Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

BDIDU Blog Actualités juridiques Droit Immobilier et Droit de l'Urbanisme par Christophe Buffet Avocat Spécialiste en Droit Immobilier et Droit Public Tél. 02 41 81 16 16 - Page 1279

  • Usucapion

    Un exemple d'usucapion :

     

    "Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 février 2011), que M. X... et Mme Y... ont tous deux fait état d'un acte authentique les désignant comme propriétaires d'une même parcelle à Embrun ; qu'invoquant le bénéfice de la prescription acquisitive, M. X... a assigné Mme Y... pour se faire reconnaître propriétaire exclusif de ce fonds ;

    Sur le premier moyen :

    Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. X... seul propriétaire de la parcelle litigieuse, par suite de prescription acquisitive, alors, selon le moyen :

    1°/ qu'un indivisaire ne peut se faire juger propriétaire exclusif par usucapion que s'il rapporte la preuve que lui ou ses auteurs ont accompli des actes qui ne pouvaient l'être que par un propriétaire et qui sont incompatibles avec les droits des autres indivisaires ; que la jouissance privative du bien par un indivisaire, qui ouvre droit à indemnité au profit des autres indivisaires, n'est pas compatible avec les droits de ces derniers ; qu'en décidant que le fait de cultiver une parcelle et de conserver les fruits de cette exploitation constitue la preuve que les actes ont été accomplis avec la volonté de se comporter en propriétaire exclusif du bien, quand de tels actes n'étaient pas incompatibles avec les droits indivis de Mme Z..., la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

    2°/ que les caractères de la possession doivent être appréciés en la personne du possesseur; qu'en retenant que M. X... avait agi en qualité de propriétaire au motif inopérant que la famille Z... n'avait pas réclamé une quelconque partie des fruits de cette exploitation, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

    3°/ que Mme Z... faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 24 décembre 2010 que le titre dont se prévalait M. X... était entaché de nullité dont il avait nécessairement connaissance, en sorte qu'il ne pouvait légitimement penser qu'il possédait la parcelle litigieuse à titre de propriétaire exclusif ; qu'en refusant de procéder à cette recherche au motif inopérant que M. X... fondant son action sur une possession de plus de trente ans, il n'était pas nécessaire d'apprécier la validité de son titre, en l'occurrence l'acte de donation partage du 4 octobre 1949, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

    Mais attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il résultait des attestations produites la preuve que les actes de possession dont se prévalait M. X... avaient été accomplis pendant plus de trente ans avec la volonté de se comporter en seul et unique propriétaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

    Sur le second moyen, ci après annexé :

    Attendu qu'ayant retenu que M. X... fondait son action sur une possession de plus de trente ans et qu'il n'était dès lors pas nécessaire d'apprécier la validité de l'acte de donation-partage du 4 octobre 1949, la cour d'appel, qui a justement considéré que le moyen présenté par Mme Y... constituait, non pas une demande reconventionnelle, mais une défense au fond, a, sans méconnaître les termes du litige, légalement justifié sa décision ;

    PAR CES MOTIFS :

    REJETTE le pourvoi ;

    Condamne Mme Y..., épouse Z..., aux dépens ;

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y..., épouse Z..., à payer à M. X... une somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme Y..., épouse Z... ; 
    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille douze.

    MOYENS ANNEXES au présent arrêt

    Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Z... 

    PREMIER MOYEN DE CASSATION

    Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré monsieur X... propriétaire de la parcelle cadastrée n° 790 sectio n E lieudit « les clos », commune d'Embrun, par suite de prescription acquisitive, et d'avoir débouté madame Z... de sa demande tendant à voir juger que cette parcelle demeure en indivision entre elle-même et monsieur X... ;

    AUX MOTIFS PROPRES QUE la possession ne doit pas être interrompue pendant plus d'une année, qu'elle doit être réelle c'est-àdire que le possesseur doit accomplir tous les actes matériels nécessaires à la possession et chaque fois que cela est nécessaire, qu'elle doit être publique, les actes traduisant la possession devant être faits ouvertement, qu'elle ne doit pas être équivoque, le possesseur devant être considéré comme le propriétaire par les tiers ; qu'enfin, le possesseur doit se comporter en propriétaire de l'immeuble et accomplir tous les actes de gestion afférents ; que l'article 2230 ancien du code civil édicte une présomption selon laquelle on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre ; qu'en application de cette règle, c'est sur l'autre partie que pèse la charge de prouver la précarité de la possession invoquée ; qu'en l'espèce, les attestations versées par l'intimé, régulières en la forme et non contestées par Denise Y... veuve Z..., établissent qu'Élie X... et avant lui son père, ont toujours exploité la parcelle litigieuse ; que, compte tenu de la nature du bien, il n'est pas utile que des actes détaillés de possession soient précisés par les témoins ; que l'exploitation a bien été effectuée par la famille X... en qualité de seul propriétaire puisqu'il n'est pas prétendu que celle-ci avait proposé à la famille Z..., ni que cette dernière avait revendiqué, une quelconque partie des fruits de cette exploitation ; que le fait non seulement de cultiver une parcelle mais de conserver les fruits de l'activité déployée sur le bien en cause, constitue la preuve que les actes accomplis par celui qui se prévaut de la prescription acquisitive, ont été accomplis avec la volonté de se comporter en seul et unique propriétaire dudit bien ; que l'exploitation a bien eu lieu au su et au vu des autres agriculteurs du hameau, de sorte que la famille X... a bien été considérée comme le propriétaire par ces derniers ; qu'il résulte de ces éléments que les conditions cumulatives qui sont nécessaires à la reconnaissance de la possession d'un bien, sont réunies et, ainsi que l'a justement décidé le tribunal, que la prescription acquisitive peut être retenue ;

    ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'aux termes de l'article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ; que suivant les dispositions de l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; que suivant l'article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ; que, suivant l'article 816 du code civil, le partage peut être demandé même quand l'un des indivisaires a joui séparément de tout ou partie des biens indivis s'il n'y a pas eu d'acte de partage ou une possession suffisante pour acquérir la prescription ; qu'il en résulte qu'un indivisaire peut prescrire contre ses coindivisaires mais à condition que sa possession remplissent les conditions fixées par la loi ; que notamment elle soit exclusive et non équivoque ; que monsieur X... ne s'est manifestement pas comporté comme un indivisaire depuis qu'il a hérité et qu'il exploite la parcelle litigieuse ; qu'il résulte suffisamment des actes produits que monsieur X... pouvait légitimement penser qu'il était l'unique propriétaire de la parcelle considérée puisque que les notaires successifs ne l'ont jamais considérée comme étant une parcelle indivise ; que partant Monsieur X... ne pouvait imaginer qu'il n'était pas le seul propriétaire de la parcelle ; que c'est donc bien en s'en considérant le propriétaire exclusif qu'il l'a exploitée suivant les extraits de matrice des propriétés foncières de la commune d'Embrun, relevés parcellaires d'exploitation et relevé individuel de propriété produits ; qu'il n'est pas contesté par madame Z... que monsieur X... et avant lui ses auteurs exploitaient la parcelle comme elle l'a du reste reconnu dans un courrier en date du 18.03.2007 ; que cette exploitation est attestée par divers témoins qui indiquent que la parcelle a toujours été travaillée par monsieur X... ou son père (attestations de monsieur A..., monsieur B..., monsieur C...) ; que monsieur D... Albert a précisé, étant voisin de la parcelle, avoir toujours vu monsieur X... la travailler et n'y avoir jamais vu les consorts Z... ni ne les avoir vu la revendiquer ; que madame Z..., si elle soutient que tant monsieur X... qu'elle-même avaient parfaitement conscience du caractère indivis de leur propriété, ne l'établit en rien ; qu'elle se contente d'affirmer que tous deux se sont toujours considérés « comme disposant de droit identiques de manière collective sur le même bien », ce qui n'est corroboré par aucun élément ; que cela ne résulte pas des attestations sus évoquées ; que madame Z... de son coté ne produit aucun témoignage venant illustrer ses affirmations ; qu'il semble qu'elle ne se soit comportée comme propriétaire indivise de la parcelle litigieuse que dans le courant des années 1990 comme l'admet monsieur X... lui même et n'ait commencé à faire valoir ses droits qu'à cette période ; que par ailleurs madame Z..., si elle affirme que monsieur Elie Jean X... a régulièrement cultivé et exploité cette parcelle à vocation agricole avec son assentiment, ne l'établit pas non plus ; qu'elle se contente d'affirmer que le souhait des indivisaires était de ne pas laisser ce bien de faible superficie à l'abandon et en jachère ; que, par suite, il apparaît que monsieur X... ou son père ont exploité la parcelle E790 de manière continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque et ce en parfaite bonne foi compte tenu des actes notariés qui les avaient rendus propriétaires depuis 1930 ; que la revendication de madame Z... n'est apparue que dans le courant des années 1990 tel qu'elle ne le conteste pas ; que de 1930 à la fin des années 80, soit durant plus de cinquante ans, les éléments de la possession ont donc été réunis ; qu'en conséquence, il y a lieu de considérer que monsieur X... a acquis la propriété de la parcelle E790 par le jeu de la prescription acquisitive ;

    1°) ALORS QU' un indivisaire ne peut se faire juger propriétaire exclusif par usucapion que s'il rapporte la preuve que lui ou ses auteurs ont accompli des actes qui ne pouvaient l'être que par un propriétaire et qui sont incompatibles avec les droits des autres indivisaires ; que la jouissance privative du bien par un indivisaire, qui ouvre droit à indemnité au profit des autres indivisaires, n'est pas incompatible avec les droits de ces derniers ; qu'en décidant que le fait de cultiver une parcelle et de conserver les fruits de cette exploitation constitue la preuve que les actes ont été accomplis avec la volonté de se comporter en propriétaire exclusif du bien, quand de tels actes n'étaient pas incompatibles avec les droits indivis de madame Z..., la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

    2°) ALORS QUE les caractères de la possession doivent être appréciés en la personne du possesseur ; qu'en retenant que monsieur X... avait agi en qualité de propriétaire au motif inopérant que la famille Z... n'avait pas réclamé une quelconque partie des fruits de cette exploitation, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

    3°) ALORS QUE madame Z... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel du 24 décembre 2010 (pp.5-6), que le titre dont se prévalait monsieur X... était entaché d'une nullité dont il avait nécessairement connaissance, en sorte qu'il ne pouvait légitimement penser qu'il possédait la parcelle litigieuse à titre de propriétaire exclusif ; qu'en refusant de procéder à cette recherche au motif inopérant que monsieur X... fondant son action sur une possession de plus de trente ans, il n'était pas nécessaire d'apprécier la validité de son titre, en l'occurrence l'acte de donation-partage du 4 octobre 1949, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008.

    SECOND MOYEN DE CASSATION

    Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame Z... de sa demande de nullité de l'acte du 4 octobre 1949 ;

    AUX MOTIFS QU'Elie X... fondant son action sur une possession de plus de trente ans, il n'est pas nécessaire d'apprécier la validité de son titre, en l'espèce, l'acte de donation-partage du 4 octobre 1949 ;

    ALORS QUE dans ses conclusions d'appel du 24 décembre 2010 (pp.5-6 ; p.7, alinéa 8), madame Z... avait formé une demande en nullité de l'acte du 4 octobre 1949 ; qu'ainsi, cette nullité était invoquée par voie d'action ; qu'en écartant la nécessité d'apprécier la validité de l'acte du 4 octobre 1949 par la considération que monsieur X... fondait ses prétentions sur la prescription acquisitive, quand madame Z... ne se bornait pas à demander le rejet des prétentions de ses adversaires, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, et a violé l'article 4 du code de procédure civile."

  • Le droit réel de jouissance spéciale d'un bien

    C'est un nouveau droit réel : "chaque propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien".

    "Vu les articles 544 et 1134 du code civil ;

    Attendu qu'il résulte de ces textes que le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien ; 

    Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 2011), que par acte notarié des 7 avril et 30 juin 1932, la fondation La Maison de Poésie a vendu à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (la SACD), un hôtel particulier, l'acte mentionnant que "n'est toutefois pas comprise dans la présente vente et en est au contraire formellement exclue, la jouissance ou l'occupation par La Maison de Poésie et par elle seule des locaux où elle est installée actuellement et qui dépendent dudit immeuble" et "au cas où la SACD le jugerait nécessaire, elle aurait le droit de demander que le deuxième étage et autres locaux occupés par La Maison de Poésie soient mis à sa disposition, à charge par elle d'édifier dans la propriété présentement vendue et de mettre gratuitement à la disposition de La Maison de Poésie et pour toute la durée de la fondation, une construction de même importance, qualité, cube et surface pour surface" (...) "en conséquence de tout ce qui précède, La Maison de Poésie ne sera appelée à quitter les locaux qu'elle occupe actuellement que lorsque les locaux de remplacement seront complètement aménagés et prêts à recevoir les meubles, livres et objets d'art et tous accessoires utiles à son fonctionnement, nouveaux locaux qu'elle occupera gratuitement et pendant toute son existence" ; que, le 7 mai 2007, la SACD a assigné La Maison de Poésie en expulsion et en paiement d'une indemnité pour l'occupation sans droit ni titre des locaux ;


    Attendu que pour accueillir la demande l'arrêt retient que le droit concédé dans l'acte de vente à La Maison de Poésie est un droit d'usage et d'habitation et que ce droit, qui s'établit et se perd de la même manière que l'usufruit et ne peut excéder une durée de trente ans lorsqu'il est accordé à une personne morale, est désormais expiré ;

    Qu'en statuant ainsi, alors que les parties étaient convenues de conférer à La Maison de Poésie, pendant toute la durée de son existence, la jouissance ou l'occupation des locaux où elle était installée ou de locaux de remplacement, la cour d'appel, qui a méconnu leur volonté de constituer un droit réel au profit de la fondation, a violé les textes susvisés ; 

    PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

    CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

    Condamne la Société des auteurs et compositeurs dramatiques aux dépens ;

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société des auteurs et compositeurs dramatiques à payer à La Maison de Poésie la somme de 2 500 euros ;
    Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
    MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

    Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour La Maison de Poésie.

    PREMIER MOYEN DE CASSATION

    IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé que le droit concédé à la Maison de Poésie par l'acte de vente intervenu les 7 avril et 30 juin 1932 sur les locaux qu'elle occupe dans l'immeuble du 11 bis rue Ballu, à Paris 9ème, n'est qu'un droit d'usage et d'habitation ;

    AUX MOTIFS PROPRES QUE la vente de l'hôtel particulier au prix de 2 750 000 € porte bien sur l'immeuble en son ensemble, ainsi qu'il résulte de la désignation du bien vendu dans la promesse de vente du 9 juillet 1929, l'acte authentique du 7 avril 1932 aux termes duquel la SACD se porte acquéreur sous réserve de l'autorisation administrative, le décret du juin 1932 autorisant la vente de l'immeuble et l'acte authentique du 30 juin 1932 constatant la réalisation de la vente, la Maison de la Poésie, qui n'a que la « jouissance et l'occupation par elle seule » de la totalité du deuxième étage, du grenier et de ses accès, ne disposant pas sur ces pièces de tous les droits attachés à la pleine propriété, étant observé, d'une part, qu'il a été précisé par le rédacteur de l'état descriptif et estimatif de l'immeuble que « la société acquéreur (la SACD) doit supporter les réparations de toutes natures concernant l'immeuble, même celle des locaux occupés par la maison de la Poésie », ce qui implique qu'elle est bien propriétaire de l'ensemble de l'immeuble et, d'autre part que la Maison de la Poésie ne prétend pas s'acquitter des charges afférentes à la propriété de la partie de l'immeuble revendiquée par elle, ce qui implique qu'elle ne s'en reconnaît pas propriétaire ; que l'acte de vente dans le chapitre intitulé « Propriété, Jouissance » (page 27 et 28) prévoit les modalités d'entrée en jouissance par la SACD non seulement de la partie de l'immeuble déjà occupée par elle en vertu du bail de 1929, mais également celles de l'entrée en jouissance des locaux occupés par la Maison de la Poésie, ce qui implique que la Maison de la Poésie n'a pas conservé la pleine propriété des locaux occupés par elle ; que les termes de l'acte authentique de vente conférant à la Maison de la Poésie « la jouissance et l'occupation par elle seule » de la totalité du deuxième étage, du grenier, et de ses accès étant clairs et précis, il n'y a pas lieu à interprétation de la volonté des parties ; que la Maison de la Poésie ne peut tirer argument de la location en 1948 à la SACD de plusieurs pièces du deuxième étage nonobstant la clause de l'acte de vente lui conférant « la jouissance et l'occupation par elle seule » du deuxième étage, dès lors qu'il s'agit d'un arrangement des parties postérieur à l'acte de vente qui a été accepté par le propriétaire de l'immeuble et qui n'affecte pas le droit de la Maison de la Poésie à « la jouissance et l'occupation par elle seule » conféré par l'acte de vente ; qu'enfin la clause de l'acte de vente selon laquelle « au cas où la SACD le jugerait nécessaire, elle aura le droit de demander que le deuxième étage et autres locaux occupés par la Maison de la Poésie soient mis à sa disposition à charge par elle d'édifier dans la propriété présentement vendue et de mettre gratuitement à la disposition de la Maison de la Poésie et pour toute la durée de la fondation, une construction de même importance, qualité et cube et surface pour surface » n'implique pas que la Maison de Poésie soit restée propriétaire mais ne constitue qu'une simple modalité d'exécution de son droit d'occupation et de jouissance ;

    ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il s'agit d'une vente assortie d'un démembrement partiel de propriété portant sur une partie de l'immeuble ; que la disposition selon laquelle « n'est toutefois pas comprise dans la présente vente et en est au contraire formellement exclue la jouissance et l'occupation par la Maison de Poésie et par elle seule des locaux où elle est installée actuellement et qui dépendent dudit immeuble » ne peut s'analyser comme une vente partielle dont il résulterait une propriété partagée ; que ces stipulations sont claires de telle sorte qu'il n'est pas utile de rechercher la commune intention des parties, qui est précisément énoncée dans le contrat ; que la circonstance que les locaux attribués à la Maison de Poésie aient pu être mis à la disposition de la Sacd est indifférente, puisque l'interdiction d'occupation par autrui a pu être contournée avec l'accord des parties, sans cesser d'exister pour autant ;

    1°/ ALORS QUE les juges du fond doivent, en cas de doute sur le contenu d'une convention qui leur est soumise, rechercher la commune intention des parties ; que ni la jouissance, qui est un effet de la vente, ni l'occupation, qui est un fait, ne pouvant faire l'objet d'une vente, ni en être exclues, la clause stipulant que « n'est toutefois pas comprise dans la présente vente et en est au contraire formellement exclue la jouissance ou l'occupation par la Maison de Poésie et par elle seule, des locaux où elle est installée habituellement et qui dépendant dudit immeuble » est ambiguë ; qu'en affirmant que les termes de l'acte authentique de vente conférant à la Maison de Poésie « la jouissance et l'occupation par elle seule » étant clairs et précis, il n'y avait pas lieu à interprétation de la volonté des parties, la cour d'appel a violé les articles 4 et 1134 du code civil ;

    2°/ ALORS QUE la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'il s'ensuit que le propriétaire peut conventionnellement aménager la répartition de ses charges ; qu'en déduisant du constat que la Sacd devait supporter les réparations de toutes natures concernant l'immeuble qu'elle était bien propriétaire de l'ensemble de l'immeuble, alors que les parties avaient conventionnellement aménagé la répartition des charges dans l'acte authentique de vente, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 544 et 1134 du code civil ;

    3°/ ALORS QU'un propriétaire ne peut en principe prendre à bail sa propre chose ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que la Sacd avait pris à bail plusieurs pièces du deuxième étage en 1948, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1719 du code civil.

    DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

    IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le droit concédé à la Maison de Poésie par l'acte de vente intervenu les 7 avril et 30 juin 1932 est un droit d'usage et d'habitation et que ce droit est désormais expiré ;

    AUX MOTIFS PROPRES QUE le droit de la Maison de la Poésie à « la jouissance et l'occupation par elle seule » conféré par l'acte de vente du 30 juin 1932 constitue le droit d'usage et d'habitation tel que défini par l'article 625 du Code civil ; que le droit d'usage et d'habitation accordé à une personne morale ne peut être que temporaire, la convention des parties ne pouvant déroger à cette règle ; que le droit de jouissance conféré est perpétuel ; que sa durée doit être fixée à trente ans par application de l'article 619 du Code civil ;

    ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le démembrement sui generis invoqué par la défenderesse ne peut être retenu, faute de spécificités distinguant ce démembrement particulier d'un droit d'usage et d'habitation, en dehors de sa durée ; qu'il résulte de la combinaison des articles 619 et 625 du Code civil que le droit de jouissance et d'occupation accordé par l'acte de vente de 1932 à la Maison de Poésie est aujourd'hui expiré ; qu'il ne peut en effet être dérogé par des conventions particulières à ce texte, qui fixe une durée maximale, substituant ainsi un terme certain à la perpétuité ou au terme incertain dont avaient convenu les parties lorsque l'événement choisi par celles-ci comme terme n'intervient pas avant la fin de la durée légale ;

    1°/ ALORS QUE le propriétaire peut librement instituer un droit de jouissance perpétuel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, le droit conféré à la Maison de Poésie par l'acte de vente du 30 juin 1932 constituant un droit réel perpétuel de jouissance exclusive, et non un droit d'usage et d'habitation, la cour d'appel a violé les articles 544, 625 et 1134 du code civil ;

    2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le droit d'usage et d'habitation ne peut bénéficier qu'à une personne physique ; qu'en qualifiant le droit de « jouissance et d'occupation » accordé par l'acte de vente à la Maison de Poésie de droit d'usage et d'habitation, et en assimilant son régime à celui de l'usufruit, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 625 du code civil ;

    3°/ ALORS, TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE le principe de sécurité juridique reconnu par le droit communautaire et par la Convention européenne des droits de l'Homme impose que les attentes légitimes des parties soient respectées ; que ce principe s'oppose donc, lorsque les parties prévoient conventionnellement l'existence d'un droit perpétuel, à ce que le juge puisse affecter à ce droit un terme antérieur à la date à laquelle il statue ; qu'en jugeant que le droit de la Maison de Poésie expirait au 1er juillet 1962, alors qu'il résultait expressément de la promesse de vente de 1929 et de l'acte de vente de 1932 que le droit de la Maison de Poésie était perpétuel, la cour d'appel a violé le principe de sécurité juridique reconnu par le droit communautaire et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

    TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

    IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit et jugé que la Maison de Poésie occupait les locaux sans droit ni titre

    AUX MOTIFS QU' en sa qualité de vendeur de l'immeuble, la Maison de la Poésie est tenue de garantir la SACD de toute éviction de son fait personnel par application de l'article 1628 du Code civil ; qu'elle ne peut donc invoquer la prescription acquisitive pour se faire reconnaître propriétaire de la chose vendue dont elle a conservé la possession, à supposer celle-ci établie, ce qui n'est en tout état de cause pas établi, la Maison de la Poésie, qui occupait les lieux en vertu d'un droit d'usage et d'habitation et n'a jamais payé les charges afférentes à tout propriétaire, n'établissant pas la preuve d'une possession à titre de propriétaire ;

    1°/ ALORS QUE si la garantie d'éviction du vendeur l'empêche d'invoquer le bénéfice de la prescription acquisitive sur tout ou partie de l'immeuble vendu, il en va différemment lorsqu'il occupe les lieux avec l'accord de l'acquéreur, sans que cela intervienne à titre précaire, puisqu'une telle occupation n'est constitutive d'aucun trouble ; qu'il ressort de la promesse de vente de 1929, ainsi que de l'acte de vente de 1932, que les parties avaient entendu donner au droit de la Maison de Poésie un caractère perpétuel de sorte que l'occupation des locaux, après le 1er juillet 1962, ne saurait être constitutive d'un quelconque trouble ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1626 et 1628 du code civil, par fausse application ;


    2°/ ALORS QUE le détenteur précaire ne peut prescrire que si le titre de sa possession est interverti, notamment par la contradiction qu'il a opposée au droit du propriétaire ; que l'occupation des locaux sans opposition pendant plus de 40 ans après l'extinction du titre d'occupation précaire, combinée avec la mise en location d'une partie de ces locaux, par l'occupant, au véritable propriétaire, opère interversion de titre permettant à l'occupant de prescrire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir estimé que le droit réel de la Maison de Poésie avait pris fin le 1er juillet 1962, ce dont il résultait que celle-ci n'était plus, depuis cette date, détenteur précaire, la Sacd s'étant par ailleurs abstenue d'agir en expulsion avant 2007 et louant même plusieurs pièces du deuxième étage à la Maison de Poésie, de sorte que l'interversion de titre était établie, la cour d'appel a violé les articles 2228 et 2238 du code civil, dans leur rédaction applicable ;

    3°/ ALORS QUE le non-paiement des charges afférentes à la propriété n'est pas exclusif d'une possession à titre de propriétaire, celles-ci pouvant conventionnellement être mises à la charge d'un autre que le propriétaire ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motif pris que « la Maison de la Poésie, qui occupait les lieux en vertu d'un droit d'usage et d'habitation et n'a jamais payé les charges afférentes à tout propriétaire, n'établissant pas la preuve d'une possession à titre de propriétaire », la cour d'appel a violé l'article 2228 du code civil, dans sa rédaction applicable."