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Donner congé au locataire après avoir hérité d'un bien ?

Cet arrêt de la Cour d'Appel de Paris juge que les héritiers d'un bien loué ne peuvent donner congé pour le terme du bail si celui-ci intervient moins de trois ans après leur "acquisition".

 

Ceci par application de l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

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"EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 26 avril 2013, à effet du 30 avril 2013,Mme [Z] [R] divorcée [A] a donné à bail à Mme [X] [S], épouse [P] un local à usage d'habitation situé [Adresse 4].
Mme [Z] [R] divorcée [A] est décédée le 11 septembre 2017. Ses enfants, Mme [Y] [A] et M. [B] [A], ont acquis par voie de succession la propriété de l'appartement (attestation notariée du 21 mars 2018).
Mme [Y] [A] et M. [B] [A] ont donné à la locataire congé pour vente le 10 octobre 2018, à effet du 29 avril 2019, puis, par acte d'huissier du 31 juillet 2019, ils l'ont fait assigner, devant le tribunal d'instance de Paris en substance en validation du congé, constat de l'occupation sans droit ni titre de l'intéressée, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation outre de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire entrepris du 7 février 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :
Constate la compétence de la juridiction ;
Déboute Mme [X] [P] de ses demandes ;
Déclare valable le congé délivré le 10 octobre 2018, à effet du 29 avril 2019 à minuit, par les consorts [A], à Mme [X] [P] ;
Constate que le congé a mis fin le 29 avril 2019 à minuit, au bail conclu le 26 avril 2013, à effet du 30 avril 2013, pour le logement situé : [Adresse 4] ;
Condamne Mme [X] [P] à payer aux consorts [A], à compter du 30 avril 2019, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation annuelle incluse) et ce jusqu'au départ effectif des lieux de tout bien, de toute personne et la remise des clés ;
Ordonne l'expulsion, si besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier, de Mme [X] [P] et celle de tous occupants de son chef des lieux situés : [Adresse 4], 2 mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l'article L. 412 -1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du même code ;
Condamne Mme [X] [P] à payer 2.000 euros de dommages-intérêts aux consorts [A] ;
Condamne Mme [X] [P] à payer 3.000 euros aux consorts [A], en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire ;
Condamne Mme [X] [P] aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 4 mars 2020 par Mme [X] [P] ;
Vu les dernières écritures remises au greffe le 2 juin 2020 par lesquelles Mme [X] [P], appelante, demande à la cour de :
Vu l'article 711 du code civil,
Vu l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989,
Vu l'article 2-2-2 de la notice d'information annexée au congé pour vendre,
Dire et juger Mme [X] [S] divorcée [P] recevable et bien fondée en ses écritures, et y faisant droit ;
Réformer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 7 février 2020
en ce qu'il :
- Déboute Mme [X] [P] de ses demandes ;
- Déclare valable le congé délivré le 10 octobre 2018, à effet du 29 avril 2019 à minuit, par les consorts [A], à Mme [X] [P]
- Constate que ce congé a mis fin le 29 avril 2019 à minuit, au bail conclu le 26 avril 2013, à effet du 30 avril 2013, pour le logement situé : [Adresse 4] ;
- Condamne Mme [X] [P] à payer aux consorts [A], à compter du 30 avril 2019, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation annuelle incluse) et ce jusqu'au départ effectif des lieux de tout bien, de toute personne et la remise des clés ;
- Ordonne l'expulsion, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier, de Mme [P] [X] et celle de tous occupants de son chef des lieux situés : [Adresse 4], 2 mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l'article L412.1 du code des procédures civiles d'exécution
- Dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L433-1 et suivants du même code ;
- Condamne Mme [X] [P] à payer 2 000 euros de dommages intérêts aux consorts [A] ;
- Condamne Mme [X] [P] à payer 3 000 euros aux consorts [A], en application de
l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme [P] aux dépens ;
Statuant de nouveau,
Déclarer nul et de nul effet le congé donné le 10 octobre 2018 à effet au 29 avril 2019 ;
Dire que le bail s'est reconduit au 30 avril 2019 aux conditions du bail initial ;
Condamner solidairement les consorts [A] à payer à Mme [X] [S] divorcée [P] la somme de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens, tant de première instance que
d'appel.
Vu les dernières écritures remises au greffe le 18 juin 2020 au terme desquelles Mme [Y] [A] et M. [B] [A], intimés, demandent à la cour de :
In Limine Litis,
Vu les dispositions de l'article 526 du code de procédure civile,
 
Dire qu'il y a lieu à radiation de l'appel interjeté sous le N° RG 20/04688 par Mme [X] [S] divorcée [P], sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [X] [S] divorcée [P] à payer, à Mme [Y] [A] et M. [B] [A], la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, et frais de timbre de 225 euros pour le présent incident ;
Condamner Mme [X] [S] divorcée [P] aux entiers dépens du présent incident ;
Subsidiairement,
Confirmer le jugement en date du 7 février 2020 ;
De plus fort, déclarer les demandes de Mme [Y] [A] et M. [B] [A] recevables et bien fondées ;
En conséquence, et y faisant droit :
A titre principal,
Confirmer le jugement du 7 février 2020, en toutes ses dispositions ;
Débouter Mme [X] [S] divorcée [P] de toutes fins et conclusions contraires ;
Constater que Mme [X] [S] divorcée [P] a reçu un congé pour vendre, au visa de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, par exploit de Maître [D], huissier de justice, en date du 10 octobre 2018, délivré à Mme [X] [S] et M. [M] [P] son époux un congé pour vendre pour le 29 avril 2019 ;
Déclarer valable au fond et en la forme, le congé délivré à Mme [X] [S] divorcée [P], le 10 octobre 2018, par exploit de Me [D], huissier de justice, pour le 29 avril 2019 minuit par les consorts [A] ;
Constater que ce congé a mis fin le 29 avril 2019 à minuit, au bail conclu le 26 avril 2013, à effet du 30 avril 2013, pour le logement situé : [Adresse 4] ;
Confirmer la condamnation de Mme [X] [S] divorcée [P] à payer aux consorts [A], à compter du 30 avril 2019, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation annuelle incluse) et ce jusqu'au départ effectif des lieux de tout bien, de toute personne et la remise des clés ;
Confirmer l'expulsion, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier, de Mme [X] [S] divorcée [P] et celle de tous occupants de son chef des lieux situés : [Adresse 4], 2 mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l'article L412.1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Dire et juger que Mme [X] [S] divorcée [P] est déchue de plein droit de tout titre d'occupation sur le local ;
 
En tout état de cause, y ajouter,
Condamner Mme [X] [S] divorcée [P] à verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance ;
Condamner Mme [X] [S] divorcée [P] aux entiers dépens, dont ceux de la procédure devant la juridiction de première instance et ceux de la présente procédure d'appel outre le droit de timbre de 225 euros ;
Condamner Mme [X] [S] divorcée [P] aux entiers dépens, dont distraction au profit Me SERMAIZE- CUVELIER avocat aux offres de droit qui pourra directement les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 695 et suivants du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à " constater ", " donner acte ", " dire et juger " en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens, comme c'est le cas en l'espèce.
 
Par ailleurs, il convient de relever que le chef de dispositif par lequel le premier juge se déclare compétent n'est pas visé par la déclaration d'appel, et ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune demande, de sorte que la cour d'appel n'en est pas saisie.
Sur la demande de radiation de l'appel formée par les intimés
En application de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l'appel, pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; il doit être saisi des demandes relevant de sa compétence par des conclusions qui lui sont spécialement adressées.
Dès lors, sont irrecevables les demandes tendant à la radiation de l'appel pour inexécution du jugement, sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, ainsi que les demandes subséquentes relatives aux frais de 'l'incident', qui sont formulées dans les conclusions des consorts [A] du18 juin 2020, lesquelles comportent également des moyens et demandes au fond, adressées à la cour d'appel (voir par exemple 3e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.331, Bull. 2017, III, n° 94).
Sur la validité du congé pour vendre du 10 octobre 2018
Le congé pour vente litigieux a été délivré par huissier de justice le 10 octobre 2018 à effet du 29 avril 2019 à minuit.
Pour en retenir la validité, le premier juge a rejeté des moyens de nullité fondés sur la violation de l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs qui ne sont plus soulevés devant la cour; notamment la régularité formelle du congé n'est pas en cause en l'espèce.
En appel, Mme [P] critique uniquement le motif par lequel le jugement a considéré que les conditions de l'article 15 relatives à la date d'effet du congé en cas d'acquisition d'un bien occupé ne concernent que les acquisitions à titre onéreux et en a écarté l'application en l'espèce en constatant que les consorts [A] n'ont pas acquis le bien occupé à titre onéreux mais par voie successorale.
L'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dans sa version applicable au litige, issue de la loi du 6 août 2015, dispose que:
'I. - Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.
En cas d'acquisition d'un bien occupé :
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur peut donner congé à son locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;
(...)'
En application de ces dispositions, d'ordre public, un congé délivré pour le terme du bail alors qu'il reste moins de trois ans d'occupation au locataire est nul.
 
Ce sont les dispositions invoquées par l'appelante qui soutient dans ses conclusions que 'le terme du contrat de location en cours intervenait moins de trois ans avant après [sic] l'acquisition' du bien par les consorts [A] de sorte qu'il ne pouvait être donné congé à Mme [P] qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne résulte pas du texte précité que les conditions énoncées ne s'imposent qu'aux acquéreurs à titre onéreux d'un bien occupé et non aux acquéreurs à titre gratuit, comme c'est le cas en l'espèce; il n'y a donc pas lieu d'ajouter à la loi, protectrice des droits du locataire, une condition qu'elle ne contient pas.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. et Mme [A] ont acquis le logement objet du litige par voie successorale, à la suite du décès de leur mère le 11 septembre 2017.
Le contrat de bail initial ayant été conclu à effet du 30 avril 2013, et s'étant renouvelé une première fois le 30 avril 2016, le terme du contrat en cours lors de la délivrance du congé était le 30 avril 2019.
Ainsi le terme du contrat en cours intervenait moins de trois ans après l'acquisition, de sorte qu'il ne pouvait être donné congé à la locataire pour vente du logement qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours, soit au plus tôt le 30 avril 2022.
Il s'ensuit que la nullité du congé doit être constatée et le jugement sera donc infirmé sur ce point et sur les chefs de dispositifs subséquents.
Par conséquent , il convient de constater que le bail litigieux a été reconduit à compter du 30 avril 2019.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable d'allouer à Mme [P] une indemnité de procédure de 3.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable la demande de radiation de l'appel de Mme [X] [S] divorcée [P], et les demandes subséquentes relatives aux frais d'incident ;
Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate la nullité du congé pour vendre du 10 octobre 2018 ;
Dit que le bail portant sur le local à usage d'habitation situé [Adresse 4] s'est reconduit le 30 avril 2019 ;
Condamne Mme [Y] [A] et M. [B] [A] à payer à Mme [X] [S] divorcée [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [Y] [A] et M. [B] [A] aux dépens de première instance et d'appel,
Rejette toutes autres demandes.
La Greffière Le Président"

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