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  • L'article 544 du Code civil est-il contraire à la Constitution ?

    Pour le conseil constitutionnel : non.

     

    Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêts nos 997 et 998 du 30 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, d'une part, par MM. Pardaillan M., Octavian M. et Mirca C., ainsi que Mmes Mindra S. et Ann Fruzina T. et, d'autre part, par M. Gheorghe M., Mme Claudia G., M. Mihai G., Mme Martha G., M. Istrati G., Mme Lydia G., MM. Viorel G., Elvis M., Bogdan M., Mares G., Lilian M., Dria G. et Lucian G., Mme Iliana G., MM. Paul T. et Jun M., Mme Roxana T., M. Mihai N., Mme Argentina G. et Magarita G. et M. Gheorghe S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 544 du code civil. 

    LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, 

    Vu la Constitution ; 

    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; 

    Vu le code civil ; 

    Vu le code de procédure civile ; 

    Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; 

    Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 22 juillet et 5 août 2011 ; 

    Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ; 

    Vu les observations produites pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise par Me Pascal Pibault, avocat au barreau du Val-d'Oise ; 

    Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; 

    Me Roger pour les requérants, Me Pibault pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ; 

    Le rapporteur ayant été entendu ; 

    1. Considérant qu'aux termes de l'article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ; 

    2. Considérant que, selon les requérants, le caractère absolu du droit de propriété conduit à ce que toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui soit considérée par les juridictions civiles comme un trouble manifestement illicite permettant au propriétaire d'obtenir en référé, en application de l'article 809 du code de procédure civile, l'expulsion des occupants ; que, par ses conséquences sur la situation des personnes qui vivent dans des résidences mobiles, la définition du droit de propriété porterait atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation, au droit de mener une vie familiale normale, ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement ; 

    3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'aux termes du onzième alinéa de ce Préambule, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; 

    4. Considérant qu'il ressort également du Préambule de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ; 

    5. Considérant qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ; 

    6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » ; que son article 17 dispose : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; 

    7. Considérant, en outre, qu'aux termes du seizième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; 

    8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'il appartient au législateur de mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, et s'il lui est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires, c'est à la condition que celles-ci n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ; que doit être aussi sauvegardée la liberté individuelle ; 

    9. Considérant que l'article 544 du code civil, qui définit le droit de propriété, ne méconnaît par lui-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'en tout état de cause, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité de l'article 809 du code de procédure civile aux droits et libertés que la Constitution garantit, 

    D É C I D E : 

    Article 1er.- L'article 544 du code civil est conforme à la Constitution. 

    Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

  • Le contrat de bail à construction conclu pour un prix dérisoire ou vil n'est pas inexistant mais nul pour défaut de cause

    Ainsi jugé par cet arrêt :

     

    "Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 2010), que, suivant acte authentique du 7 octobre 1988, suivis par des avenants des 22 septembre 1989 et 5 mars 1990, la commune de Cannes a consenti à la société Noga Hôtel Cannes un bail à construction d'une durée de soixante-quinze ans sur un terrain situé 50 boulevard de la Croisette à Cannes ; qu'en contrepartie de la jouissance d'une assiette foncière déterminée, la société Noga Hôtel Cannes s'était engagée à faire construire un ensemble immobilier à usage d'hôtel de luxe, de casino, de salle de spectacle, de galeries commerciales et de parkings dont le coût s'est élevé à 132 750.000 euros et à acquitter un loyer annuel de 762,25 euros ; que, sur poursuite des banques, créancières de la société Noga Hôtel Cannes, un jugement du 9 février 2006 a adjugé le bail à construction à la société Jesta Fontainebleau ; que la commune de Cannes a, par acte du 26 mai 2006, assigné cette société aux fins de voir, à titre principal, constater l'inexistence du contrat de bail à construction, à titre subsidiaire, prononcer sa nullité ;

    Attendu que la commune de Cannes fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite par application de l'article 1304 du code civil, alors, selon le moyen :

    1°/ que l'existence d'un bail, quelle qu'en soit la durée, implique la fixation d'un loyer sérieux ; qu'en estimant que le prix dérisoire affectant la convention de bail à construction ne pouvait être sanctionné par l'inexistence du bail, mais exclusivement par l'absence de cause, la cour d'appel a violé l'article 1108 du code civil ;

    2°/ qu'en tout état de cause, le contrat conclu sans prix sérieux est affecté d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'objet, élément essentiel du contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun ; qu'en estimant cependant que l'action de la commune de Cannes était soumise à la prescription de cinq ans, la cour d'appel a violé l'article 1126 du code civil, ensemble l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

    Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le contrat de bail à construction conclu pour un prix dérisoire ou vil n'était pas inexistant mais nul pour défaut de cause et en a exactement déduit que l'action en nullité de ce contrat, qui relevait d'intérêt privé, était, s'agissant d'une nullité relative, soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ;

    D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

    PAR CES MOTIFS :

    REJETTE le pourvoi ;

    Condamne la commune de Cannes aux dépens ;

    Vu l'article 700:du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Cannes, la condamne à payer à la société Jesta Fontainebleau la somme de 2 500 euros ;

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille onze.

     

    MOYEN ANNEXE au présent arrêt

    Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la commune de Cannes.

    Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de la ville de Cannes à l'encontre de la société JESTA FONTAINEBLEAU prescrite par application de l'article 1304 du code civil ;

    Aux motifs que « pour écarter la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil invoquée par la société intimée, la commune appelante objecte la notion d'inexistence – qui serait imprescriptible – et la prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil, l'action en nullité étant fondée sur l'absence d'objet et non de cause.

    La théorie de l'inexistence du bail du 07 octobre 1988 au motif que "le loyer n'est ni réel ni substantiel et n'offre aucune contrepartie économique ni avantage économique à la ville de Cannes" ne repose, comme le relève à juste raison la société intimée, sur aucun fondement légal. Le législateur n'a prévu en matière contractuelle que la sanction de la nullité dans l'hypothèse où l'un des éléments essentiels et déterminants constituant la convention fait défaut (consentement – cause – objet).

    La référence à l'existence d'un vil prix ou d'un prix dérisoire ne relève que d'une absence de cause au sens de l'article 1131 du code civil, susceptible d'entraîner l'annulation de la convention. L'action de la ville de Cannes fondée sur un prix dérisoire ou vil ne pourrait, en toute hypothèse, aboutir qu'à une annulation du bail pour défaut de cause.

    Le point de départ de la prescription est celui de l'acte, de sorte que l'action ayant été initiée en mai 2006, alors que le bail est d'octobre 1998, le délai de prescription de l'article 1308 du Code civil est acquis.

    La Ville de Cannes ne peut utilement tenter de faire partir le délai e prescription au 23 novembre 2005, date à laquelle a obtenu des services des domaines, la fixation de la valeur vénale de son assiette foncière en vue de la cession éventuelle de ladite assiette.

    Elle soutient que le vice du consentement déterminé par une erreur substantielle et déterminante sur le prix du loyer n'est donc apparu qu'à cette date.

    Cette thèse ne peut être admise dans la mesure où les pièces produites aux débats illustrent le fait que les modalités économiques de l'opération ont été menées après appel d'offres et examen de différentes propositions.

    L'intimée rappelle à raison à cet égard, que NOGA avait proposé d'acquérir le foncier pour 50 millions de francs ou encore d'acquitter pendant la durée d'un bail emphytéotique une rente annuelle de 2 millions de francs, avant d'accepter un paiement en capital de 38 millions de francs, la première offre étant de 35 millions de francs.

    D'autres candidats avaient d'ailleurs fait des offres d'un montant moindre tel la Banque Industrielle Immobilière privée (30 millions avec bail emphytéotique de 75 ans et promesse de bail commercial en fin de période).

    De plus, le bail à construction passé avec NOGA prévoit la remise de la totalité des constructions en fin de bail. La Ville de Cannes ne peut prétendre avoir ignoré le prétendu vil prix sur lequel elle fonde sa prétention dès la conclusion du bail à construction puisque selon sa thèse l'assiette foncière a été valorisée à 375 000 francs, payables en 75 ans.

    La prescription ne peut davantage être celle de l'article 2262 du Code civil relatif aux actes de pure faculté et à ceux de simple tolérance qui ne peuvent fonder ni possession ni prescription. La prescription trentenaire ne peut au demeurant jouer que pour la protection d'intérêt d'ordre public, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'une action relevant d'intérêt privé, dès lors soumise à l'article 1304 du code civil » ;

    Alors, d'une part, que l'existence d'un bail, quelle qu'en soit la durée, implique la fixation d'un loyer sérieux ; qu'en estimant que le prix dérisoire affectant la convention de bail à construction ne pouvait être sanctionné par l'inexistence du bail, mais exclusivement par l'absence de cause, la Cour d'appel a violé l'article 1108 du code civil ;

    Alors, d'autre part et en tout état de cause, que le contrat conclu sans prix sérieux est affecté d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'objet, élément essentiel du contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun ; qu'en estimant cependant que l'action de la société exposante était soumise à la prescription de cinq ans, la Cour d'appel a violé l'article 1126 du code civil, ensemble l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause."