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BDIDU Blog Actualités juridiques Droit Immobilier et Droit de l'Urbanisme par Christophe Buffet Avocat Spécialiste en Droit Immobilier et Droit Public Tél. 02 41 81 16 16 - Page 1387

  • Bail d'un immeuble adossé à un monument historique et vice caché

    Ce n'est pas un vice caché :

     

    "Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 octobre 2009), que par contrat du 14 novembre 1997 à effet au 1er mars 1998, M. Y... a donné à bail à M. X... un groupe d'immeubles à usage de dépôt destiné à l'exercice d'une activité de club de remise en forme, après réalisation des travaux nécessaires à celle-ci ; que, par contrat du 30 janvier 1998, M. X... a chargé la Société d'études, de recherche et de promotion (la société SERP) de la maîtrise d'oeuvre des travaux ; qu'après dépôt le 4 février 1998 d'une demande de permis de construire, la commune a fait savoir au demandeur, par courrier du 22 avril 1998 qu'en raison de ce que l'immeuble à aménager est adossé aux restes de l'ancienne enceinte de la ville classés parmi les Monuments historiques, un exemplaire du dossier était transmis à la direction régionale des affaires culturelles ; qu'à l'issue d'une réunion du 14 mai 1998, il a été demandé à M. X... et à la société SERP de présenter un nouveau projet et que le 29 mai 1998, le permis de construire a été refusé ; que la société SERP a déposé, le 22 juillet 1998, une demande de permis de démolir et une nouvelle demande de permis de construire pour l'examen de laquelle l'architecte des bâtiments de France a porté son délai de réponse à quatre mois ; que M. X... a résilié le contrat avec la société SERP le 8 octobre 1998 et a fait assigner M. Y... et la société SERP en payement de dommages-intérêts ;


    Sur le premier moyen :

    Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes contre la société SERP, alors, selon le moyen :

    1°/ que l'architecte, tenu à une obligation de diligence, doit établir un projet réalisable qui tienne compte de l'ensemble des contraintes spécifiques à l'immeuble et des règles d'urbanisme applicables à la construction ; qu'en relevant, pour écarter toute faute de l'architecte de ce chef, qu'il n'était pas établi que la première demande de permis de construire déposée par la société SERP n'aurait pas pu faire l'objet d'un avis favorable, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet architecte n'avait pas commis une faute en s'abstenant d'établir un projet de construction intégrant les contraintes inhérentes à la situation de l'immeuble, adossé à un monument historique, en prenant contact avec l'architecte des bâtiments de France afin de lui soumettre ce projet avant le dépôt de la demande, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

    2°/ qu'est causale la faute qui a effectivement provoqué un dommage sans qu'il importe que celui-ci aurait pu ne pas se réaliser ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la première demande de permis de construire déposée par la société SERP portant sur un projet ne tenant pas compte des contraintes inhérentes à l'immeuble adossé à un monument historique a fait l'objet d'une décision de refus motivée par l'absence de solution pour limiter l'impact négatif de ces bâtiments sur la partie des remparts classée monuments historiques, tandis que la troisième demande de permis de construire intégrant ces contraintes a fait l'objet d'une réponse favorable ; qu'en écartant néanmoins la responsabilité encourue de ce chef par la société SERP en relevant qu'il n'était pas démontré que le premier projet n'aurait pas pu faire l'objet d'un avis favorable, la cour d'appel, qui s'est prononcée au vu d'un événement qui aurait pu se produire quand il convenait de s'attacher à ceux qui s'étaient réalisés et qui faisaient apparaître le caractère causal de la faute de la société SERP, a violé l'article 1147 du code civil ;

    Mais attendu qu'ayant relevé que la société SERP ne pouvait ignorer la situation de l'immeuble, qu'en sa qualité de professionnelle de l'immobilier elle devait connaître les conséquences de cette situation sur la nécessité de recueillir l'avis favorable de l'administration des affaires culturelles qui disposait d'un large pouvoir d'appréciation et donc sur la durée d'instruction de la demande de permis de construire, la cour d'appel, qui a pu retenir qu'il ne pouvait pas être reproché à l'architecte d'avoir établi un projet de construction inéluctablement voué à l'échec, qu'il ne pouvait pas davantage lui être reproché de n'avoir pas pris l'initiative de déposer le dossier de demande du permis de construire à la direction régionale des affaires culturelles, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

    Sur le second moyen :

    Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre M. Y..., alors, selon le moyen :

    1°/ que, dans ses conclusions délaissées, M. X... faisait valoir qu'en application de l'article 1721 du code civil, M. Y... , bailleur, était tenu de répondre du vice résultant des contraintes architecturales inhérentes à la situation de l'immeuble et qui imposaient sa destruction partielle en cas de réalisation des travaux nécessaires pour y exercer l'activité commerciale prévue au bail ; qu'en écartant la responsabilité du bailleur sans examiner sa responsabilité au regard de l'article 1721 du code civil invoqué de façon pertinente par le preneur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

    2°/ qu'en toute hypothèse, seule la connaissance effective et complète du vice lors de la conclusion du contrat peut exonérer le bailleur de sa garantie ; qu'en relevant que M. X... ne pouvait ignorer que l'immeuble était adossé aux remparts de la ville sans établir qu'il avait effectivement connaissance des conséquences de cette situation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1721 du code civil ;

    Mais attendu qu'ayant retenu que M. X... exerçant l'activité pour laquelle il avait pris à bail l'immeuble, celui-ci n'était pas impropre à sa destination, que les parties étaient convenues que les travaux et leurs conséquences seraient sous l'entière responsabilité du preneur, qu'il n'était pas allégué que celui-ci avait soumis au bailleur, avant la conclusion du bail, un projet détaillé des travaux qu'il entendait entreprendre et que celui-ci n'était pas tenu d'attirer particulièrement l'attention de son locataire sur les sujétions pesant sur l'immeuble du fait qu'il était adossé à un monument historique, ce dont celui-ci avait pu se convaincre en le visitant, la cour d'appel, qui a répondu au moyen prétendument délaissé, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

    PAR CES MOTIFS :

    REJETTE le pourvoi ; 

    Condamne M. X... aux dépens; 

    Vu l'article 700 du code de procédure civile , condamne M. X... à payer à la société SERP la somme de 2 500 euros et à M. Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ; 

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille onze.


    MOYENS ANNEXES au présent arrêt


    Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X... 


    PREMIER MOYEN DE CASSATION

    Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à ce que la société SERP soit condamnée à lui verser diverses sommes au titre de sa responsabilité ;

    AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur X... fait grief à la société SERP de « - ne pas s'être renseignée sur la situation de l'immeuble au regard du droit de l'urbanisme et, en particulier, qu'il était adossé à un monument classé historique, à savoir les anciens remparts de la ville de POITIERS, et également situé dans le périmètre d'autres monuments classés historiques ; - ne pas avoir informé Monsieur X... des conséquences que cette situation pouvait avoir vis-à-vis des délais d'instruction de la demande de permis de construire et du risque de rejet de la demande ; - avoir établi un projet de construction inéluctablement voué à l'échec » ; que ce dernier grief n'est pas établi, la première demande de permis de construire déposée par la société SERP ayant été rejetée après un avis négatif de la direction régionale des affaires culturelles dont il n'est pas démontré qu'il aurait pu être favorable, celle-ci disposant d'une marge d'appréciation, ce qui ressort de la motivation de son avis négatif selon laquelle le « traitement architectural ne prévoit aucune solution pour limiter l'impact négatif de ces bâtiments sur la partie des remparts classés monuments historiques », ces bâtiments étant ceux qui existaient et dont la conservation était prévue ; qu'il ne peut être reproché à la société SERP de n'avoir pas pris l'initiative de déposer le dossier de demande de permis de construire à la direction régionale des affaires culturelles puisqu'aux termes de l'article R. 421.38.3 du Code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date des faits, il appartenait à l'autorité chargée de l'instruction d'adresser au directeur régional un exemplaire de la demande ;

    ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le retard dans la délivrance du permis de construire, provient de multiples difficultés administratives, que cette situation ne peut être reprochés à la SERP ; qu'aucun délai contractuel n'a été imposé à l'architecte ; qu'il y a eu défaillance entre les services instructeurs concernés, rendez vous entre la DRAC et l'architecte des BATIMENTS DE FRANCE qui a demandé diverses modifications ; que ces demandes de pièces complémentaires et de transmission de dossier ont eu pour conséquence de rallonger l'instruction de la demande ; que ces éléments ne peuvent être reprochés au maître d'oeuvre ; que la longueur de l'instruction de cette demande de permis de construire est motivée par le fait que l'immeuble objet des travaux est adossé à un monument historique ; que le Code de l'urbanisme impose en pareil cas la consultation de l'architecte des BATIMENTS DE FRANCE, dont le délai de réponse est de quatre mois en plus du délai habituel ; que l'architecte des BATIMENTS DE FRANCE dispose d'un pouvoir d'appréciation sur le projet qui lui est présenté et qui échappe donc à l'architecte ;

    1° ALORS QUE l'architecte, tenu à une obligation de diligence, doit établir un projet réalisable qui tienne compte de l'ensemble des contraintes spécifiques à l'immeuble et des règles d'urbanisme applicables à la construction ; qu'en relevant, pour écarter toute faute de l'architecte de ce chef, qu'il n'était pas établi que la première demande de permis de construire déposée par la société SERP n'aurait pas pu faire l'objet d'un avis favorable, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet architecte n'avait pas commis une faute en s'abstenant d'établir un projet de construction intégrant les contraintes inhérentes à la situation de l'immeuble, adossé à un monument historique, en prenant contact avec l'architecte des BATIMENTS DE FRANCE afin de lui soumettre ce projet avant le dépôt de la demande, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

    2° ALORS QU'est causale la faute qui a effectivement provoqué un dommage sans qu'il importe que celui-ci aurait pu ne pas se réaliser ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la première demande de permis de construire déposée par la société SERP portant sur un projet ne tenant pas compte des contraintes inhérentes à l'immeuble adossé à un monument historique a fait l'objet d'une décision de refus motivée par l'absence de « solution pour limiter l'impact négatif de ces bâtiments sur la partie des remparts classée monuments historiques », tandis que la troisième demande de permis de construire intégrant ces contraintes a fait l'objet d'une réponse favorable ; qu'en écartant néanmoins la responsabilité encourue de ce chef par la société SERP en relevant qu'il n'était pas démontré que le premier projet n'aurait pas pu faire l'objet d'un avis favorable, la Cour d'appel, qui s'est prononcée au vu d'un évènement qui aurait pu se produire quand il convenait de s'attacher à ceux qui s'étaient réalisés et qui faisaient apparaître le caractère causal de la faute de la société SERP, a violé l'article 1147 du Code civil.

    SECOND MOYEN DE CASSATION

    Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à voir engager la responsabilité de Monsieur Y... ;

    AUX MOTIFS QUE Monsieur X... déclare rechercher la responsabilité de son bailleur sur le fondement de l'article 1792, alinéa 2, du Code civil et sur celui de la réticence dolosive et de l'erreur sur la substance ; que son argumentation repose sur l'affirmation selon laquelle le bailleur, sachant que le locataire allait faire des travaux importants et n'ignorant pas que l'immeuble était adossé à un monument historique, savait qu'il était impropre à la destination que Monsieur X... souhaitait lui donner ; qu'il est cependant constant que Monsieur X... exerce l'activité pour laquelle il a pris à bail l'immeuble ; que celui-ci n'est donc pas impropre à sa destination ; que s'il est non moins constant qu'il est évident pour les deux parties que cette activité exigeait des travaux d'aménagement importants, nécessaires pour transformer un ancien entrepôt ou garage de poids lourds en un centre de remise en forme, il n'est pas allégué que Monsieur X... avait soumis au bailleur avant la conclusion du bail un projet détaillé des travaux qu'il entendait entreprendre ; que celui-ci n'était pas tenu d'attirer particulièrement l'attention de son locataire sur les sujétions pesant sur l'immeuble du fait qu'il est adossé à un monument historique, ce dont celui-ci avait pu se convaincre en le visitant, d'autant qu'il n'est pas allégué que Monsieur Y... avait été personnellement informé, sollicité ou mis en garde par l'autorité chargée de la conservation de ce monument préalablement à la conclusion du bail ; qu'en outre, il a été convenu que les travaux et leurs conséquences devront être faits sous l'entière responsabilité du locataire ; que le réticence dolosive alléguée n'est pas établie ; qu'à cet égard, il y a lieu d'observer que Monsieur X... ne précise pas quelle information lui aurait été cachée alors qu'il ne pouvait ignorer que l'immeuble était adossé aux restes de l'ancien rempart qui en constituaient l'un des murs et sur lequel l'un des bâtiments reposait, ce qui était très visible lors de la visite des lieux ; que ne poursuivant pas la nullité du bail, il ne tire aucune conséquence de l'erreur sur la substance qu'il invoque ; qu'il s'en suit qu'aucun manquement de Monsieur Y... n'est caractérisé et que Monsieur X... n'est pas fondé à lui imputer la responsabilité des dommages qu'il invoque ;

    1° ALORS QUE dans ses conclusions délaissées, Monsieur X... faisait valoir qu'en application de l'article 1721 du Code civil, Monsieur Y..., bailleur, était tenu de répondre du vice résultant des contraintes architecturales inhérentes à la situation de l'immeuble et qui imposaient sa destruction partielle en cas de réalisation des travaux nécessaires pour y exercer l'activité commerciale prévue au bail ; qu'en écartant la responsabilité du bailleur sans examiner sa responsabilité au regard de l'article 1721 du Code civil invoqué de façon pertinente par le preneur, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

    2° ALORS QU'en toute hypothèse, seule la connaissance effective et complète du vice lors de la conclusion du contrat peut exonérer le bailleur de sa garantie ; qu'en relevant que Monsieur X... ne pouvait ignorer que l'immeuble était adossé aux remparts de la ville sans établir qu'il avait effectivement connaissance des conséquences de cette situation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1721 du Code civil."

  • Une décision du Conseil Constitutionnel sur le droit de l'expropriation

    Voici cette décision et un commentaire peut être lu ici.

     

    Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 janvier 2012 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 165 du 16 janvier 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Youssef et Brahim T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. 

    LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, 

    Vu la Constitution ; 

    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; 

    Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 

    Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; 

    Vu les observations produites pour la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP) par la SELARL Le Sourd Desforges, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 7 février 2012 ; 

    Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 février 2012 ; 

    Vu les observations produites pour les requérants par Me Didier Berhault, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 20 février 2012 ; 

    Vu les pièces produites et jointes au dossier ; 

    Me Berhault, pour les requérants, Me Desforges pour la SEMAVIP et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 mars 2012 ; 

    Le rapporteur ayant été entendu ; 

    1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Dans le délai d'un mois, soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants » ; qu'aux termes de l'article L. 15-2 du même code : « L'expropriant peut prendre possession, moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions faites par lui et consignation du surplus de l'indemnité fixée par le juge » ; 

    2. Considérant que, selon les requérants, en permettant à l'autorité expropriante de prendre possession des lieux en ayant versé la somme qu'elle a elle-même proposée à titre d'indemnisation, la différence avec l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation devant être simplement consignée, ces dispositions méconnaissent l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en avantageant, en cas d'appel, la collectivité expropriante, elles méconnaîtraient également ses articles 6 et 16 impliquant qu'une procédure doit être juste et équitable et garantir l'équilibre des droits des parties ; 

    3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ; que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ; 

    4. Considérant que les dispositions contestées déterminent les règles de droit commun relatives à la prise de possession à la suite d'une expropriation pour cause d'utilité publique ; que l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permet à l'autorité expropriante de prendre possession des biens qui ont fait l'objet de l'expropriation dans le délai d'un mois soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 15-2 du même code que, lorsque le jugement fixant les indemnités d'expropriation est frappé d'appel, l'expropriant peut prendre possession des biens moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions qu'il a faites et consignation du surplus de celle fixée par le juge ; 

    5. Considérant que, si le législateur peut déterminer les circonstances particulières dans lesquelles la consignation vaut paiement au regard des exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789, ces exigences doivent en principe conduire au versement de l'indemnité au jour de la dépossession ; qu'en cas d'appel de l'ordonnance du juge fixant l'indemnité d'expropriation, les dispositions contestées autorisent l'expropriant à prendre possession des biens expropriés, quelles que soient les circonstances, moyennant le versement d'une indemnité égale aux propositions qu'il a faites et inférieure à celle fixée par le juge de première instance et consignation du surplus ; que, par suite, les dispositions contestées des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique méconnaissent l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les dispositions des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 

    6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 

    7. Considérant que l'abrogation immédiate des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2013 la date de cette abrogation, 


    D É C I D E : 

    Article 1er. - Les articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sont contraires à la Constitution. 

    Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er juillet 2013 dans les conditions fixées au considérant 7. 

    Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. 

    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.