Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

BDIDU Blog Actualités juridiques Droit Immobilier et Droit de l'Urbanisme par Christophe Buffet Avocat Spécialiste en Droit Immobilier et Droit Public Tél. 02 41 81 16 16 - Page 1258

  • Tontine (clause d'accroissement) et meurtre

    La Cour de Cassation juge que tuer celui avec lequel a été conclu une tontine n'empêche pas de bénéficier de la clause d'accroissement :

     

    "Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 novembre 2010), que le 22 juillet 1994, M. X... et Mme Y... ont acquis une maison d'habitation par un acte comportant une clause d'accroissement ; que Mme Y... est décédée le 8 août 2000, son décès étant la conséquence d'un crime imputé à M. X... qui a lui-même mis fin à ses jours le 11 août 2000 ; qu'elle a laissé pour recueillir sa succession Mme Z... qui a assigné Mmes X..., venant à la succession de leur père, en paiement du montant de la vente de l'immeuble ;

    Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de constater que par l'effet de la clause d'accroissement, M. X... est devenu rétroactivement seul propriétaire de l'immeuble et qu'elle a perdu une chance d'hériter de l'immeuble égale à 50 % de sorte qu'elle a droit à la moitié de son prix de vente, alors, selon le moyen :

    1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et, en conséquence, il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour débouter Mme Z... de sa demande d'application de l'article 1178 du code civil à la clause dite d'accroissement litigieuse, le moyen tiré de l'inexistence, dans les rapports entre les parties à une clause d'accroissement ou tontine, d'un débiteur et d'un créancier, soit en considérant que le pacte tontinien n'était pas une convention synallagmatique, sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer,
    la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

    2°/ que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en écartant la demande de Mme Z... d'application de l'article 1178 du code civil à la clause d'accroissement litigieuse, motif pris que dans les rapports entre les parties, il n'existait pas un débiteur d'obligation et un créancier, quand, selon les stipulations de ladite clause, rappelées par motifs adoptés des premiers juges, M. X... s'était pourtant engagé vis-à-vis de Mme Y... à ne détenir aucun droit sur l'immeuble acquis à titre indivis si celle-ci lui survivait et réciproquement, que Mme Y... s'était tout autant engagée vis-à-vis de M. X... à ne détenir aucun droit sur le même immeuble acquis à titre indivis si celui-ci lui survivait, et que, comme constaté par motifs adoptés des premiers juges, M. X... était responsable du décès de Mme Y..., celui-là, débiteur de l'obligation précitée, en avait donc empêché l'accomplissement de sorte que ladite condition devait être réputée accomplie, la cour d'appel a violé l'article 1178 du code civil ;

    3°/ que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'au demeurant, quand bien même le pacte de tontine serait un acte unilatéral, en écartant la demande de Mme Z... d'application de l'article 1178 du code civil à cet acte, quand, selon les stipulations de ladite clause, rappelées par motifs adoptés des premiers juges, M. X... s'était engagé vis-à-vis de Mme Y... à ne détenir aucun droit sur l'immeuble acquis à titre indivis si celle-ci lui survivait et réciproquement, que Mme Y... s'était tout autant engagée vis-à-vis de M. X... à ne détenir aucun droit sur le même immeuble acquis à titre indivis si celui-ci lui survivait, et que, comme constaté par motifs adoptés des premiers juges, M. X... était responsable du décès de Mme Y..., celui-là, débiteur de l'obligation précitée, en avait donc empêché l'accomplissement de sorte que ladite condition était réputée accomplie, la cour d'appel a violé l'article 1178 du code civil ;

    4°/ que la cassation du chef de dispositif ayant constaté que par l'effet de la clause d'accroissement litigieuse, M. X... était rétroactivement devenu seul propriétaire du bien immobilier, objet de ladite clause, et de celui relatif au rejet de la demande de Mme Z... d'application de l'article 1178 du code civil entraînera celle des chefs relatifs à la détermination du préjudice de Mme Z... et à son évaluation en application de l'article 1382 du code civil, qui se trouvent dans leur dépendance nécessaire, et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

    Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... et Mme Y... avaient acquis une maison d'habitation avec clause d'accroissement, dite de tontine, et que cette clause conférait à l'acquéreur dernier vivant la propriété de l'immeuble tout entier à partir du jour de son acquisition, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer le principe de la contradiction, qu'il n'existait pas dans les rapports entre les parties un débiteur d'obligation et un créancier et que l'article 1178 du code civil n'était pas applicable ;

    D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

    PAR CES MOTIFS :

    REJETTE le pourvoi ;

    Condamne Mme Z... aux dépens ;

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Z... à payer la somme de 2 500 euros à Mmes Sandryne et Aryelle X... ; rejette la demande de Mme Z... ;

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille douze.

    MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

    Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour Mme Z....

    Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que par l'effet de la clause d'accroissement prévue par l'acte authentique du 22 juillet 1994, Monsieur Pierre X... était devenu rétroactivement seul propriétaire de la maison d'habitation avec terrain attenant, située à MIRABEL AUX BARONIES, dit que la faute commise par Monsieur Pierre X... avait causé un préjudice à Madame Pierrette Y... et par voie de conséquence à Mademoiselle Virginie Z... et dit que celle-ci avait perdu une chance d'hériter de l'immeuble précité égale à 50 % de sorte qu'elle avait droit à la moitié du prix de vente séquestré entre les mains de Maître Régis A... ;

    AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'application de l'article 1178 du Code civil, cet article dispose « la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition qui en a empêché l'accomplissement » ; que par la clause d'accroissement ou tontine, chaque acquéreur se trouve en quelque sorte propriétaire d'une moitié sous la condition résolutoire de son prédécès et propriétaire de l'autre moitié sous la condition suspensive de sa survie ; qu'il est possible également de dire que chacun des acquéreurs a la propriété de l'immeuble tout entier à partir du jour de son acquisition sous condition de prédécès de son co-contractant ; que dans les rapports entre les parties il n'existe pas un débiteur d'obligation et un créancier, de sorte que les dispositions de l'article 1178 du Code civil ne peuvent recevoir application (arrêt attaqué, p. 6) ;

    ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES, non contraires aux siens, QUE dans l'acte d'acquisition de l'immeuble de MIRABEL AUX BARONNIES du 22 juillet 1994, la convention de tontine concernant les rapports des acquéreurs entre eux est libellée de la manière suivante : « il est expressément convenu entre Monsieur X... Pierre et Madame Y... Pierrette : 1°) d'une part qu'ils jouiront en commun pendant leur vie des biens objets de la présente vente ; 2°) et d'autre part, à titre de clause aléatoire que le premier mourant d'entre eux sera considéré comme n'ayant jamais eu droit à la propriété de ces biens, laquelle appartiendra en totalité au survivant, sur la tête duquel ladite propriété sera censée avoir toujours reposé depuis le jour de la présente acquisition, la présente clause conférant ainsi à chacun des acquéreurs la propriété de l'immeuble tout entier à partir du jour de son acquisition, sous la condition suspensive de sa survie et sous condition résolutoire de son prédécès et, en vertu de la rétroactivité de la condition, celui des acquéreurs qui survivra étant censé tenir directement et dès l'origine ses droits du vendeur. La présente clause est exclusive (sauf en ce qui concerne la jouissance qui aura lieu ainsi qu'il a été dit) d'une indivision relativement aux biens vendus entre les acquéreurs. En conséquence, tant qu'ils seront en vie, aucun d'eux ne pourra en réclamer le partage ou la licitation et seul leur commun accord pourra permettre l'aliénation des biens acquis, leur disposition sous quelque forme et à quelque titre que ce soit ou la constitution sur ce bien d'un droit réel quelconque » ; que l'acquisition d'un bien en indivision et en tontine constitue un contrat aléatoire, la clause dite d'accroissement conférant à chacun des acquéreurs la propriété de l'immeuble tout entier à partir du jour de son acquisition, sous condition du prédécès de son cocontractant ; qu'aucune des parties ne remet en cause les conditions de formation du contrat, parmi lesquelles figure celle de l'existence, lors de sa conclusion, d'un aléa sur l'espérance de vie de l'un et l'autre des cocontractants ; que, pour l'accomplissement de la condition, les parties s'en sont remises au cours naturel des choses et ont entendu que le sort de la convention dépende d'un événement aléatoire ; que la réalisation de ce contrat, c'est-à-dire le transfert rétroactif de la propriété de l'immeuble est seulement soumis à cet aléa et doit s'opérer lors de la réalisation d'une condition casuelle au sens de l'article 1169 du Code civil, c'est-à-dire dépendant du hasard, et non du pouvoir de l'une ou l'autre des parties ; que l'article 1178 du Code civil dispose que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'étant responsable du décès de Madame Pierrette Y..., Monsieur Pierre X... a certes influé sur l'aléa, en provoquant lui-même l'événement constitutif de l'accomplissement des conditions suspensive et résolutoire du contrat, ôtant ainsi toute possibilité à son épouse de pouvoir bénéficier de la clause d'accroissement ; (jugement entrepris, p. 3 der. § ; p. 4 et p. 5, §. 1) ;

    1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et, en conséquence, il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour débouter Mademoiselle Z... de sa demande d'application de l'article 1178 du Code civil à la clause dite d'accroissement litigieuse, le moyen tiré de l'inexistence, dans les rapports entre les parties à une clause d'accroissement ou tontine, d'un débiteur et d'un créancier, soit en considérant que le pacte tontinien n'était pas une convention synallagmatique, sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

    2°) ALORS QUE, subsidiairement, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en écartant la demande de Mademoiselle Z... d'application de l'article 1178 du Code civil à la clause d'accroissement litigieuse, motif pris que dans les rapports entre les parties, il n'existait pas un débiteur d'obligation et un créancier, quand, selon les stipulations de ladite clause, rappelées par motifs adoptés des premiers juges, Monsieur Pierre X... s'était pourtant engagé vis-à-vis de Madame Pierrette Y... à ne détenir aucun droit sur l'immeuble acquis à titre indivis si celle-ci lui survivait et réciproquement, que Madame Pierrette Y... s'était tout autant engagée vis-à-vis de Monsieur Pierre X... à ne détenir aucun droit sur le même immeuble acquis à titre indivis si celui-ci lui survivait, et que, comme constaté par motifs adoptés des premiers juges, Monsieur X... était responsable du décès de Madame Pierrette Y..., celui-là, débiteur de l'obligation précitée, en avait donc empêché l'accomplissement de sorte que ladite condition devait être réputée accomplie, la Cour d'appel a violé l'article 1178 du Code civil ;

    3°) ALORS QUE, à titre infiniment subsidiaire, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'au demeurant, quand bien même le pacte de tontine serait un acte unilatéral, en écartant la demande de Mademoiselle Z... d'application de l'article 1178 du Code civil à cet acte, quand, selon les stipulations de ladite clause, rappelées par motifs adoptés des premiers juges, Monsieur Pierre X... s'était engagé vis-à-vis de Madame Pierrette Y... à ne détenir aucun droit sur l'immeuble acquis à titre indivis si celle-ci lui survivait et réciproquement, que Madame Pierrette Y... s'était tout autant engagée vis-à-vis de Monsieur Pierre X... à ne détenir aucun droit sur le même immeuble acquis à titre indivis si celui-ci lui survivait, et que, comme constaté par motifs adoptés des premiers juges, Monsieur X... était responsable du décès de Madame Pierrette Y..., celui-là, débiteur de l'obligation précitée, en avait donc empêché l'accomplissement de sorte que ladite condition était réputée accomplie, la Cour d'appel a violé l'article 1178 du Code civil ;

    ET AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'application de l'article 1382 du Code civil, le Tribunal a rappelé à bon droit que Pierre X... a été déclaré responsable du décès de Pierrette Y... et que ce décès a privé celle-ci de la possibilité de devenir rétroactivement seule propriétaire de l'immeuble de MIRABEL AUX BARONNIES et Mademoiselle Virginie Z... de la possibilité de retrouver l'immeuble dans la succession de sa mère ; que compte tenu de l'âge de Pierrette Y... née en 1944, de son espérance de vie, de sa situation et de son patrimoine, les chances pour Mademoiselle Z... de retrouver l'appartement situé à MIRABEL AUX BARONNIES dans la succession de sa mère peuvent être évaluées à 50 %, de sorte qu'elle a droit à la moitié du prix de vente de cet immeuble (arrêt attaqué, p. 6) ;

    ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES, non contraires aux siens, que par ailleurs, aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; que l'exécution du pacte de tontine est en principe passive puisque la convention produit ses effets rétroactivement lors du décès de l'une ou l'autre des parties, sans considération des faits à l'origine de celui-ci ; qu'elle n'impose donc aucune autre obligation que celle de laisser s'accomplir naturellement la condition casuelle dont la survenance emportera transfert rétroactif de propriété au profit de celui des cocontractants qui survivra à l'autre ; que l'article 1134 du Code civil suppose une exécution loyale du contrat conformément à l'intention des parties, et dont le non-respect pourrait, à défaut de révocation par consentement mutuel de la clause d'accroissement, être sanctionné par des dommages et intérêts ; qu'en l'espèce, les circonstances tragiques des décès des cocontractants ne permettent pas d'établir que Monsieur Pierre X... aurait ôté la vie à son épouse dans la seule perspective de profiter à titre exclusif du bien indivis, dès lors qu'il s'est lui-même donné la mort dans les quelques jours qui ont suivi le décès de celle-ci ; que, sur un plan strictement contractuel, il n'est donc pas possible de reprocher à Monsieur Pierre X... de ne pas avoir exécuté de bonne foi le pacte de tontine ; qu'en conséquence, l'article 1134 du Code civil ne peut pas recevoir application pour sanctionner une inexécution fautive du contrat ; qu'en revanche, et comme le souligne le jugement du Tribunal de grande instance de VALENCE du 4 septembre 2003, étant l'auteur de l'acte ayant provoqué la mort de Madame Pierrette Y..., Monsieur Pierre X... a commis une faute ayant causé un préjudice moral à Mademoiselle Virginie Z... qui en a d'ailleurs obtenu réparation ; que responsable du décès de Madame Pierrette Y..., Monsieur Pierre X... a privé celle-ci de la possibilité de lui survivre et de devenir rétroactivement seule propriétaire de l'immeuble de MIRABEL AUX BARONNIES ; que par voie de conséquence, il a privé Mademoiselle Virginie Z... de la possibilité de retrouver cet immeuble dans la succession de sa mère ; qu'en application des dispositions de l'article 1382 du Code civil, Mademoiselle Virginie Z... est donc bien fondée à réclamer la réparation du préjudice matériel résultant de cette situation à Mesdemoiselles Sandryne et Aryelle X... en leur qualité d'héritières de Monsieur Pierre X... (jugement entrepris, p. 5, §. 5 et s. et p. 6, §. 1 à 4) ;

    4°) ALORS QUE la cassation du chef de dispositif ayant constaté que par l'effet de la clause d'accroissement litigieuse, Monsieur Pierre X... était rétroactivement devenu seul propriétaire du bien immobilier, objet de ladite clause, et de celui relatif au rejet de la demande de Mademoiselle Z... d'application de l'article 1178 du Code civil entraînera celle des chefs relatifs à la détermination du préjudice de Mademoiselle Z... et à son évaluation en application de l'article 1382 du Code civil, qui se trouvent dans leur dépendance nécessaire, et ce, en application de l'article 624 du Code de procédure civile."

  • Servitude par destination du père de famille

    La Cour de Cassation indique ici les conditions de la servitude par destination du père de famille :

     

    "Vu l'article 694 du code civil ; 



    Attendu que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ; 



    Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 17 août 2010), que les époux X... et M. Y... sont chacun propriétaires de fonds voisins traversés par un canal d'irrigation appartenant aux consorts Z... ; que, se plaignant de l'assèchement dudit canal, qu'auraient provoqué des travaux réalisés sur son fonds par M. Y..., les époux X..., invoquant une servitude de prise d'eau dont bénéficierait leur bien, ont assigné M. Y... en exécution des travaux de remise en état ; 



    Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que les parties conviennent que leur auteur commun est M. Jacques A..., que le morcellement des propriétés s'est fait en plusieurs temps et que les aménagements du canal, se manifestant par des ouvrages apparents, établissent sans équivoque l'existence d'une servitude discontinue et apparente de prise d'eau par destination du père de famille ; 



    Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'acte par lequel s'était opérée la séparation des héritages ayant une origine commune était produit et qu'il ne contenait aucune stipulation contraire au maintien de la servitude revendiquée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 



    PAR CES MOTIFS : 



    CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 août 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; 



    Condamne les époux X... aux dépens ; 



    Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à M. Y... une somme de 2 500 euros ; 



    Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;



    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille douze.

    MOYEN ANNEXE au présent arrêt



    Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. Y... 



    Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les époux X... bénéficient dans leur fossé d'une servitude de prise d'eau provenant de la parcelle n° 636 appartenant aux consorts Z... et passant par la propriété appartenant à Monsieur Y... et condamné Monsieur Y... à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire ; 



    AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article 644 du code civil prévoient une servitude légale au profit de celui dont la propriété borde une eau courante autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public, les époux X... y font implicitement référence ; ... que les époux X... ne peuvent revendiquer l'application d'une servitude légale pour une eau provenant d'un canal privé s'écoulant sur la parcelle de leur voisin au moyen d'aménagements alors que la destination des lieux a été profondément modifiée, le moulin n'étant plus en activité et les parcelles ayant perdu leur vocation agricole ; qu'il doit donc être procédé à l'examen des titres de propriété respectifs des parties ; que la lecture du titre des époux X... amène, sans équivoque, à constater qu'aucune servitude n'est mentionnée à leur profit ; qu'ils sont propriétaires des parcelles n° A 1055 et 1025 constituant les lots n° 4 et 18 du lotissement dont dépend leur propriété, mais aucune disposition dans le cahier des charges du lotissement ne prévoit de disposition spécifique à leur lot quant à une servitude d'irrigation ; que l'article VII du cahier des charges repris dans l'acte notarié… distingue bien les eaux pluviales et le canal d'irrigation ; que l'acte notarié du 30 juin 1978 des consorts Z... …décrit la parcelle comme canal d'irrigation, qu'il prévoit une obligation à la charge de l'acquéreur dans le paragraphe relatif aux servitudes consistant « spécialement à recevoir et rendre l'eau de la manière convenable… » …qu'il résulte du constat d'huissier du 14 janvier 1977, annexé à l'acte notarié… que l'alimentation de ce canal n'est pas permanente, est fréquente l'été pour permettre l'irrigation et dépend bien de l'action opérée sur les vannes ; qu'il ressort aussi de ce constat que l'écoulement de ce canal est gêné par le fait que les buses se trouvant sous la route sont bouchées ; que l'acte de propriété de Monsieur Y... du 23 septembre 1977 précise que sa parcelle n° 1024 constitue le lot n° 3 du lotissement ; … qu'il n'y est fait référence ni à un canal d'irrigation ni à des obligations au profit du fonds voisin, le fonds X... ; qu'il doit donc être constaté qu'aucune servitude d'irrigation n'est justifiée par titre au profit des époux X... ; qu'il doit de même être observé que Monsieur Y... ne peut se prévaloir du moindre titre, quant à ses propres droits sur l'eau du canal dont la vocation apparaît pourtant être nécessairement de poursuivre son cours au-delà de la route nationale ; …

    que les plans des lieux, les documents établis par les différents rapports d'expertise réalisés en phase préjudiciaire et judiciaire permettent de constater qu'un décrochement de l'écoulement du canal d'irrigation existe au niveau de la route nationale avant de repartir sur un tracé rectiligne sur les propriétés Y... et X..., avec pour exutoire le canal dit SNCF ; qu'il est également indiqué que la commune a, au niveau de la route nationale, exécuté des travaux pour collecter les eaux de pluie à ce niveau, buser le canal sous terrain dont elle a entretenu, au moins à certaines périodes, le regard et les vannes et que, par ailleurs, un autre canal de dérivation part de ce point commun vers le nord ; que s'il doit être retenu que les époux X... ne peuvent pas plus que sur les titres s'appuyer sur ces décisions (judiciaires antérieures) pour revendiquer un droit de puisage de l'eau fondé en titre, les éléments ci-dessus rapportés quant à la configuration des lieux, le constat de l'antériorité des ouvrages, des fossés, buses et vannes d'amenée des eaux, ces éléments apparaissent déterminants dans l'examen d'une servitude fondée sur la destination du père de famille ; que les éléments tirés des précédents litiges relatifs à l'irrigation de propriétés situées en aval des vannes d'ouverture des eaux du canal du moulin démontrent que la servitude discutée est ancienne, résulte de la priorité donnée au moulin de bénéficier de l'eau du canal du Moulin, elle est discontinue et apparente en ce qu'elle nécessite la manipulation de vannes, la réalisation et l'entretien d'ouvrages (fossés, busages, bassins, regards) qui ont manifestement été l'objet de multiples litiges depuis près de deux siècles ; que les parties conviennent que leur auteur commun est bien Monsieur A..., l'examen de leurs titres permet d'en attester, il bénéficiait d'une servitude par la parcelle n° 636, spécifiquement décrite comme canal d'irrigation dans l'acte notarié portant sur la parcelle n° 636 ; qu'elle se manifestait sans équivoque par les aménagements du canal ; que ceux-ci se prolongeaient au-delà de la limite de la parcelle n° 636, la route nationale, les constats d'huissier et photographies permettant de constater l'existence de vannes anciennes, de regards, de buses, ce qui s'explique par la nécessité pour l'eau de continuer son cours jusqu'au canal SNCF pour s'y déverser ; que le morcellement des propriétés s'est fait en plusieurs temps, et c'est bien cet évènement qui a engendré la création de la servitude au profit des parcelles vendues, se manifestant par des ouvrages apparents ; que la destination du père de famille est donc bien applicable au sens de l'article 693 du code civil, qu'il ressort des documents administratifs et judiciaires établis que, selon les usages convenus, une répartition équitable des eaux excédentaires du canal du Moulin devait être assurée entre les propriétaires riverains selon leurs besoins d'arrosage ; qu'il n'est pas établi que cette servitude se serait éteinte par le non usage, les courriers adressés par Monsieur X... tant en qualité de maire de la commune qu'en qualité de propriétaire attestent de sa volonté de faire respecter l'écoulement des eaux et l'entretien des ouvrages lorsque ceux-ci s'avéraient défaillants, observation faite que la question de la charge de l'entretien des ouvrages n'est pas véritablement posée dans ce litige ; 



    1) ALORS QUE, conformément à l'article 693 du code civil, il n'y a destination de père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel découle la servitude ; que la cour d'appel, pour décider que les époux X... bénéficiaient d'un droit de prise d'eau fondé sur une servitude par destination du père de famille, a relevé que la servitude était ancienne, discontinue et apparente et que les parties avaient un auteur commun, Jacques A... ; qu'il résulte des conclusions des époux X... que Jacques A... n'a pas procédé à la division des fonds, celle-ci étant intervenue par la volonté de sa petite-fille, Marie A..., qui avait vendu une partie de la propriété à l'auteur de Monsieur Y..., puis qui avait légué une autre partie de la propriété à l'auteur des consorts Z..., cet auteur vendant encore une autre partie de la propriété aux époux X... ; qu'en se bornant à retenir que Jacques A... était l'auteur commun des parties, la cour d'appel qui, de surcroît, a retenu que la servitude était discontinue, mais qui n'a pas examiné les actes de vente et de division, la séparation des fonds n'étant pas le fait de Jacques A..., pour décider que celui-ci avait créé une servitude par destination du père de famille fondant le droit à une prise d'eau a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ; 



    2) ALORS QUE conformément à l'article 692 du code civil, la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes, les dispositions de l'article 694 du code civil fondant l'exigence de production de l'acte de division notamment en cas de servitude discontinue aux fins de vérifier que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la servitude par destination du père de famille sur laquelle les époux X... fondaient leur demande relative à un droit de prise d'eau sur un canal jouxtant leur fonds était apparente mais discontinue et a relevé que les parties avaient un auteur commun, Jacques A..., mais elle n'a ni examiné le titre de division ni retenu le défaut de stipulation contraire à la reconnaissance d'une servitude par destination du père de famille constituant le fondement de la demande formée par les époux X... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 



    3) ALORS QUE conformément à l'article 693 du code civil, il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que c'est par le propriétaire auquel les fonds divisés ont appartenu que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude, ce qui suppose que l'aménagement des fonds peut être attribué au propriétaire qui divise les fonds et qu'il révèle sa volonté de réaliser un service foncier avant que la division du fonds ne transforme ce service en servitude, sa volonté d'assujettir un fonds à un autre devant être relevée ; qu'en conséquence, la seule présence d'ouvrages, dont la cour d'appel n'a pas constaté qu'ils sont attribuables au propriétaire commun dont la volonté d'assujettissement d'un fonds à un autre n'a pas davantage été examinée, ne peut pas fonder l'existence de la servitude par destination du père de famille, le juge devant s'assurer de la nature, de l'antériorité et du maintien du service foncier aménagé par le propriétaire commun ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ; 



    4) ALORS QUE conformément à l'article 701 du code civil, une servitude s'éteint par le non usage trentenaire ; qu'en retenant que Monsieur X..., en qualité de maire de la commune et de propriétaire, avait manifesté, par des courriers, sa volonté de faire respecter l'écoulement des eaux et l'entretien des ouvrages, mais en s'abstenant de relever que les époux X..., et leurs auteurs, avaient usé du canal, par des actes matériels, continus et publics, usage que ne manifestent pas des courriers dont certains ont été écrits non en qualité de propriétaires mais de maire de la commune, sans aucune indication de date, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'usage des eaux du canal, depuis la division des fonds, à une date non précisée, s'était poursuivie pendant trente ans a, en excluant toutefois toute extinction de la servitude par destination du père de famille, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée."