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Dissimuler l'insolvabilité du locataire survenue entre la promesse de vente et l'acte authentique ?

Dans cette affaire, un impayé du locataire était survenu entre la promesse unilatérale de vente et l'acte authentique de vente du bien immobilier.

Le vendeur et l'agence immobilière n'en avaient pas informé l'acquéreur. Ils sont condamnés à lui payer les dommages et intérêts.

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"FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme Raymonde É. a confié selon mandat du 4 avril 2012 à la SAS Immobilière de l'Arc la gestion locative d'un appartement dont elle est propriétaire au [...] ; désireuse de vendre, elle a convenu avec la même agence le 20 novembre 2015 d'un mandat de vente.

Le 1er mars 2016, elle a consenti une promesse de vente à M. Steven T. et Mme Sabrina A. pour un prix de 100'000 € selon acte établi par Me Benoît S. , notaire à Gardanne avec la participation de Me Sophie E. notaire à Venelles ; la vente en la forme authentique a été réalisée le 30 juin 2016 par le ministère des mêmes notaires.

Le 5 juillet 2016, les acquéreurs constataient en lecture du relevé de compte adressé par la SAS Immobilière de l'Arc que le locataire Éric D. mis antérieurement dans les lieux par son intermédiaire avait une dette de loyers de 743,01 € ; ils apprenaient aussi qu'il avait perdu son emploi issu d'un contrat à durée déterminée.

Reprochant à l'agence d'avoir tu la situation alors qu'ils réglaient eux-mêmes une mensualité de 654,84 € en remboursement du prêt souscrit pour l'acquisition, les consorts T./A. ont saisi le président de la chambre des notaires des Bouches-du-Rhône, la venderesse E. et la SAS Immobilière de l'Arc aux fins de trouver une solution amiable au litige.

Ces démarches n'ayant pas abouti, les consorts T./A. ont fait assigner la venderesse et l'agence immobilière devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en déclaration de responsabilité et paiement de dommages-intérêts en invoquant notamment des man'uvres dolosives, un défaut d'information et une exécution défectueuse du mandat de gestion locative ; considérant que ces faits n'étaient pas établis, le tribunal, par jugement contradictoire du 25 juillet 2018 a :

'débouté les consorts T./A. de l'ensemble de leurs demandes ;

'débouté Mme Raymonde E. et la SAS Immobilière de l'Arc de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;

'condamné les consorts T./A. aux dépens.

Ces derniers ont régulièrement relevé appel de cette décision le 22 août 2018 et demandent à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 avril 2019 de:

vu les articles 1137, 1112 -1, 1240, 1241 et 1231-1 du code civil,

vu les pièces versées aux débats,

'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

'condamner in solidum Mme Raymonde E. et la SAS Immobilière de l'Arc à payer aux consorts T./A. les sommes de :

*30'000 € à titre de dommages-intérêts,

*3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner in solidum les mêmes aux dépens avec bénéfice de recouvrement direct.

Au soutien de leur appel, les consorts T./A. font valoir principalement que l'acte du 1er mars 2016 est une promesse unilatérale de vente et non un compromis, que la vente n'est donc parfaite qu'au jour de l'acte authentique qui suit la promesse et qu'en conséquence les man'uvres dolosives doivent être appréciées à cette date, qu'il est constant que Mme Raymonde E. tout comme la SAS Immobilière de l'Arc sont demeurées taisantes sur la situation débitrice et précaire du locataire qu'elles ne pouvaient ignorer, que la vente d'un logement occupé par un locataire défaillant est quasiment impossible, qu'au jour de la promesse du 1er mars 2016 les consorts T./A. n'ont été destinataires que du bail, que l'acquisition ayant été réalisée à des fins d'investissement locatif l'information dont ils ont été privés était déterminante, que l'expulsion du locataire obtenue en référé le 28 mars 2017 n'est intervenue qu'au mois de juin suivant et que la perte des loyers, les frais d'expulsion et de remise en état des lieux ont généré un préjudice financier et moral de 30'000 €.

Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 1er février 2019, Mme Raymonde E. demande à la cour de :

vu les articles 1137, 1138 et 1589 du code civil,

vu les pièces versées aux débats,

'confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

'à titre infiniment subsidiaire, condamner la SAS Immobilière de l'Arc à garantir Mme Raymonde E. de toutes condamnations mises à sa charge ;

'condamner les consorts T./A. à lui payer la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner les mêmes aux dépens.

L'intimée soutient principalement qu'il ressort de l'accord des parties à l'acte du 1er mars 2016 qu'il s'agit d'un compromis de vente, qu'elle n'avait aucune obligation d'information n'étant pas professionnelle et ne s'occupant pas de la gestion locative de son appartement, qu'un assureur garantissant les loyers impayés la situation du locataire n'était pas précaire et que la demande en paiement de dommages-intérêts est exorbitante.

Elle ajoute à titre subsidiaire qu'il appartenait à la SAS Immobilière de l'Arc de s'assurer de la solvabilité du locataire et que cette dernière lui doit garantie en cas de condamnation à paiement.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 31 janvier 2019, la SAS Immobilière de l'Arc demande à la cour de :

'confirmer le jugement déféré ;

'condamner solidairement les consorts T./A. aux dépens et à payer à la SAS Immobilière de l'Arc la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'à titre subsidiaire, dire irrecevable le chiffrage du préjudice des consorts T./A. ;

'à titre infiniment subsidiaire, réduire le préjudice auquel l'agence immobilière pourrait être tenue à 50 % des loyers impayés soit la somme de 3125 €;

'débouter Mme Raymonde E. de sa demande de garantie ;

'la condamner à payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Reprenant l'argumentaire de sa mandante, la SAS Immobilière de l'Arc expose que la validité du consentement s'apprécie dès la régularisations de l'avant-contrat, que son mandat s'étant achevé à cette date il ne peut lui être reproché une réticence dolosive postérieure, qu'elle n'est pas intervenue à l'acte du 1er mars 2016, que le premier incident de paiement date de mai 2016, que les suspensions des règlements CAF en février 2016 ne résultent que d'un décalage de paiement et qu'ainsi au 1er mars 2016 nul ne détenait l'information selon laquelle le locataire avait ou allait cesser de régler ses loyers.

La SAS Immobilière de l'Arc ajoute s'être assurée de sa solvabilité au regard des renseignements recueillis lors de la souscription du bail de telle sorte que le grief n'est pas fondé, que le montant de 30'000 € réclamé globalement ne permet pas d'identifier chaque chef de préjudice allégué et qu'en tout état de cause l'agence n'est pas responsable des dégradations commises dans les lieux.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 26 janvier 2021.

MOTIFS de la DECISION

Sur l'exécution du contrat de vente et des mandats :

En visant notamment les articles 1137 et 1112-1 du code civil, les parties font référence aux obligations de bonne foi et d'information qui gouvernent la conclusion et l'exécution des conventions déjà contenues dans les articles anciens 1116 et 1134 du même code applicables au litige.

Cependant les intimées considèrent que l'appréciation de ces obligations doit être réalisée à la lumière du seul acte du 1er mars 2016, qu'elles seraient déchargées postérieurement de toute obligation de sincérité et qu'en quelque sorte la vente authentique du 30 juin 2016 serait dépourvue d'effet.

Ce raccourci audacieux élaboré uniquement pour soutenir qu'elles n'avaient plus à révéler la situation débitrice et précaire du locataire D. ne résiste ni à l'examen des faits, ni à l'examen des actes. En effet :

-sauf à en dénaturer les termes, l'acte du 1er mars 2016 établi par des professionnels du droit est bien une promesse unilatérale de vente n'engageant que le promettant ; cela est si vrai que la clause d'exécution forcée prévue en page 6 n'est stipulée qu'au profit du bénéficiaire qui lui-même n'a souscrit aucun engagement définitif d'acquérir et dispose d'une faculté de rétractation ; de même il a été prévu une indemnité d'immobilisation et non un dépôt de garantie ; l'absence de promesses croisées ne permet pas d'assimiler l'acte du 1er mars 2016 à une promesse synallagmatique quand bien même les parties ont convenu de la chose et de son prix ; il reste ainsi un acte préparatoire en vue d'une vente à intervenir ;

-il n'est pas discuté que les acquéreurs réalisaient un investissement locatif, le règlement des loyers devant financer pour partie le remboursement du prêt contracté pour l'acquisition et qu'en conséquence la solvabilité du locataire était un élément déterminant ; or, seul le contrat de bail a été communiqué aux consorts T./A. et Mme Raymonde E. a affirmé tant le 1er mars que le 30 juin 2016 « n'avoir aucun litige en cours avec son locataire » ;

-cette affirmation est fausse car si aucune procédure n'était effectivement engagée au jour de la vente, les intimées ne pouvaient ignorer la situation devenue précaire du locataire D. ayant cessé le paiement des loyers à compter de mai 2016 et perdu son emploi ; en effet il ressort de la comptabilité même de la SAS Immobilière de l'Arc qu'à compter de cette date seuls les versements CAF sont portés en crédit du compte et c'est avec beaucoup d'audace qu'elle soutient que sa mission était achevée au 1er mars 2016 alors qu'elle a poursuivi la gestion locative de l'appartement jusqu'à sa vente ;

- manifestement l'agence immobilière cherche à entretenir la confusion entre mandat de vente et mandat de gestion , les appelants rappelant fort à propos que la SAS Immobilière de l'Arc est intervenue à un double titre soit à la fois comme négociatrice de la vente et comme gestionnaire du bien ; elle devait donc nécessairement informer les acquéreurs qu'elle avait démarchés de la situation du locataire étant rappelé qu'elle a perçu d'eux seuls la somme de 7000 € d'honoraires en règlement de sa prestation (cf acte de vente du 30 juin 2016 page 31, dernier paragraphe) ;

-Mme Raymonde E. prétend avoir ignoré les impayés locatifs au motif qu'elle ne s'occupait pas de la gestion de son appartement ; la cour ne saurait dire à l'instar des appelants si « cet argument prête à sourire » (cf conclusions page 9 alinéa 9) mais il est dénué de toute pertinence puisqu'il n'est pas contesté qu'elle percevait mensuellement les loyers et était destinataire sous la même périodicité d'un compte rendu de gestion ; autrement dit, Mme Raymonde E. ne pouvait ignorer au 30 juin 2016 la défaillance de son locataire ;

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que tant cette dernière que la SAS Immobilière de l'Arc ont volontairement dissimulé aux acquéreurs une situation préjudiciable dont la connaissance les aurait nécessairement conduits à renoncer à la vente. Cette dissimulation constitue un dol au sens de l'article 1116 ancien du code civil alors applicable engageant la responsabilité de la venderesse et une faute au sens de l'article 1382 ancien du même code engageant celle de l'agence immobilière.

Sur les dommages :

Les époux T./A. ont été contraints d'engager une procédure en résiliation du bail et expulsion et supporter les frais inhérents dont 1796,02 € au titre des frais d'huissier ; ils n'ont recouvré sur saisie qu'une somme de 668,34 € pour une dette locative non contestée de 6240€.

Si un préjudice moral à proprement parler n'est pas objectivé par des documents médicaux, il est certain que les conditions d'existence des consorts T./A. ont été sérieusement troublées par les déplacements, désagréments, pertes de temps et recherches inhérents à tous contentieux judiciaires auxquels ils ont été confrontés.

Le propriétaire et son mandataire n'étant pas responsables des dommages causés dans les lieux par le locataire, le préjudice matériel s'analyse dans la perte d'une chance de renoncer à la vente ou d'acquérir à un prix moindre ; ce préjudice ne peut être égal à l'avantage que la chance aurait procuré si elle s'était réalisée mais son caractère très sérieux au regard de ce qui précède conduit à arrêter à la somme de 10 000 € le préjudice subi toutes causes confondues.

Les fautes respectives des intimées ayant concouru ensemble à la réalisation du dommage, une condamnation in solidum à paiement s'impose.

Sur le surplus des demandes :

Mme Raymonde E. qui reprend très largement un argumentaire similaire à celui de sa mandataire n'excipe d'aucune faute particulière à son encontre dans l'exécution du mandat hormis une prétendue vérification insuffisante de la solvabilité du locataire.

Cet argument n'est pas pertinent au regard des pièces sollicitées par l'agence avant la souscription du bail et nécessairement communiquées à Mme Raymonde E., de l' agrément de l'assureur au titre de la garantie de loyers impayés et de l'absence de tout incident de paiement jusqu'en mai 2016 ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

En conséquence la demande de garantie est rejetée.

***

Aucune circonstance économique ou d'équité ne contrevient à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimées qui succombent sont condamnées aux dépens en application de l'article 696 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Condamne in solidum Mme Raymonde E. et la SAS Immobilière de l'Arc à payer aux consorts T./A. les sommes de :

- 10'000 € à titre de dommages-intérêts,

- 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme Raymonde E. de sa demande de garantie ;

La ondamne in solidum avec la SAS Immobilière de l'Arc aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct pour ces derniers dans les termes de l'article 699 du même code."

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