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Délai de prescription de l'action en paiement des loyers : 3 ans ou 5 ans

Cet arrêt de la Cour d'appel de Lyon juge que la prescription de trois ans des loyers en matière de bail d'habitation (loi ALUR) ne s'applique pas au contrat en cours. 

"Suivant bail en date du 27 juillet 2007 avec effet au 1er septembre 2007, monsieur A X, propriétaire, a donné à bail à madame Z Y une maison individuelle à usage d’habitation sise à […].

Le loyer convenu était libellé en deux monnaies : 1.270 € ou 2.100 francs suisses CHF, étant noté que la locataire, citoyenne américaine, travaillait dans ce pays limitrophe et était payée dans cette devise.

Au motif qu’il aurait fait exécuter des travaux d’embellissements de cette maison, monsieur X notifiait à sa locataire une augmentation du loyer à la somme de 2.300 CHF dès le mois de mars 2009, ce que la locataire acceptait au moins tacitement en payant cette nouvelle somme mensuellement dans cette devise.

Au printemps 2015, la locataire avisait le propriétaire de son intention de quitter les lieux au 1er juillet 2015 et disait prendre conscience de l’irrégularité de cette augmentation intervenue en dehors des dispositions législatives applicables. Il était également soutenu que le loyer fixé en euros et payé en francs suisses n’aurait pas tenu compte de l’évolution défavorable à la locataire du taux de change, ce qui aurait eu pour effet de lui faire payer dans cette devise étrangère au fil des mois des sommes indues.

A défaut d’accord amiable sur ces deux points et après saisine de la juridiction compétente, par jugement rendu le 25 avril 2016, le tribunal d’instance de NANTUA a, en substance :

• déclaré recevable l’action engagée par madame Z Y,

• rejeté la demande de conciliation ou de médiation préalable,

• condamné monsieur A X à payer à madame Z Y la somme de 10.379,20 € au titre de la majoration de loyer indûment perçue mais rejeté la demande de capitalisation des intérêts produits par cette somme.

Le tribunal a donc admis le principe d’une augmentation indue du loyer, d’un nécessaire remboursement du trop-perçu sur la base d’une prescription quinquennale. Par contre, il était dit et jugé que le loyer ayant été libellé tant en euros qu’en francs suisses, il ne pouvait être tiré aucune conséquence d’une évolution défavorable à la locataire de la parité de ces deux monnaies.

Madame Z Y a interjeté appel partiel de cette décision pour ce qui concerne le défaut de prise en compte de la dépréciation de l’euro vis-à-vis du franc suisse et du fait qu’elle a trop payé au bout du compte la somme de 42.394 francs suisses à convertir en euros au jour de l’arrêt à intervenir.

Il est essentiellement soutenu que le loyer de base a été principalement libellé en monnaie européenne et que le fait que le loyer ait été versé en francs suisses et non en euros a eu pour effet d’augmenter la charge de loyer en raison des variations très importantes du cours des deux devises qui n’ont pas été prises en compte. L’augmentation en résultant aurait été supérieure à celle que la révision annuelle aurait permise, ce qui est présenté comme prohibé par les dispositions d’ordre public de l’article 17 d) de la loi du 06 juillet 1989.

Elle demande également la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du code civil, la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation de son adversaire aux entiers dépens.

A l’opposé, monsieur X persiste à soutenir que la procédure est irrégulière pour n’avoir pas été précédée d’une tentative de résolution amiable du conflit, que l’augmentation de 10% du montant du loyer en cours d’exécution s’est faite d’un commun accord pour tenir compte des travaux d’embellissement effectués par le bailleur et a été suivie d’une augmentation spontanée du paiement par la locataire de la somme convenue.

A titre subsidiaire et pour le cas où cette augmentation de 10% serait jugée illégale, il est demandé à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à madame Z Y la somme limitée à 10.379,20 € au titre de la majoration de loyer indûment perçue, après avoir rejeté toutes demandes de son adversaire au titre de la variation du taux de change entre les deux monnaies dans lequel le montant du loyer était libellé.

SUR QUOI LA COUR

A bon droit, le premier juge a pu dire et juger par application des dispositions actuelles de l’article 56 du code de procédure civile, qui ne précise pas les démarches à entreprendre en la matière, que l’assignation a été précédée d’une phase amiable prenant la forme d’un échange de courriers entre les deux parties portant bien sur la restitution d’une partie du loyer versé.

A bon droit encore, le premier juge a dit et jugé que la majoration de loyer appliquée par monsieur X ne respectait aucune des mesures prescrites par les articles 17 c) et e) de la loi du 06 juillet 1989, tant pour ce qui concerne l’époque que la forme officielle de la notification de cette hausse, qui ne peut en aucun cas prendre comme en l’espèce l’aspect d’un mail, au surplus rédigé dans un français approximatif et largement incompréhensible.

Cette manière de procéder a incontestablement causé grief à madame Y, de nationalité étrangère travaillant en dehors de la France, qui par définition est en état d’infériorité s’agissant de la connaissance qu’elle peut avoir des lois nationales. Il convient bien de dire nulle et de nul effet cette hausse de loyer intempestive faite sans forme et d’ordonner la répétition de l’indu au profit du solvens.

A bon droit toujours, le tribunal a considéré que le délai de prescription applicable était quinquennal et non triennal, nonobstant la loi n°02014-366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR, ramenant à trois ans

le délai de prescription de l’action en paiement des loyers, cette disposition nouvelle n’étant pas applicable aux contrats alors en cours pour ne pas faire partie de celles explicitement et immédiatement exécutoires.

Concernant l’augmentation de 10% pratiquée indûment par monsieur X, nul ne remet en cause le calcul mathématique fait par le premier juge aboutissant à un trop-perçu par le bailleur d’une somme de 200 CHF x 57 mois , soit 11.400 CHF à convertir en euros au jour du paiement effectif par le débiteur. La décision déférée doit être confirmée sur ce point.

Reste la demande de l’appelante portant sur le défaut de prise en compte, tant par le bailleur que par le tribunal, de l’influence du taux de change entre l’euro et le franc suisse sur le montant du loyer à payer.

Il est constant en droit que le prix d’un loyer d’un logement français peut faire référence à une devise étrangère lorsqu’il existe une relation directe entre la monnaie visée et l’activité des parties, ce qui est bien le cas de l’espèce, madame Y de nationalité américaine travaillant en Suisse et étant payée dans la monnaie de ce pays frontalier.

Il n’en demeure pas moins que les loyers payés en France pour un bien situé dans notre pays doivent être payés dans la monnaie nationale, c’est à dire l’euro.

Présentement, le simple examen du contrat de bail ayant lié les parties démontre que si le loyer était « libellé », c’est à dire simplement exposé par écrit, en francs suisses, il était explicitement d’un « montant » de 1.270 € à « régler » dans cette devise. Il est également intéressant de noter que le dépôt de garantie était uniquement fixé en euros.

Dans ces conditions, seul le montant en euros avait une valeur contractuelle, la contrevaleur en francs suisses ainsi mentionnée n’ayant, à l’instant de la signature du bail, qu’une valeur indicative mentionnée à seule fin de fixer les esprits sur la parité des monnaies. La preuve en est qu’aucune clause de ce contrat ne prenait en compte l’obligatoire variation du taux de change qui devait advenir tout au long du bail et son influence sur le coût réel du loyer à payer.

C’est donc à ses risques et périls que madame Y a fait le choix de payer son loyer en francs suisses pour des raisons de pure commodité liées au fait qu’elle était payée dans cette monnaie et s’épargnait ainsi chaque mois un travail de conversion des monnaies liée à la variation du taux de change. En tout état de cause, elle est impuissante à démontrer comme elle le prétend que monsieur X lui ait imposé de payer son loyer en francs suisses et qu’elle ait émis la moindre protestation à ce sujet.

Partant, ayant fait délibérément ce choix, l’appelante est sans droit à invoquer une infraction de monsieur X aux dispositions de la loi du 06 juillet 1989 sur les conditions de l’indexation des loyers, car elle apparaît seule responsable de la situation dénoncée et de la perte d’argent qui s’en serait suivi pour elle.

Par motifs propres et adoptés, il convient de confirmer également le jugement sur ce point.

La demande de capitalisation des intérêts au sens de l’article 1154 ancien du code civil a été rejetée en première instance.

Une telle capitalisation n’est possible que si elle est demandée. Pour autant, si les conditions posées par la loi sont remplies, à savoir la nécessité d’intérêts dus pour au moins une année, elle n’a pas besoin d’être motivée, comme c’est le cas en l’espèce.

Il importe dans ces conditions de faire droit à cette demande et de réformer le jugement en

conséquence.

Les deux parties succombent pour l’essentiel en leurs demandes de réformation du jugement.

Il n’y a lieu ni à application en équité des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ni à condamnation aux dépens d’appel, les parties faisant leur affaire personnelle de leurs propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Précise que le paiement dû par monsieur X s’effectuera en euros au taux de change applicable avec le franc suisse au jour du paiement effectif,

Ordonne cependant la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 ancien du code civil,

Dit n’y avoir lieu en cause d’appel à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,.

Dit que chaque partie conserve ses propres dépens engagés devant la cour."

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