Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Non-conformité sans désordres : quid ?

La Cour de cassation juge qu'en l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.

Maison neuve - Toiture - Construction | Faire construire sa maison

 

"Faits et procédure
5. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2020), la société civile immobilière Vaux-le-Pénil-logistique RD 82, aux droits de laquelle vient la société K&B, a entrepris la construction d'une plate-forme logistique composée d'entrepôts et de bureaux.
6. Les travaux ont été confiés à la société GSE, qui a sous-traité le lot charpente métallique à la société Baudin Châteauneuf.
7. La société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Veritas construction, a reçu une mission de contrôle technique.
8. Une police unique de chantier couvrant les dommages à l'ouvrage et la responsabilité des constructeurs en cas de dommages de nature décennale a été souscrite auprès de la société Axa.
9. Après la réception de l'ouvrage, à la suite d’un orage, une partie de la toiture d'un des entrepôts s'est affaissée.
10. La société Logiforce, nouvelle propriétaire de l'immeuble, a demandé l'indemnisation de ses préjudices résultant, notamment, de la non-conformité des toitures.
Recevabilité des mémoires en réponse de la société Baudin Châteauneuf
11. Le délai de deux mois dont dispose le défendeur au pourvoi à compter de la signification du mémoire du demandeur pour remettre un mémoire en réponse au greffe de la Cour de cassation est prescrit à peine d'irrecevabilité prononcée d'office du mémoire en réponse déposé tardivement.
12. Les mémoires en réponse de la société Baudin Châteauneuf au titre des pourvois n U 20-15.277, X 20-15.349 et C 20-17.033 ont été déposés plus de deux mois après la signification, à cette société, des mémoires en demande.
13. Ces mémoires en réponse ne sont donc pas recevables.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi X 20-15.349, ci-après annexé
14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n X 20-15.349 et sur le premiermoyen du pourvoi n C 20-17.033, pris en leur première branche, réunis
15. Par son premier moyen, la société Baudin Châteauneuf fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société GSE et la société Bureau Veritas construction, sur le fondement de leur responsabilité civile de droit commun, à payer à la société Logiforce diverses sommes et de fixer le partage de responsabilité dans certaines proportions, alors « que le non-respect d'une norme de construction, tel qu'un document technique unifié (DTU), lequel se distingue des règles de l'art, ne peut engager la responsabilité du constructeur qu'à la condition d'avoir été intégré dans le champ contractuel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu la responsabilité de la société Baudin Châteauneuf, sous-traitant de la société GSE, en énonçant qu'elle était tenue de « livrer un ouvrage conforme aux prescriptions contractuelles et aux règles de l'art et DTU applicables en la matière » car « l'ensemble des DTU font partie intégrante de la catégorie plus large des règles de l'art, ensemble des règles et techniques professionnelles validées par l'expérience et admises par les professionnels, opposables à ces derniers » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que les DTU sont distincts des règles de l'art, et après avoir constaté que le DTU 43.3, sur la méconnaissance duquel elle a fondé le manquement retenu contre la société Baudin Châteauneuf, n'était pas mentionné dans le marché et n'avait donc pas été contractualisé, ce qui excluait toute responsabilité délictuelle de la société Baudin Châteauneuf, en tant que sous-traitant, pour non-conformité de sa prestation à cette norme technique la cour d'appel a violé les articles 1134, devenu 1103 et 1382, devenu 1240, du code civil. »
16. Par son premier moyen, la société GSE fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Logiforce portant sur la non-conformité de la toiture de l'entrepôt et, statuant à nouveau sur ce point, de condamner la société GSE, in solidum avec la société Bureau Veritas construction et la société Baudin Châteauneuf, sur le fondement de leur responsabilité de droit commun, à payer à la société Logiforce certaines sommes, de fixer le partage de responsabilité et les garanties selon certaines proportions, alors « qu'en l'absence de désordre constaté, ne saurait être engagée la responsabilité de l'entrepreneur au motif que l'ouvrage ne serait pas conforme à un DTU auquel le marché n'est pas contractuellement soumis ; qu'en accueillant la demande de la société Logiforce au titre de la « remise aux normes », en l'absence de tout désordre, pour cela que la « responsabilité » de la société GSE peut être retenue dès lors que la charpente de l'entrepôt livré s'est révélée non conforme à un DTU que le contrat ne visait pas, que la société GSE a conçu un projet non conforme à cette règle de l'art et n'a pas relevé cette non-conformité, et que le dommage serait caractérisé par le fait que la société Logiforce avait entrepris à ses frais des travaux de remise aux normes, la cour a violé les articles 1134 (devenu 1103) et 1147 (devenu 1231-1) du code civil dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
17. La société Logiforce conteste la recevabilité du premier moyen de la société GSE, pris en sa première branche. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait.
18. Cependant, la société GSE soutenait, devant la cour d'appel, que la société Logiforce était défaillante dans la preuve d'une faute et d'un dommage en lien avec la faute alléguée.
19. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1134, alinéa 1, 1147, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil :
20. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
21. Selon le deuxième, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
22. Selon le dernier, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
23. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.
24. Pour condamner l'entrepreneur et son sous-traitant à indemniser le propriétaire de l'ouvrage du coût de la mise en conformité des toitures avec les prescriptions du document technique unifié (DTU) 43.3, l'arrêt énonce que, quand bien même le marché ne fait pas référence à ce document, celui-ci et l'ensemble des DTU font partie intégrante de la catégorie plus large des règles de l'art, ensemble des règles et techniques professionnelles validées par l'expérience et admises par les professionnels, opposables à ceux-ci, et que la responsabilité des constructeurs et du contrôleur peut donc être retenue puisque la charpente de l'entrepôt livré s'est révélée non-conforme à un DTU.
25. En statuant ainsi, après avoir relevé que le DTU 43.3 n'était pas mentionné dans le marché et n'avait pas été contractualisé et que la non-conformité n'avait été à l'origine d'aucun désordre, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Et sur le premier moyen du pourvoi n U 20-15.277, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
26. La société Bureau Veritas construction fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes portant sur la non-conformité de la toiture de l'entrepôt et, statuant à nouveau sur ce point, de la condamner in solidum avec la société GSE et la société Baudin Châteauneuf sur le fondement de leur responsabilité de droit commun à payer diverses sommes à la société Logiforce et de fixer le partage de responsabilité et les garanties selon certaines proportions, alors « que l'étendue des obligations incombant au contrôleur technique est délimitée par la mission qui lui a été confiée par son client ; qu'en retenant, pour condamner la société Bureau Veritas construction à indemniser la société Logiforce du montant des travaux nécessaires à la mise en conformité de la toiture de l'entrepôt, que le contrôleur technique n'avait pas su déceler la non-conformité de la toiture au DTU 43.3, quand elle avait constaté que la mission du contrôleur technique portait sur la solidité de l'ouvrage et que la non-conformité invoquée ne portait pas atteinte à la solidité de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 :
27. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
28. Pour condamner le contrôleur technique à indemniser le propriétaire de l'ouvrage du coût de sa mise en conformité avec les prescriptions du DTU 43.3, l'arrêt constate, d'abord, que la mission de la société Bureau Veritas portait sur la solidité des ouvrages et sur la sécurité des personnes.
29. Il énonce, ensuite, que le contrôleur, chargé de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages, dont la charpente, n'avait pas su déceler la non-conformité.
30. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la non-conformité des toitures au DTU 43.3 n'affectait ni la solidité de l'ouvrage ni sa destination, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Demande de mise hors de cause
31. Il n’y a pas lieu de mettre hors de cause la société Axa, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS , et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les sociétés GSE, Bureau Veritas construction et Baudin Châteauneuf, sur le fondement de leur responsabilité civile de droit commun, à payer à la société Logiforce les sommes, avec intérêts au taux légal, de 867 132 euros HT au titre des travaux de reprise et frais annexes et 30 877,50 euros HT au titre des prestations de géomètre et de calculs techniques, en ce qu'il fixe le partage de responsabilité ainsi : pour la société GSE : 20 %, pour la société Baudin Châteauneuf : 70 %, pour la société Bureau Veritas construction : 10 % et en ce qu'il dit que dans leurs recours entre eux, ces parties seront garanties des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD ;
Condamne la société Logiforce aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un."

Les commentaires sont fermés.