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Achat immobilier et trouble mental

Cet arrêt rappelle qu'un achat immobilier ne peut être valablement fait sous l'empire d'un trouble mental.

"Vu les articles 414-1 et 414-2 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant promesse de vente du 27 juillet 2009, réitérée par un acte authentique du 1er octobre 2009, M. Y... a vendu à Jeanine X... une maison d'habitation ; que, le 25 novembre 2010, le juge des tutelles a placé celle-ci sous curatelle ; qu'elle est décédée le [...] , laissant pour lui succéder M. Albert X... et Mme Joëlle X... (les consorts X...) ; que, le 30 septembre 2011, ces derniers ont assigné M. Y... en nullité de l'acte de vente ;

Attendu que, pour rejeter leur demande, l'arrêt relève qu'il résulte des certificats médicaux des psychiatres ayant examiné Jeanine X... qu'elle souffrait d'une pathologie psychiatrique sévère et au long cours, évoluant depuis plusieurs années et sujette à des décompensations, échappant aux traitements régulateurs, au cours desquelles elle présentait des troubles du comportement imprévisibles, qui pouvaient la mettre dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts ; qu'il ajoute qu'un certificat médical du 17 décembre 2009 atteste qu'à cette date, l'état de l'intéressée était incompatible avec l'achat d'un appartement, étant hospitalisée depuis le 20 novembre 2009, après une précédente hospitalisation du 18 août au 8 septembre dont elle était sortie dans un état peu stabilisé et incompatible avec l'achat d'un bien immobilier, qu'un autre certificat du 21 janvier 2011 décrit l'état de santé de l'intéressée comme très altéré au moment de la signature du compromis de vente, celle-ci étant atteinte d'une perte de jugement et de ses capacités de discernement et de décision, et qu'il en allait de même lors de la signature de l'acte authentique, le 1er octobre 2009 ; qu'il en déduit que ces analyses médicales sans constatations cliniques contemporaines du compromis ou de l'acte authentique n'établissent pas l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...


LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR infirmé le jugement et rejeté l'ensemble des demandes des exposants ;

AUX MOTIFS QUE les demandeurs X... ont la charge de la preuve de l'insanité d'esprit et de l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ; que cette évaluation doit se faire au moment de l'acte, c'est-à-dire en l'espèce au moment du compromis qui date du 27 juillet 2009, et au moment de l'acte authentique en date du 1er octobre 2009 qui ne fait que reprendre les obligations du compromis par réitération ; que la cour se référera donc logiquement aux éléments régulièrement communiqués qui sont contemporains de ces deux dates, avant de se prononcer sur l'insanité d'esprit ; que le jugement de mise sous curatelle simple est en date du 27 novembre 2010, avec référence au certificat médical du docteur A... en date du 4 février 2010 ; que l'ouverture d'une curatelle ne fait pas à elle seule présumer d'un trouble mental, sachant qu'en l'espèce cette curatelle est postérieure de seize mois au compromis et de onze mois à l'acte authentique ; qu'il s'agit d'une curatelle simple, le juge ayant précisé après avoir entendu la majeure protégée qu'une représentation de manière continue serait disproportionnée ; que le certificat du docteur A..., plus de six mois après le compromis, est fort intéressant puisqu'il relate les paroles d'une personne de soixante-deux ans, se disant maniaco-dépressive, avec des périodes d'euphorie et d'excitation, et des versants dépressifs, avec des hospitalisations en psychiatrie depuis plusieurs années dans la région parisienne pour, dit-elle, surtout des états dépressifs ; que le médecin a noté textuellement les paroles suivantes : « Elle semble aller moins bien depuis environ un an, celle-ci faisant état surtout d'une phase d'euphorie, disant : « plein de bêtises. J'ai pris des décisions sans réfléchir ». Elle dit avoir ainsi eu l'intention d'acheter un appartement de façon quelque peu précipitée et avoir été alors mise sous sauvegarde de justice » ; que le médecin a conclu en faveur d'une psychose maniaco-dépressive, c'est-à-dire d'un trouble bipolaire, évoluant depuis plusieurs années, les troubles qu'elle présente peuvent la mettre dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, justifiant une mesure d'assistance de type curatelle, concernant les actes de la vie civile tant patrimoniaux qu'à caractère personnel ; que le médecin parle donc en février 2010 d'une assistance devenue nécessaire, mais son rapport ne démontre absolument pas avec certitude qu'à l'occasion du compromis ou de la vente authentique, l'intéressée, certes maniaco-dépressive et sans doute bipolaire, était atteinte d'un trouble mental qui aurait vicié une décision d'achat immobilier dont elle dit elle-même qu'elle n'y a pas réfléchi et qui a été quelque peu précipitée ; qu'il n'est pas inutile de relever que cette absence de réflexion, ou cette précipitation, depuis le compromis jusqu'à l'acte authentique, a échappé à l'agent immobilier et au notaire ; qu'a fortiori la même remarque s'applique à l'existence d'un trouble mental qui leur a pareillement échappé ; que le docteur B..., psychiatre à Béziers, a établi le 25 janvier 2010 un certificat faisant état d'une hospitalisation sous contrainte à l'hôpital Sainte-Anne de Paris, l'intéressée présentant une pathologie psychiatrique sévère et au long cours (trouble bipolaire), étant sujette à des décompensations, échappant au traitement régulateur, au cours desquelles elle présente des troubles du comportement imprévisible ; que ce certificat est à mettre en perspective avec celui contemporain précité du docteur A..., beaucoup plus mesuré ; de la même manière, il ne permet pas d'établir avec certitude que plusieurs mois auparavant, au moment du compromis ou de l'acte, un trouble mental était de nature à invalider l'achat litigieux ; que le certificat du même docteur B..., en date du 21 janvier 2011, ne fait que refléter sa conviction, puisqu'elle indique « je considère que l'état de santé mentale de Madame était très altéré au moment de la signature du compromis de vente le 27 juillet 2009, elle était atteinte d'une perte de jugement et de ses capacités de décernement et de décision. Son état de santé ne s'est pas amélioré postérieurement et il était le même le 1er octobre 2009 lors de la signature de l'acte authentique » ; que si la cour respecte la science médicale, il n'en demeure pas moins qu'en droit ce certificat aurait gagné à préciser les constatations cliniques contemporaines des actes litigieux, la cour rappelant encore une fois que le certificat du docteur A... qui a motivé le placement sous curatelle est beaucoup plus mesuré, non pas sur l'analyse médicale, mais sur les conséquences pouvant en être tirées sur le comportement de l'intéressée au moment du compromis et de la vente ; que le certificat médical du docteur C..., psychiatre à Sainte-Anne, est en date du 17 décembre 2009 et certifie à cette date que l'état de l'intéressée est incompatible avec l'achat d'un appartement, étant hospitalisée dans le service depuis le 20 novembre 2009 ; qu'il précise qu'elle est sortie de l'hôpital de Béziers le 8 septembre 2009 avec la formule : « dont l'état étai peu stabilisé. L'anamnèse va donc dans le sens d'un état incompatible avec l'achat d'un bien immobilier ces derniers mois » ; que là aussi il s'agit d'une analyse médicale, sans constatation clinique contemporaine du compromis ou de l'acte authentique et qui assimile avec le premier juge les périodes d'hospitalisation et la preuve d'un trouble mental au sens de l'article 414 précité ; que des pièces régulièrement communiquées, il ressort d'ailleurs que l'intéressée a été hospitalisée du 18 août 2009 au 8 septembre, pour être à nouveau hospitalisée le 20 novembre ; que nul ne soutient que le vendeur, l'agent immobilier ou le notaire ait pu connaître cet état de fait lors du compromis le 27 juillet, ou lors de la vente le 1er octobre, seule une reconstitution anachronique a posteriori permettant le raisonnement du premier juge que la cour infirmera ; que toute la discussion sur le prix de vente et sur les défauts de la chose vendue ne change rien en droit à l'absence de démonstration certaine d'un trouble mental au moment du compromis ou de la vente, d'abord parce qu'il s'agirait d'un fondement différent (lésion ? vice caché ?), et ensuite parce que le vendeur, dont personne ne soutient qu'il connaissait l'acheteuse ou a fortiori son état de santé, a revendu à un prix inférieur à son prix d'achat ; qu'en réalité, cette discussion augure bien de la véritable nature de l'action qui consiste à vouloir récupérer un prix d'achat consenti par Mme X..., sur le fondement d'une insanité d'esprit qui n'est pas démontrée, le montant de ce prix jugé inférieur à la valeur du bien par les intimés venant en quelque sorte corroborer cette insanité d'esprit ; qu'enfin, pas une seule attestation n'est produite, émanant de proches, de la famille ou d'amis, qui vienne à l'appui d'une insanité d'esprit affectant l'intéressée en juillet ou en octobre 2009 ;

ALORS D'UNE PART QUE le trouble mental doit exister au moment où l'acte litigieux a été réalisé ; que s'il est établie l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte litigieux et persistant postérieurement à cet acte, l'annulation de l'acte est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de la conclusion de l'acte ; qu'ayant relevé que la date à prendre en considération est celle du compromis du 27 juillet 2009 et celle de l'acte authentique du 1er octobre 2009, que le jugement de mise sous curatelle simple est du 27 novembre 2010 avec référence au certificat médical du docteur A... du 4 février 2010, qu'elle concluait à l'existence d'une psychose maniaco-dépressive, c'est-à-dire d'un trouble bipolaire, évoluant depuis plusieurs années, les troubles présentés par Mme Jeanine X... pouvant la mettre dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, la cour d'appel qui ajoute que ce rapport ne démontre pas avec certitude qu'à l'occasion du compromis ou de l'acte authentique l'intéressée, certes maniaco-dépressive et sans doute bipolaire, était atteinte d'un trouble mental qui aurait vicié une décision d'achat dont elle dit elle-même qu'elle n'y a pas réfléchi et qui a été quelque peu précipitée, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations d'où il ressort qu'à une époque contemporaine de l'acte, Mme Jeanine X... était atteinte d'insanité d'esprit et, partant, elle a violé l'article 414-1 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE le trouble mental doit exister au moment où l'acte litigieux a été réalisé ; que s'il est établie l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte litigieux et persistant postérieurement à cet acte, l'annulation de l'acte est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de la conclusion de l'acte ; qu'ayant relevé que le docteur B..., psychiatre à Béziers, a établi le 25 janvier 2010 un certificat faisant état d'une hospitalisation sous contrainte à l'hôpital Sainte-Anne de Paris, l'intéressée présentant une pathologie psychiatrique sévère et au long cours, trouble bipolaire, étant sujette à des décompensations échappant au traitement régulateur, au cours desquelles elle présente des troubles du comportement imprévisibles, puis retenu que ce certificat est à mettre en perspective avec celui contemporain du docteur A..., beaucoup plus mesuré, qu'il ne permet pas d'établir avec certitude que plusieurs mois auparavant, au moment du compromis ou de l'acte, un trouble mental était de nature à invalider l'achat litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait qu'il était ainsi démontrée l'existence d'une insanité d'esprit dans une période contemporaine de l'acte litigieux, et, partant, elle a violé l'article 414-1 du code civil ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE le trouble mental doit exister au moment où l'acte litigieux a été réalisé ; que s'il est établie l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte litigieux et persistant postérieurement à cet acte, l'annulation de l'acte est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de la conclusion de l'acte ; qu'ayant relevé que le docteur C..., psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne, le 17 décembre 2009 certifiait que l'état de l'intéressée est incompatible avec l'achat d'un appartement, étant hospitalisée dans le service depuis le 20 novembre 2009, qu'il précise qu'elle est sortie de l'hôpital le 8 septembre 2009 avec la formule « dont l'état était peu stabilisé. L'anamnèse va donc dans le sens d'un état incompatible avec l'achat d'un bien immobilier ces derniers mois » puis retenu qu'il s'agit d'une analyse médicale sans constatation clinique contemporaine du compromis ou de l'acte authentique, et qui assimile avec le premier juge les périodes d'hospitalisation et la preuve d'un trouble mental au sens de l'article 414 précité, la cour d'appel n'a là encore pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il ressortait que la preuve de l'existence d'un état d'insanité dans une période contemporaine des actes litigieux était rapportée et, partant, elle a violé l'article 414-1 du code civil ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE le trouble mental doit exister au moment où l'acte litigieux a été réalisé ; que s'il est établie l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte litigieux et persistant postérieurement à cet acte, l'annulation de l'acte est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de la conclusion de l'acte ; qu'il appartient aux juges du fond de porter une appréciation d'ensemble sur les éléments de preuve produits ; qu'en procédant à une appréciation de chacun des certificats médicaux séparément, sans porter une appréciation d'ensemble, la cour d'appel a violé l'article 414 du code civil ;

ALORS ENFIN QUE, le trouble mental doit exister au moment où l'acte litigieux a été réalisé ; que s'il est établie l'existence d'un état d'insanité d'esprit antérieur à l'acte litigieux et persistant postérieurement à cet acte, l'annulation de l'acte est encourue sauf au défendeur à rapporter la preuve de l'existence d'un intervalle lucide au moment de la conclusion de l'acte ; qu'en ajoutant que pas une seule attestation n'est produite, émanant de proches, de la famille ou d'amis, qui vienne à l'appui d'une insanité d'esprit affectant l'intéressée en juillet ou en octobre 2009, quand étaient produits de nombreux certificats médicaux, la cour d'appel se prononce par un motif inopérant et elle a violé l'article 414-1 du code civil."

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