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Peut-on obliger son voisin à élaguer ses arbres chaque année ?

Cet arrêt juge que l'article 673 du code civil ne permet d'imposer une obligation annuelle d'élagage à son voisin, car cela revient à présumer pour l'avenir de la méconnaissance par un propriétaire de son obligation légale d'élagage.

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"Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 juillet 2019), propriétaires d'une maison d'habitation, M. et Mme [P] ont assigné M. et Mme [E], propriétaires voisins, en abattage, étêtage et élagage de plusieurs arbres sur le fondement des articles 671, 672 et 673 du code civil, ainsi qu'en indemnisation de divers préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir opposée à la demande de M. et Mme [P] en réfection du mur et d'ordonner une expertise, alors « que la cour d'appel statue sur les dernières conclusions déposées par les parties ; qu'en l'espèce, les époux [E] avaient fait signifier, le 13 mars 2019, des conclusions aux termes desquelles ils sollicitaient, notamment, que soient déclarées irrecevables comme nouvelles les demandes tendant à l'abattage de l'if et de l'érable, ainsi que celles en paiement de la reconstruction ou de la réfection du mur de séparation ; qu'en visant les seules conclusions déposées par les époux [E] le 29 mars 2018, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [P], sans énoncer de motifs relatifs à la recevabilité de la demande de ces derniers tendant à la réfection du mur mitoyen, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le moyen, qui se borne à contester les dispositions de l'arrêt rejetant une fin de non-recevoir et ordonnant une mesure d'instruction, est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de les condamner à faire procéder chaque année à la coupe des branches de l'érable et du cèdre dépassant de leur fonds sur celui de M. et Mme [P] jusqu'à la moitié de la largeur du mur mitoyen, sous une astreinte passé le délai de un mois de l'infraction constatée, alors « que sur l'érable et le cèdre, la faculté prévue par l'article 673 du code civil, pour le propriétaire d'un fonds, d'exiger que soient coupées les branches des arbres dépassant les limites de celui-ci ne comporte pas celle d'obtenir, pour l'avenir, la condamnation, sous astreinte, du propriétaire du fonds voisin à procéder à une coupe annuelle des branches dépassant son fonds ; qu'en l'espèce, les époux [E] avaient fait valoir qu'ils avaient fait procéder à des coupes régulières de l'érable comme du cèdre, en respectant les contraintes liées à la structure du cèdre et à son âge ; que la cour d'appel qui a condamné sous astreinte les époux [E] à faire procéder chaque année à la coupe de l'érable et du cèdre et ainsi présumé pour l'avenir de la méconnaissance de leur obligation légale d'élagage a, en statuant ainsi, violé la disposition susvisée. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 673 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.

7. Pour condamner sous astreinte M. et Mme [E] à un élagage annuel des deux arbres, l'arrêt retient qu'il est constant que des branches du cèdre dépassent sur le fonds voisin et que le jugement doit également être infirmé en ce qu'il rejette la demande d'élagage de l'érable.

8. En statuant ainsi, alors qu'il ne peut être présumé pour l'avenir de la méconnaissance par un propriétaire de son obligation légale d'élagage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. et Mme [P] la somme de 700 euros au titre des travaux de nettoyage, alors « qu'en statuant ainsi, sans préciser l'objet des travaux de nettoyage ni par quelles pièces la somme retenue était justifiée, ni imposer aux époux [P] d'établir en quoi les travaux de nettoyage dont ils demandaient le remboursement avaient pour objet de balayer les déchets tombés des arbres plantés sur le fonds [E], et non pas toutes autres feuilles emportées d'autres fonds par le vent, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

11. Pour condamner M. et Mme [E] au paiement d'une certaine somme au titre des travaux de nettoyage, l'arrêt retient qu'au vu des pièces produites et des explications des parties, la cour d'appel dispose des éléments nécessaires pour faire droit à la demande de M. et Mme [P] à hauteur de la somme justifiée de 700 euros.

12. En statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme [E] à faire procéder chaque année à la coupe des branches de l'érable et du cèdre dépassant de leur fonds sur celui de M. et Mme [P] et à payer à M. et Mme [P] la somme de 700 euros au titre des travaux de nettoyage, l'arrêt rendu le 9 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. et Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

 

 

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme et M. [E] (demandeurs au pourvoi principal)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité, soulevée par les époux [E], des demandes des époux [P] quant à la dégradation du mur séparatif des fonds et à sa reconstruction à leurs frais, et d'avoir ordonné une expertise sur la dégradation du mur,

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un tiers » ; l'article 565 du même code dispose que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent » ; aux termes de l'article 566, « les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci, toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément » ;

Qu'il résulte de l'application des textes susvisés que les demandes de M et Mme [P] ne sont pas nouvelles en cause d'appel et ce, d'autant qu'ils sollicitaient déjà l'abattage du cèdre et de l'if devant le premier juge, de sorte que l'exception d'irrecevabilité des demandes soulevée par les appelants doit être rejetée ;

ALORS QUE la cour d'appel statue sur les dernières conclusions déposées par les parties ; qu'en l'espèce, les époux [E] avaient fait signifier, le 13 mars 2019, des conclusions aux termes desquelles ils sollicitaient, notamment, que soient déclarées irrecevables comme nouvelles les demandes tendant à l'abattage de l'if et de l'érable, ainsi que celles en paiement de la reconstruction ou de la réfection du mur de séparation ; qu'en visant les seules conclusions déposées par les époux [E] le 29 mars 2018, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [P], sans énoncer de motifs relatifs à la recevabilité de la demande de ces derniers tendant à la réfection du mur mitoyen, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M et Mme [E] à faire procéder chaque année à la coupe des branches de l'érable et du cèdre dépassant de leur fonds sur celui des époux [P] jusqu'à la moitié du mur mitoyen et ce, dans le mois de l'infraction constatée et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant un délai de deux mois,

AUX MOTIFS QUE sur l'élagage de l'érable et de l'if, aux termes de l'article 673 du code civil, « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.

« Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.

« Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux est imprescriptible » ;

Qu'en l'espèce, l'usage parisien ci-dessus évoqué ne permet pas aux époux [E] de s'affranchir de la règle fixant à 2 mètres la hauteur de l'if situé depuis la limite du fonds jusqu'à une distance de deux mètres ;

Que pour autant, il n'est pas établi que les branches de l'if dépassent systématiquement sur la propriété de M et Mme [P], ces derniers reconnaissant eux-mêmes dans leurs conclusions d'appel qu'aucune branche ne dépasse sur leur fonds, ce qui atteste s'il en est besoin que M et Mme [E] procèdent régulièrement à l'élagage de cet arbre ;

Qu'en condamnant sous astreinte les époux [E] à faire procéder à l'élagage des branches de l'if qui dépasseraient éventuellement de leur fonds sur celui des époux [P], alors qu'à l'évidence, les ifs sont régulièrement entretenus, il ne peut être présumé pour l'avenir de la méconnaissance par le propriétaire de son obligation légale d'élagage, de sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point ;

Que le jugement doit également être infirmé en ce qu'il a débouté les époux [P] de leur demande d'élagage de l'érable, planté sur le fonds des époux [E] et statuant à nouveau, il y a lieu de condamner les appelants à faire procéder chaque année à la coupe des branches dépassant de leur fonds sur celui des époux [P] et ce, dans le mois de l'infraction constatée et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant un délai de deux mois ;

Sur l'élagage du cèdre,

Qu'en l'espèce, il est constant et ne peut être sérieusement contesté au regard des différents procès verbaux de constat établis par huissiers de justice et des photos y annexées que les branches du cèdre dépassent sur le fonds voisin ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article 673 du code civil ci dessus rappelé, tout propriétaire peut exiger que les branches des arbres du fonds voisin qui dépassent sur le sien soient coupées par son propriétaire sans que ne puissent lui être opposées les considérations tirées de la survie de l'arbre, de l'acquisition du terrain en toute connaissance de cause, du caractère tardif de la demande, de l'absence de préjudice, de l'inefficacité et l'élagage au regard du dommage causé ou même de l'abus de droit ;

Que toutefois, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les dispositions de l'article 673 du code civil, même si elles ne sont pas d'ordre public, ne peuvent être écartées lorsque l'arbre concerné par l'élagage ou le coupage des branches dépassant le fonds voisin fait l'objet d'une protection administrative ou contractuelle particulière ;

Qu'au cas particulier, la classification du cèdre dans l'aire de mise en valeur du patrimoine de la commune du Vésinet le 3 octobre 2016, constitutive d'une servitude d'urbanisme ne fait pas obstacle à l'application des règles édictées par l'article 673 du code civil : c'est ainsi qu'il a été jugé que, faute de faire partie d'un espace boisé classé soumis aux dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'environnement, aucune restriction ne peut être apportée, si ce n'est d'un commun accord, au droit imprescriptible des propriétaires sur les fonds desquels s'étendent les branches des arbres voisins de demander la réduction des ramures qui empiètent sur leur propriété ;

Qu'en conséquence, M et Mme [P] doivent être déclarés fondés en leur demande de condamnation des époux [E] à couper les branches du cèdre qui dépassent ou surplombent leur fonds ;

1 ) ALORS QUE, sur l'érable, en se bornant à énoncer qu'il y avait lieu d'infirmer le jugement entrepris ayant débouté les époux [P] de leur demande aux fins de voir condamner les époux [E] à faire procéder à son élagage, pour condamner ces derniers à y faire procéder chaque année sous astreinte un mois après la constatation de l'infraction, la cour d'appel qui n'a donné aucune justification de sa décision n'a pas, en statuant ainsi, satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2 ) ALORS QUE sur l'érable et le cèdre, la faculté prévue par l'article 673 du code civil, pour le propriétaire d'un fonds, d'exiger que soient coupées les branches des arbres dépassant les limites de celui-ci ne comporte pas celle d'obtenir, pour l'avenir, la condamnation, sous astreinte, du propriétaire du fonds voisin à procéder à une coupe annuelle des branches dépassant son fonds ; qu'en l'espèce, les époux [E] avaient fait valoir qu'ils avaient fait procéder à des coupes régulières de l'érable comme du cèdre, en respectant les contraintes liées à la structure du cèdre et à son âge ; que la cour d'appel qui a condamné sous astreinte les époux [E] à faire procéder chaque année à la coupe de l'érable et du cèdre et ainsi présumé pour l'avenir de la méconnaissance de leur obligation légale d'élagage a, en statuant ainsi, violé la disposition susvisée ;

3 ) ALORS QUE s'agissant du cèdre, les époux [E] ont fait valoir dans leurs conclusions (pages 16 et s) que les dispositions de l'article 673 du code civil pouvaient être écartées dans le cas où l'arbre concerné avait fait l'objet d'une protection contractuelle ou administrative spécifique et où des élagages intempestifs étaient susceptibles d'entraîner une mutilation de l'arbre contraire à l'objectif de conservation de la végétation; qu'en l'espèce, le cèdre, planté dans les années 50, faisait l'objet d'une servitude par destination de père de famille ayant pour objet la conservation de l'arbre et sa soumission à un régime dérogatoire ; qu'en outre, il avait été l'objet d'un classement, ce qui l'avait placé parmi les 400 arbres « remarquables » de la commune ; que la cour d'appel qui a refusé de considérer que les époux [P], en acquérant leur fonds, s'étaient, par contrat, engagés à respecter cet objectif et avaient accepté le régime dérogatoire conféré au cèdre par la servitude par destination de père de famille, mais qui a condamné, sous astreinte, les époux [E] à procéder chaque année à une coupe de nature à le fragiliser a, en statuant ainsi, violé les dispositions de l'article 1193 du code civil

4 ) ALORS QUE dans leurs conclusions (pages 17 et s), les époux [E] ont fait valoir que le cèdre planté sur leur fonds faisait l'objet d'un classement parmi les 400 « arbres remarquables » de la commune, auxquels une protection spécifique administrative était attachée, outre celle instituée par la commune du Vésinet par un arrêté municipal du 6 octobre 1979 imposant d'informer les services de la ville et d'obtenir une autorisation lors de toute intervention sur un arbre, la visite d'un technicien municipal étant préalable à celle-ci ; que pour condamner sous astreinte les époux [E] à faire élaguer chaque année le cèdre planté sur leur fonds, la cour d'appel s'est fondée sur le droit imprescriptible du propriétaire résultant de l'article 673 du code civil mais s'est abstenue de rechercher si le régime spécifique de protection de la végétation, institué par la commune aux fins de conservation, ne constituait pas une limite légitime au droit de faire couper, sans restriction ni contrôle et trop fréquemment, toute branche dépassant les limites d'un fonds ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 673 du code civil ;

5 ) ALORS QUE le droit, pour un propriétaire, d'obtenir la coupe des branches dépassant sur son fonds, a pour limite l'obligation de ne pas exiger des coupes susceptibles d'entraîner la destruction des arbres appartenant à son voisin ou leur fragilisation et par là, leur dangerosité ; qu'en l'espèce, (conclusions pages 17 et s) les époux [E] ont justifié, par un rapport de l'Onf, qu'une coupe trop fréquente des branches du cèdre dépassant le fonds [P] constituerait une opération mutilante, susceptible de fragiliser la structure de l'arbre de façon irrémédiable, et ont souligné que la coupe à laquelle ils avaient procédé en 2014 avait été réalisée sous le contrôle des services de la mairie et dans les règles de l'art mais ne devait pas être renouvelée avant 2020 ; que dès lors, les époux [E] ayant établi avoir exécuté leur obligation légale d'élagage de manière raisonnée, sous le contrôle des services de la ville, et démontré que celle-ci ne devait pas être renouvelée chaque année, sauf à fragiliser le cèdre, la cour d'appel ne pouvait les condamner, sous astreinte, à une coupe annuelle, sans violer le principe de proportionnalité ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux [E] à payer aux époux [P] la somme de 700 € au titre des travaux de nettoyage,

AUX MOTIFS QU'au vu des pièces produites et des explications des parties, la cour dispose des éléments nécessaires pour faire droit à la demande de M et Mme [P] à hauteur de la somme justifiée de 700 € ;

ALORS QU'en statuant ainsi, sans préciser l'objet des travaux de nettoyage ni par quelles pièces la somme retenue était justifiée, ni imposer aux époux [P] d'établir en quoi les travaux de nettoyage dont ils demandaient le remboursement avaient pour objet de balayer les déchets tombés des arbres plantés sur le fonds [E], et non pas toutes autres feuilles emportées d'autres fonds par le vent, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P] (demandeurs au pourvoi incident)

Le moyen de cassation du pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux [P] de leurs demandes tendant à l'abattage ou l'étêtage des arbres ne respectant pas les prescriptions de l'article 671 du code civil,

Aux motifs que « pour s'opposer aux demandes de M et Mme [P] formée sur le fondement des dispositions des articles 671 du code civil, M et Mme [E] invoquent les usages en vigueur en région parisienne, la servitude par destination du père de famille, et en outre, s'agissant du cèdre, la prescription de la demande de son abattage.
Aux termes de l'article 671 du code civil, "il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété 2 2 voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus, et à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations".
Il est aujourd'hui admis que la règle posée à l'article 671 du code civil n'a qu'un caractère supplétif, de sorte qu'elle doit être écartée lorsque par usage local, les plantations ne sont assujetties à aucune distance.
Or, a été consacrée l'existence à [Localité 4] et en région parisienne, soit dans un rayon de 45 km de [Localité 4], d'un usage constant et de notoriété publique en vertu duquel il n'existe aucune distance de plantation et qui autorise même la plantation d'arbres jusqu'à l'extrême limite séparative.
Cet usage parisien permettant de planter en-deçà des limites fixées par l'article 671 du code civil précité afin de tenir compte de l'exiguïté des parcelles en région parisienne, est applicable à la ville de [Localité 3], distante de 18 kilomètres de [Localité 4], fortement urbanisée, ce qui autorise les époux [E] à s'en prévaloir.
Au surplus, et ainsi que le font justement observer M et Mme [E], la demande d'abattage ou d'arrachage d'arbres situés à moins de deux mètres de la limite séparative est conditionnée à l'absence de destination de père de famille au sens des dispositions de l'article 693 du code civil en vertu desquelles "il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude".
En l'espèce, M. et Mme [E] justifient que les arbres ont été plantés avant la division du fonds et la création des deux parcelles distinctes le 6 juin 1995 par Mme [W], précédente propriétaire, qui a ensuite cédé chacune des deux parcelles à M et Mme [E] d'une part et M et Mme [P] d'autre part.
Aux termes d'une attestation rédigée le 30 avril 2016 conforme aux dispositions de l'article 220 du code de procédure civile, Mme [W] témoigne notamment en ces termes : « J'atteste que le cèdre et l'érable étaient déjà présents dans le jardin quand j'ai acheté le 9 mai 1973 la propriété du [Adresse 2] (section AN numéro [Cadastre 1]) ».
Il s'ensuit que M et Mme [E] sont bien fondés à se prévaloir de la servitude par destination du père de famille résultant de la division de la parcelle initiale en deux lots que les époux [P] ont nécessairement accepté en achetant leur propre fonds.
Au surplus, s'il en est besoin, s'agissant de l'érable et du cèdre, il y a lieu d'ajouter que l'action initiée en mars 2016 par M et Mme [P] aux fins d'obtenir l'abattage de l'érable et du cèdre est prescrite, ainsi que le font observer à juste titre M et Mme [E] : en effet, ces arbres, d'après l'attestation de Mme [W] étaient déjà plantés dans son jardin lorsqu'elle a acquis la propriété le 9 mai 1973, de sorte qu'il ne peut 2 3 être contesté qu'ils avaient déjà atteint la hauteur de plus de deux mètres en mars 1986 (soit 13 ans plus tard).
En conséquence, l'usage parisien reconnu, la servitude de destination du père de famille et la prescription font obstacle à l'application des dispositions de l'article 671 du code civil sur lequel les époux [P] fondent leurs demande d'abattage des arbres » (arrêt p.7 et 8) ;

1/ Alors que l'abattage d'arbres doit être ordonné si cette mesure est le seul moyen de faire cesser un trouble anormal de voisinage, nonobstant les usages locaux en matière de distance de plantation, l'existence d'une servitude par destination du père de famille et la prescription de l'action en abattage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'usage parisien reconnu, la servitude de destination du père de famille et la prescription faisaient obstacle aux demandes d'abattage d'arbres sollicitées par les époux [P] ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet abattage n'était pas la seule solution pour faire cesser le trouble de voisinage subi par les époux [P] du fait de ces plantations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage;

2/ Alors que M. et Mme [P] ont fait valoir, dans leurs conclusions d'appel (p. 8 § 8 et p.22 § 3), que dès lors qu'il était établi que l'élagage du cèdre auquel ils pouvaient prétendre, en application de l'article 673 du code civil, était de nature à présenter un danger pour la survie de l'arbre et pour la sécurité des biens et des personnes, son abattage pouvait être ordonné ; qu'en condamnant M. et Mme [E] à procéder à l'élagage de leur arbre et en écartant la demande d'abattage, sans répondre au moyen des exposants fondé sur l'existence d'un danger, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3/ Alors que le bénéficiaire d'une servitude par destination du père de famille ne peut en user que suivant son titre sans pouvoir aggraver la condition du propriétaire du fonds servant ; qu'en l'espèce, M. et Mme [P] ont soutenu en appel que les époux [E] ne pouvaient se prévaloir d'une servitude par destination du père de famille pour s'opposer à leurs demandes concernant les arbres empiétant sur leur terrain dès lors qu'ils avaient aggravé cette servitude en laissant se développer à outrance les arbres en question (concl. p. 15) ; qu'en décidant que les époux [E] pouvaient, pour s'opposer aux demandes d'abattage formées par M. et Mme [P], invoquer la servitude par destination du père de famille, sans répondre au moyen pris de l'aggravation de la servitude, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4/ Alors qu'en toute hypothèse, en s'abstenant de rechercher si l'existence d'une servitude par destination du père de famille, qui était contestée par les époux [P], était réellement établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 672 du code civil ;

5/ Alors qu'en ce qui concerne l'if, la cour d'appel a retenu que l'usage parisien autorisant de planter en-deçà des limites fixées par l'article 671 du code civil ne permettait pas aux époux [E] de s'affranchir de la règle fixant à 2 mètres la hauteur de l'if situé depuis la limite du fonds jusqu'à une distance de deux mètres (arrêt p.9 alinéa 2) ; qu'en refusant cependant d'ordonner l'étêtage de cet arbre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 671 du code civil ;

6/ Alors que pour rejeter la demande d'abattage de l'érable et du cèdre, la cour d'appel a retenu que l'action initiée en mars 2016 était prescrite dès lors que ces arbres, selon l'attestation de Mme [W], étaient déjà plantés dans son jardin lorsqu'elle a acquis la propriété le 9 mai 1973, de sorte qu'il ne pouvait être contesté qu'ils avaient déjà atteint la hauteur de plus de deux mètres en mars 1986, trente ans avant l'action en abattage ; qu'en statuant ainsi sans s'assurer qu'en mars 1986, les arbres litigieux, pour autant qu'ils aient mesuré plus de deux mètres, se trouvaient à une distance inférieure à deux mètres de la ligne séparative des deux héritages, ce qui paraissait douteux, la cour ayant elle-même retenu que la division des fonds était intervenue le 6 juin 1995 (arrêt p. 7 pénultième alinéa), la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 672 du code civil ;

7/ Alors que les consorts [P] ont également soutenu dans leurs conclusions d'appel que leur terrain était envahi par les racines du cèdre, ce qui justifiait son abattage (concl p. 16) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile."

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