Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La commune doit payer 20 250 € pour avoir installé les wc.

Cette décision condamne commune à payer une indemnité de 20 250 € par ce qu'elle avait fait édifier devant l'immeuble où se situait un appartement des toilettes publiques et que le prix de vente de l'appartement avait été réduit de ce montant.

LA GRANDE HISTOIRE DE FORT-MAHON-PLAGE - le petit fort-mahonnais

 

"Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Fort-Mahon-Plage à leur verser une somme de 24 113,23 euros à titre d'indemnisation du préjudice né pour eux de l'implantation de toilettes pour personnes handicapées sous les fenêtres de leur appartement.

Par un jugement n° 1600905 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Fort-Mahon-Plage à verser à M. et à Mme B... une somme de 20 250 euros.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2018, la commune de Fort-Mahon-Plage, représentée par la société d'avocats Croissant, de Limerville, Orts, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 16 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par les consorts B... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge des consorts B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'article 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... et Mme C... B... ont signé, le 30 mai 2014, un compromis de vente de leur appartement situé sur le front de mer à Fort-Mahon-Plage. Au mois de juillet suivant, la commune de Fort-Mahon-Plage a fait édifier, devant l'immeuble où se situe l'appartement, des toilettes publiques destinées notamment aux personnes handicapées. Le logement n'a pu alors se vendre, le 29 janvier 2015, qu'après une diminution de son prix. Par un courrier daté du 11 janvier 2016, M. et Mme B... ont demandé à la commune de les indemniser du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait de l'implantation des toilettes publiques au droit de leur appartement. Par une lettre du 11 mars suivant, le maire de Fort-Mahon-Plage a rejeté leur demande indemnitaire. La commune interjette appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, saisi par M. et Mme B..., l'a condamnée à leur verser une indemnité de 20 250 euros en réparation de leur préjudice. Par la voie de l'appel incident, M. et Mme B... demandent que leur indemnité soit portée à la somme de 24 113,23 euros.

Sur la recevabilité de la demande de première instance M. et Mme B... :

2. M. et Mme B... invoquent un préjudice lié à la perte de valeur vénale de leur appartement au moment de sa vente. La circonstance qu'ils n'étaient plus propriétaires de ce bien ni ne vivaient à Fort-Mahon-Plage lorsqu'ils ont formé leur demande indemnitaire auprès de la commune puis leur recours contentieux auprès du tribunal est, par elle-même, sans incidence sur l'intérêt leur donnant qualité pour demander réparation de ce préjudice. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Fort-Mahon-Plage doit donc être écartée.

Sur la responsabilité de la commune :

3. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la charge peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent d'une faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Les tiers sont cependant tenus de démontrer l'existence d'un préjudice grave et spécial, sauf lorsque les dommages présentent un caractère accidentel.

4. M. et Mme B... invoquant un préjudice mettant en jeu la responsabilité sans faute de la commune de Fort-Mahon-Plage, celle-ci ne peut utilement faire valoir que l'implantation des toilettes publiques à l'origine du préjudice allégué serait légale.

5. Il résulte de l'instruction, notamment d'un constat d'huissier dressé le 9 octobre 2014 mais également des documents photographiques versés aux débats, que les toilettes publiques ont été construites devant le balcon de l'appartement mis en vente par M. et Mme B..., à une distance inférieure à dix mètres. Bien que de dimensions modestes, l'édicule, qui s'impose à la vue depuis l'intérieur de l'appartement ou du balcon en faible surplomb, est implanté entre l'immeuble et la plage, sans que sa présence ait été alors atténuée par des palissades ou de la végétation. Par sa proximité, sa position et sa destination, cette implantation, dont la commune n'allègue pas qu'elle n'aurait pu s'effectuer ailleurs, a entraîné une perte de la valeur vénale de l'appartement et, eu égard au fait qu'il s'agit d'un domicile donnant directement sur la mer dans une station balnéaire, causé un préjudice grave et spécial à ses propriétaires qui tentaient de le vendre. La commune de Fort-Mahon-Plage n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a reconnu que la responsabilité sans faute de la commune était engagée.

Sur les chefs de préjudice :

6. En premier lieu, M. et Mme B... produisent un courrier de leur notaire daté du 6 mars 2015 attestant qu'ils avaient signé un compromis de vente de leur appartement pour un prix de 216 000 euros le 30 mai 2014 et qu'ils ont dû consentir, pour le vendre effectivement le 29 janvier 2015, une diminution de 20 000 euros dont il n'est pas contesté qu'elle a pour cause l'installation des toilettes publiques devant le balcon de l'appartement. M. et Mme B... sont donc fondés à demander l'indemnisation de cette perte d'un montant de 20 000 euros, qui correspond à un peu plus de 9 % de la valeur initiale de leur bien.

7. En deuxième lieu, M. et Mme B... justifient avoir dû exposer une somme de 250 euros pour faire dresser un constat d'huissier attestant la réalité de leur préjudice. Ils sont donc également fondés à demander l'indemnisation de cette dépense.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont signé le 18 juin 2014 les actes de la succession de leur père, parmi laquelle figurait l'appartement de Fort-Mahon-Plage, et que les droits de succession ont été calculés sur la valeur de 216 000 euros, à laquelle était alors estimé le bien. M. et Mme B... ont ainsi acquitté les droits dont ils étaient redevables à la date de la succession et ne peuvent demander à être indemnisés de la différence entre ces droits et ceux, moindres, qu'ils auraient payés si la valeur de l'appartement avait été estimée à celle à laquelle il a été finalement vendu. Au demeurant, l'indemnisation accordée au point 6 du présent arrêt ayant pour objet de réparer cette perte de valeur, M. et Mme B... ne peuvent s'en prévaloir pour alléguer l'existence d'un préjudice sur le montant des droits de succession qu'ils ont versés.

9. En quatrième lieu, si M. et Mme B... soutiennent qu'ils ont dû acquitter, au second semestre de l'année 2014, des frais de copropriété qui n'auraient pas été à leur charge s'ils avaient pu vendre l'appartement sans le délai rendu nécessaire par la renégociation de son prix, ces frais correspondent à des services dont M. et Mme B..., encore propriétaires du bien, ont bénéficié à ce titre et ne peuvent donc faire l'objet d'une indemnisation.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Fort-Mahon-Plage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser M. et Mme B... une indemnité de 20 250 euros en réparation de leur préjudice. Il en résulte également que les M. et Mme B... ne sont pas non plus fondés à demander que le jugement soit réformé pour porter cette indemnité à 24 113,23 euros.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Fort-Mahon-Plage au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B....

 

DÉCIDE :

 


Article 1er : La requête de la commune de Fort-Mahon-Plage est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : La commune de Fort-Mahon-Plage versera une somme de 2 000 euros à M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fort-Mahon-Plage, à M. A... B... et à Mme C... B...."

Les commentaires sont fermés.