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BDIDU Blog Actualités juridiques Droit Immobilier et Droit de l'Urbanisme par Christophe Buffet Avocat Spécialiste en Droit Immobilier et Droit Public Tél. 02 41 81 16 16 - Page 2192

  • Refus légal d’accorder la force publique pour une expulsion

    Voici une décision qui admet un refus d’accorder la force publique :

     

     

    « Vu le pourvoi, enregistré le 26 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Rolland A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

     

     

    1°) d'annuler l'ordonnance du 10 septembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer, sans délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, l'exécution de l'ordonnance rendue le 20 octobre 2005 par le président du tribunal d'instance de Marseille ordonnant l'expulsion de Mme B ;

     

     

    2°) statuant en référé, d'enjoindre au préfet des BouchesduRhône de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer l'exécution de l'ordonnance rendue le 20 octobre 2005, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

     

     

    3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative ;

     

     

    Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de la construction et de l'habitation ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. A, - les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;

     

     

    Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que, pour demander qu'il soit enjoint au préfet des BouchesduRhône de prendre toutes mesures nécessaires afin d'assurer l'exécution de l'ordonnance rendue le 20 octobre 2005 par le président du tribunal d'instance de Marseille et ordonnant l'expulsion de Mme B, M. A invoquait, non seulement le trouble à l'ordre public qu'aurait occasionné le comportement de Mme B et le fait que cette dernière ne payait plus depuis janvier 2006 les indemnités d'occupation mises à sa charge, mais également la circonstance que le congé donné le 14 janvier 2005 à la locataire était justifié par sa volonté de reprendre le logement objet du bail pour l'habiter luimême ; que le juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 5223 du code de justice administrative, n'a fait état de ce moyen, ni dans les visas, ni dans les motifs de son ordonnance ; qu'il a ainsi insuffisamment motivé cette ordonnance, dont M. A est dès lors fondé à demander l'annulation ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 8212 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de procédure de référé engagée ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 5212 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale » ; Considérant, qu'il incombe à l'autorité administrative d'assurer, en accordant au besoin le concours de la force publique, l'exécution des décisions de justice ; que le droit de propriété, qui constitue une liberté fondamentale, a pour corollaire la liberté de disposer d'un bien ; que le refus de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision juridictionnelle ordonnant l'expulsion d'un immeuble porte atteinte à cette liberté fondamentale ; que les exigences de l'ordre public, appréciées au regard des conséquences de toute nature de l'exécution matérielle de la décision juridictionnelle, peuvent toutefois légalement justifier un refus de concours de la force publique tout en engageant la responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'égalité devant les charges publiques ; Considérant que, pour refuser le concours de la force publique sollicité par le requérant, alors même que ce dernier invoque notamment l'existence d'impayés et son intention de résider lui-même dans le logement donné à bail, l'autorité administrative s'est fondée sur la situation de la personne dont l'expulsion est demandée, laquelle est atteinte d'une pathologie chronique rhumatismale lourde avec impotence et marche difficile ayant justifié son placement en congé de longue maladie, sans qu'elle bénéficie, alors que ses ressources sont faibles, d'une solution de relogement ; que, de tels motifs pouvant être légalement invoqués pour justifier un refus de concours de la force publique, le refus du préfet, en l'état du dossier et dans les circonstances de l'espèce, ne peut être regardé comme entaché d'une illégalité grave et manifeste de nature à justifier l'application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. A ne peut qu'être rejetée, y compris en ce qui concerne les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative ;

     

     

     

    D E C I D E :

     

     

    Article 1er : L'ordonnance du 10 septembre 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Roland A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. »

     

     

    (Conseil d’Etat 23 avril 2008)

     

  • L’apparence, la réalité et la protection de l’emprunteur immobilier

    Il suffit que l’acheteur se présente comme marchand de biens, même s’il ne l’est pas en réalité, à l’occasion d’un achat immobilier, pour que cette affirmation rende inapplicables les dispositions protectrices de la loi du 13 juillet 1979 désormais insérées au Code la Consommation :

    « Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 1er avril 1992), que, suivant une promesse de vente en date du 19 décembre 1990, la société Transmodale a conféré à Mme Thanapoomikul la faculté d'acquérir un immeuble ; que l'acte stipulait qu'en cas de non-réalisation de la vente à une date fixée, la bénéficiaire s'obligeait à verser une somme de 3 millions de francs ; que la société Transmodale a assigné Mme Thanapoomikul devant la juridiction consulaire pour voir juger qu'elle devait cette indemnité d'immobilisation, la loi du 13 juillet 1979 n'étant pas applicable à cette promesse de vente, la bénéficiaire s'étant présentée comme marchande de biens ; que celle-ci a soulevé une exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance ;

    Attendu que Mme Thanapoomikul fait grief à l'arrêt, d'avoir déclaré mal fondée cette exception, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les litiges concernant l'application des dispositions d'ordre public de la loi du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier ressortissent à la compétence du tribunal de grande instance dans certaines hypothèses ; qu'ainsi, en ne recherchant pas comme l'y invitaient les écritures de Mme Thanapoomikul, si la mention, suivant laquelle celle-ci achèterait en qualité de marchand de biens, n'avait pas été insérée par la société Transmodale pour tourner les dispositions particulières d'ordre public, et par voie de conséquence, les règles de compétence d'attribution, en donnant une apparence de régularité à l'absence de condition suspensive d'obtention d'un prêt dans la promesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1, 16, 17, 18, 36 de la loi du 13 juillet 1979 et L. 311-2 du Code de l'organisation judiciaire ; alors, d'autre part, que le litige portant sur une promesse unilatérale de vente d'un immeuble, acte de nature civil, ne pouvait ressortir à la compétence du tribunal de commerce dès lors que Mme Thanapoomikul n'était pas une commerçante, n'était pas une professionnelle de l'immobilier, et n'exerçait pas la profession de marchand de biens, et n'avait jamais réalisé un achat de biens immeubles aux fins de les revendre ; qu'ainsi, en retenant la mention insérée dans la promesse de vente suivant laquelle Mme Thanapoomikul aurait fait cette acquisition dans le cadre de son activité de marchand de biens sans rechercher si les circonstances de l'espèce et la réalité des activités exercées par la bénéficiaire ne démontraient pas qu'en réalité, celle-ci avait souscrit la promesse à titre personnel et non professionnel, de sorte que le litige ressortait à la compétence du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles 1, 631 et 632 du Code de commerce ; alors, en outre, que si la loi répute acte de commerce tout achat de biens immobiliers en vue de les revendre, la promesse unilatérale de vente d'un immeuble, qui n'emporte pas obligation d'achat pour le bénéficiaire, constitue une convention distincte de celle portant sur la vente d'immeuble ; que la mention suivant laquelle l'acheteur fera son acquisition dans le cadre d'une activité de marchand de biens ne peut valoir qu'en cas d'achat de bien et ne pouvait servir pour déterminer la juridiction compétente pour connaître du litige concernant la seule promesse, acte de nature civile ; qu'ainsi, en se fondant sur cette mention inapplicable au litige portant sur la promesse, la cour d'appel a violé les articles 1 et 632 du Code de commerce et l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que la promesse unilatérale de vente signée par Mme Thanapoomikul ne pouvait recevoir la qualification d'acte de commerce dès lors que celle-ci n'avait jamais eu l'intention de faire un achat pour revendre et avait pour seul objectif de se constituer un patrimoine ; qu'en ne recherchant pas si cette intention, connue du promettant, ne donnait pas à l'acte un caractère civil et compétence au tribunal de grande instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1, 631 et 632 du Code de commerce ;

    Mais attendu que l'arrêt relève que Mme Thanapoomikul a déclaré dans la promesse qu'en cas de réalisation de celle-ci elle ferait " cette acquisition dans le cadre de son activité de marchand de biens ", et, qu'elle s'était adressée à des organismes prêteurs spécialisés dans les opérations de crédit aux professionnels de l'immobilier, ce dont il résultait qu'elle avait voulu prendre auprès de ses cocontractants l'apparence d'un marchand de biens ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

    PAR CES MOTIFS :

    REJETTE le pourvoi.

     

    (Cour de Cassation 3 mai 1994)