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Les arrêts du 30 juin 2022 de la Cour de Cassation sur les baux, les loyers et le covid

La Cour de cassation a rendu le 30 juin 2022 trois arrêts défavorables pour les locataires, relatifs à la période de confinement et l'exigibilité des loyers par les bailleurs.

COVID-19 : dernière mise à jour

 

Le communiqué de la Cour de Cassation.

Voici deux de ces arrêts :

1er arrêt :

 

"La société Odalys résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 1], a formé le pourvoi n° M 21-20.127 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [I],

2°/ à Mme [E] [I],

domiciliés tous deux [Adresse 2], [Localité 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich et M. David, conseillers, les observations et les plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Odalys résidences, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [I], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, auquel les parties ont répliqué, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich et M. David, conseillers rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er juillet 2021), rendu en référé, M. [Z], aux droits duquel se trouvent M. et Mme [I] (les bailleurs), a donné à bail commercial à la société Odalys résidences (la locataire) deux lots d'une résidence de tourisme.

2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 14 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence.

3. Le 26 mars 2020, elle a informé les bailleurs de sa décision d'interrompre le paiement du loyer et des charges à compter du 14 mars 2020.

4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement d'une provision correspondant à l'arriéré locatif.

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme au titre des loyers impayés, alors « que le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui apprécie si les circonstances ayant entraîné l'indisponibilité des lieux loués, qui ne pouvaient plus être utilisés conformément à leur destination contractuelle, justifient ou non la suspension du paiement des loyers ; que la société [Adresse 6] soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors que les bailleurs avaient été dans l'impossibilité, pendant toute la période considérée, d'exécuter leur obligation de délivrance et d'assurer la jouissance paisible des lieux loués conformément à la destination prévue au bail ; qu'ils ajoutaient que l'impropriété des lieux à l'objet prévu au bail s'analysait en outre en perte partielle de la chose louée, et que les bailleurs avaient manqué à leur obligation de bonne foi en réclamant le paiement de loyers afférents à des périodes durant lesquelles les lieux loués ne pouvaient être utilisés conformément à leur destination contractuelle ; qu'en énonçant, pour dire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, qu'il ne pouvait être reproché aux bailleurs un manquement à leur obligation de délivrance, que les restrictions résultaient de mesures législatives et réglementaires concernant tous les bailleurs se trouvant dans la même situation, tandis qu'aucun texte ne dispensait les locataires du règlement des loyers, et que les locaux n'avaient subi aucune perte, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles et la gravité du manquement du preneur au regard des circonstances pouvant justifier qu'il cesse le règlement des loyers en l'état de l'indisponibilité avérée des lieux loués, a tranché des contestations sérieuses et violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Par application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national.

8. En application de l'article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité.

9. Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

10. Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

11. L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.

12. Ayant relevé que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n'étaient pas imputables au bailleur et n'emportaient pas perte de la chose, la cour d'appel, saisie en référé d'une demande en paiement d'une provision, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Odalys résidences aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le trente juin deux mille vingt-deux, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Odalys résidences

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Odalys Résidences fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté des débats les ordonnances de référé rendues par les présidents tribunaux judiciaires d'Albertville le 19 janvier 20221 et de Dijon et de Paris le 24 février 2021, de l'avoir condamnée à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 550,91 euros au titre des loyers impayés entre le 13 avril et le 4 septembre 2020, et de l'avoir condamnée sous astreinte à communiquer aux bailleurs la facture n° 4 pour la période du 1er mai au 31 juillet 2020 et les comptes d'exploitation depuis le 22 octobre 2019 ;

ALORS QUE la société Odalys résidences avait communiqué selon bordereau RPVA du 17 mai 2021 une pièce n° 13 correspondant aux ordonnances de référé rendues par les présidents des tribunaux judiciaires d'[Localité 4], de [Localité 5] et de [Localité 8] ; qu'en énonçant, pour écarter ces décisions des débats, qu'il ne résultait pas des éléments de la procédure que ces ordonnances de référé aient été communiquées aux intimés, la cour d'appel a dénaturé par omission le bordereau RPVA et les pièces communiquées, et méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Odalys Résidences fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 550,91 euros au titre des loyers impayés entre le 13 avril et le 4 septembre 2020, et de l'avoir condamnée sous astreinte à communiquer aux bailleurs la facture n° 4 pour la période du 1er mai au 31 juillet 2020 et les comptes d'exploitation depuis le 22 octobre 2019 ;

1) ALORS QUE le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui apprécie si les circonstances ayant entraîné l'indisponibilité des lieux loués, qui ne pouvaient plus être utilisés conformément à leur destination contractuelle, justifient ou non la suspension du paiement des loyers ; que la société [Adresse 6] soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors que les bailleurs avaient été dans l'impossibilité, pendant toute la période considérée, d'exécuter leur obligation de délivrance et d'assurer la jouissance paisible des lieux loués conformément à la destination prévue au bail ; qu'ils ajoutaient que l'impropriété des lieux à l'objet prévu au bail s'analysait en outre en perte partielle de la chose louée, et que les bailleurs avaient manqué à leur obligation de bonne foi en réclamant le paiement de loyers afférents à des périodes durant lesquelles les lieux loués ne pouvaient être utilisés conformément à leur destination contractuelle ; qu'en énonçant, pour dire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, qu'il ne pouvait être reproché aux bailleurs un manquement à leur obligation de délivrance, que les restrictions résultaient de mesures législatives et réglementaires concernant tous les bailleurs se trouvant dans la même situation, tandis qu'aucun texte ne dispensait les locataires du règlement des loyers, et que les locaux n'avaient subi aucune perte, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles et la gravité du manquement du preneur au regard des circonstances pouvant justifier qu'il cesse le règlement des loyers en l'état de l'indisponibilité avérée des lieux loués, a tranché des contestations sérieuses et violé l'article 835 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU'il résultait de l'article 6 du contrat de bail que le loyer serait réduit à 30% des recettes effectivement encaissées en cas de force majeure interrompant l'activité touristique, résultant notamment d'une entrave administrative ou autre au libre accès aux lieux loués ou à la circulation des personnes et des biens, sauf en cas de prise en charge du préjudice par un assureur ; que la société Odalys faisait valoir que les mesures gouvernementales prises pour lutter contre l'épidémie de covid 19 avaient interdit de recevoir du public dans les lieux loués, ce qui justifiait l'application de la clause précitée ; qu'il appartenait aux bailleurs de prouver, le cas échéant, que la société Odalys Résidences avait bénéficié d'une prise en charge de son préjudice par son assureur ; qu'en énonçant, pour écarter l'application de la clause 6 du bail, que l'appelante ne justifiait d'aucun élément à ce titre, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, et violé l'article 1353 du code civil ;

3) ALORS en tout état de cause QUE la société Odalys Résidences produisait l'attestation de son commissaires aux comptes établissant l'absence de perception d'une quelconque indemnisation pour perte d'exploitation (pièce n°12, bordereau RPVA du 17 mai 2021) ; qu'en énonçant, pour condamner néanmoins la société Odalys Résidences au paiement provisionnel des loyers dus pour la période concernée, que la clause 6 du contrat prévoyait qu'elle n'avait pas à s'appliquer dans l'hypothèse où le préjudice subi par le preneur se trouverait couvert par sa police d'assurance, et que l'appelante ne justifiait d'aucun élément à ce titre, sans s'expliquer sur la pièce ainsi produite, la société Odalys n'ayant pas d'autre moyen d'établir qu'elle n'avait pas perçu d'indemnisation de la part d'un assureur au titre d'une perte d'exploitation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile."

 

2ème arrêt :

 

"La société Action France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-20.190 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Foncière Saint-Louis, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich et M. David, conseillers, les observations et les plaidoiries de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Action France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Foncière Saint-Louis, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, auquel les parties ont répliqué, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich et M. David, conseillers rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2021), par acte authentique du 13 novembre 2017, la société civile immobilière Foncière Saint-Louis (la bailleresse) a donné en location à la société Action France (la locataire) un local commercial à usage de supermarché à dominante non alimentaire.

2. Se prévalant de l'interdiction de recevoir du public, en raison des mesures gouvernementales de lutte contre l'épidémie de covid-19, la locataire a informé la bailleresse de la suspension du paiement des loyers et charges.

3. Le 2 juin 2020, la bailleresse a procédé sur les comptes de la locataire à la saisie-attribution d'une somme correspondant à l'intégralité de la facture de loyer du deuxième trimestre 2020.

4. Le 3 juillet 2020, la locataire a assigné la bailleresse devant le juge de l'exécution en mainlevée de la saisie et paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

5. La locataire fait grief à l'arrêt de valider la saisie-attribution à hauteur d'une certaine somme, alors :

« 1°/ que les mesures optionnelles et dérogatoires résultant des ordonnances n° 2020-306 du 25 mars 2020 et n° 2020-316 du 25 mars 2020 adoptées pendant la crise sanitaire et neutralisant certaines sanctions de l'inexécution des obligations pendant la période juridiquement protégée n'écartent pas l'application des règles permanentes du code civil relatives au contrat de bail qui ne sont pas incompatibles avec de telles dispositions, telles que l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée ; qu'en considérant que la société Action France ne pouvait pas se prévaloir de l'article 1722 du code civil, dès lors que le législateur avait déjà pris en compte les conséquences pour bailleurs et preneurs de la fermeture des commerces pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, lorsque les ordonnances du 25 mars 2020 avaient pour seul objet de neutraliser les sanctions du retard dans le paiement des loyers et n'excluaient pas le droit pour le preneur d'invoquer la perte de la chose louée résultant de l'impossibilité temporaire d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil ;

2°/ que le preneur non éligible aux dispositions protectrices de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 peut invoquer l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée, en l'absence de règle spécifique applicable à sa situation ; qu'en énonçant, pour considérer que le preneur ne pouvait pas invoquer les dispositions de l'article 1722 du code civil, qu'il importait peu que la société Action France ne réponde pas aux critères d'éligibilité prévus à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 précitée, permettant à certains preneurs de bénéficier de son article 4, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national.

7. En application de l'article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité.

8. Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

9. Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

10. L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

12. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'impossibilité pour le preneur d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au bail, même si elle est imposée par les pouvoirs publics, constitue un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le preneur invoque l'exception d'inexécution ; qu'en énonçant que le bailleur n'avait pas pour obligation, en l'absence de stipulations contractuelles particulières, de garantir la commercialité des locaux, ceux objet du bail ayant été mis à la disposition du preneur, lequel admet que l'impossibilité d'exploiter qu'il allègue était le seul fait du législateur, la cour d'appel a violé les articles 1219 et 1719 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. Ayant relevé que les locaux loués avaient été mis à disposition de la locataire, qui admettait que l'impossibilité d'exploiter, qu'elle alléguait, était le seul fait du législateur, la cour d'appel en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'était pas constitutive d'une inexécution de l'obligation de délivrance.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

15. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que le preneur qui n'a pu exploiter la chose louée selon sa destination à cause de la fermeture des locaux pendant la crise sanitaire peut obtenir la suspension de son obligation de paiement des loyers pendant cette fermeture, en invoquant la force majeure ; qu'en énonçant qu'à supposer que l'état d'urgence sanitaire constitue un fait de force majeure, le bailleur a fourni un local en lui-même exploitable, étant rappelé que le preneur reconnaît qu'il n'était pas dans l'impossibilité d'exécuter son obligation de payer le loyer de sorte qu'il n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure, lorsque le preneur était pourtant dans l'impossibilité d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé l'article 1218 du code civil. » Réponse de la Cour

16. Il résulte de l'article 1218 du code civil que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.

17. Dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que la locataire, débitrice des loyers, n'était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

19. La locataire fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que pour considérer que le bailleur n'avait pas manqué à son devoir de bonne foi, la cour d'appel a retenu qu'il avait proposé de différer le règlement du loyer d'avril 2020 pour le reporter sur le 3° trimestre, voire sur le 4° trimestre, proposition refusée par le preneur, tandis que le preneur n'avait pas adressé au préfet du département de la Savoie de demande de dérogation, ni mis en oeuvre pendant la période considérée des activités de livraison ou de retraits de commande, ce qu'il a mis en place ultérieurement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait pour le bailleur de pratiquer trois semaines seulement après la fin du confinement une mesure d'exécution forcée à l'encontre de son débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l'adapter aux circonstances, autre qu'une proposition de report d'un mois de loyer sous la forme d'un commandement de payer, ne constituait pas un manquement au devoir d'exécution du contrat de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

20. Ayant constaté que la bailleresse avait vainement proposé de différer le règlement du loyer d'avril 2020, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la locataire dans le détail de son argumentation, en a souverainement déduit que la bailleresse avait tenu compte des circonstances exceptionnelles et ainsi manifesté sa bonne foi.

21. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Action France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le trente juin deux mille vingt-deux, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour la société Action France

La société Action France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir validé la saisie-attribution pratiquée à son encontre par la société Foncière Saint-Louis le 2 juin 2020 à hauteur de la somme de 28 233,69 € ;

1) Alors que les mesures optionnelles et dérogatoires résultant des ordonnances n°2020-306 du 25 mars 2020 et n°2020-316 du 25 mars 2020 adoptées pendant la crise sanitaire et neutralisant certaines sanctions de l'inexécution des obligations pendant la période juridiquement protégée n'écartent pas l'application des règles permanentes du code civil relatives au contrat de bail qui ne sont pas incompatibles avec de telles dispositions, telles que l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée ; qu'en considérant que la société Action France ne pouvait pas se prévaloir de l'article 1722 du code civil, dès lors que le législateur avait déjà pris en compte les conséquences pour bailleurs et preneurs de la fermeture des commerces pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, lorsque les ordonnances du 25 mars 2020 avaient pour seul objet de neutraliser les sanctions du retard dans le paiement des loyers et n'excluaient pas le droit pour le preneur d'invoquer la perte de la chose louée résultant de l'impossibilité temporaire d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil ;

2) Alors en tout état de cause que le preneur non éligible aux dispositions protectrices de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 peut invoquer l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée, en l'absence de règle spécifique applicable à sa situation ; qu'en énonçant, pour considérer que le preneur ne pouvait pas invoquer les dispositions de l'article 1722 du code civil, qu'il importait peu que la société Action France ne réponde pas aux critères d'éligibilité prévus à l'article 1er de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 précitée, permettant à certains preneurs de bénéficier de son article 4, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil ;

3) Alors que l'impossibilité pour le preneur d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au bail, même si elle est imposée par les pouvoirs publics, constitue un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le preneur invoque l'exception d'inexécution ; qu'en énonçant que le bailleur n'avait pas pour obligation, en l'absence de stipulations contractuelles particulières, de garantir la commercialité des locaux, ceux objet du bail ayant été mis à la disposition du preneur, lequel admet que l'impossibilité d'exploiter qu'il allègue était le seul fait du législateur, la cour d'appel a violé les articles 1219 et 1719 du code civil ;

4) Alors que le preneur qui n'a pu exploiter la chose louée selon sa destination à cause de la fermeture des locaux pendant la crise sanitaire peut obtenir la suspension de son obligation de paiement des loyers pendant cette fermeture, en invoquant la force majeure ; qu'en énonçant qu'à supposer que l'état d'urgence sanitaire constitue un fait de force majeure, le bailleur a fourni un local en lui-même exploitable, étant rappelé que le preneur reconnaît qu'il n'était pas dans l'impossibilité d'exécuter son obligation de payer le loyer de sorte qu'il n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure, lorsque le preneur était pourtant dans l'impossibilité d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé l'article 1218 du code civil ;

5) Alors enfin que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que pour considérer que le bailleur n'avait pas manqué à son devoir de bonne foi, la cour d'appel a retenu qu'il avait proposé de différer le règlement du loyer d'avril 2020 pour le reporter sur le 3° trimestre, voire sur le 4° trimestre, proposition refusée par le preneur, tandis que le preneur n'avait pas adressé au Préfet du département de la Savoie de demande de dérogation, ni mis en oeuvre pendant la période considérée des activités de livraison ou de retraits de commande, ce qu'il a mis en place ultérieurement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait pour le bailleur de pratiquer trois semaines seulement après la fin du confinement une mesure d'exécution forcée à l'encontre de son débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l'adapter aux circonstances autres qu'une proposition de report d'un mois de loyer sous la forme d'un commandement de payer, ne constituait pas un manquement au devoir d'exécution du contrat de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1104 du code civil ;"

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