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Le recours contre le permis de construire n'est pas abusif

Le recours contre le permis de construire n'est pas abusif : c'est ce que juge cette décision.

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« Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… A… a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler la décision du 19 janvier 2017 par laquelle le maire de Montigny-lès-Metz a accordé un permis de construire un immeuble d’habitation à la société Vigny01Invest, ainsi que la décision du 17 mai 2017 rejetant son recours gracieux du 14 mars 2017.

Le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy, en application de l’article R. 351-8 du code de justice administrative, par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat du 26 mars 2019.

Par une ordonnance n° 1723533 du 24 décembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme A… et mis à sa charge une somme de 700 euros à verser à la société Vigny01Invest au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2020, Mme B… A…, représentée par Me Matuszak, demande à la cour :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) d’annuler l’arrêté du 19 janvier 2017 et la décision du 17 mai 2017 du maire de Montigny-lès-Metz ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Montigny-lès-Metz et de la société Vigny01Invest une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – c’est à tort que sa requête a été rejetée au motif qu’il n’était pas justifié de l’accomplissement des formalités de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, dès lors qu’elle justifie de l’accomplissement de ces formalités dès le 13 juillet 2017, date de sa demande de première instance ;

 – elle justifie de son intérêt pour agir, en tant que riveraine directe et immédiate ;

 – le projet porte atteinte aux règles d’urbanisme édictées à l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ; l’autorisation de construire méconnait les dispositions de l’article UK 2 du plan d’occupation des sols de la commune de Montigny-lès-Metz ; le projet dévalue la valeur de son bien immobilier et engendre une perte d’intimité.

Par un mémoire enregistré le 30 juin 2020, la commune de Montigny-lès-Metz et la société Vigny01Invest, représentées par Me de Zolt, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de Mme A… une somme de 1 500 euros à verser à chacune d’elles.

Elles soutiennent que :

 – c’est sans irrégularité que la demande de première instance a été rejetée par l’ordonnance en litige dès lors que Mme A… n’avait pas répondu à la fin de non-recevoir qui avait été invoquée devant le tribunal, s’agissant de la notification du recours gracieux et du recours contentieux, et qu’elle n’a pas davantage apporté de réponse à la demande de régularisation qui lui avait été adressée ; elle n’est pas recevable à en justifier pour la première fois en appel ;

 – subsidiairement, la demande de première instance est irrecevable en application des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme dès lors qu’il n’est pas justifié de la notification du recours gracieux et que la requérante n’est plus recevable en appel à produire cette justification ;

 – il n’est pas justifié de la notification de son appel ;

 – Mme A… ne justifie pas d’un intérêt à agir au sens des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;

 – les moyens invoqués sont inopérants.

Par un mémoire enregistré le 30 juin 2020, la société Vigny01Invest, représentée par Me de Zolt, demande à la cour de condamner Mme A… à lui verser une somme de 130 622,67 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme.

Elle soutient que :

 – elle a subi un préjudice résultant du comportement abusif de Mme A… dans la mise en œuvre de son droit au recours, au regard du défaut de justification de l’accomplissement des formalités de notification de son recours gracieux et de son appel et de la production tardive des justificatifs concernant la notification de sa demande de première instance, ainsi que du fait que la requérante se prévaut uniquement du droit civil ;

 – son préjudice matériel résulte du surcoût du portage financier lié au recours, pour 7 166,67 euros, de l’augmentation du coût de la construction, pour 25 416 euros, et des pertes de revenus locatifs, pour 95 040 euros ;

 – elle a subi un préjudice moral, justifiant le versement de 3 000 euros, dès lors qu’elle n’a toujours pas pu mener à bien son projet de construction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Samson-Dye,

 – les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

 – et les observations de Me Bertrand, pour la commune de Montigny-lès-Metz et la société Vigny01Invest.

1. Mme A… conteste l’ordonnance par laquelle le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande pour irrecevabilité manifeste, au motif qu’il n’avait pas été justifié de la notification du recours gracieux et de la demande de première instance exigée par les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

Sur l’irrecevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, dans leur rédaction applicable à la demande de première instance : « En cas (…) de recours contentieux à l’encontre (…) d’un permis de construire, (…) l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. (…) L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ».

3. Lorsque l’auteur d’un recours entrant dans le champ d’application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme n’a pas justifié en première instance de l’accomplissement des formalités de notification requises alors qu’il a été mis à même de le faire, notamment par une invitation à régulariser adressée par le tribunal administratif, il n’est pas recevable à produire ces justifications pour la première fois en appel.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A… s’était abstenue de produire spontanément devant le tribunal administratif les justificatifs de notification de son recours gracieux au bénéficiaire du permis de construire contesté, ainsi que les documents établissant que son recours contentieux avait été notifié au bénéficiaire et à l’auteur de cette autorisation d’urbanisme. Elle n’a pas répondu, devant le tribunal, à la demande de régularisation, dont son conseil avait accusé réception le 18 novembre 2019, qui lui avait été adressée afin d’obtenir les justificatifs de ces notifications. Dans ces conditions, la production, pour la première fois devant la cour, de certains justificatifs n’est pas de nature à régulariser l’irrecevabilité entachant la demande de première instance, étant précisé d’ailleurs que ces documents portent uniquement sur la notification du recours contentieux et n’établissent pas la notification du recours gracieux dans le délai requis par les dispositions citées au point 2. C’est donc sans entacher l’ordonnance attaquée d’irrégularité que le premier juge a rejeté la demande de Mme A… pour irrecevabilité, contrairement à ce que soutient cette dernière.

Sur les conclusions indemnitaires du pétitionnaire :

5. Aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ».

6. En dépit de l’irrecevabilité de la demande de première instance, il ne résulte pas de l’instruction que le droit de Mme A… à former un recours contre le permis de construire ou à relever appel de l’ordonnance litigieuse aurait été mis en œuvre dans des conditions qui traduiraient de sa part un comportement abusif, alors qu’elle se présente comme riveraine immédiate du projet et qu’un tel comportement ne saurait, en l’espèce, être établi par l’appréciation portée par le premier juge sur la recevabilité de sa demande, par le caractère infondé de son appel ou par les moyens qu’elle a entendu soulever, dont l’un était tiré de la méconnaissance d’un document d’urbanisme. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la société Vigny01Invest sur le fondement des dispositions citées au point précédent doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des intimés, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme A… deux sommes de 750 euros à verser à la société Vigny01Invest et à la commune de Montigny-lès-Metz au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Vigny01Invest présentées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme sont rejetées.

Article 3 : Mme A… versera la somme de 750 euros à la commune de

Montigny-lès-Metz et la somme de 750 euros à la société Vigny01Invest, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A…, à la commune de Montigny-lès-Metz et à la société Vigny01Invest. »

CAA Nancy, 3e ch., 8 févr. 2022, n° 20NC00539.

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