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  • La cour indivise et la basse cour

    Utiliser une cour indivise en tant que basse-cour n'est pas en l’espèce un usage privatif de cette cour qui justifierait le paiement d'une indemnité d'occupation.

     

    "Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 octobre 2012), que Marie X..., épouse Y... et la société La Haie Mériais (la SCI) étaient propriétaires à Cordemais (Loire-Atlantique) de parcelles divises, ainsi que de deux parcelles indivises constituant une cour commune ; que, par acte du 7 avril 2008, la SCI, reprochant à Marie Y... de s'être appropriée la cour commune en y ayant aménagé un jardin et un poulailler, l'a assignée en cessation de toute utilisation privative du bien indivis et en paiement d'une indemnité d'occupation ;

    Sur les deux premiers moyens réunis, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés : 

    Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ; 

    Attendu, d'abord, que la cour d'appel a estimé souverainement, par motifs adoptés, que, les propriétés respectives des parties étant issues de la division d'un même champ agricole dont la cour commune constituait le centre des activités et Marie Y... et son mari s'étant installés dans les lieux comme agriculteurs en 1960, l'exploitation du jardin potager comme celle du poulailler ne pouvaient être regardées comme des activités non conformes à la destination des lieux ; 

    Attendu, ensuite, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, d'une part, que la SCI ne démontrait pas que le jardin et le poulailler diminuaient ou entravaient de quelque manière que ce soit son propre usage de la cour commune, notamment pour la circulation et le stationnement de ses chevaux et de ses véhicules ou encore pour l'entreposage du matériel nécessaire aux travaux de rénovation par elle entrepris, d'autre part, que Marie Y... était fondée à clôturer le poulailler afin de protéger ses volailles contre l'intrusion du chien de la SCI, la cour d'appel a estimé souverainement que Marie Y... n'avait pas porté atteinte aux droits égaux et concurrents de la SCI sur l'immeuble indivis et a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de rejeter la demande en paiement d'une indemnité d'occupation, abstraction faite du motif invoqué par le deuxième moyen ; 

    D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ; 

    Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, ci-après annexé : 

    Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; 

    PAR CES MOTIFS : 

    REJETTE le pourvoi ; 

    Condamne la société La Haie Mériais aux dépens ; 

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.

    MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

     

    Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société La Haie Mériais 

    PREMIER MOYEN DE CASSATION :

     

     

    Ce moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la S.C.I. LA HAIE MERIAIS tendant à ce qu'il soit enjoint à Madame Y... de cesser toute utilisation privative de la cour commune constituée par les parcelles cadastrées AP 201 et AP 204, ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la complète libération des lieux ; 

    AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article 815-9 du code civillegifrance ont vocation à s'appliquer à l'indivision perpétuelle et forcée dont est l'objet la cour en litige cadastrée AP 201-204 commune aux parties, en ce qu'il résulte du plan des lieux produit aux débats que ce fonds constitue l'accessoire indispensable à la desserte des bâtiments privatifs qui l'entourent ; que selon ce texte, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision ; que c'est par de justes motifs qu'aucun élément ne vient contredire en cause d'appel et qu'il convient d'adopter que le premier juge a retenu que l'exploitation par Madame Y... d'un poulailler et d'un jardin sur cette cour satisfait à ces conditions en ce que la cour commune, anciennement dénommée « cour des fermiers », ainsi que les bâtiments privatifs appartenant aujourd'hui à Madame Y... et à la S.C.I. LA HAIE MERIAIS sont issus de la division d'un même domaine agricole ; qu'ayant acquis en 1960 les bâtiments de ferme et terre agricole précédemment exploitées par les époux Z..., Madame Y... et son mari ont aménagé, vers le milieux des années 1960, le jardin et le poulailler en litige sur la partie de la cour joignant leur propre bâtiment, et que cette occupation n'a jamais soulevé de contestation de la part des co-invidisaires successifs, antérieurement à l'acquisition en octobre 2001 de l'autre partie du domaine par la S.C.I. LA HAIE MERIAIS ; que, de son côté, la S.C.I. LA HAIE MERIAIS utilise largement la cour comme emplacement de stationnement pour ses véhicules ; qu'elle y entrepose des matériaux et y fait circuler ses chevaux ; qu'il n'est nullement démontré par les pièces du dossier en quoi cet usage serait entravé par le jardin et le poulailler de Madame Y... dont la S.C.I. LA HAIE MERIAIS ne précise pas l'utilisation qu'elle pourrait en faire ; que le premier juge a justement retenu que la S.C.I. n'était pas fondée à réclamer la clé du poulailler alors qu'elle ne prétendait pas l'utiliser pour y élever ses propres poules, et que Madame Y... était en droit de se clôturer pour assurer la protection de ses volailles contre l'intrusion du chien de la S.C.I. ; qu'il est établi par les pièces du dossier que la plate-forme aménagée en fumière est très ancienne, son usage remontant au temps des anciens exploitants ; que le premier juge a, par ailleurs, estimé que l'usage exclusif de cette installation par Madame Y... n'était pas établi, étant observé que les photographies versées au dossier révèlent que cette installation est d'accès libre ; que le Tribunal sera également approuvé en ce qu'il a estimé que l'utilisation privative de parties de la cour commune par Madame Y... n'ouvrait pas droit au paiement d'indemnités en l'absence de restriction d'usage préjudiciable à la S.C.I. et de perte de revenus occasionnée à l'indivision ; 

    ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la cour constituée des parcelles AP 201 et AP 204, est indivise entre la S.C.I. LA HAIE MERIAIS et Madame Y... ; cette parcelle se trouve donc placée sous un régime d'indivision forcée et perpétuelle auquel il ne peut être mis fin que du consentement unanime des propriétaires des biens dont elle est l'accessoire ; l'article 815-9 du code civillegifrance rappelle que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits des autres indivisaires ; sauf convention contraire, l'indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise est redevable d'une indemnité ; il s'agit par conséquent d'examiner en l'espèce, si l'implantation d'un poulailler, d'un jardin potager et l'usage de la fumière constituent de la part de Madame Y... une utilisation privative de la cour commune non conforme à sa destination, ou portant atteinte aux droits égaux et concurrents de la S.C.I. LA HAIE MERIAIS ; les propriétaires respectifs sont issus de la division d'un même champ agricole dénommé « Le domaine de la Haie Meriais » dont la cour commune constituait le centre d'activités ; Madame Y... et son mari s'y sont d'ailleurs installés comme agriculteurs en 1960, de sorte que ni l'exploitation d'un poulailler pas plus que celle d'un potager ne peuvent être regardés comme des activités non conformes à la destination des lieux ; la superficie globale de la cour s'établit, selon l'acte de propriété de la S.C.I. LA HAIE MERIAIS, à 1 274 m², et il n'est pas prétendu par la S.C.I. LA HAIE MERIAIS que le poulailler et le jardin, implantés depuis le milieu des années 1960 par Madame Y... à proximité des bâtiments lui appartenant diminuent ou entravent de quelque manière que ce soit son propre usage de la cour, notamment pour la circulation et le stationnement de ses chevaux et de ses véhicules, ou encore pour y entreposer le matériel nécessaire aux travaux de rénovation entrepris ; la S.C.I. LA HAIE MERIAIS, qui ne prétend pas davantage utiliser le poulailler de Madame Y... pour y élever ses propres poules, n'a aucun intérêt à en posséder la clé, alors que Madame Y... est fondée à le clôturer pour assurer la protection de ses volailles contre l'intrusion du chien de la S.C.I. ; quant à la crainte de voir Madame Y... revendiquer l'usucapion des parties communes qu'elle occupe à titre privatif, force est de constater que tel n'est plus le cas dans le cadre de la présente instance, laquelle, en toute hypothèse, est de nature à interrompre une éventuelle possession ; ainsi, faute d'établir que l'usage fait par Madame Y... de la cour commune porte atteinte à son propre droit d'en user selon ses besoins et conformément à sa destination, la S.C.I. LA HAIE MERIAIS est déboutée de ses demandes relatives à la cessation de l'utilisation privative du poulailler et du jardin implantés sur la cour commune ; l'utilisation privative d'une partie de la cour indivise par Madame Y... n'ayant pour conséquence aucune restriction d'usage au détriment de la S.C.I. LA HAIE MERIAIS, ni aucune perte de revenus pour l'indivision, il y a lieu de rejeter sa demande d'indemnités ; 

    1./ ALORS QU'il résulte de l'article 815-9 du code civillegifrance que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision ; qu'il résulte de ce texte que tout indivisaire est en droit de faire cesser les actes accomplis par un autre indivisaire, qui ne respectent pas la destination de l'immeuble ou qui portent atteinte à ses droits égaux et concurrents sur la chose indivise, et d'agir à cet effet, ainsi que pour obtenir réparation du préjudice consécutif auxdits actes ; si bien qu'en retenant que l'un des indivisaires, Madame Y..., était en droit de clôturer une partie de la parcelle indivise pour y exploiter privativement un poulailler, la Cour d'appel a violé le texte précité ;

    2./ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté que la cour commune constituée des parcelles cadastrées AP 201 et AP 204, indivise entre les parties, est l'accessoire indispensable à la desserte des bâtiments privatifs qui l'entourent, si bien qu'en retenant que l'exploitation privative d'un poulailler et d'un jardin sur une partie close de la cour indivise ne portait pas atteinte à sa destination, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 815-9 du code civillegifrance ; 

    DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

     

     

    Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'indemnité d'occupation formulée par la S.C.I. LA HAIE MERIAIS ; 

    AUX MOTIFS QUE le Tribunal sera également approuvé en ce qu'il a estimé que l'utilisation privative de la partie de la cour commune par Madame Y... n'ouvrait pas droit au paiement d'indemnité en l'absence de restriction d'usage préjudiciable à la S.C.I. et de perte de revenus occasionnée à l'indivision ; 

    ALORS QUE, selon l'article 815-9, alinéa 2, du Code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; que ce texte n'exige pas, pour l'attribution de l'indemnité qu'il prévoit, qu'il soit établi que le bien indivis ait été productif de revenus ; si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte précité ; 

    TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

     

     

    Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la S.C.I. LA HAIE MERIAIS à payer à Madame Y... la somme de 1 000 ¿ à titre de dommages et intérêts ; 

    AUX MOTIFS ADOPTES QUE le stationnement des véhicules de la S.C.I. LA HAIE MERIAIS constitue un usage normal et conforme à sa destination de la cour commune ; que si le Tribunal ne doute pas de la part prise par chaque partie dans ce regrettable conflit de voisinage, il reste que la S.C.I. LA HAIE MERIAIS ne s'explique pas sur la nécessité de stationner ses véhicules à proximité de la maison et des dépendances de Madame Y... situées à l'opposé de sa propriété, ni sur le rôle pris par son chien dans l'agression de ses poules et la menace qu'il peut représenter pour elle ; ces brimades quotidiennes sont constitutives d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage et justifient une indemnisation de Madame Y... à hauteur de 1 000 ¿ ; 

    1./ ALORS QUE les juges du fond, qui ont retenu que le stationnement des véhicules était un usage normal et conforme à la destination de la cour commune, mais reprochent à la S.C.I. LA HAIE MERIAIS, pour la condamner à des dommages et intérêts, de ne pas s'expliquer sur la nécessité de stationner ses véhicules dans ladite cour commune, se sont déterminés par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ; 

    2./ ALORS QUE, dans ses écritures devant la Cour d'appel, la S.C.I. LA HAIE MERIAIS contestait la réalité des prétendus troubles du voisinage allégués par Madame Y..., si bien qu'en se bornant à adopter les motifs des premiers juges selon lesquels « la S.C.I. LA HAIE MERIAIS ne s'explique pas sur la nécessité de stationner ses véhicules à proximité de la maison et des dépendances de Madame Y... situées à l'opposé de sa propriété, ni sur le rôle pris par son chien dans l'agression de ses poules et de la menace qu'il peut représenter pour elle », sans s'expliquer sur la réalité des troubles allégués par Madame Y..., la Cour d'appel n'a pas donné de motif à sa décision, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile. 

    3./ ALORS QUE, pour les mêmes raisons, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civillegifrance ; 

    4./ ALORS QU'il appartient à la partie qui demande réparation d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage d'apporter la preuve de ce trouble et du préjudice qu'elle subit, si bien qu'en condamnant la S.C.I. LA HAIE MERIAIS à payer des dommages intérêts à Madame Y... au seul motif qu'elle ne s'expliquait pas sur les allégations de cette dernière, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du code civil."

  • Le notaire doit vérifier dans une vente en l'état futur d'achèvement si les travaux ont commencé

    Le notaire doit vérifier dans une vente en l'état futur d'achèvement si les travaux ont commencé, dès lors que la péremption du permis de construire est susceptible d'être acquise :

     

    "LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

     

    Statuant sur le pourvoi formé par :

     

    1°/ M. Christian X...,

     

    2°/ Mme Brigitte Y..., épouse X...,

     

    domiciliés tous deux...

     

    contre l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile, section B), dans le litige l'opposant :

     

    1°/ à la société A..., société civile professionnelle, dont le siège est 5 place de l'Hôtel de Ville, 95300 Pontoise,

     

    2°/ à M. Christian Z..., domicilié...,

     

    3°/ à la société Caisse régionale normande de financement (Norfi), dont le siège est 17 rue du 11 Novembre, 14000 Caen,

     

    4°/ à la société Catalunya Banc, SA, société de droit étranger, dont le siège est 6 plaza Antonio Maura, 08021 Barcelone (Espagne), prise en la personne de son représentant légal en France, domicilié 4 boulevard Georges Clemenceau, 66000 Perpignan,

     

    5°/ à la société Laurent Mayon, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est 54 cours Georges Clemenceau, 33081 Bordeaux, prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI Les Terrasses d'Alembe,

     

    6°/ à la société Brouard-Daudé, société civile professionnelle, dont le siège est 34 rue Sainte-Anne, 75001 Paris, prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Prestige Finance,

     

    défendeurs à la cassation ;

     

    La société Caisse régionale normande de financement (Norfi), défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident et provoqué contre le même arrêt ;

     

    M. le premier président a, par ordonnance du 30 mai 2014, renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière ;

     

    Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

     

    Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de M. et Mme X... ;

     

    Un mémoire en défense au pourvoi principal et un pourvoi incident et provoqué ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par Me Foussard, avocat de la société Caisse régionale normande de financement (Norfi) ;

     

    La demanderesse au pourvoi incident invoque, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

     

    Un mémoire en défense au pourvoi incident et un mémoire complémentaire en défense au pourvoi incident ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament ;

     

    Un mémoire en défense au pourvoi principal et un mémoire en défense au pourvoi incident et provoqué ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boulloche, avocat de M. Z... ;

     

    Un mémoire en défense au pourvoi principal et des conclusions de mise hors de cause ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SCP A... ;

     

    Un mémoire en défense au pourvoi provoqué a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat de la société de droit espagnol Catalunya Banc ;

     

    Le rapport écrit de Mme Andrich, conseiller, et l'avis écrit de Mme Lesueur de Givry, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

     

    Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 21 novembre 2014, où étaient présents : M. Louvel, premier président, M. Terrier, Mme Flise, M. Guérin, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, présidents, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Gridel, Mme Nocquet, M. Chollet, Mmes Bardy, Riffault-Silk, M. Mas, Mmes Brégeon, Guyot, M. Pimoulle, Mmes Ladant, Duval-Arnould, conseillers, Mme Lesueur de Givry, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;

     

    Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, assistée de Mme Polese-Rochard, greffier en chef au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament et de Me Foussard, l'avis de Mme Lesueur de Givry, premier avocat général, auquel les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

     

    Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi tel que dirigé contre la société Catalunya Banc, venant aux droits de la société Caixa d'Estalvis de Catalunya Terragona I Mansera, la société Laurent Mayon, en sa qualité de liquidateur de la SCI Les Terrasses d'Alembe, et la société Brouard-Daudé, en sa qualité de liquidateur de la société Prestige finance ;

     

    Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 5 octobre 2007 reçu par la société civile professionnelle A... (la SCP A...), notaire, M. et Mme X... ont, au moyen d'un emprunt souscrit auprès de la société Caisse régionale normande de financement (la société Norfi), acquis de la SCI Les Terrasses d'Alembe (la SCI) un appartement et un emplacement de stationnement en l'état futur d'achèvement ; que la société Caixa d'Estalvis de Catalunya, devenue la société Caixa d'Estalvis de Catalunya Terragona I Mansera (la société Caixa) a consenti, le 11 juillet 2007, une garantie d'achèvement selon contrat stipulant que les versements correspondant aux appels de fonds à mesure de l'exécution des travaux devaient, pour être libératoires, être effectués entre les mains du garant ; que le premier appel de fonds a été payé par la société Norfi directement à la SCI, au vu d'une attestation d'achèvement des fondations établie par M. Z..., architecte ; que les travaux n'ayant, en réalité, pas commencé, le permis de construire a expiré deux ans après sa délivrance, soit le 12 octobre 2007 ; que M. et Mme X... ont assigné la SCI depuis lors en liquidation judiciaire, la société Caixa, la SCP A..., notaire, M. Z... et la société Norfi en résolution de la vente et du contrat de prêt et en indemnisation de leurs préjudices ;

     

    Sur le premier moyen du pourvoi incident, qui est préalable :

     

    Attendu que la société Norfi fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à M. et Mme X..., alors, selon le moyen, que l'obligation faite à l'auteur des conclusions de communiquer ses pièces, simultanément au dépôt et à la notification de ses conclusions, est sanctionnée par l'obligation pour le juge, dès lors que la partie adverse le demande, d'écarter des débats les pièces non communiquées en même temps que les conclusions ; qu'en refusant de faire droit à la demande de la société Norfi visant à faire écarter les pièces qui n'avaient pas été communiquées en même temps que les conclusions, au motif que la preuve d'une atteinte aux droits de la défense n'a pas été rapportée, quand la sanction est automatique et qu'elle devait être appliquée avant que les juges du fond puissent examiner les demandes de M. et Mme X... à l'encontre de la société Norfi, les juges du fond ont violé l'article 906 du code de procédure civile ;

     

    Mais attendu qu'ayant relevé que la société intimée, à qui les appelants avaient communiqué leurs pièces quelques jours après la notification des conclusions au soutien desquelles elles étaient produites et qui avait conclu à trois reprises et pour la dernière fois en décembre 2011, avait été en mesure, avant la clôture de l'instruction le 2 octobre 2012, de répondre à ces pièces et souverainement retenu que les pièces avaient été communiquées en temps utile, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu de les écarter ;

     

    D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

     

    Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

     

    Vu l'article 1382 du code civil ;

     

    Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leur demande indemnitaire à l'encontre de la SCP A..., notaire, l'arrêt retient qu'à l'acte de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre la SCI et M. et Mme X... reçu par la SCP A..., le 5 octobre 2007, le vendeur, qui a indiqué qu'une déclaration d'ouverture du chantier avait été faite par lui le 1er juin 2007, disposait d'un délai de quatre mois et demi et que ce délai étant suffisant pour commencer la construction de manière significative afin d'éviter la péremption, le notaire n'avait pas à procéder à d'autres vérifications ou à exiger la justification d'une demande de prorogation du permis de construire qui n'était pas nécessaire en cas de commencement des travaux ;

     

    Qu'en statuant ainsi, alors que ni la formalité d'une déclaration d'ouverture de chantier ni l'existence d'une garantie d'achèvement ne dispensaient le notaire, tenu d'assurer l'efficacité de l'acte de vente en état futur d'achèvement qu'il dressait le 5 octobre 2007, de vérifier le commencement effectif des travaux, seule circonstance de nature à prolonger le délai de validité du permis de construire délivré le 12 octobre 2005, en l'absence de demande de prorogation, et d'informer les acquéreurs des risques qu'ils couraient, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

     

    Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident, réunis :

     

    Vu l'article 1147 du code civil ;

     

    Attendu que pour limiter la condamnation prononcée contre la société Norfi au profit de M. et Mme X..., après partage de responsabilité, l'arrêt retient qu'il y a lieu de tenir compte de la propre négligence des acquéreurs qui n'ont pas respecté les clauses de l'acte ;

     

    Qu'en statuant ainsi après avoir relevé que selon l'acte de vente auquel elle était partie, la société Norfi, banquier prêteur, devait procéder au paiement des acomptes directement entre les mains du garant d'achèvement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

     

    Attendu que la cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi principal n'emporte pas la cassation par voie de conséquence visée à la première branche du troisième moyen du même pourvoi ;

     

    Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches, ni sur le deuxième et le quatrième moyens du pourvoi incident qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

     

    PAR CES MOTIFS :

     

    CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la responsabilité de la SCP A... et de la société Norfi envers M. et Mme X..., l'arrêt rendu le 28 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

     

    Condamne la SCP A... et la société Norfi aux dépens exposés par M. et Mme X... et laisse à chacune des autres parties la charge des dépens qu'elle a exposés ;

     

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP A... et la société Norfi à payer, chacune, la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... et rejette les autres demandes ;

     

    Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

     

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le cinq décembre deux mille quatorze par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

     

    Moyens annexés au présent arrêt

     

    Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X..., demandeurs au pourvoi principal

     

    PREMIER MOYEN DE CASSATION

     

    M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société A... ;

     

    AUX MOTIFS QUE le premier juge a estimé que la société A... avait commis une faute en recevant l'acte de vente, d'une part le 5 octobre 2007, soit sept jours avant l'expiration de l'autorisation de construire, alors qu'une ouverture de chantier au 1er juin 2007 ne permettait pas la réalisation, avant la date de péremption, d'un programme immobilier de quarante-sept logements, d'autre part sans avoir requis la production d'une demande de prorogation du permis de construire, alors qu'une telle demande devait être présentée au moins deux mois avant l'expiration de l'autorisation, c'est-à-dire en l'espèce le 12 août 2007 au plus tard ; que M. et Mme X... reprennent ces griefs à leur compte devant la cour, en soutenant que le notaire n'a pas mis en oeuvre tous les moyens destinés à assurer l'efficacité et la sécurité de son acte ; que la motivation du tribunal procède d'une lecture erronée de l'ancien article R. 421-32 du code de l'urbanisme ; qu'en effet, ce texte n'exigeait pas que la construction soit achevée, mais seulement commencée, dans les deux ans de la notification du permis de construire ; que dans la mesure où la société Les Terrasses d'Alembe a indiqué dans l'acte de vente qu'elle avait établi une déclaration d'ouverture de chantier le 1er juin 2007 et où elle disposait donc d'un délai de près de quatre mois et demi, suffisant pour commencer la construction de manière significative afin d'éviter la péremption du permis de construire, la société A..., qui n'avait pas l'obligation de contrôler les déclarations des parties sauf anomalie apparente non invoquée en l'espèce, n'avait pas à exiger la justification d'une demande de prorogation du permis de construire qui n'était pas nécessaire si les travaux avaient commencé ; qu'elle n'a commis aucune faute en recevant l'acte de vente le 5 octobre 2007 ; qu'en l'absence de toute preuve d'une faute du notaire, il convient de réformer le jugement en ce qui concerne la société A... et de débouter M. et Mme X... de leurs demandes à l'encontre de cette partie ;

     

    ALORS QUE tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte qu'il établit, le notaire doit, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, s'assurer que le permis de construire n'est pas périmé ou sur le point de l'être et, à ce titre, vérifier le commencement des travaux dans le délai de péremption, une déclaration d'ouverture de chantier ne constituant pas un tel commencement ; qu'en énonçant pourtant, pour écarter la responsabilité du notaire à raison de la péremption du permis de construire intervenue le 12 octobre 2007, et après avoir relevé que l'acte de vente en état futur d'achèvement conclu entre la société Les Terrasses d'Alembe et M. et Mme X... avait été reçu par Me A..., notaire, le 5 octobre 2007, que dès lors que le vendeur avait indiqué à l'acte qu'une déclaration d'ouverture du chantier avait été établie par lui le 1er juin 2007 et qu'il disposait d'un délai de quatre mois et demi, suffisant pour commencer la construction de manière significative, afin d'éviter la péremption, le notaire n'avait pas à procéder à d'autres vérifications ou à exiger la justification d'une demande de prorogation du permis de construire qui n'était pas nécessaire en cas de commencement des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la cause.

     

     

    DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

     

    M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 10 000 euros la condamnation de la société Norfi à leur verser des dommages et intérêts ;

     

    AUX MOTIFS QUE la société Norfi a été partie à l'acte de vente du 5 octobre 2007, auquel elle est intervenue pour l'octroi du prêt ; qu'elle n'a donc pu ignorer les clauses de cet acte relatives au fait que tous les paiements devaient être effectués sur un compte centralisateur tenu par le garant d'achèvement, la société Caixa de Catalunya ; qu'elle n'a pu d'autant moins l'ignorer que cette obligation était rappelée à trois reprises dans l'acte, aux pages 9, 35 et 44, qu'elle la concernait directement, puisque c'est elle qui devait réaliser les paiements, et que s'il est exact qu'elle a été représentée à l'acte par un clerc de l'étude de la société A..., elle ne conteste pas l'affirmation de celle-ci selon laquelle il lui a été délivré une copie exécutoire le 6 novembre 2007, soit bien avant le versement du premier appel de fonds du 10 janvier 2008 ; qu'il s'ensuit qu'en réglant ce premier appel de fonds par chèque du 15 janvier 2008, d'un montant de 15 390, 00 euros, établi à l'ordre de la société Les Terrasses d'Alembe, et non du garant d'achèvement, elle a commis une faute de négligence ; qu'elle ne peut s'abriter derrière le fait que M. et Mme X... lui ont adressé l'appel de fonds du 10 janvier 2008, dans lequel il était demandé un règlement au profit de la société Les Terrasses d'Alembe, après y avoir apposé la mention manuscrite " bon pour paiement " et l'avoir signé ; qu'en effet, il n'est pas sérieusement contestable que les intéressés, qui sont, respectivement, ouvrier et sans profession, n'étaient pas des emprunteurs avertis ; que la société Norfi ne pouvait donc effectuer un paiement non conforme aux clauses de l'acte de vente sans avoir exercé son devoir de conseil à leur égard ; qu'en s'en abstenant, elle a commis une faute qui a fait perdre à ses clients une chance de pouvoir récupérer les fonds auprès du garant d'achèvement ; que compte tenu de leur propre négligence, puisqu'ils n'ont pas eux-mêmes respecté les clauses de l'acte, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice résultant de la faute de la banque à la somme de 10 000, 00 euros ; qu'il convient en conséquence de condamner la société Norfi au paiement d'une indemnité de ce montant ;

     

    ALORS QUE le banquier dispensateur de crédit engage sa responsabilité lorsque, par sa défaillance, l'emprunteur, acquéreur d'un bien en l'état futur d'achèvement, se trouve privé du bénéfice de la garantie d'achèvement ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté qu'aux termes de l'acte de vente auquel elle était partie, la société Norfi, banquier prêteur, devait elle-même procéder au paiement des acomptes directement entre les mains du garant d'achèvement et jugé que le banquier ne pouvait s'abriter derrière le bon à payer signé par les acquéreurs-emprunteurs qui n'étaient pas avertis et devaient donc bénéficier des conseils de la banque, a néanmoins jugé, pour limiter l'indemnisation accordée à M. et Mme X... à raison du versement d'acompte réalisé par la banque entre les mains du vendeur et non entre celles du garant d'achèvement, qu'il y avait lieu de tenir compte de la propre négligence des acquéreurs qui n'avaient pas respecté les clauses de l'acte, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1147 du code civil.

     

     

    TROISIEME MOYEN DE CASSATION

     

    M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande de condamnation de M. Z..., architecte, à leur verser la somme de 53 875 euros au titre de la perte de chance de pouvoir récupérer les sommes qu'ils devront rembourser à la société Norfi ;

     

    AUX MOTIFS QUE la société Les Terrasses d'Alembe a joint à son appel de fonds du 10 janvier 2008 une " Attestation d'avancement du chantier " datée du même jour, par laquelle l'architecte Christian Z... certifiait que les travaux de fondations pour un certain nombre d'appartements, dont celui de M. et Mme X..., étaient achevés ; que cette attestation s'est ultérieurement révélée inexacte ; que Christian Z... indique qu'il s'était vu confier, pour l'opération dont s'agit, une mission de demande de permis de construire, un contrat de maîtrise d'oeuvre de conception et un contrat de maîtrise d'oeuvre de réalisation ; qu'il reconnaît avoir " fait l'erreur " d'établir le 10 janvier 2008, sans se rendre sur place, une attestation d'avancement des travaux relatif aux fondations de l'aile sud, " qui s'est révélée être une attestation anticipée ", l'entreprise en charge des travaux ne les ayant en définitive pas réalisés, contrairement à un engagement qu'elle avait pris lors d'une réunion de chantier du 13 décembre 2007 ; qu'il conteste avoir été complice des agissements frauduleux du promoteur immobilier qui s'est servi de son attestation pour se faire remettre directement des fonds qu'il a utilisés à d'autres fins ; que toutefois, même s'il n'est pas démontré que Christian Z... ait rédigé son attestation en sachant l'usage qui allait en être fait par la société Les Terrasses d'Alembe, il n'en demeure pas moins qu'il a établi un document dont il ne s'était pas assuré qu'il correspondait à la réalité ; que ce faisant, il a commis une faute d'imprudence qui engage sa responsabilité quasi délictuelle ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu celle-ci ; que M. et Mme X... prient la cour de leur accorder une indemnité de 53 875, 00 euros au titre de la perte de chance de pouvoir récupérer les sommes qu'ils vont devoir rembourser à la société Norfi ; que toutefois, il ne pourra être fait droit à cette réclamation ; que la faute commise par Christian Z... a certes concouru au déblocage de l'appel de fonds du 10 janvier 2008 ; que toutefois, la perte de chance de récupérer ces fonds n'est pas due à la faute de l'architecte, mais au fait que M. et Mme X... ont versé ceux-ci directement à la société Les Terrasses d'Alembe, et non au garant d'achèvement ; qu'il convient de rappeler qu'ils ont d'ailleurs été indemnisés de ce préjudice par la somme de 10 000, 00 euros mise à la charge de la société Norfi ;

     

    1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation, qui critique l'arrêt en ce qu'il a retenu la faute de M. et Mme X... dans le versement de l'acompte du 10 janvier 2008, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen de cassation, l'arrêt s'étant fondé, pour écarter la demande présentée contre l'architecte, sur la faute qu'auraient commise les acquéreurs, et ce en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

     

    2°) ALORS QUE, en tout état de cause, la faute de la victime ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que la faute commise par l'architecte, qui avait rédigé une attestation d'achèvement des fondations avant même que celles-ci ne soient commencées, avait concouru au déblocage de l'appel de fonds du 10 janvier 2008, a néanmoins jugé qu'en raison de la faute commise par les acquéreurs dans le versement de l'acompte, l'architecte n'avait pas à les indemniser, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;

     

    3°) ALORS QUE chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum envers la victime à le réparer intégralement, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier ; qu'en se fondant encore, pour statuer comme elle l'a fait, sur la circonstance inopérante que M. et Mme X... avaient été indemnisés de leur préjudice par une somme mise à la charge de la société Norfi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

     

     

    Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Caisse régionale normande de financement (la société Norfi), demanderesse au pourvoi incident et provoqué

     

    PREMIER MOYEN DE CASSATION

     

    L'arrêt attaqué encourt la censure ;

     

    EN CE QU'il a admis comme partiellement fondée la demande de dommages-intérêts de M. et Mme X..., formée à l'encontre de la Norfi, et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 10 000 euros ;

     

    AUX MOTIFS QUE « selon l'article 906 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'appel, « les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avoué de chacune des parties à celui de l'autre partie » ; que le défaut de respect de ce texte n'est assorti d'aucune sanction ; qu'il ne saurait donc entraîner la caducité de l'appel ni l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant ; qu'il convient seulement de rechercher si le défaut de communication des pièces lors de la signification des conclusions a porté atteinte au principe de la contradiction, ce qui pourrait entraîner l'irrecevabilité des pièces communiquées tardivement ; qu'en l'espèce, les époux X... ont conclu à trois reprises, les 8 avril, 20 juin et 16 août 2011 ; qu'ils ont communiqué leurs pièces selon bordereaux des 26 avril 2011 et 16 août 2011 ; que de son côté, la société Norfi a conclu à trois reprises, les 6 juin, 9 août et 11 décembre 2011 ; que même si la première communication de pièces des époux X... a été postérieure de dix-huit jours à la signification des premières conclusions des intéressés, la société Norfi a été largement en mesure, avant la clôture de l'instruction, prononcée le 2 octobre 2012, de répondre à ces pièces, comme aux conclusions de ses adversaires ; qu'en l'absence de toute violation du principe de la contradiction, il n'y a pas lieu de prononcer l'irrecevabilité des pièces des époux X... » ;

     

    ALORS QUE, l'obligation faite à l'auteur des conclusions de communiquer ses pièces, simultanément au dépôt et à la notification de ses conclusions, est sanctionnée par l'obligation pour le juge, dès lors que la partie adverse le demande, d'écarter des débats les pièces non communiquées en même temps que les conclusions ; qu'en refusant de faire droit à la demande de la Norfi visant à faire écarter les pièces qui n'avaient pas été communiquées en même temps que les conclusions, au motif que la preuve d'une atteinte aux droits de la défense n'a pas été rapportée, quand la sanction est automatique et qu'elle devait être appliquée avant que les juges du fond puissent examiner les demandes de M. et Mme X... à l'encontre de la Norfi, les juges du fond ont violé l'article 906 du code de procédure civile.

     

     

    DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

     

    L'arrêt attaqué encourt la censure ;

     

    EN CE QU'il a admis comme partiellement fondée la demande de dommages-intérêts de M. et Mme X..., formée à l'encontre de la Norfi, et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 10 000 euros ;

     

    AUX MOTIFS QUE « selon l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait » ; qu'en l'espèce, il est inexact qu'en première instance les époux X... n'ont formé aucune demande pécuniaire contre la société Norfi, alors que devant la cour, ils sollicitent la réformation du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer une somme de 53 865, 00 euros à cette société et, à défaut, la condamnation de celle-ci à leur verser une indemnité de 53 875, 00 euros ; que toutefois, il apparaît que cette demande, présentée seulement à titre subsidiaire, pour le cas où leur condamnation envers la société Norfi serait confirmée, tend à opposer la compensation à cette société ; que par application du texte précité, elle est donc recevable ; » ;

     

    ALORS QUE l'exception posée par l'article 564 du code de procédure civile à l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel, lorsqu'elles émanent du demandeur originaire et dans l'hypothèse où la demande nouvelle permet d'opposer la compensation, suppose que l'auteur de la demande nouvelle formule une demande de compensation devant les juges du second degré ; qu'en l'espèce, si les juges du fond ont constaté que M. et Mme X... formulaient une demande de dommages-intérêts, pour la première fois en cause d'appel, à l'encontre de la Norfi, il résulte des commémoratifs de l'arrêt, comme des pièces de la procédure, notamment des conclusions récapitulatives de M. et Mme X... en date du 16 août 2011, que ceux-ci n'ont pas formulé de demande de compensation entre les sommes qu'ils pourraient devoir à la Norfi et les sommes que la Norfi pourrait leur devoir, à titre de réparation ; que faute pour M. et Mme X... de solliciter la compensation, l'exception de l'article 564 ne pouvait recevoir application ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 564 du code de procédure civile.

     

     

    TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

     

    L'arrêt attaqué encourt la censure ;

     

    EN CE QU'il a admis comme partiellement fondée la demande de dommages-intérêts de M. et Mme X..., formée à l'encontre de la Norfi, et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 10 000 euros ;

     

    AUX MOTIFS QU'« en revanche, la société Norfi a été partie à l'acte de vente du 5 octobre 2007, auquel elle est intervenue pour l'octroi du prêt ; qu'elle n'a donc pu ignorer les clauses de cet acte relatives au fait que tous les paiements devaient être effectués sur un compte centralisateur tenu par le garant d'achèvement, la société Caixa de Catalunya ; qu'elle n'a pu d'autant moins l'ignorer que cette obligation était rappelée à trois reprises dans l'acte, aux pages 9, 35 et 44, qu'elle la concernait directement puisque c'est elle qui devait réaliser les paiements, et que s'il est exact qu'elle a été représentée à l'acte par un clerc de l'étude de la société A..., elle ne conteste pas l'affirmation de celle-ci selon laquelle il lui a été délivré une copie exécutoire le 6 novembre 2007, soit bien avant le versement du premier appel de fonds du 10 janvier 2008 ; qu'il s'ensuit qu'en réglant ce premier appel de fonds par chèque du 15 janvier 2008, d'un montant de 15 390, 00 euros, établi à l'ordre de la société des Terrasses d'Alembe, et non du garant d'achèvement, elle a commis une faute de négligence ; qu'elle ne peut s'abriter derrière le fait que les époux X... lui ont adressé un appel de fonds du 10 janvier 2008, dans lequel il était demandé un règlement au profit de la société les Terrasses d'Alembe, après y avoir apposé la mention manuscrite « bon pour payement » et l'avoir signé ; qu'en effet, il n'est pas sérieusement contestable que les intéressés, qui sont respectivement ouvrier et sans profession, n'étaient pas des emprunteurs avertis ; que la société Norfi ne pouvait donc effectuer un paiement non conforme aux clauses de l'acte de vente sans avoir exercé son devoir de conseil à leur égard ; qu'en s'en abstenant, elle a commis une faute qui a fait perdre à ses clients une chance de pouvoir récupérer les fonds auprès du garant d'achèvement ; que compte tenu de leur propre négligence, puisqu'ils n'ont pas eux-mêmes respecté les clauses de l'acte, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice résultant de la faute de la banque à la somme de 10 000, 00 euros ; qu'il convient en conséquence de condamner la société Norfi au paiement d'une indemnité de ce montant ; » ;

     

    ALORS QUE, l'opération de prêt ayant été mise en place dans des conditions régulières et l'emprunteur étant informé, par une clause claire et précise de l'acte de prêt, que les sommes dues par le prêteur doivent être acquittées entre les mains de l'organisme ayant fourni la garantie d'achèvement, le banquier, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client, ne commet pas de faute si, conformément à la demande du client, qui connaît les stipulations du contrat de prêt quant à l'affectation des fonds, il se borne à exécuter l'ordre du client, quant au destinataire de la somme, le client ayant toujours la faculté de prendre la décision de s'écarter du cheminement originairement prévu ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1137 et 1147 du code civil.

     

     

    QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

     

    L'arrêt attaqué encourt la censure

     

    EN CE QU'il a rejeté la demande en garantie formée par la société Norfi à l'encontre de M. Christian Z... et de la société Catalunya Banc ;

     

    AUX MOTIFS QUE « sur le fond, la société Norfi a été condamnée à payer aux époux X... une indemnité de 10 000, 00 euros en raison de sa propre faute, à savoir le fait qu'en méconnaissance des clauses de l'acte du 5 octobre 2007, elle n'avait pas respecté le principe de la centralisation financière des paiements entre les mains du garant d'achèvement ; qu'elle ne peut se faire garantir des conséquences de cette faute par les autres parties » ;

     

    ALORS QUE, lorsqu'une partie, fut-ce à raison de sa faute, a été condamnée à réparer un dommage subi par la victime, elle peut obtenir la garantie, au moins partielle, des autres parties qui ont pu concourir à la production du dommage ayant donné lieu à réparation ; qu'en pareil cas, la charge finale du dommage est répartie en considération de la gravité des fautes respectives ; qu'en décidant que par principe, la Norfi ne pouvait exercer une action en garantie dans la mesure où elle avait commis une faute, les juges du fond, qui ont méconnu les règles ci-dessus, ont violé les articles 1382 et 1384 du code civil et les règles régissant les recours entre parties ayant concouru à la production du dommage."