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Les associés paieront à la place de la SCI !

Cet arrêt juge que les associés de la SCI doivent payer sa dette.

 

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"M. Michel S. était propriétaire à Gourette (64) d'un chalet dénommé le Courteilh, se trouvant à proximité immédiate et en amont d'un terrain appartenant à la SCI Le Portillo sur lequel celle-ci a, dans le cadre d'un projet de construction d'une résidence collective, fait entreprendre courant novembre 2006 d'importants travaux de terrassement (décaissement et raidissement de talus) à l'origine d'un basculement général et monolithique du chalet, dans la diagonale nord-est sud-ouest duquel a été relevé un dénivelé de 16 cm en moyenne.

Par ordonnance du 6 juin 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pau a notamment condamné la SCI Le Portillo à payer à M. S. une provision de 102 187 €.

Par jugement du 28 mars 2012, le tribunal de grande instance de Pau a déclaré la SCI Le Portillo responsable, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage des dommages causés à la propriété de M. S. et l'a condamnée à payer à celui-ci les sommes de 207 388 € sous déduction de la provision allouée part le juge de la mise en état et la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice de jouissance.

Par arrêt du 10 septembre 2013, la cour d'appel de Pau a confirmé ce jugement sauf en ce qui concerne la réparation du préjudice résultant de la moins-value subi par l'immeuble de M. S. et condamné de ce chef la SCI Le Portillo à lui payer une indemnité de 57 250 €.

Par courrier du 8 décembre 2015, Me Le C., huissier de justice à Oloron Sainte Marie, a informé le conseil de M. S. de ce qu'il ne pouvait en l'état recouvrer la créance de celui-ci, la SCI Le Portillo ne paraissant pas détenir d'actifs mobiliers, ses comptes bancaires étant clôturés ou débiteurs et le bien immobilier de Gourette étant déjà hypothéqué.

Par ordonnance du 29 décembre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pau, après le décès de M. S. survenu le 20 janvier 2015, autorisé ses héritiers ((Françoise, Charles et Caroline S.) et la MAIF, partiellement subrogée dans leurs droits, à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur des biens sis à Gourette, appartenant à Mme Myriam H. épouse B., associée pour moitié avec son époux dans la SCI Le Portillo.

Par acte du 4 janvier 2016, les bénéficiaires de cette ordonnance et Mme Emmanuelle S., autre héritière, ont fait assigner les époux B. aux fins de les voir déclarer responsables, sur le fondement de l'article 1857 du code civil, des dettes de la SCI Le Portillo et condamner à rembourser à la MAIF la somme de 137 124,06 € et à payer aux consorts S. une somme principale de 30 817,86 €.

Par jugement du 25 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Pau a condamné les époux B. à payer aux demandeurs la somme de 102 187 € à répartir entre eux à proportion de leurs créances totales respectives, outre 3 000 € à titre de dommages-intérêts et 2 000 € pour indemnité de procédure.

Au soutien de sa décision, le tribunal a considéré en substance :

- que les demandeurs justifiaient avoir vainement exercé des poursuites préalables contre la SCI Le Portillo,

- qu'il n'était pas justifié de la situation comptable actuelle de la SCI et que son patrimoine immobilier a fait l'objet de plusieurs inscriptions d'hypothèques, de privilèges et d'un commandement à fin de saisie immobilière,

- que l'obligation contributive des époux B. doit être cantonnée à concurrence de la créance consacrée en leur faveur contre la SCI avant que les époux B. n'aient cédé leurs parts dans cette société, soit la somme de 102 187 € allouée par l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juin 2011, exécutoire de droit par provision.

Les époux B. ont interjeté appel de cette décision, selon déclaration transmise au greffe de la cour le 30 décembre 2016.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 13 février 2019.

Dans leurs dernières conclusions du 29 mars 2017, les époux B. demandent à la cour, réformant la décision entreprise, au visa des articles 1857 et 1858 du code civil :

- de dire que les consorts S. et la MAIF ne justifient pas avoir préalablement et vainement poursuivi la SCI Le Portillo et ne justifient pas que le patrimoine social de cette société serait insuffisant pour les désintéresser de leur créance,

- de dire que la créance alléguée par les intimés à l'encontre de la SCI Le Portillo n'existait pas ou, à tout le moins, n'était ni certaine ni liquide ni exigible au 27 octobre 2011, date à laquelle ils n'étaient plus associés de cette société,

- de dire que les intimés ne sont pas fondés à engager la responsabilité subsidiaire des associés de la SCI Le Portillo en sorte qu'ils ne sont pas tenus au paiement de la créance alléguée par les consorts S. et la MAIF contre la SCI,

- de débouter les consorts S. et la MAIF de leurs demandes et de les condamner à leur payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, ils exposent en substance :

- sur l'absence de preuve de l'insuffisance du patrimoine social :

> qu'il appartient aux créanciers d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour les désintéresser,

> que le tribunal a jugé à tort que le simple certificat établi le 8 décembre 2015 par un huissier de justice démontrerait à lui seul l'impossibilité de recouvrement des créances contre la SCI Le Portillo, alors que la preuve n'est pas rapportée du vain exercice d'une quelconque tentative préalable d'exécution forcée contre la société, dont le patrimoine immobilier est plus important que la créance alléguée par les intimés, les bilans comptables de la SCI faisant état d'immeubles en cours de production pour 9 000 000 €, de constructions pour 555 000 €, de créances clients pour 633 000 € et d'autres créances pour 170 000 €, l'ensemble de ces biens n'étant pas hypothéqué,

- sur le défaut de caractère certain, liquide et exigible de la créance alléguée à l'encontre et son absence d'exigibilité :

> que seuls les associés présents au capital à la date à laquelle les paiements sont exigibles peuvent être recherchés par les créanciers sur le fondement de l'article 1857 du code civil,

> qu'au 27 octobre, date de cession de leurs parts, M. S. ne détenait aucune décision définitive ayant autorité de chose jugée, l'ordonnance du juge de la mise en état étant simplement exécutoire de droit à titre provisionnel.

Par leurs dernières conclusions du 18 avril 2017, les consorts S. et la MAIF, formant appel incident, demandent à la cour, au visa des articles 1167 ancien et 1757 et 1758 du code civil :

- à titre principal, de déclarer les époux B. responsables des dettes de la SCI Le Portillo née avant la cession des parts et de les condamner à payer à la MAIF la somme de 137 124,06 € et aux consorts S. la somme de 30 817,86 €, avec intérêts au taux majoré à compter du 10 novembre 2013,

- subsidiairement, de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de dire que la somme de 102 187 € portera intérêt au taux légal à compter du 6 juin 2011, date de l'ordonnance de mise en état et au taux majoré deux mois à compter de cette date,

- de condamner les époux B. à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre les entiers dépens.

Ils soutiennent pour l'essentiel :

- sur l'existence de vaines poursuites : qu'ils justifient de la procédure indemnitaire diligentée à l'encontre de la SCI Le Portillo, qu'un huissier instrumentaire a diligenté de multiples mesures d'exécution rappelées dans son relevé de diligences ayant permis de récupérer une somme de 47 400 €, que le relevé hypothécaire produit par les appelants établit que les biens immobiliers dont elle est juridiquement encore propriétaire sont constitués de lots (appartements)à à construire vendus dans le cadre de ventes en l'état futur d'achèvement,

- sur l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible : que l'article 1857 du code civil pose pour seule condition l'exigibilité de la créance, en sorte qu'il suffit que le titre de créance soit exécutoire et non revêtu de l'autorité de chose jugée,

- qu'ils sont fondés à solliciter la condamnation des époux B. sur le fondement de l'article 1167 ancien du code civil dès lors que la cession des parts des époux B. a été réalisé en fraude des droits des créanciers sociaux, la fraude paulienne résultant de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux.

MOTIFS

L'article 1858 du code civil dispose que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Il convient de vérifier si les conditions d'application de ce texte ( existence d'une dette sociale, d'une part, qualité d'associé de l'associé poursuivi à la date de naissance de la dette, d'autre part, et, enfin, exercice de vaines poursuites contre la société) sont réunies.

L'existence d'une dette sociale est établie puisque M. S. disposait à l'encontre de la SCI Le Portillo d'un titre de créance exécutoire constitué par l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juin 2011, exécutoire de droit, ayant condamné la SC0I Le Portillo à lui payer une provision de 102 787 € TTC, étant considéré que l'article 1858 du code civil n'exige pas l'existence d'une créance constatée par une décision judiciaire devenue définitive.

S'agissant de la condition tenant à la constatation de la qualité d'associé de la personne poursuivie à la date de naissance de la dette sociale, il échet de constater qu'au 6 juin 2011, date du prononcé de l'ordonnance du juge de la mise en état ayant condamné la SCI Le Portillo au paiement d'une provision au profit de M. S., les époux B. étaient associés de cette société, la cession de leurs parts à une tierce société n'étant intervenue que postérieurement (le 28 octobre 2011).

S'agissant de la condition relative à l'exercice de préalables et vaines poursuites à l'encontre de la société, il y a lieu de considérer qu'il appartient au créancier de rapporter la preuve que l'inefficacité des mesures d'exécution qu'il a engagées établit que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser.

En l'espèce, les consorts S. fondent leur demande sur :

- un courrier de Me M., huissier de justice à Oloron Sainte Marie, daté du 13 avril 2012 et ainsi rédigé : 'Nous avons signifié le jugement le 12 avril. Nous reprenons l'exécution mais craignons fort un échec, les comptes n'étant plus alimentés et l'actif mobilier étant nul.',

- un courrier de Me Le C., huissier de justice à Oloron Sainte Marie, en date du 8 décembre 2015, ainsi rédigé : 'La SCI Le Portillo ne possède à ma connaissance aucun actif immobilier. Comptes bancaires identifiés, clos ou en débit. Par ailleurs, le bien immobilier situé sur Gourette est très largement hypothéqué par divers créanciers. Tout recouvrement m'apparaît pour l'instant illusoire.',

- ce dernier document est corroboré par un décompte des sommes dues (pièce 8) contenant un historique des diligences accomplies par l'étude d'huissiers M. / Le C. duquel il s'évince que si une saisie-attribution des comptes de la SCI Le Portillo auprès de la BPSO et de la Banque Pouyanne, pratiquée courant novembre 2011, a permis un règlement partiel à concurrence de 47 400 €, la tentative de saisie-attribution des comptes bancaires du 28 octobre 2015 n'a permis aucun règlement supplémentaire.

Si la mise en oeuvre de l'article 1858 du code civil ne nécessite pas la démonstration de l'état de cessation des paiements de la société débitrice, elle suppose cependant qu'il soit démontré que le caractère infructueux des diligences du créancier est révélateur de l'insuffisance du patrimoine social.

La preuve de la mise en oeuvre de vaines poursuites d'exécution et de l'insolvabilité de la SCI Le Portillo est ainsi rapportée par les intimés et les appelants ne justifient pas que le patrimoine social est suffisant à permettre le règlement de la dette, les documents comptables versés aux débats (pièce 5) faisant apparaître un résultat négatif pour les exercices 2013 et 2012 et les fiches hypothécaires (pièce 4) révélant l'existence d'inscriptions hypothécaires au profit de tiers sur le patrimoine immobilier de la SCI.

Considérant que l'associé qui se retire de la société est dégagé des dettes sociales devenues exigibles après son retrait, la mesure de l'obligation des époux B. s'évalue dans le montant de la provision allouée par l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juin 2011, de laquelle il convient de déduire les règlements partiels opérés sur exécution de ce titre à concurrence de 47 400 € (cf. ci-dessus), soit la somme de 54 787 €.

Il convient dès lors, réformant le jugement entrepris, de condamner les époux B., sur le fondement de l'article 1858 du code civil, à payer aux consorts S. et à la MAIF la somme globale de 54 787 € (à répartir entre eux au prorata de leurs créances totales respectives) augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 4 janvier 2016.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné les époux B. à payer aux consorts S. et à la MAIF la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts complémentaires, le premier juge ayant exactement retenu le caractère fautif de la cession de parts sociales destinée à limiter les conséquences pécuniaires de la responsabilité par eux encourue en qualité d'associés.

L'équité commande d'allouer aux consorts S. et à la MAIF, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 2 000 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Les époux B. seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 25 novembre 2016,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux B. à payer aux consorts S. et à la MAIF la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts complémentaires, outre les entiers dépens de première instance,

Réformant la décision entreprise pour le surplus et statuant à nouveau :

- Condamne les époux B. à payer aux consorts S. et à la MAIF la somme globale de 54 787 € (à répartir entre eux au prorata de leurs créances totales respectives) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2016,

- Condamne les époux B. à payer aux consorts S. et à la MAIF, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 2 000 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

- Condamne les époux B. aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, par suite de l'empêchement de Mme Brengard, Président, et par Mme Fittes-Pucheu, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire."

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