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  • Une décision du Conseil Constitutionnel sur le droit de l'expropriation

    Voici cette décision et un commentaire peut être lu ici.

     

    Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 janvier 2012 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 165 du 16 janvier 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Youssef et Brahim T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. 

    LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, 

    Vu la Constitution ; 

    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; 

    Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 

    Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; 

    Vu les observations produites pour la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP) par la SELARL Le Sourd Desforges, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 7 février 2012 ; 

    Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 février 2012 ; 

    Vu les observations produites pour les requérants par Me Didier Berhault, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 20 février 2012 ; 

    Vu les pièces produites et jointes au dossier ; 

    Me Berhault, pour les requérants, Me Desforges pour la SEMAVIP et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 mars 2012 ; 

    Le rapporteur ayant été entendu ; 

    1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Dans le délai d'un mois, soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants » ; qu'aux termes de l'article L. 15-2 du même code : « L'expropriant peut prendre possession, moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions faites par lui et consignation du surplus de l'indemnité fixée par le juge » ; 

    2. Considérant que, selon les requérants, en permettant à l'autorité expropriante de prendre possession des lieux en ayant versé la somme qu'elle a elle-même proposée à titre d'indemnisation, la différence avec l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation devant être simplement consignée, ces dispositions méconnaissent l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en avantageant, en cas d'appel, la collectivité expropriante, elles méconnaîtraient également ses articles 6 et 16 impliquant qu'une procédure doit être juste et équitable et garantir l'équilibre des droits des parties ; 

    3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ; que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ; 

    4. Considérant que les dispositions contestées déterminent les règles de droit commun relatives à la prise de possession à la suite d'une expropriation pour cause d'utilité publique ; que l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permet à l'autorité expropriante de prendre possession des biens qui ont fait l'objet de l'expropriation dans le délai d'un mois soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 15-2 du même code que, lorsque le jugement fixant les indemnités d'expropriation est frappé d'appel, l'expropriant peut prendre possession des biens moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions qu'il a faites et consignation du surplus de celle fixée par le juge ; 

    5. Considérant que, si le législateur peut déterminer les circonstances particulières dans lesquelles la consignation vaut paiement au regard des exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789, ces exigences doivent en principe conduire au versement de l'indemnité au jour de la dépossession ; qu'en cas d'appel de l'ordonnance du juge fixant l'indemnité d'expropriation, les dispositions contestées autorisent l'expropriant à prendre possession des biens expropriés, quelles que soient les circonstances, moyennant le versement d'une indemnité égale aux propositions qu'il a faites et inférieure à celle fixée par le juge de première instance et consignation du surplus ; que, par suite, les dispositions contestées des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique méconnaissent l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les dispositions des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 

    6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 

    7. Considérant que l'abrogation immédiate des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2013 la date de cette abrogation, 


    D É C I D E : 

    Article 1er. - Les articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sont contraires à la Constitution. 

    Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er juillet 2013 dans les conditions fixées au considérant 7. 

    Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. 

    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. 

  • Logement décent et WC

    Un arrêt sur cette question :

     

    "Vu l'article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, ensemble les articles 1719 du code civil et 6 de la loi du 6 juillet 1989 ;

    Attendu que le logement décent comporte les éléments d'équipement et de confort suivants : une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un wc, séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l'intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d'une évacuation des eaux usées ; que l'installation sanitaire d'un logement d'une seule pièce peut être limitée à un wc extérieur au logement à condition que ce wc soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ;

    Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2009), que Mme X..., locataire d'un logement appartenant aux consorts Y..., a assigné ceux-ci aux fins d'obtenir leur condamnation à procéder à la mise aux normes de ce logement par l'installation d'un wc intérieur, la réduction du loyer et le paiement d'une indemnité pour le retard apporté à ces travaux ;

    Attendu que pour rejeter ces demandes l'arrêt retient que, dans la mesure où il n'existe qu'une seule pièce, l'article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 permet de limiter l'installation sanitaire à un wc extérieur au logement à condition qu'il soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible, que tel est le cas en l'espèce, un wc étant situé au même étage que les lieux loués ;

    Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le logement pris à bail par Mme X... comportait une pièce disposant d'un volume habitable en conformité avec la norme réglementaire qu'elle a qualifiée de pièce principale et qu'il existait un mur de séparation à l'intérieur du logement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il ressortait que le logement ne comportait pas qu'une seule pièce, a violé les textes susvisés ;

    Et sur le second moyen :

    Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

    Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par ce moyen ;

    PAR CES MOTIFS :

    CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande tendant à la mise aux normes du logement par l'installation d'un wc intérieur et rejeté sa demande de réduction de loyer et d'indemnités pour le retard apporté à ces travaux, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

    Condamne les consorts Y... aux dépens ;

    Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne les consorts Y... à payer à la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts Y... ;

    Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

     

    MOYENS ANNEXES au présent arrêt

    Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour Mme X....

    PREMIER MOYEN DE CASSATION 

    Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mlle X... de sa demande tendant à ce que les bailleurs soient condamnés à prendre en charge l'installation d'un w.-c. à l'intérieur de l'appartement ;

    Aux motifs qu'« il résulte notamment du rapport d'expertise qu'en ce qui concerne la surface habitable, les lieux loués répondent, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, aux normes fixées par l'article 4 du décret n° 2002-120 du janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent ; qu'en effet, il s dispose nt d'une pièce principale qui, si elle n'a pas une surface habitable de 9 m2, dispose d'un volume habitable de 22,43 m3, en conformité avec la norme réglementaire ; qu'en ce qui concerne les WC, dans la mesure où il n'existe qu'une seule pièce, l'article 3 du décret susvisé permet de limiter l'installation sanitaire à un WC extérieur au logement à condition qu'il soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ; que tel est le cas en l'espèce, un WC étant situé au même étage que les lieux loués ; qu'au vu de ces deux éléments, surface habitable et installation sanitaire, dans la mesure où ils répondent aux conditions du décret, les travaux prévus par l'expert, s'agissant de la suppression du mur de séparation, de l'aménagement d'un coin-cuisine et de la création d'une salle de bains, ne relèvent pas des obligations des bailleurs » (arrêt, pages 4 et 5) ;

    Alors, premièrement, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs équivaut au défaut de motifs ; que pour débouter Mlle X... de ses demandes, l'arrêt relève, d'une part, qu'il n'existe qu'une seule pièce dans le logement et, d'autre part, que l'appartement dispose d'une pièce principale ayant un volume suffisant au regard de la norme réglementaire, de sorte que la suppression du mur de séparation n'incomberait pas aux bailleurs ; qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, en déclarant que le logement était composé d'une unique pièce quand il ressortait de ses propres constatations qu'il en comptait au moins deux, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

    Alors, en second lieu, qu'un logement décent doit comporter une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas ; que l'installation sanitaire d'un logement d'une seule pièce peut être limitée à un w.-c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ; que pour débouter Mlle X... de sa demande tendant à ce que les bailleurs soient condamnés à prendre en charge l'installation d'un w.-c. à l'intérieur de l'appartement, l'arrêt retient que la présence d'un w.-c. situé au même étage que les lieux loués est suffisante car il n'existe qu'une seule pièce ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait tant des documents de la cause que de ses propres constatations que la pièce principale du logement était séparée d'une autre pièce par un mur, la cour d'appel a violé l'article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, ensemble les articles 1719 du code civil et 6 de la loi du n° 89-462 du 6 juillet 1989.

    SECOND MOYEN DE CASSATION 

    Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mlle X... de sa demande de réduction du loyer et de sa demande d'indemnité de retard pour la mise aux normes ;

    Aux motifs que « Mme X... n'était fondée à demander la mise aux normes du logement qu'en ce qui concerne seulement l'installation de chauffage ; qu'en application de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 6, le locataire peut demander au propriétaire leur mise en conformité sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours et le juge, qui détermine les travaux à réaliser, peut décider de réduire le montant du loyer ou suspendre son paiement et la durée du bail jusqu'à l'exécution de ces travaux ; qu'il résulte de ces dispositions que le loyer ne peut être réduit qu'à défaut de mise en conformité dans les conditions fixées ; que Mme X..., qui ne conteste pas qu'à ce jour, la mise au norme du chauffage a été effectuée et qui n'invoque pas le dépassement des délais impartis pour sa réalisation, ne peut donc pas demander la réduction du loyer ou sa suspension ; qu'elle ne peut pas davantage demander une réduction du loyer pour une période antérieure à la date d'expiration du délai imparti par le jugement, confirmé sur ce point, pour réaliser les travaux de chauffage ; que, par ailleurs, sa demande en fixation d'indemnité par jour de retard pour la mise aux normes est devenue sans objet » (arrêt, page 5) ;

    Alors que la censure qui sera prononcée du chef du dispositif de l'arrêt critiqué par le premier moyen, qui est le soutien indispensable des dispositions querellées par le second moyen, entraînera par voie de conséquence la cassation de la partie du dispositif se rapportant aux demandes de réduction du loyer et d'indemnité de retard pour défaut de mise aux normes, en application de l'article 624 du code de procédure civile."