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Preuve de l'existence d'un contrat d'entreprise

La preuve d'un contrat d'entreprise ou de louage d'ouvrage peut résulter de l’exécution des travaux et de leur facturation, selon cet arrêt de la Cour de Cassation.

 

 

"Vu les articles 1710 et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Mark Immo, qui souhaitait installer une centrale photovoltaïque sur le toit d’une usine dont elle est propriétaire, s’est adressée à la société Spie Sud-Est (la société Spie) qui a établi, le 22 mars 2010, un devis d’un montant de 650 000 euros, sur la base duquel elle a signé un bon de commande et reçu une première facture ; qu’après la constitution de la société Mark Elec afin d’ exploiter la centrale, la société Spie a établi un avoir du montant de cette facture au profit de la société Mark Immo et a facturé ce même montant à la société Mark Elec ; que le 26 novembre 2010, la société Spie a établi, au nom de la société Mark Elec, un autre devis pour la même installation, d’un montant de 600 000 euros, puis, après l’exécution des travaux, qui en étaient l’objet, a émis cinq factures établies sur la base du prix fixé par ce dernier devis ; que celles-ci n’ayant pas été réglées, la société Spie a assigné la société Mark Immo en paiement ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société Spie en excluant l’existence d’un nouveau contrat conclu avec la société Mark Elec sur la base du devis du 26 novembre 2010, l’arrêt retient que ce devis, qui n’a pas été accepté par celle-ci, ainsi que les factures libellées à son nom, ne constituent qu’une proposition commerciale n’ayant pas donné lieu à un contrat entre les sociétés Mark Elec et Spie ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors que le contrat de louage d’ouvrage n’est pas soumis à une forme particulière, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si la preuve de la conclusion d’un nouveau contrat entre les sociétés Spie et Mark Elec ne résultait pas de l’exécution des travaux et de leur facturation, au nom de celle-ci, sur la base du prix mentionné dans le devis du 26 novembre 2010, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette la demande de sursis à statuer de la société Mark Immo, l’arrêt rendu le 10 janvier 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne la société Spie Sud-Est aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Mark Immo la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Mark Immo

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté la SCI Mark Immo de l’ensemble de ses prétentions et de l’avoir condamnée à payer à la société Spie Sud Est la somme de 702.488,55 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2011 et capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2012 ;

Aux motifs que pour s’opposer à la demande en paiement adverse, la SCI Mark Immo invoque la novation de débiteur au profit de la société Mark Elec. Aux termes des articles 1274 et suivants du code civil, la novation ne se présume pas, il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte. La délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un nouveau débiteur qui s’oblige envers le créancier, n’opère point de novation, si le créancier n’a pas expressément déclaré qu’il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation. La simple indication faite, par le débiteur, d’une personne qui doit payer à sa place, n’opère point novation. Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement l’intention des parties de nover la convention, cette intention pouvant être recherchée dans l’analyse des faits de la cause. Le seul bon de commande de l’installation photovoltaïque a été passé le 24 mars 2010 par la SCI Mark Immo sur la base du devis n° D10-0285648-C. Contrairement à ce que prétend la SCI Mark Immo, le devis n° D10-0285649-B émis le 26 novembre 2010 à l’intention de la société Mark Elec n’a pas été accepté et n’a donné lieu à aucun contrat entre celle-ci et la société Spie Sud Est. La pièce n° 5 produite par la société Mark Elec listant trois factures et le devis n°D10-0285649-B n’est qu’une proposition commerciale non concrétisée par un contrat entre la société Mark Elec et la société SPIE Sud Est. La société Spie Sud Est, qui a adressé sa première facture le 31 août 2010 à la SCI Mark Immo, a reçu le 20 septembre 2010 un mail de Monsieur Frank Y… lui indiquant « au fait, la facture du photovoltaïque doit être émise à l’attention de Mark Elec, la société que nous avons créée pour exploiter cette installation ». A la suite de ce mail, la société Spie Sud Est a établi le 27 septembre 2010 à la SCI Mark Immo visée en qualité de débiteur « un avoir sur facture 10031109 motif: erreur facturation client, à refacturer à Mark Elec » puis a adressé cinq factures à la société Mark Elec visant expressément le devis n° D010-0285648-C ayant donné lieu à la commande du 24 mars 2010 avec la SCI Marc Immo. Il ressort de ces éléments, que la société Spie Sud Est en courant régulier d’affaires avec le groupe Markal a, sur demande de Monsieur Frank Y…, adressé pour paiement les factures à l’une des sociétés de ce groupe, sans pour autant décharger expressément la SCI Mark Immo du contrat passé entre elles et de la dette en résultant, étant observé que la SCI Mark Immo, propriétaire de l’extension de l’usine, était logiquement le maître d’ouvrage pour les travaux réalisés par l’appelante, ce qui est confirmé par le compte rendu de chantier du mercredi 12 janvier 2011 (pièce Spie n° 27). La SCI Mark Immo tente d’introduire une confusion entre la propriété de l’usine, les travaux litigieux et l’activité de production d’électricité, cette dernière n’étant pas en cause dans le présent litige. C’est à tort que le tribunal a déduit de l’avoir du 27 septembre 2010, seule traduction comptable possible, la volonté de la société Spie Sud Est de nover sa créance à l’encontre de la société Mark Elec et non plus de la SCI Mark Immo, ce qui est démenti par les éléments et la chronologie sus évoqués, une éventuelle modification du prix étant de surcroît également insuffisante. En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé sur ce point. Que la société SCI Mark Immo qui recherche la responsabilité de la société Spie Sud-Est en alléguant son non suivi de la demande de raccordement auprès d’ERDF se reconnaît liée contractuellement à la société Spie Sud-Est,

1°- Alors que le contrat de louage d’ouvrage est un contrat consensuel qui n’est soumis à aucune forme particulière ; qu’en se fondant pour écarter l’existence d’un nouveau contrat conclu sur la base du nouveau devis émis au nom de la société Mark Elec, sur la circonstance que le nouveau devis n° D10-0285649-B émis le 26 novembre 2010 à l’intention de la société Mark Elec n’aurait pas été accepté et n’aurait donné lieu à aucun contrat entre celle-ci et la société Spie Sud Est et que la pièce n° 5 listant trois factures au nom de la société Mark Elec et le devis n° D10-0285649-B ne constitueraient qu’une proposition commerciale non concrétisée par un contrat entre la société Mark Elec et la société Spie Sud Est, la Cour d’appel a violé l’article 1710 du code civil ;

2°- Alors qu’en statuant comme elle l’a fait sans rechercher ainsi qu’elle y était invitée si preuve de la conclusion d’un nouveau contrat sur la base de ce nouveau devis ne résultait pas de son exécution par les sociétés Spie Sud-Est et Mark Elec dès lors que les factures avaient été établies au nom de la société Mark Elec sur la base du prix mentionné dans le second devis inférieur à celui qui avait été fixé par le premier devis, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1710 et 1134 ancien du code civil ;

3°- Alors qu’à supposer que le second devis soit resté à l’état de proposition commerciale, l’acceptation d’un nouveau débiteur opère novation dès lors qu’elle s’accompagne de la décharge du débiteur originaire par le créancier ; qu’en excluant l’existence d’une novation après avoir constaté que la société Spie Sud-Est ne s’était pas contentée d’établir ses nouvelles factures au nom de la société Mark Elec, mais qu’elle avait en outre établi un avoir sur facture au profit de la société Mark Immo ainsi déchargée de la dette, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l’article 1275 ancien du code civil qu’elle a violé ;

4°- Alors qu’en énonçant que la SCI Mark Immo, propriétaire de l’extension de l’usine, était logiquement le maître d’ouvrage pour les travaux réalisés par l’appelante, sans rechercher ainsi qu’elle y était invitée, si la centrale litigieuse n’avait pas été réalisée pour l’exploitation d’une centrale photovoltaïque par la société Mark Elec constituée à cet effet, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1787 du code civil ;

5°- Alors que la demande tendant à voir constater la responsabilité contractuelle de la société Spie Sud-Est était présentée par la société Mark Immo à titre infiniment subsidiaire pour le cas où la Cour d’appel devait considérer que les parties étaient liées par un contrat ; qu’en énonçant que la société Mark Immo en alléguant le non suivi de la demande de raccordement auprès d’ERDF se reconnaîtrait liée contractuellement à la société Spie Sud-Est, la Cour d’appel a dénaturé ses conclusions en violation de l’article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté la SCI Mark Immo de l’ensemble de ses prétentions et de l’avoir condamnée à payer à la société Spie Sud Est la somme de 702.488,55 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2011 et capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2012 ;

Aux motifs que pour s’exonérer de son obligation de paiement, la SCI Mark Immo élève une exception d’inexécution concernant la non finition des travaux. La SCI Mark Immo verse aux débats un procès-verbal d’huissier en date du 15 juillet 2013 sur le défaut de pose de 42 panneaux et l’absence d’armoire électrique. La société Spie Sud Est produit un constat d’huissier avec photographies du 23 octobre 2012 sur le fait que l’extension de l’usine Markal est terminée et en exploitation, la toiture étant entièrement recouverte de panneaux photovoltaïques. Le défaut de pose de seulement 42 panneaux photovoltaïques et le défaut d’armoire électrique, absolument minimes au regard de l’ampleur et du coût des travaux effectués par la société Spie Sud Est, dont la société Mark Elec n’hésite pas à affirmer, dans le cadre de la procédure l’opposant à ERDF, qu’ils ont été entièrement réalisés et réglés, ne saurait caractériser une exception d’inexécution pouvant valablement être opposée ;

1°- Alors que l’exception d’inexécution autorise une partie à un contrat synallagmatique à refuser à son cocontractant qui n’a pas satisfait à ses engagements, le paiement en tout ou partie du prix convenu, en raison de l’interdépendance des obligations réciproques ; qu’il en va ainsi même si les manquements dénoncés sont minimes ; qu’en condamnant la société Mark Immo à payer la totalité du prix des travaux litigieux après avoir admis le défaut de pose de 42 panneaux et l’absence d’armoire électrique, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard de l’article 1184 ancien du code civil qu’elle a violé ;

2°- Alors que comme le faisait valoir la société Mark Immo, dans son procès-verbal du 15 juillet 2013 l’huissier relevait non seulement le défaut de pose de 42 panneaux et l’absence d’armoire électrique mais aussi l’absence de raccordement des onduleurs, des tableaux électriques et des câbles visibles sur la plate-forme ; qu’en ne s’expliquant pas sur l’ensemble de ces inexécutions de nature à modifier son appréciation de l’importance des manquements de la société Spie Sud-Est, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 ancien du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté la SCI Mark Immo de l’ensemble de ses prétentions et de l’avoir condamnée à payer à la société Spie Sud Est la somme de 702.488,55 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2011 et capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2012 ;

Aux motifs que la SCI Mark Immo recherche la responsabilité de la société Spie Sud Est en alléguant son non suivi de la demande de raccordement auprès d’ERDF. Outre le fait que par cette demande, la SCI Mark Immo se reconnaît liée contractuellement à la société Spie Sud Est, celle-ci justifie avoir effectué les démarches nécessaires auprès d’ERDF et ne saurait être tenue responsable de l’inertie de cet organisme. C’est donc vainement que la SCI Mark Immo recherche la responsabilité contractuelle de son adversaire et tente d’échapper à son obligation de paiement à l’encontre de la société Spie Sud Est ;

Alors que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits sur lesquels elle se fondait pour dire que la société Spie Sud-Est justifierait avoir effectué les démarches nécessaires auprès d’ERDF et ne saurait être tenue responsable de l’inertie de cet organisme, la Cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile."

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