Le dessous de table est une pratique bien connue, bien qu'elle soit difficile à quantifier compte tenu de son caractère occulte.
On estime environ à 4 % le montant des ventes qui sont affectées d'un dessous-de-table.
Rappelons que le dessous-de-table consiste à convenir, à l'occasion d'une vente, d'un prix occulte, supérieur à celui énoncé officiellement dans l'acte de vente, et qui est payé en espèces afin de ne laisser aucune trace ou preuve de ce supplément de prix.
Quel est l'intérêt du dessous-de-table ?
Pour l'acheteur, le dessous-de-table permet de "blanchir" des fonds dont l'origine est douteuse ou qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration régulière au fisc au moment de leur perception.
Un autre intérêt pour l'acheteur est que le dessous-de-table lui permet de réduire les droits qui seront payés à l'occasion de la vente et qui sont proportionnels au prix (il en est de même de la commission de l'agent immobilier qui est le plus souvent proportionnelle au prix).
Pour le vendeur le dessous-de-table permet de réduire le montant de l'impôt sur la plus-value qu'il doit payer.
Que dit la loi à propos du dessous de table ?
Les textes applicables sont l'article 1321-1 du Code civil, les articles L.17 et L. 64 du livre des procédures fiscales et l'article 1729 du code général des impôts qui disposent :
Est nulle et de nul effet toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d'un office ministériel et toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente d'immeubles ou d'une cession de fonds de commerce ou de clientèle ou d'une cession d'un droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble et tout ou partie de la soulte d'un échange ou d'un partage comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle.
En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations.
La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations.
Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité.
Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.
Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public
Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :
a. 40 % en cas de manquement délibéré ;
b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;
c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis.
Que risque-t-on à pratiquer le dessous-de-table ?
La preuve de l'existence du dessous-de-table rapportée (par tout moyen de preuve) n'a pas pour effet de remettre en cause la vente qui reste acquise. Autrement dit l'acheteur qui réclamera la restitution du dessous de table qu'il a payé ne pourra pas remettre en cause la vente elle-même.
Si l'acheteur (car c'est lui qui y a intérêt) prouve que le dessous de table a été payé par lui, il peut en obtenir la restitution par effet de la nullité de la convention prévue par le Code civil.
Si le prix officiel a été minoré (c'est justement l'intérêt du dessous-de-table) et qu'il existe un droit de préemption, la commune qui userait de son droit de préemption au prix prévu à l'acte deviendra propriétaire pour ce prix et il ne sera pas question de lui réclamer le paiement du dessous-de-table ...
Les sanctions fiscales ne sont pas négligeables (voir ci-dessous les textes cités).
À la revente, l'acheteur paiera un impôt sur la plus-value majorée puisqu'il n'aura pas déclaré le prix d'origine exactement.
Quelques décisions sur les dessous-de-table.
Preuve par tout moyen du dessous de table :
“Vu l'article 1321 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que, par acte notarié du 21 avril 1992, la Société nancéienne Varin Bernier (SNVB) a consenti à M. X..., gérant de la société Inter-Equipements, un prêt de 700 000 francs, garanti par une hypothèque sur la moitié indivise d'un immeuble sis à Pontault-Combault lui appartenant, ainsi que par l'engagement de Mme Y... de se constituer caution réelle et d'affecter hypothécairement, en garantie du remboursement, l'autre moitié indivise dudit immeuble ; que les fonds prêtés étaient destinés à être apportés "en fonds de roulement" à la société Inter-Equipements ; que cette société ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 juillet 1992, M. X... et Mme Y... ont assigné la SNVB aux fins de voir dire que le prêt avait en réalité été consenti, non au premier, mais à la société Inter-Equipements, et que la simulation avait pour objet de permettre à la banque d'obtenir le remboursement de sa créance à l'encontre de cette entreprise, en fraude aux droits des autres créanciers ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... tendant à lui permettre de prouver qu'il n'était pas débiteur de la SNVB parce que le prêt qui lui avait été consenti était simulé et que le véritable bénéficiaire était la société Inter-Equipements, l'arrêt retient que l'acte de prêt du 21 avril 1992 a été établi en la forme authentique, ce qui implique que les dispositions qu'il contient font foi jusqu'à inscription de faux, et que les consorts Z... ne justifient pas s'être inscrits en faux contre ledit acte et avoir attrait le notaire rédacteur en la cause ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas de fraude la simulation peut être établie par tous moyens entre les parties à l'acte et que le notaire rédacteur de l'acte n'ayant pas constaté lui-même le paiement, une telle preuve n'allait pas contre la foi due aux constatations par lui faites dans l'exercice de ses fonctions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.”
“Attendu que par acte notarié du 3 août 2000, M. et Mme X... ont acquis des époux Y... un chalet situé à Courchevel 1850, au prix de 21 000 000 francs ; que prétendant avoir acquitté, à la demande des vendeurs et pour leur compte, un supplément de prix occulte, d'un montant de 762 228, 93 euros, entre les mains de M. A..., avocat suisse installé à Genève, les époux X... les ont, par acte du 18 février 2003, assignés en dissimulation du prix de vente et restitution du supplément de prix versé sur le fondement de l'article 1840 du code général des impôts (devenu l'article 1321-1 du code civil) ; qu'à la suite du décès de Jean Y..., sa veuve et ses quatre enfants, ès qualités d'héritiers, ont repris l'instance ; qu'ils font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2008) d'avoir jugé, au seul vu d'éléments de fait, qu'était établie l'existence d'un mandat entre les vendeurs et l'avocat pour la perception du complément de prix occulte et de les avoir condamnés à en restituer le montant, alors, selon le moyen, que la preuve d'un mandat ne peut être reçue que conformément aux règles générales sur la preuve des conventions, que ces règles sont applicables non seulement dans les rapports du mandant et du mandataire mais encore à l'encontre des tiers qui ont traité avec celui-ci ; qu'en statuant au vu de seuls éléments de fait, la cour d'appel a violé les articles 1341 et 1984 du code civil ;
Le dessous de table doit être restitué s’il est prouvé :
“Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 novembre 1994), que, suivant un acte du 10 juillet 1987, la société civile immobilière Bellevue (SCI) a vendu un bien immobilier à M. X... moyennant le prix de 1 200 000 francs ; que M. X... a versé une somme totale de 2 145 000 francs ; que l'acte authentique n'ayant pas été signé, la SCI a assigné M. X... pour faire déclarer la vente parfaite ; que M. X... s'est déclaré prêt à régulariser la vente à condition que le prix soit fixé à 1 200 000 francs et qu'en conséquence, la SCI lui restitue la somme de 600 000 francs représentant la partie du prix dissimulée par une contre-lettre ; que la SCI a admis avoir reçu la somme de 1 800 000 francs pour la vente, mais soutenu que la somme de 600 000 francs correspondait à un supplément de prix convenu après l'acte de vente pour tenir compte de travaux et de cessions de mobilier ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer la somme de 600 000 francs, alors, selon le moyen, 1o que conformément à l'article 1341 du Code civil, la partie qui entend établir l'existence d'une contre-lettre aux fins d'exercer l'action en répétition du prix versé en exécution de celle-ci doit produire un écrit ; que la cour d'appel qui, pour condamner la SCI Bellevue à payer à M. X... la somme de 600 000 francs, a retenu l'existence d'une contre-lettre, mais qui n'a pas constaté que M. X..., qui avait la charge de la preuve, avait produit un acte écrit formé entre lui et la société Bellevue établissant, d'une part, l'existence d'une contre-lettre et, d'autre part, le montant du prix dissimulé, et en conséquence à restituer, a, en statuant ainsi, violé la disposition susvisée ; 2o que la cour d'appel, qui a constaté que M. X... avait versé à la SCI Bellevue la somme totale de 2 145 000 francs et qu'il ne contestait pas avoir pris possession du mobilier entreposé mais qui a néanmoins condamné la SCI Bellevue à lui restituer la somme de 600 000 francs sans avoir imposé à M. X... d'établir l'absence de dettes, a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ; 3o que conformément aux articles 1321 du Code civil et 1840 du Code général des impôts, la nullité d'ordre public des contre-lettres que prévoit le second de ces textes n'est encourue que dans le cas où le prix de vente de l'immeuble a fait l'objet d'une déclaration expresse à l'administration fiscale ; que la cour d'appel qui, pour condamner la SCI Bellevue à restituer à M. X... la somme de 600 000 francs, a retenu que partie du prix aurait été dissimulée, ce qui entraînait la nullité de la contre-lettre mais qui s'est abstenue de rechercher si le défaut de déclaration du prix de vente à l'administration fiscale autorisait d'annuler la contre-lettre entre les parties, a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que l'acte secret n'avait pas besoin d'avoir une existence matérielle et constaté que la SCI avait admis avoir reçu la somme de 1 800 000 francs, la cour d'appel qui, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a souverainement retenu que la dissimulation était avérée, en a déduit, à bon droit, qu'elle se trouvait frappée de nullité par l'effet de l'article 1840 du Code général des impôts et que la SCI devait restituer la somme de 600 000 francs.”