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Recours contre le vendeur du bardage

Cet arrêt juge que, si le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, peut exercer un appel en garantie à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge, ce dernier peut invoquer des moyens propres à limiter sa garantie dont il incombe aux juges du fond d'examiner le bien-fondé.

Une application de l'article 1722 du code civil | par Me Christophe BUFFET

 

"La société Terminal bois nord 19, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 19-18.588 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [...], anciennement Pointbois, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Docks des matériaux de l'ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Terminal bois nord 19, de la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat de la société [...], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Docks des matériaux de l'ouest, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 mai 2019), M. et Mme M... (les maîtres de l'ouvrage) ont fait édifier une maison d'habitation avec un bardage en bois mis en oeuvre par la société Menuiserie B... (l'entrepreneur), qui l'avait acquis de la société Docks des matériaux de l'ouest (la société DMO), laquelle s'était approvisionnée auprès de la société Pointbois, elle-même acquéreur du bardage auprès de la société Terminal bois nord 19 (le fabricant).

2. Ayant constaté divers désordres, les maîtres de l'ouvrage ont assigné l'entrepreneur et son assureur en responsabilité et indemnisation. Par jugement du 4 avril 2012, rectifié le 16 mai 2012, ceux-ci ont été condamnés, in solidum à payer aux maîtres de l'ouvrage la somme de 33 321,12 euros toutes taxes comprises (TTC), avec indexation, en réparation des désordres affectant le bardage.

3. Le maître d'oeuvre et son assureur ont assigné en garantie la société DMO, qui a appelé en garantie la société Pointbois devenue la société [...], laquelle a appelé en garantie le fabricant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le fabricant fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rétractation de la disposition de l'arrêt du 22 février 2018 qui l'a condamné à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre par le jugement rendu le 19 mars 2014 du tribunal de grande instance de Lorient et par l'arrêt frappé d'opposition et de le condamner ainsi à garantir la société Pointbois des condamnations mises à sa charge à hauteur de la somme de 33 321,12 euros TTC, alors « que l'appel en garantie ne crée de lien de droit qu'entre le bénéficiaire de la garantie et son propre garant, et n'en crée aucun entre ceux-ci et le demandeur à l'instance principale ; que faute d'action directe du demandeur originel contre l'appelé en garantie, celui-ci ne peut être condamné que dans ses relations avec le garanti, l'instance originelle et l'instance en garantie demeurant distinctes ; qu'en l'espèce, pour condamner le fabricant du bardage litigieux, à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations mises à sa charge, laquelle était elle-même condamnée à garantir intégralement la société DMO des condamnations mises à sa propre charge, et était ainsi redevable de la somme de 33 321,12 euros correspondant au coût du remplacement du bardage affecté d'un vice caché, la cour d'appel a relevé que si le fabricant admet le principe de sa garantie mais en conteste l'étendue, dès lors qu'il ne peut être tenu que des conséquences directes du vice des matériaux, il résulte des dispositions de l'article 1641 du code civil qu'en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, conserve la faculté d'exercer cette action à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement ; qu'en statuant ainsi, quand l'instance originelle entre le maître de l'ouvrage et la société Menuiserie B... était distincte de celle existant entre la société Menuiserie B... et la société DMO, elle-même distincte de l'instance entre la société DMO et la société Pointbois, elle-même distincte de l'instance entre la société Pointbois et le fabricant, de sorte que nonobstant le droit, pour le vendeur intermédiaire, d'exercer un appel en garantie à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge, le fabricant était recevable à opposer à la société Pointbois, qui l'a appelé en garantie, le moyen tiré de ce qu'il n'avait pas à supporter le coût de la dépose et de la repose du bardage défectueux, qui ne s'imposait que pour permettre la reprise de défauts d'étanchéité imputables à un tiers, la cour d'appel a violé les articles 334 et 335 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société Pointbois conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant le moyen est de pur droit.

7. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1641 et 1645 du code civil, 334 et 335 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que, si le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, peut exercer un appel en garantie à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge, ce dernier peut invoquer des moyens propres à limiter sa garantie dont il incombe aux juges du fond d'examiner le bien-fondé.

9. Pour dire n'y avoir lieu à rétractation de la disposition de l'arrêt du 22 février 2018 en ce qu'il a condamné le fabricant à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt se borne à énoncer qu'en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, conserve la faculté d'exercer cette action à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement.

10. En statuant ainsi, sans examiner le bien-fondé du moyen invoqué par le fabricant pour voir limiter sa garantie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Docks des matériaux de l'ouest, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à rétractation de l'arrêt du 22 février 2018, qui a condamné la société Terminal bois nord 19 à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre par le jugement rendu le 19 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Lorient et par l'arrêt frappé d'opposition, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Met hors de cause la société Docks des matériaux de l'ouest ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Terminal bois nord 19

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à rétractation de la disposition de l'arrêt du 22 février 2018 qui a condamné la société TBN 19 à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre par le jugement rendu le 19 mars 2104 du tribunal de grande instance de Lorient et par l'arrêt frappé d'opposition et d'AVOIR ainsi condamné la société TBN 19 à garantir la société Pointbois des condamnations mises à sa charge à hauteur de la somme de 33 321,12 € TTC ;

Aux motifs que Sur la recevabilité de l'opposition : L'article 473 du code de procédure civile dispose : "lorsque le défendeur ne comparait pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur." Il est de principe que la qualification inexacte de la décision est sans effet sur le droit d'exercer un recours. En l'espèce l'arrêt rendu par la cour d'appel le 22 février 2018 est qualifié de défaut en raison de l'absence de constitution de la société TBN. La société DMO a interjeté appel du jugement rendu le 19 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Lorient, suivant déclaration au greffe de la cour du 12 novembre 2014, intimant la société Pointbois. Le 30 décembre 2014, la société Pointbois a fait assigner la société TBN 19, en appel provoqué. Cette assignation, portant signification du jugement dont appel et de la déclaration d'appel, a été déposée en l'étude de l'huissier instrumentaire, en l'absence de personne présente au siège de la société TBN. Par acte signifié le 21 avril 2015 à M. C..., gérant de la société TBN 19, la société Pointbois a fait signifier ses conclusions du 10 avril 2015, ainsi que ses pièces, à la société TBN 19 avec citation à comparaître devant la cour d'appel de Rennes. Cette dernière notification des conclusions et pièces faite à personne ne peut toutefois valoir, comme le soutiennent les sociétés Pointbois et DMO, signification à personne du jugement déféré et de la déclaration d'appel, et c'est par conséquent à juste titre que la cour a rendu un arrêt par défaut à l'encontre de la société TBN qui sera déclarée recevable en son opposition. Sur le fond, En application des dispositions de l'article 572 du code de procédure civile, l'opposition formée par la société TBN ne remet en cause que la disposition de l'arrêt qui l'a condamnée à garantir intégralement la société Pointbois des condamnations prononcées à son encontre par le jugement déféré et l'arrêt d'appel, notamment la somme principale de 33 321,12 euros correspondant au coût de remplacement du bardage affecté d'un vice de fabrication, déduction faite du coût de la dépose et du remplacement du pare-pluie et des liteaux mis en oeuvre par la société Gwened, assurée en responsabilité civile décennale par la société MAAF Assurances. Les conclusions de M. W... X..., expert judiciaire ne sont pas discutées en ce que le phénomène de cloquage généralisé apparu sur le bardage, trouve son origine dans l'inadaptation de la peinture mise en oeuvre par la société TBN, à l'essence du bois puisqu'elle ne pouvait pas empêcher l'apparition d'exsudations de résine. La société TBN admet le principe de sa garantie mais en conteste l'étendue, considérant que ne pouvant être tenue que des conséquences directes du vice des matériaux, elle n'a pas à assumer le coût de la dépose et de la repose du bardage défectueux qui ne s'impose, selon l'expert, que pour permettre la reprise des défauts d'étanchéité qui ne lui sont pas imputables. Cependant, il résulte des dispositions de l'article 1641 du code civil, qu'en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, conserve la faculté d'exercer cette action à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement. En l'espèce, la société Menuiserie B... et son assureur, la société MAAF ont exercé leur recours en garantie à l'encontre de la société DMO sur le fondement de la garantie des vices cachés. C'est par conséquent à bon droit que la cour a réformé le jugement déféré en ce qu'il a limité l'étendue du recours en garantie de la société DMO à l'encontre de la société Pointbois, son propre fournisseur, et condamné la société TBN, fabricante du bardage, à garantir cette dernière de l'intégralité des condamnations mises à sa charge. La société TBN qui s'est abstenue de comparaitre en première instance alors qu'elle disposait depuis le dépôt du rapport d'expertise judiciaire des éléments techniques sur lesquels elle fonde son opposition, avait alors la faculté d'exercer un recours contre la société Gwened et son assureur. Il n'y a donc pas lieu à rétractation de la décision de la cour qui a condamné la société TBN à garantir intégralement la société Pointbois des condamnations mises à sa charge au titre de sa garantie de la société DMO, son propre acquéreur (arrêt, pages 5 et 6) ;

1°/ Alors que l'appel en garantie ne crée de lien de droit qu'entre le bénéficiaire de la garantie et son propre garant, et n'en crée aucun entre ceux-ci et le demandeur à l'instance principale ; que faute d'action directe du demandeur originel contre l'appelé en garantie, celui-ci ne peut être condamné que dans ses relations avec le garanti, l'instance originelle et l'instance en garantie demeurant distinctes ;
Qu'en l'espèce, pour condamner l'exposante, fabricante du bardage litigieux, à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations mises à sa charge, laquelle était elle-même condamnée à garantir intégralement la société DMO des condamnations mises à sa propre charge, et était ainsi redevable de la somme de 33 321,12 € correspondant au coût du remplacement du bardage affecté d'un vice caché, la cour d'appel a relevé que si la société TBN admet le principe de sa garantie mais en conteste l'étendue, dès lors qu'elle ne peut être tenue que des conséquences directes du vice des matériaux, il résulte des dispositions de l'article 1641 du code civil qu'en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, conserve la faculté d'exercer cette action à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement ;
Qu'en statuant ainsi, quand l'instance originelle entre le maître de l'ouvrage et la société Menuiserie B... était distincte de celle existant entre la société Menuiserie B... et la société DMO, elle-même distincte de l'instance entre la société DMO et la société Pointbois, elle-même distincte de l'instance entre la société Pointbois et la société TBN 19, de sorte que nonobstant le droit, pour le vendeur intermédiaire, d'exercer un appel en garantie à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge, l'exposante était recevable à opposer à la société Pointbois, qui l'a appelée en garantie, le moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas à supporter le coût de la dépose et de la repose du bardage défectueux, qui ne s'imposait que pour permettre la reprise de défauts d'étanchéité imputables à un tiers, la cour d'appel a violé les articles 334 et 335 du code de procédure civile ;

2°/ Alors que le vendeur professionnel d'une chose affectée d'un vice caché n'est tenu de garantir que les préjudices prévisibles consécutifs à ce vice ;
Qu'en l'espèce, pour condamner la société TBN 19, fabricante du bardage litigieux, à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations mises à sa charge, laquelle était elle-même condamnée à garantir intégralement la société DMO des condamnations mises à sa propre charge, et était ainsi redevable de la somme de 33 321,12 € correspondant au coût du remplacement du bardage affecté d'un vice caché, la cour d'appel a relevé que si la société TBN admet le principe de sa garantie mais en conteste l'étendue, dès lors qu'elle ne peut être tenue que des conséquences directes du vice des matériaux, il résulte des dispositions de l'article 1641 du code civil qu'en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, conserve la faculté d'exercer cette action à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement ;
Qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de l'exposante, si le coût de la dépose et de la repose du bardage, que l'expert n'a estimé nécessaire que pour permettre la reprise de défauts d'étanchéité imputables à un tiers, ne constituait pas un préjudice excédant ce qui était prévisible pour la société TBN 19, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1641 et 1645 du code civil."

 
 

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