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  • Assignation et interruption de prescription

    Cet arrêt juge que l'assignation même affectée d'un vice de fond a un effet interruptif de prescription :

     

    "Vu l'article 2241, alinéa 2, du code civil

     

    Attendu, selon ce texte, que la demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, même lorsque l'acte de saisine est annulé par l'effet d'un vice de procédure ;

     

    Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 21 janvier 2014), qu'à la suite de la rétrocession par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Centre (la SAFER) de différentes parcelles de terre, Hervé X..., l'earl de la Recette, Alain Y... et Guillaume Y... (les consorts X...), candidats évincés ont le, 8 juin 2012, assigné devant le tribunal de grande instance du Mans M. Z..., la SCI de Berchères, M. A... et l'EARL A... (les consorts Z...), attributaires, et la SAFER en annulation de la décision de rétrocession ; qu'invoquant la nullité de l'assignation en ce qu'elle ne comportait pas constitution d'un avocat au barreau du Mans, mais celle d'un avocat au barreau de Blois, les consorts Z... ont sollicité la nullité de l'acte introductif d'instance ;

     

    Attendu que pour accueillir cette demande l'arrêt retient que la nullité de fond entachant l'assignation pour défaut de constitution d'un avocat inscrit au barreau du tribunal saisi ne constitue pas un simple vice de procédure susceptible d'être régularisé sans autre limite que la durée de l'instance et que les conclusions des consorts X..., signifiées après la date d'expiration du délai de forclusion dont les candidats évincés disposaient pour contester la décision de rétrocession, n'avaient pas eu pour effet de couvrir cette nullité ;

     

    Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 2241 du code civil ne distinguant pas dans son alinéa 2 entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, l'assignation même affectée d'un vice de fond a un effet interruptif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

     

    PAR CES MOTIFS :

     

    CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;

     

    Condamne M. Z..., la SCI de Berchères, M. A... et l'EARL A... aux dépens ;

     

    Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z..., de la SCI de Berchères, de M. A... et de l'EARL A... ; les condamne à payer à M. X..., l'EARL de la Recette, M. Alain Y... et M. Guillaume Y... la somme globale de 3 000 euros ;

     

    Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

     

    Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quinze.

     

    MOYEN ANNEXE au présent arrêt

     

    Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., MM. Alain et Guillaume Y... et la société de la Recette.

     

    Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'assignation délivrée le 8 juin 2012 par les tiers évincés (les consorts X... et autres, les exposants) à la SAFER et aux rétrocessionnaires, et d'avoir rejeté leur demande de régularisation de l'acte ;

     

    AUX MOTIFS QUE l'irrégularité d'une assignation résultant de la constitution d'un avocat ne pouvant postuler dans le ressort du tribunal saisi était une irrégularité de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile ; que la nullité de fond entachant les assignations délivrées le 8 juin 2012 n'était donc pas sérieusement contestable, Me Robiliard, avocat au barreau de Blois, s'étant constitué devant le tribunal de grande instance du Mans ; qu'au vu de la justification de l'affichage en mairie des décisions d'attribution de la SAFER à compter du 8 décembre 2011, en application des articles L. 143-14 et R. 242-4 du code rural, le délai de forclusion de six mois dont disposaient les tiers évincés pour contester ces décisions avait expiré le 9 juin 2012, c'est-à-dire le jour suivant la délivrance de l'assignation entachée de nullité ; que si l'article 121 du code de procédure civile disposait que, « dans les cas où elle était susceptible d'être couverte, la nullité ne serait pas prononcée si sa cause avait disparu au moment où le juge statuait », la régularisation d'une assignation entachée d'une nullité de fond n'était possible qu'en l'absence de forclusion ou de prescription ; que, pour affirmer que leurs conclusions des 18 juin et 7 novembre 2012 avaient couvert la nullité de leurs assignations malgré l'expiration du délai de forclusion, les tiers évincés invoquaient l'article 2241, alinéa 2, du code civil qui prévoyait l'interruption de ce délai et du délai de prescription lorsque l'acte de saisine de la juridiction était annulé par l'effet d'un vice de procédure ; que cependant la nullité de fond entachant l'assignation pour défaut de constitution d'un avocat inscrit au barreau du tribunal saisi ne constituait pas un simple vice de procédure susceptible d'être régularisé selon le bon vouloir du demandeur sans autre limite que la durée de l'instance ; qu'en effet une telle nullité interdisait tout débat contradictoire dans la mesure où les avocats des défendeurs étaient privés de la possibilité de notifier leurs conclusions et leurs pièces à un interlocuteur qualifié pour les recevoir ; qu'en conséquence, les conclusions des tiers évincés, signifiées après le 9 juin 2012, date l'expiration du délai de forclusion, n'avaient pas eu pour effet de couvrir la nullité de fond affectant les assignations délivrées la veille ; que la cour confirmait donc l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait prononcé l'annulation de ces assignations, et, y ajoutant déboutait les intéressés de leur demande aux fins de constat de la régularisation de ces assignations par signification de conclusions postérieures à l'expiration du délai de forclusion (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 8, et p. 7, alinéas 1 à 6) ;

     

    ALORS QU'une assignation en justice atteinte d'une irrégularité de procédure, qu'il s'agisse d'un vice de forme ou de fond, interrompt tout délai de prescription comme de forclusion pendant la durée de l'instance ; qu'en constatant que l'irrégularité de l'assignation litigieuse, consistant à avoir été délivrée par un avocat n'appartenant pas au barreau établi auprès du tribunal compétent, était une irrégularité de fond, tout en déclarant que cette assignation n'avait pas interrompu le délai de prescription et que les nouvelles conclusions délivrées par les tiers évincés au cours de l'instance n'avaient pas permis de régulariser leur demande en contestation de la décision de la SAFER, la cour d'appel a violé les articles L. 143-14 du code rural, 2241 du code civil et 117 et suivants du code de procédure civile.

  • Permis de construire, référé et présomption d'urgence

    Cet arrêt juge que la présomption d'urgence en matière de référé suspension de permis de construire n'est pas acquise si les travaux ne sont pas commencés.

     

    "L'association communale de chasse agréée de Bazas, l'association Les Amis de la Brèche et l'association SEPANSO Gironde ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 15 février 2013 par lequel le préfet de la Gironde a délivré à la société Eon Climate et Renewables France Solar un permis de construire pour un projet de parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de Bazas, au lieu-dit " Guion - Le Blanc - Frion - La Pujade sud ". Par une ordonnance n° 1301333 du 26 avril 2013, le juge des référés a suspendu l'exécution de cet arrêté.

     

     

     

    Par un pourvoi enregistré le 10 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eon Climate et Renewables France Solar demande au Conseil d'Etat :

     

     

     

    1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301333 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2013 ;

     

     

     

    2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions devant le juge des référés ;

     

     

     

    3°) de mettre à la charge de l'association communale de chasse agréée de Bazas, de l'association Les Amis de la Brèche et de l'association SEPANSO Gironde la somme globale de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens et la contribution pour l'aide juridique.

     

     

     

     

     

    Vu :

     

     

     

    -les autres pièces du dossier ;

     

     

     

    -le code de l'environnement ;

     

     

     

    -le code forestier ;

     

     

     

    -le code de l'urbanisme ;

     

     

     

    -le code de justice administrative.

     

     

     

     

     

     

     

    Après avoir entendu en séance publique :

     

     

     

    - le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes, 

     

     

     

    - les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public.

     

     

     

    La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la Société Eon Climate et Renewables France Solar.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ;

     

     

     

    2. Considérant que pour justifier l'urgence à suspendre l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 février 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a relevé d'office le moyen, qui n'est pas d'ordre public et qui ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui étaient soumises, tiré de la méconnaissance du principe de précaution ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée ;

     

     

     

    3. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

     

     

     

    4. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; 

     

     

     

    5. Considérant que l'association communale de chasse agréée de Bazas, l'association Les Amis de la Brèche et l'association SEPANSO Gironde soutiennent que l'urgence à suspendre l'arrêté préfectoral du 15 février 2013 est caractérisée par les conséquences graves et immédiates sur le milieu naturel des travaux imminents de défrichement et de construction du futur parc photovoltaïque, qui entraîneront la destruction de spécimens et d'habitats protégés sur une superficie de 25 hectares et affecteront le réseau hydrographique du Beuve, zone classée Natura 2000, dont les sources sont situées à proximité immédiate ;

     

     

     

    6. Considérant que, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction autorisée par un permis de construire, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Eon Climate et Renewables France Solar serait sur le point de commencer les travaux ; qu'en tout état de cause, les travaux de défrichement ont été autorisés au titre du code forestier par un arrêté distinct, devenu définitif, du préfet de la Gironde du 25 septembre 2011 ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la condition d'urgence, qui doit s'apprécier objectivement et globalement, ne peut être regardée comme remplie en l'espèce ; qu'en conséquence, la demande de suspension doit être rejetée ; 

     

     

     

    7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association communale de chasse agréée de Bazas, de l'association Les Amis de la Brèche et de l'association SEPANSO Gironde le versement à la société Eon Climate et Renewables France Solar d'une somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 du même code relatives au remboursement de la contribution pour l'aide juridique ;

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    D E C I D E :

     

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    Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2013 est annulée.

     

    Article 2 : La demande présentée par l'association communale de chasse agréée de Bazas, l'association Les Amis de la Brèche et l'association SEPANSO Gironde devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

     

    Article 3 : L'association communale de chasse agréée de Bazas, l'association Les Amis de la Brèche et l'association SEPANSO Gironde verseront chacune à la société Eon Climate et Renewables France Solar la somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

     

    Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Eon Climate et Renewables France Solar, à l'association communale de chasse agréée de Bazas, à l'association Les Amis de la Brèche et à l'association SEPANSO Gironde.

     

    Copie en sera adressée pour information à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité."