Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • Mandat apparent de l’agent immobilier et pouvoir de vendre

    Par principe, il est classiquement admis que le mandat dont dispose l’agent immobilier n’est qu’un mandat ayant pour objet de lui permettre de trouver un acquéreur ou un vendeur, mais que ce mandat ne lui permet pas de signer lui-même l’acte de vente ou d’achat à la place du vendeur ou de l’acheteur, qu’il ne peut donc engager. Il arrive parfois, cependant, que l’acheteur puisse considérer que l’agent a le pouvoir de signer l’acte de vente, et cette apparence de mandat peut être retenue par les juridictions :

     

    « Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. Delorme, agent immobilier qui gérait les biens des dames Paris et Martin, a, au vu d'un accord de principe donné par celles-ci par lettres des 16 septembre et 9 octobre 1987, proposé à la vente un immeuble leur appartenant au prix de 60 000 francs ; que le 24 octobre 1987 il a signé en leur nom, avec les époux Salgado, acquéreurs, un compromis de vente ; que le jour même ces derniers ont versé une somme de 6 000 francs, qui a été consignée auprès de M. Lepée, notaire, chargé de dresser l'acte authentique au plus tard le 30 avril 1988 ; que les dames Paris et Martin ont refusé de réitérer la vente en invoquant la nullité du compromis, l'agent immobilier n'ayant pas reçu de leur part un pouvoir conforme aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ; que, se prévalant de l'existence d'un mandat apparent, les époux Salgado les ont assignées ainsi que M. Delorme afin de voir déclarer la vente parfaite entre les parties à la date du 24 octobre 1987 ; que l'arrêt attaqué (Riom, 21 juin 1990) a accueilli leur demande ;

     

    Attendu que Mme Paris fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que dans un domaine où le mandat écrit est obligatoire, comme c'est le cas pour les agents immobiliers, la théorie du mandat apparent n'est pas applicable ; qu'il s'ensuit que l'acquéreur qui traite avec un agent immobilier ne peut pas, en cas de défaut de pouvoir de celui-ci, se prévaloir du mandat apparent à l'égard du propriétaire du bien qui n'a pas donné mandat ; qu'en faisant application de l'apparence en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970, 1985, 1988 et 1998 du Code civil ; alors, d'autre part, que le simple fait, pour l'acquéreur d'un bien immobilier, de traiter avec un agent immobilier connu et inscrit comme tel, ne constitue pas une circonstance suffisante pour le dispenser de vérifier les limites exactes des pouvoirs de cet intermédiaire professionnel, et n'est pas de nature à rendre légitime son erreur sur l'existence du mandat de vendre que lui aurait donné le propriétaire d'un bien particulier, dès lors que le mandat écrit est obligatoire en pareille matière et qu'il appartient à l'acquéreur de s'assurer de l'existence d'un tel mandat ; que, derechef, la cour d'appel a violé les textes précités ;

     

    Mais attendu qu'après avoir relevé que les époux Salgado étaient entrés en relation avec M. Delorme, agent immobilier, en répondant à l'annonce de mise en vente du bien que celui-ci avait fait paraître dans un journal local, la cour d'appel a constaté que M. Delorme avait signé le compromis de vente en qualité de mandataire, terme mentionné dans la dernière page du document ; qu'elle a aussi retenu qu'il n'est pas d'usage qu'en pareilles circonstances des acquéreurs tels que M. Salgado, chaudronnier, et son épouse, sans profession, exigent de la part d'un agent immobilier connu, dont le numéro de la carte professionnelle figurait de surcroît dans le compromis, la présentation du mandat l'autorisant à vendre l'immeuble pour le compte de son propriétaire ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire la croyance légitime des époux Salgado aux pouvoirs du prétendu mandataire ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses critiques ».

    (Cour de Cassation 6 janvier 1994)

     

     
  • Référé provision devant le juge administratif et condition d’urgence

    Par une décision rendue en matière d’urbanisme, le Conseil d’État a décidé que le référé provision n’est pas soumis à la condition de l’urgence ni à la nécessité pour le demandeur d’obtenir le versement de la provision qu’il réclame :

     

     « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 13 juin 1989, le maire de Cannes a accordé à M. A le permis de construire trois immeubles à usage commercial, industriel, artisanal et de bureaux ; que, par arrêté du 9 janvier 1991, le maire a transféré ce permis au bénéfice de la SNC CANNES ESTEREL , société constituée entre M. A et son épouse ; que le maire de Cannes, se fondant sur le défaut de conformité d'un des immeubles en cours de réalisation, a ordonné la suspension des travaux le 9 juin 1992 ; que la SNC CANNES ESTEREL a alors déposé une demande de permis de construire modificatif, qui a été rejetée par le maire de Cannes le 28 juillet 1994 ; que ce refus a été annulé par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en date du 28 juillet 2000 ; que, par une décision en date du 17 décembre 2003, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a estimé que le refus illégal de la commune de Cannes de délivrer, avant le 9 septembre 2002, à la SNC CANNES ESTEREL le permis demandé constituait une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Cannes, ouvrant à la société droit à réparation, et a alloué à cette dernière une provision de 1 500 000 euros à raison de frais certains de remise en état du bâtiment qui était en cours de réalisation lors de l'interruption des travaux et de l'immobilisation pendant plus de huit ans du capital constitué par ce bâtiment et le terrain d'assiette du projet immobilier ;

     

    Considérant que la SNC CANNES ESTEREL , ainsi que M. et Mme A au titre de leurs préjudices personnels, ont présenté devant le tribunal administratif de Nice une nouvelle demande de provision dirigée contre l'Etat et la commune de Cannes au titre de l'ensemble des préjudices qu'ils estiment avoir subis, demande qui a été rejetée par une ordonnance du juge des référés de ce tribunal en date du 9 janvier 2004 ; que ce rejet a été confirmé en appel par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 2 juin 2005 ; que la SNC CANNES ESTEREL et M. et Mme A se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté leurs demandes de provision dirigées contre la commune de Cannes ;

     

    Considérant qu'aux termes de l'article R. 5411 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'octroi d'une provision par le juge des référés n'est aucunement subordonné à l'urgence ou à la nécessité pour le demandeur de l'obtenir ;

     

    Considérant que, pour juger que l'allocation réclamée par la SNC CANNES ESTEREL était sérieusement contestable, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que si cette société faisait état de l'atteinte grave et imminente à ses intérêts du fait de la mesure de saisie immobilière dont elle est menacée par la banque lui ayant consenti le prêt en vue de la réalisation de son projet, aucun élément nouveau ne permettait d'établir que la provision allouée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 17 décembre 2003 serait insuffisante pour sauver le projet de la société, alors que la procédure de saisie immobilière était pendante depuis le mois de mars 1996 devant la justice civile ; qu'en déduisant le caractère contestable de l'obligation dont se prévalait la SNC CANNES ESTEREL de l'absence d'urgence ou de nécessité pour celleci d'obtenir la provision demandée, alors qu'ainsi qu'il a été dit cidessus, une telle condition n'est pas exigée par l'article R. 5411 du code de justice administrative, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit donc, dans cette mesure, être annulé ;

     

    Considérant, en revanche, qu'en se fondant, pour rejeter la demande de provision présentée par M. et Mme A, sur ce que l'état du dossier ne permettait pas d'apprécier l'étendue des préjudices matériels et moraux invoqués par les intéressés, en l'absence de dépôt de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice par une ordonnance en date du 1er octobre 2003, et sur ce que l'obligation dont ceuxci se prévalaient était contestée par la commune de Cannes et en en déduisant que l'existence de l'obligation était sérieusement contestable, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ;

     

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il statue sur la demande de provision formée par la SNC CANNES ESTEREL à l'encontre de la commune de Cannes ;

     

    Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 8212 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

     

    Sur les fins de non-recevoir opposées en première instance et en appel par la commune de Cannes :

     

    Considérant, en premier lieu, que si l'article L. 5214 du code de justice administrative, qui permet aux personnes intéressées de saisir le juge des référés afin qu'il puisse, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin, n'est pas applicable aux décisions prises par le juge des référés sur le fondement de l'article R. 5411 du même code, aucune disposition, ni principe ne fait obstacle à ce qu'une personne à qui une provision a déjà été allouée sur ce fondement, saisisse le juge des référés d'une nouvelle demande de provision, au vu notamment d'un changement dans les éléments de droit ou de fait ou d'un nouveau document ;

     

    Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'absence de production de l'ordonnance attaquée manque en fait ;

     

    Considérant, en troisième et dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient la commune de Cannes, l'appel formé par la SNC CANNES ESTEREL et M. et Mme A contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 9 janvier 2004, notifiée le 19 janvier suivant, a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 3 février et non le 17 ; qu'il n'est donc pas tardif ; qu'il ne méconnaît pas davantage les exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

     

    Sur la demande de provision :

     

    Considérant qu'ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dans sa décision du 17 décembre 2003, l'illégalité commise par le maire de Cannes en refusant, le 28 juillet 1994 de délivrer à la SNC CANNES ESTEREL le permis de construire sollicité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Cannes ; que si la commune de Cannes fait valoir que sa responsabilité ne saurait être retenue audelà du 22 mai 1995, date du terme fixé par la promesse de vente du bien litigieux consentie par la SNC CANNES ESTEREL à une autre société, et que, d'ailleurs, le tribunal de grande instance de Grasse a, par un jugement du 2 novembre 2004, déclaré la vente parfaite à cette date, il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance en date du 22 juin 2006, rendue à l'occasion de l'instance d'appel dirigée contre ce jugement du 2 novembre 2004, le magistrat de la mise en état de la cour d'appel d'AixenProvence a donné acte à la société acquéreuse de son désistement d'instance et d'action et qu'il a été constaté par un arrêt du 8 juin 2006 de cette même cour que cette société avait renoncé à l'ensemble de ses demandes dirigées contre la SNC CANNES ESTEREL en vue de la régularisation de la vente, ainsi qu'au bénéfice du jugement du 2 novembre 2004 ; que, de son côté, la SNC CANNES ESTEREL ne peut demander l'allocation d'une provision au titre de préjudices postérieurs au 9 septembre 2002, date de délivrance du permis sollicité, faute pour elle de démontrer l'existence d'une obligation non sérieusement contestable pour cette période, fondée sur le refus illégal de délivrer ce permis avant cette date ; qu'il en va de même, en l'état de l'instruction, pour les préjudices antérieurs au 28 juillet 1994 imputés à des lenteurs abusives dans l'instruction de sa demande de permis de construire modificatif ;

     

    Considérant, en premier lieu, que l'exigibilité de frais financiers à raison de retards dans le remboursement d'un prêt hypothécaire contracté pour la réalisation du projet immobilier litigieux, constitués d'agios et d'une indemnité pénale au titre de la déchéance du prêt, est à l'origine d'un préjudice indemnisable, dont la SNC CANNES ESTEREL , notamment par la production d'un décompte en date du 6 juin 2004 certifié conforme par la banque créancière, justifie l'existence sur la période précédemment définie allant du 28 juillet 1994 au 9 septembre 2002, pour un montant non sérieusement contestable, en l'état de l'instruction, de 1 000 000 euros ;

     

    Considérant, en deuxième lieu, que la SNC CANNES ESTEREL produit des justificatifs relatifs aux coûts exposés pour la construction du bâtiment B, notamment des situations de travaux certifiés par un tiers ; que, dans ces conditions, si, dans la décision du 17 décembre 2003, l'obligation non sérieusement contestable qui incombe à la ville de Cannes au titre de l'immobilisation pendant plus de huit ans du capital constitué par le bâtiment B et le terrain d'assiette du projet immobilier, préjudice qui doit être apprécié en fonction du taux d'intérêt légal et des coûts d'achat et de construction de ces biens, et des frais certains de remise en état du bâtiment B, avait été évaluée à 1 500 000 euros, elle doit être réévaluée, dans le nouvel état du dossier, à un montant de 1 700 000 euros, sans que soit de nature à y faire obstacle la circonstance que, durant la période d'indemnisation, le marché immobilier aurait évolué favorablement pour la société ; que, par suite, la provision allouée par la décision précitée du 17 décembre 2003 doit être complétée par une nouvelle provision de 200 000 euros ;

     

    Considérant, enfin, que si l'invocation de pertes de revenus locatifs liés à l'exploitation de son projet serait de nature à ouvrir éventuellement droit à indemnisation à la SNC CANNES ESTEREL , les justifications produites par cette dernière ne permettent pas, en l'état de l'instruction, faute notamment de disposer des résultats de l'expertise ordonnée, sur ce point, par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, d'apprécier l'étendue des obligations pesant sur la commune de Cannes au titre de la période d'indemnisation précédemment définie, alors, au surplus, que l'exactitude des données avancées par la société est contestée par la commune de Cannes ;

     

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'accorder à la SNC CANNES ESTEREL une nouvelle provision de 1 200 000 euros ;

     

    Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative :

     

    Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SNC CANNES ESTEREL , qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que la commune de Cannes et la société Generali Assurances Iard demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette même demande à l'égard de M. et Mme A ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros à verser à la SNC CANNES ESTEREL à ce titre ».

    (Conseil d’État 20 décembre 2006)