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  • Le propriétaire du fonds inférieur ne peut être contraint, afin de remédier à une aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux causée par le propriétaire du fonds supérieur, d'accepter la réalisation d'un ouvrage sur son propre fonds

    Ainsi jugé par cet arrêt :

     

     

    "Vu l'article 640 du code civil, ensemble les articles 544, 545 et 641 du même code ;

    Attendu que les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué ; que le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur ;

    Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 février 2009), que M. René X... est propriétaire de la parcelle n° 272 ; qu'il est également propriétaire en indivision avec son frère M. Pierre X... de la parcelle contiguë n° 271 ; que ces deux parcelles sont bâties ; qu'au Nord-Ouest de ces deux propriétés se trouvent une parcelle n° 483 appartenant à M. Y... puis à M. Z..., sur laquelle est édifiée une maison d'habitation avec piscine et une parcelle n° 384 appartenant à Mme A... sur laquelle est édifiée une maison d'habitation ; qu'à la suite de la construction de ces deux maisons et de la piscine, les consorts X... se plaignant de l'inondation de leurs propriétés par des arrivées d'eau en provenance des parcelles 483 et 384, ont assigné les propriétaires de celles-ci en réparation leur préjudice ; qu'un expert judiciaire a été désigné ;

    Attendu que pour retenir la solution A préconisée par l'expert judiciaire pour supprimer l'inondation de leur propriété, l'arrêt, après avoir constaté que les stagnations d'eaux dans les propriétés X... étaient exclusivement imputables aux constructions de Mme A... et de M. Y... qui constituaient un obstacle à l'évacuation des eaux au point bas, retient que la solution demandée par les consorts X... pour mettre fin aux désordres ne peut être retenue, que c'est la solution A consistant en un drainage en épis en partie basse du terrain des consorts X... qui doit être retenue, qu'à partir du moment où il s'agit de la solution la plus efficace, de nature à leur donner satisfaction, les consorts X... ne peuvent la refuser sous prétexte qu'elle se trouve sur leur terrain, Mme A... et M. Y... ne pouvant être rendus responsables des choix d'urbanisation de la commune de Saint-Jorioz et qu'il s'agit de drains souterrains qui n'endommageront pas leurs propriétés ;

    Qu'en statuant ainsi, alors que le propriétaire du fonds inférieur ne peut être contraint, afin de remédier à une aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux causée par le propriétaire du fonds supérieur, d'accepter la réalisation d'un ouvrage sur son propre fonds, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

    PAR CES MOTIFS :

    CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;

    Condamne, ensemble, Mme A..., M. Y... et M. Z... aux dépens ;

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, Mme A..., M. Y... et M. Z... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

    Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille dix.


    MOYEN ANNEXE au présent arrêt

    Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les consorts X...,

    Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR retenu la solution A préconisée par l'expert dans son rapport pour la suppression de l'inondation de la propriété X... ;

    AUX MOTIFS PROPRES QUE « la solution demandée par les consorts X... pour mettre fin aux désordres ne peut pas être retenue ; en effet, les constructeurs en l'absence de raccordement à un réseau public étaient autorisés à évacuer les eaux pluviales par un système individuel adapté qui a d'ailleurs donné lieu à la délivrance d'un certificat de conformité ; on ne peut donc reprocher aux intimés une absence d'ouvrage fautive ; l'expert indique en outre qu'un raccordement au réseau communal n'empêcherait pas l'apparition d'eau stagnante en partie basse ; c'est donc bien la solution A consistant en un drainage en épis en partie basse du terrain des consorts X... qui doit être retenue ; à partir du moment où il s'agit de la solution la plus efficace, de nature à leur donner satisfaction, les consorts X... ne peuvent la refuser sous prétexte qu'elle se trouve sur leur terrain, madame A... et monsieur Y... ne pouvant être rendus responsables des choix d'urbanisation de la commune de Saint-Jorioz ; comme l'a indiqué le Tribunal, il s'agit de drains souterrains qui n'endommageront pas la propriété X... » ;

    ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « les consorts X... réclament la condamnation des défendeurs à effectuer le raccordement des eaux pluviales depuis leur puits perdu jusqu'au réseau existant sur la route du Port, solution B, qui s'avère coûteuse, surtout pour madame A... qui doit installer une pompe de relevage, son terrain se trouvant en contrebas du réseau (19. 991, 15 euros au lieu de 7. 550, 35 euros pour la solution de drainage du point bas de la propriété X...) ; cette solution a surtout pour inconvénient principal de n'être pas garantie quant à son efficacité puisque l'expert souligne que cette mesure seule n'empêchera probablement pas le renouvellement de l'apparition d'eau stagnante en partie basse ; le Tribunal ne peut retenir une solution qui ne mettra pas fin aux désordres à l'origine du litige ; il convient d'adopter la solution A, du drainage en partie basse du terrain des consorts X..., retenue par l'expert comme étant la meilleure et qui est la moins dispendieuse ; les drains sont souterrains et n'endommageront donc pas la propriété X..., une fois réalisés ; »

    1°) ALORS QUE nul ne peut être contraint, afin de remédier à un désordre lui étant causé par le propriétaire d'un fonds voisin, d'accepter la réalisation d'un ouvrage sur son propre fonds ; que, dès lors que d'autres solutions sont techniquement envisageables, le propriétaire victime est en droit d'obtenir du juge qu'il y soit recouru et qu'il ne soit pas porté atteinte à sa propriété ; qu'en l'espèce, afin de remédier aux désordres imputables aux propriétaires des fonds supérieurs s'agissant de l'écoulement des eaux pluviales, l'expert avait préconisé, en solution A, la mise en place d'un dispositif de drainage en épis dans la partie basse de la propriété X... ; qu'admettant que cette solution impliquait d'importants travaux dans cette propriété, l'expert préconisait, en solution B, de raccorder les eaux pluviales des propriétés Z... et A... au réseau communal ; que les consorts X..., refusant légitimement toute atteinte à leur fonds, demandaient à la Cour d'appel de retenir cette seconde solution ; qu'en retenant la première solution par cela seul qu'étant la plus efficace, les consorts X... ne pouvaient la refuser et que le raccordement au réseau communal n'était pas obligatoire, la Cour d'appel a violé les articles 544, 545, 640 et 641 du Code civil ;

    2°) ALORS en tout état de cause QU'une servitude ne peut conférer le droit de construire un ouvrage sur le terrain d'autrui et contre son gré ; qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque cette construction est destinée à réparer l'aggravation de servitude dont est responsable le propriétaire du fond dominant ; qu'en l'espèce, en permettant aux propriétaires des fonds supérieurs de limiter et de réparer leur aggravation fautive de la servitude d'écoulement des eaux pluviales par la construction d'un ouvrage sur le fonds de messieurs X... quand ceux-ci s'y opposaient, la Cour d'appel a de nouveau violé les articles 544, 545, 640 et 641 du Code civil ;

    3°) ALORS enfin QUE les consorts X... faisaient pertinemment valoir que la solution A consistant en la mise en place d'un dispositif de drainage en épis dans la partie basse de leur propriété aurait pour conséquence de renvoyer les eaux pluviales chez un autre voisin (parcelle contiguë n° 111 appartenant à monsieur C...) ne subissant aucun trouble et n'étant de ce fait pas concerné par la procédure ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant comme établissant le caractère insatisfaisant de la solution retenue, de nature à engendrer un nouveau contentieux, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile."

  • Indemnisation de la perte d'exploitation et de la perte de valeur vénale d'un voisin du fait d'un permis de construire illégal

    Voici un cas :

     


    "Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 22 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AIGUE MARINE, dont le siège est ... ; la SOCIETE AIGUE MARINE demande au Conseil d'Etat :

     

    1°) d'annuler l'arrêt du 21 novembre 2002 de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bandol à lui verser une somme de 4 124 250 F, à parfaire au jour de la décision à intervenir, en réparation du préjudice subi par elle du fait de la délivrance illégale par le maire de Bandol du permis de construire un supermarché sur un terrain voisin du sien ;

     

    2°) statuant au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de condamner la commune à verser l'indemnité de 4 124 250 F susmentionnée ;

     

    3°) de condamner la commune à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

     

     

    Vu les autres pièces du dossier ;

     

    Vu le code de l'urbanisme ;

     

    Vu le code de justice administrative ;

     

     

    Après avoir entendu en séance publique :

     

    - le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d'Etat,

     

    - les observations de Me Ricard, avocat de la SOCIETE AIGUE MARINE et de Me Cossa, avocat de la commune de Bandol,

     

    - les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

     

     

     

    Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

     

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour répondre à la fin de non-recevoir opposée par la commune de Bandol, et tirée de l'absence de demande préalable susceptible de lier le contentieux, la SOCIETE AIGUE MARINE avait précisé, dans deux mémoires en réplique, assortis de pièces justificatives, que son avocat avait bien rédigé et signé la réclamation préalable adressée par elle, le 4 mai 1995, à la commune de Bandol, afin d'être indemnisée du préjudice résultant de la délivrance d'un permis de construire illégal sur le terrain limitrophe du sien ; qu'elle soulignait que cette demande préalable avait été rédigée et signée par les soins de son avocat, l'huissier de justice s'étant borné à la signifier, ainsi qu'il ressortait d'une attestation de cet avocat en date du 7 février 2000, jointe au dossier le 5 septembre 2002 ; qu'en outre, la société a produit une note en délibéré appelant l'attention de la cour sur ces mémoires et pièces qui avaient fait l'objet du débat contradictoire ; que, dès lors, la SOCIETE AIGUE MARINE est fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Marseille ne pouvait, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Bandol ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 21 novembre 2002 ;

     

    Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

     

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par jugement du 10 mai 1990, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté en date du 23 mars 1989 par lequel le maire de Bandol avait accordé à la société Fabcorjo un permis de construire pour l'édification d'une construction à usage de supermarché, au motif que le maire avait commis une erreur de droit en autorisant la construction d'un bâtiment d'une longueur de 51 mètres par une adaptation mineure des dispositions de l'article UE-11-3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, alors que cet article imposait une longueur maximum de 30 mètres ; que l'illégalité dont est ainsi entaché ce permis de construire est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bandol ; que si le plan d'occupation des sols autorisait la construction dans cette zone, la SOCIETE AIGUE MARINE a subi des préjudices d'exploitation à raison de la construction et du fonctionnement d'un supermarché dont la taille s'est avérée être très sensiblement supérieure à ce que permettait le plan d'occupation des sols ; qu'elle est de même fondée à soutenir que la diminution de valeur vénale du bâtiment à usage de maison de retraite qu'elle exploite a été aggravée, du fait de la taille de ce supermarché ; que les préjudices ainsi subis résultent directement, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de la faute commise par la commune de Bandol ; que, par suite, et quelles que puissent être par ailleurs les actions en responsabilité engagées devant la juridiction judiciaire par la SOCIETE AIGUE MARINE, à l'encontre de la société Fabcorjo, bénéficiaire du permis de construire déclaré illégal, en vue d'obtenir l'indemnisation des mêmes préjudices, la société requérante est en droit de demander à la commune de Bandol la réparation du préjudice direct et certain résultant pour elle de cette décision illégale ;

     

    Considérant cependant que l'état du dossier ne permet pas d'évaluer le montant des préjudices subis par la SOCIETE AIGUE MARINE ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur sa demande d'indemnité, d'ordonner une expertise en vue de déterminer et d'évaluer les nuisances subies du fait de la construction et de l'exploitation d'un bâtiment plus important que celui qui aurait pu être légalement autorisé ainsi que la diminution de valeur vénale de la maison de retraite en résultant ;

     

     


    D E C I D E :

     

    Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 21 novembre 2002 est annulé.

     

    Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de la SOCIETE AIGUE MARINE, procédé par un expert désigné à cet effet par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise en vue de déterminer et d'évaluer les préjudices d'exploitation liés aux nuisances résultant de la construction et de l'exploitation du supermarché, ainsi que la diminution de valeur vénale de la maison de retraite qu'elle exploite, directement liés à la taille excessive du bâtiment au regard des normes d'urbanisme alors en vigueur.

     

    Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit devant le secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat. Le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du contentieux dans le délai de six mois suivant la prestation de serment.

     

    Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AIGUE MARINE, à la commune de Bandol et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer."