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L'accord sur la chose et sur le prix rend-elle vraiment la vente immobilière parfaite ?

L'accord sur la chose et sur le prix rend-elle vraiment la vente immobilière parfaite ?

On apprend classiquement que le contrat de vente est parfait c'est-à-dire définitivement conclu, dès l'accord sur la chose (vendu) et sur le prix (qui sera payé par l'acheteur) et cela même si la chose vendue n'a pas encore été remise à l'acheteur ou si le prix n'a pas encore été payé par lui.

C'est le principe du consensualisme.

 

Cela est rappelé avec force par le Code civil dans son article 1583 : La vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée, ni le prix payé ».

Très souvent, en matière de vente immobilière, j'ai pu constater que des acheteurs se plaignaient du fait que ce principe était apparemment oublié par le vendeur qui, bien qu'un accord sur la chose et sur le prix soit définitivement intervenu entre eux, leur déclarait qu'il ne souhaitait plus leur vendre, et qu'il avait trouvé un autre acquéreur, pour un meilleur prix c'est-à-dire un prix plus élevé.

Les acheteurs faisaient alors valoir le principe de l'accord sur la chose et sur le prix et menaçaient le vendeur d'agir à son encontre en réalisation forcée de la vente.

Le fait est qu'en matière immobilière, le principe du consensualisme n'a pas la force qu'on lui prête ordinairement.

Il est en effet plutôt considéré par les juridictions que l'accord sur la chose et sur le prix, même largement établi par un écrit signé des deux parties n'entraîne pas un caractère parfait de la vente, mais qu'il constitue seulement un préalable à une signature par étapes de la vente, les étapes en question étant la rédaction d'un compromis ou d'une promesse unilatérale de vente puis d'un acte authentique.

Cette solution étant justifiée par le fait qu'une vente immobilière nécessite des vérifications par le notaire (hypothèques grevant l'immeuble, existence de servitudes d'urbanisme ou de servitudes de droit privé) et l'obtention le plus souvent d'un prêt, qui conduit d'ailleurs à prévoir dans le compromis des conditions suspensives.

C'est bien en ce sens que semble inscrit désormais le droit positif.

Un exemple récent de l'application de ce principe est un arrêt de la Cour de cassation qui a jugé que bien que l'accord sur la chose et sur le prix était acquis, l'acquéreur ne pouvait agir en réalisation forcée de la vente, dès lors que les parties étaient convenues que la vente devait d'abord donner lieu à un avant-contrat.

 

La Cour de cassation considère que les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers.

 

Voici cet arrêt de la Cour de cassation :

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2018), que, par courriel du 28 avril 2015, M. M... a formulé, auprès d'une agence immobilière, une offre d'acquisition concernant un bien immobilier mis en vente par la société Perfin ; que, par courriel du 30 avril 2015 adressé à l'agent immobilier, le conseil d'administration de la société Perfin a donné son accord pour la vente du bien ; que, la vente ne s'étant pas réalisée, M. M... et la société NP investissement ont assigné la société Perfin en réalisation forcée de la vente ;

Attendu que M. M... et la société NP investissement font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;

Mais attendu, qu'ayant souverainement retenu, sans dénaturation, que l'analyse des pièces produites démontraient que les parties avaient, d'un commun accord, soumis la rencontre de leur volonté respective de vendre et d'acquérir à la conclusion d'un avant-contrat et qu'elles en étaient restées au stade des pourparlers lorsque M. M... et la société NP investissement avaient introduit l'instance, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que la vente n'était pas parfaite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. M... et la société NP investissement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. M... et de la société NP investissement ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. M... et la société NP investissement.

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR débouté M. K... M... et la SAS NP investissement, représentée par son président M. K... M..., de toutes leurs demandes,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les moyens développés par M. M... et la société NP investissement au soutien de leur appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; qu'à ces justes motifs, il sera ajouté : - d'abord, que, dans son offre d'acquisition, M. M... a précisé que le "prix sera payé comptant lors de l'acte notarié'", que "l'acquisition sera réalisée sans recours à un prêt" et que le notaire qui le représentait était M. Y..., notaire à Paris, - ensuite, que, de son côté, la société Perfin en manifestant son accord, a indiqué à l'agent immobilier qu'elle était à sa disposition "pour tout document ou toutes formalités ultérieures nécessaires pour réaliser la venté", - enfin, que dans son courriel du 4 mai 2015, l'agent immobilier a informé M. M... de ce que les notaires étaient déjà en contact, celui du vendeur ayant déjà fait les demandes de pièces qu'il devait transmette à "Me Y... afin de pouvoir préparer la promesse" ; qu'il se déduit de ces éléments que les parties avaient, d'un commun accord, soumis la rencontre de leur volonté respective de vendre et d'acquérir à la signature d'un avant-contrat de vente, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal, qui s'est borné à répondre au moyen des demandeurs, relatif à la perfection de la vente, et à donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, a dit que les parties en étaient restées au stade des pourparlers lorsque les appelants avaient introduit l'instance ; qu'en conséquence, la vente n'étant pas parfaite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. M... et la société NP investissement de toutes leurs demandes » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « aux termes de l'article 1583 du code civil la vente est « parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé » ; que, vu les termes de l'offre d'achat de M. M... en date du 28 avril 2015 acceptée par la SA Perfin le 30 avril 2015, il résulte des pièces versées aux débats par les demandeurs eux-mêmes (et notamment la pièce n° 1 extrait du registre du commerce et des sociétés du Luxembourg) que la SA Perfin n'est engagée en toutes circonstances que par les signatures conjointes de deux administrateurs ; que d'ailleurs, le mandat simple de vente signé avec l'agence immobilière W... G... indique que la SA Perfin est représentée par deux de ses administrateurs, M. Q... D... et M. I... S..., lesquels ont tous deux signés le mandat ; que les demandeurs ne produisent aux débats aucun document signé de ses deux administrateurs mais seulement des échanges de mails desquels il est impossible de déduire que des consentements réguliers ont été donné pour la SA Perfin ; qu'il résulte également de l'analyse des pièces produites aux débats, compte tenu notamment de l'importance même de l'opération pour un prix très élevé de 1 300 000 euros, et des nécessaires négociations quant aux diverses conditions essentielles de rédaction de la promesse que les parties ont souhaité retarder les effets d'une vente parfaite à la date de la signature d'une promesse de vente dont la rédaction a été confiée aux notaires ; que les parties ayant simplement accepté d'ouvrir la négociation et d'entrer en pourparlers sur des points demeurant essentiels, il ne peut être constaté aucune vente parfaite ; que la liberté contractuelle demeure le principe et seule une rupture abusive et brutale de pourparlers engagés sur une période suffisamment longue peut donner lieu à réparation du préjudice subi ; qu'en tout état de cause, aucune rupture abusive de pourparlers n'est alléguée ; que les demandeurs seront en conséquence déboutés de toutes leurs demandes » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE la promesse de vente vaut vente ; que, pour débouter M. M... et la société NP investissement de leur demande de réalisation forcée de la vente, la cour d'appel a énoncé que les parties avaient, d'un commun accord, soumis la rencontre de leur volonté respective de vendre et d'acquérir à la signature d'un avant-contrat de vente, pour approuver le tribunal d'en avoir déduit qu'elles en étaient restées au stade des pourparlers ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que M. M... avait offert un prix payé comptant lors de l'acte notarié, et que la partie venderesse l'avait accepté, l'agent immobilier ayant informé M. M... de ce que les notaires étaient déjà en contact, celui du vendeur devant transmette les pièces en vue de la préparation de la promesse, ce dont se déduisait que les parties étaient dans les liens de la vente, du fait de leur accord sur la chose et le prix, et sans relever qu'elles auraient fait de la formalisation d'une promesse un élément constitutif de leur engagement, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1589 du code civil.

2°/ALORS, d'autre part, QUE le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ; que, dans leurs écritures d'appel, les exposants ont fait valoir (concl., p. 5) que la transmission, par l'agent immobilier, investi d'un mandat de simple de vente, de l'acceptation de l'offre de M. M... engageait nécessairement la société venderesse, peu important que les courriels ne soient pas signés par les deux administrateurs de la société Perfin, puisqu'ils l'étaient par l'agence immobilière agissant pour eux, conformément à sa mission ; qu'était ainsi notamment produit (pièce n° 7) le courriel du 4 mai 2015 de l'agent immobilier écrivant à M. M... : « afin de vous rassurer, vous trouverez ci-dessus l'acceptation écrite de votre offre que nous a envoyé par email M. D... qui représente le conseil d'administration de la SA Perfin qui est propriétaire du bien » ; que si la cour d'appel a adopté les motifs du jugement pour opposer à M. M... le défaut d'acceptation de son offre d'acquisition par deux administrateurs de la société, suivant les prévisions de ses statuts, sans se prononcer sur la représentation de la société venderesse par l'agent immobilier, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1984 du code civil ;

3°/ALORS, aussi, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'étaient produits un courriel du 30 avril 2015, signé « Perfin SA/Pour le conseil d'administration/Q... D... », dans lequel la société venderesse écrivait : « Nous voudrions marquer notre accord pour la vente de notre appartement (
) pour le prix net vendeur de 1 250 000 euros (
) c'est-à-dire le prix de vente moins votre commission à M. M... (
). Nous sommes à votre disposition pour tout document ou toutes formalités ultérieures nécessaires pour réaliser la vente » (pièce n° 6) et le courriel du 4 mai 2015 de l'agent immobilier écrivant à M. M... : « afin de vous rassurer, vous trouverez ci-dessus l'acceptation écrite de votre offre que nous a envoyé par email M. D... qui représente le conseil d'administration de la SA Perfin qui est propriétaire du bien » (pièce n° 7) ; qu'en énonçant cependant, par motifs adoptés du jugement, qu'étaient seulement produits des échanges de mails desquels il est impossible de déduire que des consentements réguliers ont été donné pour la SA Perfin et que les parties ont souhaité retarder les effets d'une vente parfaite à la date de la signature d'une promesse de vente dont la rédaction a été confiée aux notaires, la cour d'appel qui a dénaturé les pièces n° 6 et 7, a violé le principe susvisé ;

4°/ALORS, encore, QUE, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 6), les acquéreurs ont fait valoir que la vente avait reçu un commencement d'exécution puisque les notaires ont commencé à réunir les pièces du dossier jusqu'à ce que le notaire du vendeur indique qu'il se dessaisissait du dossier ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, propre à établir la perfection de la vente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ALORS, enfin, QUE, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 5), les acquéreurs ont fait valoir que les premiers juges avaient soulevé d'office, en l'absence de conclusions du défendeur, le moyen tiré de ce qu'un seul administrateur a donné son accord à l'offre d'achat de M. M..., sans qu'il puisse y répondre autrement qu'au cours de la procédure d'appel, ce dont il résultait une atteinte caractérisée au principe du débat contradictoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par adoption des motifs du jugement, sans se prononcer sur la méconnaissance, par les premiers juges, du principe de la contradiction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile."

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