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Permis de construire et éleveur

Question d'un parlementaire : M. Jean Louis Masson demande à M. le ministre de la cohésion des territoires si, pour la délivrance de permis de construire en zone agricole, des critères précis permettent de définir ce qu'est un éleveur.

 

La réponse du ministre : 

L'article R. 151-22 du code de l'urbanisme ouvre la possibilité de classer en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Ce classement permet, sur le fondement du plan local d'urbanisme (PLU) et de son règlement, d'interdire l'urbanisation des secteurs qui en font l'objet. Cependant, l'article R. 151-23 autorise dans ces zones les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime. La loi ne détermine pas pour autant un droit à construire attaché à la profession du pétitionnaire. C'est la notion de nécessité à l'exploitation agricole qui prévaut, celle-ci renvoyant pour l'essentiel au caractère indispensable de certaines installations ou constructions du point de vue du fonctionnement et des activités agricoles. L'activité agricole, d'une très grande diversité en termes de productions et de structures ou au regard des données relatives à la nature des sols et au climat, entraîne une grande variété dans la destination et la nature des installations ou des constructions nécessaires à son exercice. Ceci ne permet donc pas la formulation d'une règle uniforme. Pour déterminer le lien direct et nécessaire de la construction projetée avec l'activité agricole, le juge administratif peut être amené à se référer à la définition donnée par le premier alinéa de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime : « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. » Cette définition ne saurait remplacer la nécessaire appréciation au cas par cas de la nécessité de la construction à l'exploitation agricole. Dans le cas d'un projet de construction nécessaire à l'activité d'élevage, le service instructeur sera amené à vérifier que la construction projetée est directement dédiée à l'élevage, par exemple pour un projet d'étable, ou qu'elle est rendue nécessaire en raison de l'activité agricole pratiquée, notamment dans le cas d'un logement rendu nécessaire en raison de la présence permanente à assurer dans le cadre de l'activité d'élevage. Bien que la qualité du requérant puisse être déduite de son affiliation à la mutuelle sociale agricole ou encore de la reconnaissance de son statut par la chambre d'agriculture, elle n'entre pas en ligne de compte pour la délivrance des autorisations du droit des sols en zone agricole, comme le montre l'arrêt du Conseil d'État du 4 décembre 2013 (Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 04/12/2013, 362639, Inédit au recueil Lebon).

L'arrêt cité :

 

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 juin 2009 par lequel le maire de la commune de Condat-sur-Vienne (Haute-Vienne) a rejeté sa demande de permis de construire une maison d'habitation et un atelier hélicicole. Par un jugement n° 0901542 du 14 avril 2011, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11BX01414 du 10 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux, à la demande de M.B..., a annulé le jugement du tribunal administratif de Limoges du 14 avril 2011 et l'arrêté du maire de Condat-sur-Vienne du 19 juin 2009.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 septembre 2012, 10 décembre 2012 et 22 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Condat-sur-Vienne, représentée par Me Le Prado, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 11BX01414 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 juillet 2012 ;

2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2013, M.B..., représenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la commune de Condat-sur-Vienne.


Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de justice administrative.

Ont été entendus en séance publique :

- le rapport de M. Gaël Raimbault, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

La parole a été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la commune de Condat-sur-Vienne et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. B....

 

 

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la décision litigieuse : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". (...) / Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A (...) ". En vertu de l'article 1 des dispositions applicables à la zone agricole A du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Condat-sur-Vienne, sont interdites : " la réalisation de constructions ou de dépôts, l'aménagement ou l'agrandissement des constructions existantes à usage d'habitation si elles ne sont pas liées à l'activité agricole ou à l'hébergement des personnes travaillant sur l'exploitation (...) ".

2. Pour juger que c'était à tort que le maire de la commune de Condat-sur-Vienne avait estimé que le projet de M. B...de construction d'une maison d'habitation et d'un atelier hélicicole ne répondait pas aux exigences des dispositions citées ci-dessus, la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré, en se fondant sur plusieurs des éléments produits par l'intéressé, d'une part, que celui-ci justifiait de la consistance du projet d'exploitation agricole dont il se prévalait à l'appui de sa demande de permis de construire et, d'autre part, que sa présence sur place était nécessaire à cette exploitation. Toutefois, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les documents comptables et les quelques factures produits par M. B...faisaient ressortir le caractère très limité de l'élevage d'escargots entrepris par l'intéressé. En second lieu, ni son affiliation à la mutualité sociale agricole, ni l'avis favorable émis par la chambre d'agriculture, ni la baisse de chiffre d'affaires de son activité principale d'architecte n'étaient de nature à attester de la consistance de son projet d'exploitation agricole. Par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux a dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'activité d'élevage hélicicole invoquée par M. B... pouvait être regardée comme une exploitation agricole, à laquelle la construction envisagée aurait été nécessaire. Dès lors, la commune de Condat-sur-Vienne est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, tirés de la dénaturation des caractéristiques du projet objet de la demande et de l'erreur de droit commise dans l'application de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme.

3. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Condat-sur-Vienne, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. B...demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Condat-sur-Vienne au même titre.

 

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 juillet 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : M. B...versera à la commune de Condat-sur-Vienne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Condat-sur-Vienne et à M. A...B....

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