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L'agent immobilier peut-il réclamer la clause pénale ?

Cet arrêt juge que la clause pénale ne peut être réclamée par l'agent immobilier tant que la vente n'est pas signée : le mandat d’entremise donné à un agent immobilier ne lui permet pas d’engager son mandant pour l’opération envisagée à moins qu’une clause ne l’y autorise expressément, de sorte que le refus du client de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par l'agent immobilier ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts ou d'une clause pénale, à moins qu’il ne soit établi que ce client a conclu l’opération en privant l'agent immobilier de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.

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"Mme A… G…, épouse M…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° Q 19-18.144 contre l’arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d’appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige l’opposant à la société Devictor immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme G…, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Devictor immobilier, après débats en l’audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 24 janvier 2019), suivant mandat de vente non exclusif du 23 septembre 2014, modifié par avenant du 25 septembre suivant, Mme G… a confié à la société Devictor immobilier (l’agent immobilier) la vente de son appartement au prix de 205 000 euros moyennant une rémunération à sa charge de 10 000 euros, ce mandat devant prendre fin le 25 décembre 2015. Le 5 novembre 2015, l’agent immobilier a avisé Mme G… qu’un acquéreur formait une proposition au prix de 165 000 euros net vendeur, et lui a transmis l’offre par courriel. Le 7 novembre suivant, Mme G… a retourné l’offre signée, puis s’est rétractée dès le lendemain, sollicitant un délai de réflexion de trois jours supplémentaires.

2. Le 30 novembre 2015, l’agent immobilier l’a mise en demeure de lui payer la rémunération prévue au mandat puis, le 13 janvier 2016, l’a assignée en paiement de la clause pénale.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d’office

3. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l’article 6, I, alinéa 5, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 :

4. Selon ce texte, aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes visées par le premier article de la loi ou ne peut être exigé ou accepté par elles avant qu’une des opérations visées à cet article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties.

5. Il en résulte que le mandat d’entremise donné à l’une de ces personnes ne lui permet pas d’engager son mandant pour l’opération envisagée à moins qu’une clause ne l’y autorise expressément, de sorte que le refus du mandant de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, à moins qu’il ne soit établi que ce mandant a conclu l’opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.

6. Pour condamner Mme G… à payer à l’agent immobilier une certaine somme en application de la clause pénale, l’arrêt énonce qu’aux termes de cette clause, en cas de non-respect des obligations mises à la charge du mandant, comme l’engagement de signer aux prix, charges et conditions convenues, toute promesse de vente ou tout compromis de vente, avec tout acquéreur présenté par le mandataire, le mandant s’engage à verser au mandataire une indemnité compensatrice forfaitaire d’un montant égal à celui de la rémunération prévue, et que Mme G… n’a pas respecté cet engagement.

7. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la vente n’avait pas été effectivement conclue, de sorte que l’agent immobilier ne pouvait se prévaloir des dispositions de la clause litigieuse, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne la société Devictor immobilier aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme G…

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que Mme G… avait accepté, le 7 novembre 2015, de manière irrévocable, l’offre d’achat de M. Y… transmise le 5 novembre 2015, de l’AVOIR condamnée à payer à la société Devictor Immobilier la somme de 10 000 euros au titre de la clause pénale et d’AVOIR rejeté toute autre demande ;

AUX MOTIFS QUE sur la validité de l’engagement de Mme G… : il résulte des pièces versées aux débats que la SAS Devictor Immobilier a transmis à Mme G…, le 5 novembre 2015, une offre d’achat émanant de M. P… Y… au prix de 173 000 euros, rémunération du mandataire comprise, offre d’achat à l’entête de la SAS Capi France (Centre d’Affaires des Professionnels de l’Immobilier) ; qu’il est constant que Mme G… a accepté cette offre le 7 novembre 2015 et qu’elle a sollicité, dès le lendemain, soit le 8 novembre 2015, que son accord sur l’offre d’achat de M. Y… ne lui soit pas encore communiqué au motif qu’elle avait répondu dans la précipitation et qu’elle souhaitait bénéficier d’un délai supplémentaire de trois jours ; que devant le refus opposé par la SAS Devictor à cette demande, Mme G… a indiqué le 9 novembre, qu’elle ne se sentait pas liée par cette offre signée auprès d’une agence qu’elle n’avait pas mandatée ; que Mme G…, dont l’acceptation de l’offre faite par M. Y… n’était enfermée dans aucun délai impératif, qui a répondu sous quarante-huit heures en expliquant avoir dû faire preuve de persévérance pour faire fonctionner son scanner, n’établit pas en quoi son accord serait précipité, de sorte qu’en acceptant l’offre le 7 novembre 2015, elle s’est engagée de manière irrévocable, et qu’il ne peut être fait grief à la SAS Devictor de ne pas avoir accédé à sa demande d’un délai de réflexion supplémentaire (arrêt, p. 4, in fine, à p. 5, al. 3) ;

1°) ALORS QUE tant que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation ; qu’en jugeant que Mme G… avait accepté l’offre d’achat litigieuse de manière irrévocable le 7 novembre 2015, sans rechercher, comme elle le devait, si son acceptation adressée à l’agent immobilier, qui était son mandataire, était parvenue à l’offrant avant que Mme G… ne la rétracte le 8 novembre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1118 du code civil ;

2°) ALORS QUE le mandataire est tenu, à l’égard de son mandat, d’un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat ; qu’en retenant, pour rejeter la demande indemnitaire formée par Mme G… à l’encontre de son mandataire, qu’il ne pouvait être fait grief à la société Devictor Immobilier de ne pas avoir accédé à la demande de sa mandante de disposer d’un délai de réflexion supplémentaire pour examiner l’offre d’achat litigieuse, sans rechercher si un tel refus caractérisait un manquement du mandataire à son obligation de loyauté, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil."

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