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Le maire ne doit pas dénaturer l'avis du commissaire enquêteur

Le maire ne doit pas dénaturer l'avis du commissaire enquêteur : c'est ce qu'il avait fait en dissimulant aux conseillers municipaux les réserves de ce commissaire enquêteur. 

 

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"Vu la procédure suivante :

 

Procédure contentieuse antérieure :

 

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler à titre principal, la délibération du 20 octobre 2017 par laquelle la commune de Péone-Valberg a approuvé le plan local d'urbanisme ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux formé le 13 décembre 2017 et, à titre subsidiaire, ces mêmes décisions en tant que le plan institue les emplacements réservés n° 10 et 11.

 

Par un jugement n° 1800849 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

 

 

Procédure devant la Cour :

 

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

 

1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Nice ;

 

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

 

3°) de mettre à la charge de la commune de Péone-Valberg la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

Il soutient que :

- la minute du jugement attaqué n'est pas signée ;

- le jugement comporte une erreur en ce qui concerne la date d'audience et de délibéré ;

- Mmes E... et A... sont mentionnées comme absentes dans le compte-rendu de la réunion du conseil municipal au cours de laquelle a été approuvé le plan local d'urbanisme alors qu'elles étaient présentes et ont voté contre l'approbation du plan local d'urbanisme ;

- le droit d'information des conseillers municipaux a été méconnu ;

- le rapport du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé, notamment en ce qui concerne les réponses aux observations formulées par les requérants durant l'enquête publique ;

- la création de l'OAP de Garibeuil est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la création de l'OAP de Garibeuil méconnaît les objectifs de la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes ;

- la création de l'OAP de Garibeuil méconnaît le principe d'urbanisation en continuité de la loi montagne ;

- la création de l'OAP de Garibeuil méconnaît le principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

 

 

 

La requête a été communiquée à la commune de Péone-Valberg, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

 

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 20031169 du 2 décembre 2003 portant approbation de la directive territoriale d'aménagement des AlpesMaritimes ;

- le code de justice administrative.

 

 

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

 

 

 

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public.

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

 

1. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 20 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Péone-Valberg a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement du 26 septembre 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

 

 

Sur la régularité du jugement :

 

 

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la minute du jugement ne serait pas signée, manque en fait.

 

3. En deuxième lieu, si le jugement attaqué mentionne comme date d'audience et de lecture les 5 et 26 septembre 2016, alors qu'il était saisi d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 20 octobre 2017, cette erreur de plume est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

 

 

Sur le bien-fondé du jugement :

 

 

En ce qui concerne la légalité externe :

 

 

4. En premier lieu, l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales dispose : " Les délibérations sont prises à la majorité absolue des suffrages exprimés ". M. A... soutient que Mmes E... et A... sont mentionnées comme absentes dans le compte-rendu de la réunion du conseil municipal au cours de laquelle a été approuvé le plan local d'urbanisme, alors qu'elles auraient été selon lui présentes et se seraient abstenues lors de l'approbation du plan local d'urbanisme. Toutefois, et en tout état de cause, la délibération du 20 octobre 2017 a été adoptée à l'unanimité des dix conseillers municipaux mentionnés comme présents. La circonstance que Mmes E... et A... auraient été mentionnées à tort comme absentes sur le procès-verbal de séance n'a pas eu d'incidence sur l'adoption de la délibération en litige.

 

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212113 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

 

6. Les membres du conseil municipal appelés à délibérer de la révision du plan local d'urbanisme doivent disposer, avant la séance, de l'ensemble du projet de plan local d'urbanisme que la délibération a pour objet d'approuver, et s'ils doivent pouvoir obtenir communication des autres pièces et documents nécessaires à leur information sur la révision de ce plan, notamment du rapport du commissaire enquêteur, aucun texte ni aucun principe n'impose toutefois au maire de leur communiquer ces pièces et documents en l'absence d'une demande de leur part. Toutefois, lorsque le maire informe les conseillers municipaux du sens de l'avis du commissaire enquêteur, il lui appartient d'en faire un exposé qui ne dénature pas cet avis.

 

7. Il ressort des pièces du dossier que tout en formulant des recommandations, le commissaire enquêteur a assorti son avis favorable sur le projet de plan local d'urbanisme de deux réserves portant sur la suppression de l'emplacement réservé n° 10 et la réduction de l'emplacement réservé n° 11. En revanche, s'il ressort de la délibération en litige que le maire a informé les conseillers municipaux que le commissaire enquêteur avait formulé des recommandations sur le projet de plan local d'urbanisme, et avait émis un avis favorable au projet de plan local d'urbanisme, il ne les a pas informés que le commissaire enquêteur avait assorti cet avis favorable de réserves. Le droit d'information des conseillers municipaux résultant de l'article L. 212113 du code général des collectivités territoriales a ainsi été méconnu.

 

8. Un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Dans les circonstances de l'espèce, l'information inexacte des conseillers municipaux sur le sens des conclusions du commissaire enquêteur a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. M. A... est fondé dès lors à soutenir que la délibération attaquée est entachée d'illégalité en ce qui concerne la création des emplacements réservés 10 et 11.

 

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / (...). ". En application de ces dispositions le commissaire-enquêteur ou la commission d'enquête, sans être tenu de répondre à chacune des observations recueillies, se doit d'indiquer, au moins sommairement et en livrant un avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de son avis.

 

10. Il ressort des pièces du rapport d'enquête publique que le commissaire enquêteur a analysé les observations formulées par M. A... au cours de cette enquête et a d'ailleurs émis un avis sur la suite qu'il convenait de leur donner. Il a par ailleurs motivé son avis favorable en soulignant que le projet de plan local d'urbanisme de la commune de Péone-Valberg encadre correctement son développement dans l'avenir en optant pour une densification modérée des zones urbaines existantes. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit dès lors être écarté.

 

 

En ce qui concerne la légalité interne :

 

11. En premier lieu, l'article L. 151-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée, dispose : " I. - Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : 1° Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune ".

 

 

12. L'orientation n° 2 du projet d'aménagement et de développement durables de la commune de Péone-Valberg prévoit d'offrir des équipements adaptés à la demande locale et notamment en termes d'accueil touristique et à cet effet de permettre la réalisation d'un restaurant d'altitude à Garibeuil. Alors même que la station de Valberg est déjà dotée d'un réseau substantiel de restaurants, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prévoyant dans l'OAP du secteur de Garibeuil la création d'un restaurant d'altitude qui contribuera au développement économique de la commune.

 

 

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : 1° Les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres I et II du titre II ou les modalités d'application de ces dispositions particulières lorsqu'elles ont été précisées pour le territoire concerné par une directive territoriale d'aménagement prévue par l'article L. 172-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code, également applicable : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 et prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2. Lorsqu'un de ces documents est approuvé après l'approbation d'un plan local d'urbanisme, d'un document en tenant lieu ou d'une carte communale, ces derniers sont, si nécessaire, rendus compatibles ou les prennent en compte dans un délai de trois ans. ".

 

 

14. Pour apprécier la compatibilité des dispositions d'un plan local d'urbanisme avec une directive territoriale d'aménagement (DTA), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose la DTA, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

 

 

15. La DTA des Alpes-Maritimes comporte en son paragraphe III-22 l'objectif de " diversification des produits touristiques ", en renvoyant au chapitre II-121 qui prévoit " la diversification de l'offre d'hébergement en particulier dans les stations de sport d'hiver, afin de favoriser la mise en valeur de son exceptionnelle richesse patrimoniale, naturelle et culturelle et, notamment, du parc naturel du Mercantour ". La création d'un restaurant d'altitude prévue par l'orientation d'aménagement et de programmation de Garibeuil contribue à la réalisation de cet objectif, et le moyen tiré de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec la DTA doit donc être écarté.

 

 

16. En troisième lieu, l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme dispose : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ". Aux termes de l'article L. 122-7 du code de l'urbanisme: " Les dispositions de l'article L. 122-5 ne s'appliquent pas lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d'urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux articles L. 122-9 et L. 122-10 ainsi qu'avec la protection contre les risques naturels. L'étude est soumise à l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le plan local d'urbanisme ou la carte communale délimite alors les zones à urbaniser dans le respect des conclusions de cette étude. ".

 

 

17. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 122-7 du code de l'urbanisme, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites a émis un avis favorable le 16 juillet 2016 au projet de restaurant d'altitude dans le secteur de Garibeuil. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-5 doit dès lors être écarté.

 

 

18. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté du commerce et de l'industrie et sans influence sur la légalité de l'OAP du secteur de Garibeuil.

 

 

19. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé uniquement à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 20 octobre 2017 en ce qu'elle crée les emplacements réservés n° 10 et 11 et à demander l'annulation de ce jugement et de cette délibération, ainsi que de la décision qui a rejeté son recours gracieux, dans cette mesure.

 

 

Sur les frais liés au litige :

 

 

20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Péone-Valberg une somme au titre des frais exposés par M. A..., non compris dans les dépens.

 

 

 

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Nice est annulé en ce qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Péone-Valberg du 20 octobre 2017, en ce qu'elle crée les emplacements réservés n° 10 et 11.

Article 2 : La délibération du 20 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Péone-Valberg a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune est annulée en ce qu'elle crée les emplacements réservés n° 10 et 11.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Péone-Valberg.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, où siégeaient :

 

- M. Poujade président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

 

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021."

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