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  • Le prévenu, l’erreur de droit et le permis de construire

    La Cour de Cassation par cet arrêt du 12 septembre 2006 fait une appréciation rigoureuse de la notion d’erreur de droit dans une espèce où le prévenu déclarait croire être en règle avec les dispositions d’urbanisme :      

     


    « Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la demande de l'association France-Galop, concessionnaire de la ville de Paris pour l'exploitation de l'hippodrome d'Auteuil, site classé par arrêté ministériel, la société Jaulin a érigé courant 2000 et 2002, sur une des pelouses du champ de course, pour abriter un salon d'art de la maison, une structure composée d'un chapiteau en toile pouvant atteindre 135 mètres de long sur 50 mètres de large et 12,20 mètres de hauteur au faîtage, reposant sur une charpente métallique fixée sur une dalle de béton par des boulons ; que Bernard A..., président du conseil d'administration de la société Jaulin, a été poursuivi, à l'initiative de diverses parties civiles, pour avoir effectué ces travaux sans permis de construire, méconnu les dispositions du plan d'occupation des sols, modifié dans son état ou son aspect un site classé sans autorisation et dégradé un site classé ; que le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des deux premières infractions, après avoir écarté l'erreur de droit alléguée, et l'a relaxé pour le surplus par jugement dont Bernard A..., le ministère public et les parties civiles ont relevé appel ;

     

     

    En cet état :

     

     

    Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 122-3 du code pénal, L. 480-4 à L. 480-9 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale :

     

     

    " en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu du délit d'exécution de travaux sans permis de construire et, par conséquent, a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

     

     

     

    " aux motifs qu'"un permis de construire était nécessaire pour édifier la structure litigieuse, avant et après la loi SRU du 13 décembre 2000, et le délit d'exécution de travaux sans avoir obtenu un permis de construire préalable est établi dans sa matérialité ; que Bernard A... fait valoir qu'il avait été autorisé à ériger initialement cette structure et à la remonter par la mairie de Paris ; qu'il produit ainsi une lettre signée pour le maire de Paris et par délégation du sous-directeur des affaires économiques, en date du 11 octobre 1999, qui autorise la société France-Galop à utiliser la pelouse C, au sein de l'hippodrome d'Auteuil, pour l'édification d'une structure de 6 750 m2 afin d'y organiser un salon de "l'Art de la Maison" ; que de même, il fait état d'une lettre, en date du 20 novembre 2001, signée par le directeur des finances et des affaires économiques de la mairie de Paris, qui autorise le maintien de la tente dressée sur la pelouse C jusqu'au 31 décembre 2001 ; que dans le même sens, le 24 juillet 2003, une conseillère technique au cabinet du maire écrit au président d'une association pour la sauvegarde du site de l'Ilot Blanche-Montmorency que la présence d'une grande tente sur l'hippodrome d'Auteuil, n'étant pas installée en permanence, n'avait pas été jugée illégale mais que compte tenu notamment des protestations des riverains, elle serait maintenue jusqu'au début de l'année 2004 ; que dès lors, il est démontré que la société France-Galop (et, en conséquence, Bernard A...) a toujours eu l'autorisation du maire de Paris (peu important qu'elle émanât de tel ou tel service, dès lors que la qualité de maire est indivisible) pour ériger et remonter cette structure ; que l'élément intentionnel de l'infraction étant ainsi inexistant, il convient de relaxer Bernard A... de ce chef de prévention " ;

     

     

    " 1° alors que, l'erreur sur le droit ne peut résulter d'une information incomplète délivrée par une autorité administrative incompétente ; que la cour d'appel qui retient que l'édification et le maintien de la structure ont été autorisés par simples courriers des services financiers de la mairie de Paris qui n'abordaient pas la question du permis de construire et qui émanaient en tout état de cause d'une autorité illégitime comme dépourvue de toute compétence en matière d'urbanisme, a violé les textes susvisés ;

     

     

    " 2° alors qu'en vertu du principe de légalité des délits et des peines, les événements postérieurs à la commission de l'infraction ne peuvent être retenus pour caractériser ou écarter l'infraction ; que la cour d'appel qui retient un courrier de la mairie de Paris du 24 juillet 2003 pour dire établie la bonne foi du prévenu lors de la commission de l'infraction sur la période 2000-2002, a violé les textes susvisés ;

     

     

     

    " 3° alors que, le permis de construire est rendu dans les formes prévues par le code de l'urbanisme ; que le permis de construire n'est réputé tacitement accordé que si l'administration, saisie d'une demande de permis de construire, n'a pas statué sur cette demande dans le délai d'instruction notifié au demandeur ; que la cour d'appel qui retient que le maire de Paris aurait autorisé l'édification et le maintien de la structure, en l'absence de demande de permis de construire émanant du constructeur et de permis de construire exprès ou tacite délivré par la mairie de Paris dans les formes prévues par le code de l'urbanisme, a violé les textes susvisés " ;

     

     

    Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 122-3 du code pénal, L. 160-1, L. 480-4 à L. 480-9, L. 480-13 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale :

     

     

    " en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu du délit d'exécution de travaux en violation du POS et, par conséquent, a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

     

     

    " aux motifs que, "les parties civiles reprochent au prévenu d'avoir édifié une construction sur un secteur qui bénéficie d'une protection de par son classement en zone ND du plan d'occupation des sols, zone qui recouvre le territoire du Bois de Boulogne, caractérisée essentiellement par sa fonction de protection de l'espace naturel parisien et regroupe principalement des espaces qui ne sont pas destinés à être urbanisés, que seules les reconstructions, rénovations et modernisations de bâtiments, l'implantation d'équipements permettant l'exercice d'activités en relation avec le caractère de la zone, les constructions à usage d'habitation destinées aux personnes dont la présence permanente est nécessaire pour assurer la surveillance et le gardiennage des installations (article ND3) ; que, toutefois, le maire de Paris ayant autorisé cette structure qui n'entre pas dans le cadre d'une urbanisation et dont l'implantation a pu lui apparaître comme n'étant pas contraire au caractère de la zone, ce chef de prévention ne saurait non plus être retenu à l'encontre de Bernard A... " ;

     

     

    " 1° alors que, la cassation à intervenir sur la troisième branche du premier moyen devra également emporter la cassation de l'arrêt en ce que, pour exclure le délit d'exécution de travaux en violation du POS, la cour d'appel a retenu que le maire de Paris avait autorisé l'édification et le maintien de la structure ;

     

     

    " 2° alors qu'en tout état de cause, l'implantation d'un ouvrage peut respecter l'autorisation d'urbanisme délivrée au constructeur, tout en méconnaissant le règlement d'urbanisme de la commune ; qu'en écartant le délit d'exécution de travaux en violation du POS, pris de l'implantation de la structure en zone ND, au seul motif de l'existence d'une autorisation d'urbanisme délivrée par le maire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

     

     

     

    " 3° alors que, si la structure a été édifiée et maintenue conformément à l'autorisation du maire de Paris, la cour d'appel devait, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur le bien-fondé de la prévention d'exécution de travaux en violation du POS et renvoyer l'appréciation de la légalité de cette autorisation au juge administratif ; qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

     

     

    Les moyens étant réunis ;

     

     

    Vu l'article 122-3 du code pénal ;

     

     

    Attendu que, pour bénéficier de la cause d'irresponsabilité prévue par ce texte, la personne poursuivie doit justifier avoir cru, par une erreur de droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir le fait reproché ;

     

     

    Attendu que, pour relaxer Bernard A... des chefs de construction sans permis et d'infraction aux dispositions du plan d'occupation des sols, faute d'élément intentionnel, l'arrêt retient que, par lettres datées respectivement du 11 octobre 1999 et du 20 novembre 2001, le sous-directeur des affaires économiques puis le directeur des finances et des affaires économiques de la ville de Paris ont autorisé, d'une part, l'association France-Galop à ériger une structure de 6 750 m2 au sein de l'hippodrome d'Auteuil afin d'y organiser un salon et, d'autre part, le maintien du chapiteau en place jusqu'au 31 décembre 2001 ; que les juges du second degré prennent également en compte une lettre, en date du 24 juillet 2003, adressée par une conseillère technique du maire de Paris à une association pour la sauvegarde de l'Ilot Blanche-Montmorency selon laquelle la présence provisoire de la tente n'était pas illégale ; qu'ils déduisent de ces courriers que le maire de Paris a autorisé l'association France-Galop, et par voie de conséquence le prévenu, à édifier et maintenir la structure litigieuse ;

     

     

    Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs qui ne justifient ni le caractère inévitable de l'erreur ni la croyance du prévenu dans la légitimité d'une prétendue autorisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

     

     

    D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ».

     

  • Artiste peintre et bail commercial

    Le statut des baux commerciaux est applicable aux artistes peintres, ainsi que le rappelle cet arrêt du 21 février 2007 :

     

    « Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2005), que les époux X..., propriétaires de locaux à usage commercial donnés à bail aux époux Y..., leur ont donné congé avec refus de renouvellement et sans indemnité d'éviction pour défaut d'inscription au registre du commerce ou au répertoire des métiers ; que, les preneurs affirmant que la qualité d'artiste peintre de M. Y... les dispensait de l'immatriculation, les bailleurs les ont assignés pour faire valider ce congé ;

     

     

     

    Sur le premier moyen :

     

     

    Attendu que les bailleurs font grief à l'arrêt de dire non fondé le congé avec refus de renouvellement et sans indemnité d'éviction, alors, selon le moyen,

     

     

    1 / que, pour bénéficier du statut des baux commerciaux, l'artiste doit créer ses oeuvres dans les lieux loués ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-2, I, 6 du code du commerce ;

     

     

    2 / que, pour bénéficier du statut des baux commerciaux, l'artiste doit exercer à titre principal son art dans les lieux loués ; qu'en se bornant à relever que " M. Y... effectue certains travaux de création " dans les lieux loués et qu'il y vend ses propres oeuvres pour décider que le bail était un bail commercial, sans rechercher si l'activité principale exercée par le preneur dans les lieux loués était celle de la création d'oeuvres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 145-2, I, 6 du code du commerce ;

     

     

    Mais attendu qu'ayant constaté que M. Y... était admis à cotiser à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes et reconnu auteur d'oeuvres graphiques et plastiques telles que définies par l'article 98 - A de l'annexe III du code général des impôts, et relevé qu'il réalisait dans les lieux loués des travaux de création, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs qu'il remplissait les conditions exigées par l'article L.145-2, I, 6 du code de commerce pour bénéficier de l'extension légale du statut des baux commerciaux ;

     

     

    D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

     

     

    Sur le deuxième moyen :

     

     

    Attendu que les bailleurs font grief à l'arrêt de dire non fondé le congé sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction, alors, selon le moyen, que le droit d'un artiste de divulguer et d'exploiter ses oeuvres constitue un bien propre sous tous les régimes matrimoniaux ; qu'en énonçant que de tels droits entrent dans l'actif communautaire pour estimer non fondé le refus de renouvellement du bail des époux Y... bien que seul M. Y... ait la qualité d'artiste permettant d'invoquer le bénéficie du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé les articles L. 121-9 du code de la propriété intellectuelle et L. 145-2, I, 6 du code du commerce ».