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  • Contrat de construction de maison individuelle et force majeure

    Voici un arrêt qui juge que la force majeure peut être invoquée par le constructeur dont la responsabilité est recherchée par son client dan le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle :

     

    "Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 28 septembre 2012), qu'en 1996, Mme X... a confié à M. Y... la construction d'une maison individuelle sur un terrain lui appartenant sis commune du Robert (Martinique) ; que, le 18 novembre 2004, suite à de fortes pluies, un glissement de terrain s'est produit au lieu de l'habitation de Mme X..., entraînant une déstabilisation de l'assise du bâtiment lequel a effectué un mouvement d'environ un mètre provoquant l'apparition de nombreuses fissures ; que Mme X... a déclaré son sinistre à sa compagnie d'assurances, la MAIF ; que, le 11 février 2005, le maire du Robert a pris un arrêté de péril concernant l'immeuble ; qu'après expertise, Mme X... et la MAIF ont assigné M. Y... et la société MAAF en indemnisation ; 

     

    Attendu que Mme X... et la MAIF font grief à l'arrêt de dire que le glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère alors, selon le moyen : 

     

    1°/ que les constructeurs sont responsables de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, et ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit revêtir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que le glissement de terrain survenu le 18 novembre 2004 était dû « pour une grande part aux pluies importantes », lesquelles ne constituaient cependant pas en soi un événement imprévisible à la Martinique ; que dès lors en déclarant, pour estimer que ce glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère, qu'il n'aurait pas pu être détecté par une « étude de sol classique », et qu'il avait été d'une ampleur « telle qu'il a vait revêtu les caractéristiques d'irrésistibilité et d'imprévisibilité caractérisant la cause étrangère ou la force majeure », la cour d'appel, qui constatait pourtant, que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que la forte pluviométrie largement à l'origine du glissement de terrain n'était pas un événement imprévisible à la Martinique, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales s'en évinçant, et a violé l'article 1792 du code civil ; 

     

    2°/ que les constructeurs sont responsables de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, et ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit revêtir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que le glissement de terrain survenu le 18 novembre 2004 était dû « pour une grande part aux pluies importantes », lesquelles ne constituaient cependant pas en soi un événement imprévisible à la Martinique ; que dès lors en se bornant, pour estimer que ce glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère, à déclarer qu'il n'aurait pu être détecté par une « étude de sol classique » et qu'il avait été d'une ampleur « telle qu'il a vait revêtu les caractéristiques d'irrésistibilité et d'imprévisibilité caractérisant la cause étrangère ou la force majeure », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé, par la seule évocation de « l'ampleur » du phénomène, les conditions cumulatives de la force majeure, et qui n'a pas expliqué quel phénomène indépendant des vices du sol et de la pluviométrie, se trouverait à l'origine du glissement de terrain, a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ; 

     

    3°/ que, rappelant que, pour être exonératoire de responsabilité la cause étrangère doit revêtir le caractère de force majeure, dont les critères sont l'imprévisibilité, l'irrésistibilité et l'extériorité, les premiers juges avaient déclaré qu'il convenait de rechercher si le glissement de terrain revêtait les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, et avaient conclu, après une analyse circonstanciée des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis, que le caractère imprévisible et irrésistible du phénomène climatique et du glissement de terrain consécutif n'était pas établi par M. Jean-Claude Y... et par la MAAF, alors que leur revenait la charge de la preuve de l'existence d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité ; que dès lors, en affirmant que les premiers juges n'avaient « retenu que la prévisibilité de fortes précipitations en Martinique, sans rechercher si le glissement de terrain, certes dû pour une grande part aux pluies importantes, ne pouvait constituer un événement présentant les caractéristiques de la force majeure, et qu'ils avaient donc à tort considéré que le constructeur et son assureur étaient responsables au titre de la garantie décennale », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des motifs du jugement entrepris, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 

     

    4°/ que les premiers juges constataient qu'au regard de I'analyse de la société Geode chargée de l'étude géotechnique par la ville du Robert, I'étude du sol révélait une mauvaise qualité de terrain, l'expert mandaté par la municipalité indiquant que : « le substratum du secteur était constitué par une lave altérée et très argilisée à blocs. Hors, zone remblayées ponctuellement sous la route on rencontre depuis la surface, des argiles d'altération puis une frange de lave altérée argilisée, particulièrement molle et de médiocres caractéristiques mécaniques » ; et que les premiers juges estimaient ainsi que l'hypothèse la plus probable était celle d'un vice du sol que le phénomène climatique prévisible n'avait fait qu'objectiver ; que dans ses conclusions d'appel, Mme Ghislaine X... soutenait à cet égard que M. Jean-Claude Y... n'avait ni attiré son attention sur la nécessité d'une étude du sol, ni émis de réserves quant au résultat de la construction en l'absence d'une telle étude, cependant que la maison avait été construite, en majeure partie sur un terrain instable et que l'étude de sol aurait mis en évidence une hétérogénéité des sols et conclu, soit à l'adoption d'un système de fondation différent, soit à I'inconstructibilité du terrain ; que dès lors, en se bornant à affirmer, par référence à une réponse incidente de l'expert à un dire, que le glissement de terrain n'aurait pu être détecté par une étude de sol classique, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel susvisées, si la consistance du terrain et son hétérogénéité n'étaient pas constitutives d'un vice du sol susceptible d'être détectées par une étude du sol et permettant de prendre des mesures préventives ou de dispenser des conseils destinés à empêcher la production du dommage que Mme Ghislaine X... avait subi, la cour d'appel, qui constatait par ailleurs que M. Jean-Claude Y... s'était en effet abstenu, bien qu'il en ait l'obligation, de s'assurer de la qualité du terrain sur lequel devait être érigée la construction, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ; 

     

    Mais attendu qu'ayant retenu que le glissement de terrain n'aurait pas pu être détecté par une étude de sol classique, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, que ce glissement constituait par son ampleur un événement présentant les caractères de la force majeure et a légalement justifié sa décision ; 

     

     

    PAR CES MOTIFS : 

     

    REJETTE le pourvoi ; 

     

    Condamne Mme X... et la MAIF aux dépens ; 

     

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la MAIF ; 

     

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.

     

    MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

     

    Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société MAIF et autre 

     

    IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué : 

     

    D'AVOIR dit que le glissement de terrain survenu le 18 novembre 2004 est un évènement constitutif d'une cause étrangère et débouté la Maif et Madame X... de leurs demandes ; 

     

    AUX MOTIFS QUE sur l'existence d'une cause étrangère et la mise en jeu de la responsabilité décennale du constructeur : aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage, ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; que Madame X... a signé avec Monsieur Y... un contrat de construction de maison individuelle, le 20 août 1996 ; que les travaux ont été achevés, le 28 novembre 1997 ; que suite au glissement de terrain, le maître de l'ouvrage a fait une déclaration de sinistre le 29 décembre 2004, soit dans le délai de la garantie décennale ; que selon le rapport d'expertise du cabinet EURlSK mandaté par la MAAF, les désordres affectant la construction se sont produits à partir du 18 novembre 2004, date à laquelle est survenu un important glissement de terrain « consécutif aux fortes pluies tombées sur la Martinique en novembre 2004 avec, peut être, une interférence de travaux communaux modificatifs de reprise et canalisations des eaux pluviales » ; que l'expert judiciaire a conclu que le glissement de terrain est un facteur naturel qui a rendu la construction inhabitable ; qu'en réponse à un dire du conseil de Monsieur Y..., il a indiqué qu'une étude de sol classique n'aurait pas permis de détecter le glissement sauf si celui-ci était déjà amorcé, ce qui reste impossible à démontrer ; qu'à la demande de la municipalité du Robert, la société GEODE SOLEN a été chargée d'une étude géotechnique relative à la stabilisation du talus aval de la route au quartier ... où se situe l'habitation de Madame X... ; que cette société a mentionné dans son rapport qu'il s'agit d'un glissement général du versant jusqu'à la ravine, lié principalement à la saturation des formations par les eaux de ruissellement et d'infiltration ; qu'elle indique encore qu'il n'est pas exclu, dans l'analyse des causes, que les travaux réalisés pour le plateau sportif situé sur l'autre rive aient dévié le cours de la ravine au pied de la zone étudiée ce qui aurait entraîné par érosion une diminution de la butée de pied du site ; qu'elle expose que les réactivations successives des mouvements en 2004 et 2005 ont pour origine de nouvelles infiltrations des eaux de surface après de forts épisodes pluvieux et que la surcharge de la route par des remblais d'apport pour rétablir la circulation a joué un rôle défavorable dans le bilan des forces agissant sur le massif ; que de I'ensemble de ces analyses, il est donc clair que les désordres déplorés par Madame X... proviennent d'un vice du sol ; que la responsabilité décennale du constructeur ne peut donc être écartée que dans l'hypothèse de l'existence d'une cause étrangère, c'est-à-dire d'un événement irrésistible et imprévisible ; que les appelants sont malvenus à reprocher à Madame X... de n'avoir pas fait réaliser une étude de sol puisque la responsabilité décennale du constructeur incluant les vices du sol, c'est à lui en définitive de s'assurer de la qualité du terrain sur lequel il doit ériger la construction ; que de plus, il est certain qu'une forte pluviométrie pendant la période dite de l'hivernage n'est pas en soi un événement imprévisible à la Martinique ; que cependant, il est clair, qu'en l'espèce, le glissement de terrain n'aurait pas pu être détecté par une étude de sol classique ; qu'il a été, en outre, d'une ampleur telle qu'il a revêtu les caractéristiques d'irrésistibilité et d'imprévisibilité caractérisant la cause étrangère ou la force majeure ; qu'il est dès lors établi que Monsieur Y... se trouve exonéré de la responsabilité décennale du constructeur ; que les premiers juges qui n'ont retenu que la prévisibilité de fortes précipitations en Martinique, sans rechercher si glissement de terrain, certes dû pour une grande part aux pluies importantes, ne pouvait constituer un évènement présentant les caractéristiques de la force majeure ont donc à tort considéré que le constructeur et son assureur étaient responsables au titre de la garantie décennale ; 

     

    1°) ALORS QUE les constructeurs sont responsables de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, et ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit revêtir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que le glissement de terrain survenu le 18 novembre 2004 était dû « pour une grande part aux pluies importantes », lesquelles ne constituaient cependant pas en soi un événement imprévisible à la Martinique ; que dès lors en déclarant, pour estimer que ce glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère, qu'il n'aurait pas pu être détecté par une « étude de sol classique », et qu'il avait été d'une ampleur « telle qu'il a vait revêtu les caractéristiques d'irrésistibilité et d'imprévisibilité caractérisant la cause étrangère ou la force majeure », la cour d'appel, qui constatait pourtant, que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que la forte pluviométrie largement à l'origine du glissement de terrain n'était pas un événement imprévisible à la Martinique, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales s'en évinçant, et a violé l'article 1792 du code civil ; 

     

    2°) ALORS QUE, les constructeurs sont responsables de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, et ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit revêtir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que le glissement de terrain survenu le 18 novembre 2004 était dû « pour une grande part aux pluies importantes », lesquelles ne constituaient cependant pas en soi un événement imprévisible à la Martinique ; que dès lors en se bornant, pour estimer que ce glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère, à déclarer qu'il n'aurait pu être détecté par une « étude de sol classique » et qu'il avait été d'une ampleur « telle qu'il a vait revêtu les caractéristiques d'irrésistibilité et d'imprévisibilité caractérisant la cause étrangère ou la force majeure », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé, par la seule évocation de « l'ampleur » du phénomène, les conditions cumulatives de la force majeure, et qui n'a pas expliqué quel phénomène indépendant des vices du sol et de la pluviométrie, se trouverait à l'origine du glissement de terrain, a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ; 

     

    3°) ALORS QUE, rappelant que, pour être exonératoire de responsabilité la cause étrangère doit revêtir le caractère de force majeure, dont les critères sont l'imprévisibilité, l'irrésistibilité et l'extériorité, les premiers juges avaient déclaré qu'il convenait de rechercher si le glissement de terrain revêtait les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité (jugement, p. 5), et avaient conclu, après une analyse circonstanciée des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis, que le caractère imprévisible et irrésistible du phénomène climatique et du glissement de terrain consécutif n'était pas établi par Monsieur Jean-Claude Y... et par la MAAF, alors que leur revenait la charge de la preuve de l'existence d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité (jugement, p. 6) ; que dès lors, en affirmant que les premiers juges n'avaient « retenu que la prévisibilité de fortes précipitations en Martinique, sans rechercher si le glissement de terrain, certes dû pour une grande part aux pluies importantes, ne pouvait constituer un évènement présentant les caractéristiques de la force majeure, et qu'ils avaient donc à tort considéré que le constructeur et son assureur étaient responsables au titre de la garantie décennale », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des motifs du jugement entrepris, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 

     

    4°) ALORS enfin QUE les premiers juges constataient qu'au regard de I'analyse de la société Geode chargée de l'étude géotechnique par la ville du Robert, I'étude du sol révélait une mauvaise qualité de terrain, l'expert mandaté par la municipalité indiquant que : « le substratum du secteur était constitué par une lave altérée et très argilisée à blocs. Hors, zone remblayées ponctuellement sous la route on rencontre depuis la surface, des argiles d'altération puis une frange de lave altérée argilisée, particulièrement molle et de médiocres caractéristiques mécaniques » ; et que les premiers juges estimaient ainsi que l'hypothèse la plus probable était celle d'un vice du sol que le phénomène climatique prévisible n'avait fait qu'objectiver (jugement, p. 5) ; que dans ses conclusions d'appel, Madame Ghislaine X... soutenait à cet égard que Monsieur Jean-Claude Y... n'avait ni attiré son attention sur la nécessité d'une étude du sol, ni émis de réserves quant au résultat de la construction en l'absence d'une telle étude, cependant que la maison avait été construite, en majeure partie sur un terrain instable et que l'étude de sol aurait mis en évidence une hétérogénéité des sols et conclu, soit à l'adoption d'un système de fondation différent, soit à I'inconstructibilité du terrain (conclusions d'appel de Madame Ghislaine X..., p. 12) ; que dès lors, en se bornant à affirmer, par référence à une réponse incidente de l'expert à un dire, que le glissement de terrain n'aurait pu être détecté par une étude de sol classique, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel susvisées, si la consistance du terrain et son hétérogénéité n'étaient pas constitutives d'un vice du sol susceptible d'être détectées par une étude du sol et permettant de prendre des mesures préventives ou de dispenser des conseils destinés à empêcher la production du dommage que Madame Ghislaine X... avait subi, la cour d'appel, qui constatait par ailleurs que Monsieur Jean-Claude Y... s'était en effet abstenu, bien qu'il en ait l'obligation, de s'assurer de la qualité du terrain sur lequel devait être érigée la construction, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil."

  • Centrale à béton, fleuriste et servitude de passage

    Voici un arrêt qui juge que la servitude de passage n'est pas aggravée à l'occasion du changement d'activité du bénéficiaire de la servitude : 


    "Vu l'article 702 du code civil ;


    Attendu que celui qui a un droit de servitude ne peut en user que selon son titre, sans pouvoir faire, ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier ;


    Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 avril 2012), que la société T2G est propriétaire d'un fonds, sur lequel son locataire exerce une activité de production de béton et au profit duquel une servitude conventionnelle de passage a été constituée qui grève le fonds voisin appartenant à la société Lafay ; que se plaignant d'une aggravation des conditions d'exercice de cette servitude, la société Lafay a assigné la société T2G aux fins de voir imposer des limites à la circulation des véhicules sur le passage et d'obtenir une indemnisation ;


    Attendu que pour accueillir ces demandes, l'arrêt, qui relève que postérieurement à l'acquisition par la société T2G du tènement bénéficiant de la servitude, la construction antérieurement implantée a été considérablement étendue par un bâtiment édifié spécialement pour l'activité de la société Gential et que le site est ainsi passé de l'activité propre de négoce de fleurs artificielles exercé dans le bâtiment d'origine qui nécessitait la circulation de quelques véhicules légers par jour à l'exploitation d'une centrale à béton entraînant l'augmentation et la modification de la nature du trafic dû au passage fréquent de camions gros-porteurs, retient que le changement dans les conditions d'utilisation de la servitude à raison de l'activité exercée dans les locaux de la société T2G constitue une certaine aggravation de la servitude conventionnelle de passage ;


    Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une aggravation de l'exercice de la servitude alors que le titre constitutif stipulait, au profit du propriétaire du fonds dominant, "à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage tous usages pour lui permettre d'accéder à son fonds", la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


    PAR CES MOTIFS :


    CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;


    Condamne la société Lafay aux dépens ;


    Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lafay à payer à la société T2G la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Lafay ;


    Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.


    MOYEN ANNEXE au présent arrêt


    Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la SCI T2G.


    Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SCI T2G était responsable d'une aggravation de la servitude conventionnelle de passage consenti par la SAS LAFAY et, en conséquence, de lui avoir fait interdiction de procéder à des entrées et des sorties groupées de camions et de camion toupie et de charger les remorques qui ne sont pas adaptées au transport des matériaux, de lui avoir enjoint de prendre toutes mesures utiles et nécessaires pour éviter la formation de la flaque boueuse à la sortie de sa propriété et pour permettre le bon écoulement des eaux de pluie, d'installer un dispositif adapté de nettoyage des roues des camions et de procéder systématiquement au nettoyage des roues de tout camion sortant de sa propriété, le tout sous astreinte de 500 ¿ par passager régulier constaté, et, enfin, de l'avoir condamnée à payer à la SAS LAFAY la somme de 9.409,74 euros au titre de la dégradation de l'assiette de la servitude et une somme de 5.200 ¿ hors taxes au titre de l'entretien annuel de l'assiette de la servitude ;


    AUX MOTIFS PROPRES QU' « il résulte des dispositions de l'article 702 du Code civil que sont prohibés les changements contraires au titre puisque le titulaire de la servitude ne peut en user que suivant son titre et que si le titre ne restreint pas l'exercice de la servitude à un usage déterminé ou des modalités particulières, l'interdiction d'aggraver la servitude ne concerne que les actes qui modifient la servitude elles-mêmes et qui aggravent la condition du fonds servant ; il est ainsi admis que le principe de fixité oblige le propriétaire du fonds dominant à ne pas rompre l'équilibre, issu de la conciliation de deux intérêts, entre l'utilité que lui procure la servitude et la charge qu'elle représente pour le propriétaire du fonds servant, le juge devant tenir compte notamment des circonstances de fait, de l'état des lieux, des besoins du fonds dominant à l'époque de la constitution de la servitude ainsi que du préjudice que le propriétaire du fonds servant peut éprouver par suite des changements apportés dans le fond auquel la servitude est due ; qu'il est enfin constant que pour que l'aggravation apportée à la condition du fonds servant entraîne la prohibition du changement, il faut qu'elle soit à la fois certaine, actuelle, sensible et appréciable et qu'elle cause un préjudice au fond servant ; qu'en l'espèce l'acte du 28 juin 1989 contenant constitution de la servitude litigieuse prévoit que : « l'acquéreur concède aux vendeurs à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage tous usages pour lui permettre d'accéder à son fonds. Ce droit de passage s'exercera sur la partie figurant en pointillés sur le plan qui va demeurer ci annexé après mention (partie nord du tènement vendu). Il est ici stipulé qu'en aucun cas l'assiette de la servitude de passage ne pourra être utilisée pour les besoins du stationnement d'un véhicule quelconque. Les frais de création et d'entretien de cette servitude seront à la charge du tènement 1 (parcelles 215, 216, 217, 439 et 441) et du tènement 2 (parcelles 297, 300, 438 et 440) proportionnellement à la superficie respective desdits tènements. Fonds servant : parcelles A 297, 300, 338 et 440 (LAFAY) Fonds dominants : parcelles A 215, 216, 217, 439 et 441, aujourd'hui SCI T2G » ; que si le changement d'affectation, que les parties n'avaient pas prévu, du bâtiment édifié sur le tènement bénéficiant de la servitude, du fait de l'exploitation de la centrale béton ne peut être considéré comme un changement non conforme au titre eu égard à la portée générale de cet acte qui ne prévoit aucune restriction d'utilisation et aucune clause fixant la nature des engins motorisés autorisés à emprunter le passage, en revanche la SAS LAFAY est fondée à invoquer les dispositions de l'article 702 du Code civil dès lors qu'il résulte de la modification des conditions d'utilisation du passage, une aggravation de la situation de son fonds ; qu'il n'est pas contesté en effet, que postérieurement à l'acquisition par la SCI T2G le 3 octobre 2003 du tènement bénéficiant de la servitude, la construction antérieurement implantée a été considérablement étendue, soit environ trois fois et demi par rapport à l'existant, par un bâtiment édifié spécialement pour l'activité de la société GENTIAL et que le site est ainsi passé de l'activité propre de négoce de fleurs artificielles exercée dans le bâtiment d'origine qui nécessitait la circulation de quelques véhicules légers par jour, à l'exploitation d'une centrale à béton entraînant l'augmentation et la modification de la nature du trafic dû au passage fréquent de camions gros-porteurs ; qu'en effet les éléments régulièrement produits par la SAS LAFAY établissent que depuis le début de l'activité de la société GENTIAL, l'assiette du droit de passage est utilisée par celle-ci d'une manière intensive qui s'apparente à du stationnement prohibé par l'acte constitutif de la servitude et que l'entrée sur le site et la sortie sont limitées pour les véhicules de la SAS LAFAY, par la présence dans les deux sens des camions circulant pour les besoins de l'activité de la centrale àbéton ; que dans son rapport l'expert judiciaire confirme que les passages entrant et sortant de la centrale à béton de la société GENTIAL génèrent des embouteillages principalement en début et fin de journée à l'arrivée et au départ du personnel de la SAS LAFAY et que les départs groupés de toupie engendrent un encombrement momentané de la servitude ; que les photographies prises en 2004-2005 ainsi que les procès-verbaux d'huissier de justice, notamment ceux du 9 septembre 2003, 13 janvier 2006, 10 octobre 2006, 10 décembre 2007 versés aux débats, démontrent que l'assiette du passage est jonchée de résidus d'agrégats servant à la fabrication du béton, de gravillons qui se répandent aussi sur le parking LAFAY et de laitance de béton qui provient de l'exploitation de la centrale àbéton, car le terrain de la société GENTIAL et boueux et recouverts de larges flaques d'eau boueuse, dans lesquels les camions, dont le chargement n'est pas recouvert de leurs bâches, viennent de faire demi-tour avant de regagner la sortie ; que dans son rapport l'expert judiciaire fait observer qu'à la sortie de la propriété de la SCI T2G se crée fréquemment une flaque boueuse qui peut atteindre plusieurs dizaines de mètres carrés d'extension et peut s'étendre de part et d'autre du portail en partie sur la propriété de la SAS LAFAY, que les véhicules sortant de la société GENTIAL traversent cette flaque et vont éclabousser la voie et transporter la boue qui se trouve sur leurs roues, sur la servitude de passage ; qu'il ajoute que d'une part les eaux de pluie ne sont pas correctement traitées à l'échelle de l'ensemble de la propriété de la société T2G et que le dispositif d'infiltration dans le seul est insuffisant, créant cette situation de façon répétée et durable, que d'autre part la société T2G fournit du béton en vrac à des particuliers dont les remorques ne sont pas tout adaptées au transport du béton, des graviers et du sable, occasionnant ainsi des fuites de ces matériaux ; que par ailleurs, les photographies produites par l'intimée (constat du 13 février 2006) démontrent que l'état du revêtement de l'assiette de passage est dégradé et que la poussière est très présente sur le site ; qu'à cet égard, l'expert judiciaire a relevé que la chaussée qui date de 1994/1995 est en fin de vie et présente depuis 2006, soit deux ans après le début de l'activité de GENTIAL, une usure anormale pour une réalisation datant de moins de 20 ans (enrobé craquelé, ornières, faïençage) en raison certes d'utilisation importante de lourds tonnages de la société T2G mais encore plus du fait de l'hétérogénéité des matériaux employés et d'une épaisseur très insuffisante de la couche de fondation aux endroits précisément la chaussée dégradée ; qui souligne que la poussière se concentre davantage du côté sud de la propriété LAFAY c'est-à-dire du côté le plus proche de la centrale à béton mais également de l'installation de concassage qu'il ajoute en parti sud-ouest, de sorte qu'il ne lui est pas possible d'établir de corrélation entre la génération de poussière et le passage des véhicules entrant et sortant de la centrale ; que s'il considère qu'à son avis l'empoussièrement est très majoritairement causé par l'activité de concassage, en revanche les signes que la poussière est mise en mouvement par le passage des camions qui la soulèvent, créant ainsi la gêne et que la climatisation des bureaux LAFAY est justifiée par le fait que l'ensemble du site est en poussière et en périodes sèches, mais pas par les seuls passages de camions ; qu'il précise que le tonnage par jour transité sur le passage et de 1,095 tonnes du fait de la SCI T2G soit un rapport des tonnages transportés de 7,3 pour GENTIAL est de 1 pour LAFAY, l'expert notant une utilisation déséquilibrée du passage au profit de la SCI T2G (trois fois plus importante) ; que l'expert conclut en définitive, que les conséquences des passages de camions et toupies sur l'activité de la SAS LAFAY sont limitées à la dégradation des conditions d'accès de réception de la clientèle ainsi que des conditions de travail des personnes présentes dans les bureaux, sans toutefois avoir des conséquences économiques autres que négligeable sur l'activité de la société LAFAY ; qu'il en déduit une dépréciation du fonds servant de 50 % sur l'assiette de la servitude (502 m2) et de 25 % sur les abords proches soit 150 m², et une dépréciation de 10 % sur la surface 293 m² des locaux en façade, tout en retenant que la servitude de passage liée au lot de la SCI T2G implique forcément une contrainte sur le lot LAFAY quelle que soit l'activité qui s'exerce et donc les moins-values ; qu'il résulte de ce qui précède, que le changement dans les conditions d'utilisation de la servitude à raison de l'activité exercée dans les locaux de la SCI T2G constitue une certaine aggravation de la servitude conventionnelle de passage, de par l'entretien du passage et l'encombrement de celui-ci, qui ne nécessite pas toutefois d'ordonner la suppression de cette activité, mais un aménagement des conditions de son exercice et ce d'autant que la SCI s'engage à procéder aux travaux en portant création d'un accès sur la route départementale 1532 sur la commune de Sassenage et expose qu'elle a mis en place après expertise, un balayage de l'assiette de passage » ;


    1./ ALORS QUE l'on ne peut reprocher au propriétaire du fonds dominant d'aggraver la servitude, quel que soit le préjudice causé, tant que les modifications qu'il apporte à l'exercice de cette servitude sont en conformité avec son titre ; que dès lors, en retenant, pour considérer que la SCI T2G s'était rendue coupable d'une aggravation de la servitude conventionnelle de passage consentie par la société LAFAY au sens de l'article 702 du code civil, que les conditions actuelles d'utilisation du passage impliquaient une circulation plus intensive et de véhicules plus lourds que par le passé, tout en constatant que le titre établissant la servitude, qui mentionnait « un droit de passage tous usages pour lui permettre d'accéder à son fonds » ne prévoyait aucune restriction d'utilisation du droit de passage et qu'aucune clause ne fixait la nature des engins motorisés autorisés à emprunter le passage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte précité ;


    2./ ALORS, subsidiairement, QUE l'acte du 28 juin 1989 constitutif de la servitude litigieuse, annexé à l'acte de vente du 3 octobre 2003 conclu entre la société CRYSKA et la société T2G stipule que « l'acquéreur concède au vendeur à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage tous usages pour lui permettre d'accéder à son fonds ¿ il est ici stipulé qu'en aucun cas l'assiette de la servitude de passage ne pourra être utilisée pour les besoins du stationnement d'un véhicule quelconque » ; que la Convention internationale de Vienne sur la signalisation routière du 8 novembre 1968, entrée en vigueur en France le 6 juin 1978, définit le stationnement comme étant une immobilisation pour une raison autre que la nécessité d'éviter un conflit avec un autre usager de la route ou un obstacle, ou d'obéir aux prescriptions de la réglementation de la circulation, et ne se limitant pas au temps nécessaire pour prendre ou déposer des personnes ou des choses, excluant ainsi qu'il existe la moindre ambiguïté sur le sens de ce terme ; que dès lors, en retenant, pour considérer que l'usage de la servitude fait par la société T2G n'était pas conforme au titre, que son caractère intensif et la présence dans les deux sens de camions générant, par moments, des embouteillages, s'apparentaient à du stationnement prohibé, la cour d'appel, qui a méconnu le sens et la portée clairs et précis de l'acte du 28 juin 1989, a violé l'article 1134 du code civil."