Usucapion (jeudi, 29 novembre 2012)

Un exemple d'usucapion :

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 février 2011), que M. X... et Mme Y... ont tous deux fait état d'un acte authentique les désignant comme propriétaires d'une même parcelle à Embrun ; qu'invoquant le bénéfice de la prescription acquisitive, M. X... a assigné Mme Y... pour se faire reconnaître propriétaire exclusif de ce fonds ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. X... seul propriétaire de la parcelle litigieuse, par suite de prescription acquisitive, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un indivisaire ne peut se faire juger propriétaire exclusif par usucapion que s'il rapporte la preuve que lui ou ses auteurs ont accompli des actes qui ne pouvaient l'être que par un propriétaire et qui sont incompatibles avec les droits des autres indivisaires ; que la jouissance privative du bien par un indivisaire, qui ouvre droit à indemnité au profit des autres indivisaires, n'est pas compatible avec les droits de ces derniers ; qu'en décidant que le fait de cultiver une parcelle et de conserver les fruits de cette exploitation constitue la preuve que les actes ont été accomplis avec la volonté de se comporter en propriétaire exclusif du bien, quand de tels actes n'étaient pas incompatibles avec les droits indivis de Mme Z..., la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

2°/ que les caractères de la possession doivent être appréciés en la personne du possesseur; qu'en retenant que M. X... avait agi en qualité de propriétaire au motif inopérant que la famille Z... n'avait pas réclamé une quelconque partie des fruits de cette exploitation, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

3°/ que Mme Z... faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 24 décembre 2010 que le titre dont se prévalait M. X... était entaché de nullité dont il avait nécessairement connaissance, en sorte qu'il ne pouvait légitimement penser qu'il possédait la parcelle litigieuse à titre de propriétaire exclusif ; qu'en refusant de procéder à cette recherche au motif inopérant que M. X... fondant son action sur une possession de plus de trente ans, il n'était pas nécessaire d'apprécier la validité de son titre, en l'occurrence l'acte de donation partage du 4 octobre 1949, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il résultait des attestations produites la preuve que les actes de possession dont se prévalait M. X... avaient été accomplis pendant plus de trente ans avec la volonté de se comporter en seul et unique propriétaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen, ci après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que M. X... fondait son action sur une possession de plus de trente ans et qu'il n'était dès lors pas nécessaire d'apprécier la validité de l'acte de donation-partage du 4 octobre 1949, la cour d'appel, qui a justement considéré que le moyen présenté par Mme Y... constituait, non pas une demande reconventionnelle, mais une défense au fond, a, sans méconnaître les termes du litige, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y..., épouse Z..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y..., épouse Z..., à payer à M. X... une somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme Y..., épouse Z... ; 
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Z... 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré monsieur X... propriétaire de la parcelle cadastrée n° 790 sectio n E lieudit « les clos », commune d'Embrun, par suite de prescription acquisitive, et d'avoir débouté madame Z... de sa demande tendant à voir juger que cette parcelle demeure en indivision entre elle-même et monsieur X... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la possession ne doit pas être interrompue pendant plus d'une année, qu'elle doit être réelle c'est-àdire que le possesseur doit accomplir tous les actes matériels nécessaires à la possession et chaque fois que cela est nécessaire, qu'elle doit être publique, les actes traduisant la possession devant être faits ouvertement, qu'elle ne doit pas être équivoque, le possesseur devant être considéré comme le propriétaire par les tiers ; qu'enfin, le possesseur doit se comporter en propriétaire de l'immeuble et accomplir tous les actes de gestion afférents ; que l'article 2230 ancien du code civil édicte une présomption selon laquelle on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre ; qu'en application de cette règle, c'est sur l'autre partie que pèse la charge de prouver la précarité de la possession invoquée ; qu'en l'espèce, les attestations versées par l'intimé, régulières en la forme et non contestées par Denise Y... veuve Z..., établissent qu'Élie X... et avant lui son père, ont toujours exploité la parcelle litigieuse ; que, compte tenu de la nature du bien, il n'est pas utile que des actes détaillés de possession soient précisés par les témoins ; que l'exploitation a bien été effectuée par la famille X... en qualité de seul propriétaire puisqu'il n'est pas prétendu que celle-ci avait proposé à la famille Z..., ni que cette dernière avait revendiqué, une quelconque partie des fruits de cette exploitation ; que le fait non seulement de cultiver une parcelle mais de conserver les fruits de l'activité déployée sur le bien en cause, constitue la preuve que les actes accomplis par celui qui se prévaut de la prescription acquisitive, ont été accomplis avec la volonté de se comporter en seul et unique propriétaire dudit bien ; que l'exploitation a bien eu lieu au su et au vu des autres agriculteurs du hameau, de sorte que la famille X... a bien été considérée comme le propriétaire par ces derniers ; qu'il résulte de ces éléments que les conditions cumulatives qui sont nécessaires à la reconnaissance de la possession d'un bien, sont réunies et, ainsi que l'a justement décidé le tribunal, que la prescription acquisitive peut être retenue ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'aux termes de l'article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ; que suivant les dispositions de l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; que suivant l'article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ; que, suivant l'article 816 du code civil, le partage peut être demandé même quand l'un des indivisaires a joui séparément de tout ou partie des biens indivis s'il n'y a pas eu d'acte de partage ou une possession suffisante pour acquérir la prescription ; qu'il en résulte qu'un indivisaire peut prescrire contre ses coindivisaires mais à condition que sa possession remplissent les conditions fixées par la loi ; que notamment elle soit exclusive et non équivoque ; que monsieur X... ne s'est manifestement pas comporté comme un indivisaire depuis qu'il a hérité et qu'il exploite la parcelle litigieuse ; qu'il résulte suffisamment des actes produits que monsieur X... pouvait légitimement penser qu'il était l'unique propriétaire de la parcelle considérée puisque que les notaires successifs ne l'ont jamais considérée comme étant une parcelle indivise ; que partant Monsieur X... ne pouvait imaginer qu'il n'était pas le seul propriétaire de la parcelle ; que c'est donc bien en s'en considérant le propriétaire exclusif qu'il l'a exploitée suivant les extraits de matrice des propriétés foncières de la commune d'Embrun, relevés parcellaires d'exploitation et relevé individuel de propriété produits ; qu'il n'est pas contesté par madame Z... que monsieur X... et avant lui ses auteurs exploitaient la parcelle comme elle l'a du reste reconnu dans un courrier en date du 18.03.2007 ; que cette exploitation est attestée par divers témoins qui indiquent que la parcelle a toujours été travaillée par monsieur X... ou son père (attestations de monsieur A..., monsieur B..., monsieur C...) ; que monsieur D... Albert a précisé, étant voisin de la parcelle, avoir toujours vu monsieur X... la travailler et n'y avoir jamais vu les consorts Z... ni ne les avoir vu la revendiquer ; que madame Z..., si elle soutient que tant monsieur X... qu'elle-même avaient parfaitement conscience du caractère indivis de leur propriété, ne l'établit en rien ; qu'elle se contente d'affirmer que tous deux se sont toujours considérés « comme disposant de droit identiques de manière collective sur le même bien », ce qui n'est corroboré par aucun élément ; que cela ne résulte pas des attestations sus évoquées ; que madame Z... de son coté ne produit aucun témoignage venant illustrer ses affirmations ; qu'il semble qu'elle ne se soit comportée comme propriétaire indivise de la parcelle litigieuse que dans le courant des années 1990 comme l'admet monsieur X... lui même et n'ait commencé à faire valoir ses droits qu'à cette période ; que par ailleurs madame Z..., si elle affirme que monsieur Elie Jean X... a régulièrement cultivé et exploité cette parcelle à vocation agricole avec son assentiment, ne l'établit pas non plus ; qu'elle se contente d'affirmer que le souhait des indivisaires était de ne pas laisser ce bien de faible superficie à l'abandon et en jachère ; que, par suite, il apparaît que monsieur X... ou son père ont exploité la parcelle E790 de manière continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque et ce en parfaite bonne foi compte tenu des actes notariés qui les avaient rendus propriétaires depuis 1930 ; que la revendication de madame Z... n'est apparue que dans le courant des années 1990 tel qu'elle ne le conteste pas ; que de 1930 à la fin des années 80, soit durant plus de cinquante ans, les éléments de la possession ont donc été réunis ; qu'en conséquence, il y a lieu de considérer que monsieur X... a acquis la propriété de la parcelle E790 par le jeu de la prescription acquisitive ;

1°) ALORS QU' un indivisaire ne peut se faire juger propriétaire exclusif par usucapion que s'il rapporte la preuve que lui ou ses auteurs ont accompli des actes qui ne pouvaient l'être que par un propriétaire et qui sont incompatibles avec les droits des autres indivisaires ; que la jouissance privative du bien par un indivisaire, qui ouvre droit à indemnité au profit des autres indivisaires, n'est pas incompatible avec les droits de ces derniers ; qu'en décidant que le fait de cultiver une parcelle et de conserver les fruits de cette exploitation constitue la preuve que les actes ont été accomplis avec la volonté de se comporter en propriétaire exclusif du bien, quand de tels actes n'étaient pas incompatibles avec les droits indivis de madame Z..., la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

2°) ALORS QUE les caractères de la possession doivent être appréciés en la personne du possesseur ; qu'en retenant que monsieur X... avait agi en qualité de propriétaire au motif inopérant que la famille Z... n'avait pas réclamé une quelconque partie des fruits de cette exploitation, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

3°) ALORS QUE madame Z... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel du 24 décembre 2010 (pp.5-6), que le titre dont se prévalait monsieur X... était entaché d'une nullité dont il avait nécessairement connaissance, en sorte qu'il ne pouvait légitimement penser qu'il possédait la parcelle litigieuse à titre de propriétaire exclusif ; qu'en refusant de procéder à cette recherche au motif inopérant que monsieur X... fondant son action sur une possession de plus de trente ans, il n'était pas nécessaire d'apprécier la validité de son titre, en l'occurrence l'acte de donation-partage du 4 octobre 1949, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles 816 et 2229 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame Z... de sa demande de nullité de l'acte du 4 octobre 1949 ;

AUX MOTIFS QU'Elie X... fondant son action sur une possession de plus de trente ans, il n'est pas nécessaire d'apprécier la validité de son titre, en l'espèce, l'acte de donation-partage du 4 octobre 1949 ;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel du 24 décembre 2010 (pp.5-6 ; p.7, alinéa 8), madame Z... avait formé une demande en nullité de l'acte du 4 octobre 1949 ; qu'ainsi, cette nullité était invoquée par voie d'action ; qu'en écartant la nécessité d'apprécier la validité de l'acte du 4 octobre 1949 par la considération que monsieur X... fondait ses prétentions sur la prescription acquisitive, quand madame Z... ne se bornait pas à demander le rejet des prétentions de ses adversaires, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, et a violé l'article 4 du code de procédure civile."