note, il est précisé "de laquelle note d'urbanisme, l'acquéreur reconnaît avoir pris connaissance et s'engage à faire son affaire personnelle des indications et prescriptions qu'elle contient" et qu'il apparaît, dès lors, qu'il ne peut être reproché aux notaires intervenants à l'acte d'avoir manqué à leur devoir de conseil en l'état des informations dont ils avaient alors connaissance, étant précisé que les époux Z... qui achetaient ce terrain dans le cadre de la loi Périssol ne contestent pas qu'ils devaient signer cet acte avant le 31 décembre 1998 pour pouvoir mener à bien cette opération sur le plan fiscal ;

    Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les notaires n'avaient pas manqué à leur devoir de conseil en omettant d'éclairer leurs clients sur les risques qu'ils encouraient en s'engageant avant que le permis de construire n'ait acquis un caractère définitif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

    PAR CES MOTIFS :

    CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ».