Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'atteinte au droit de propriété justifie-t-elle par principe des dommages-intérêts ?

Voici un arrêt rendu par la Cour de Cassation récemment, qui juge que la simple atteinte au droit de propriété ne justifie pas, par principe, des dommages et intérêts, mais qu'il est nécessaire, classiquement, par application des règles de responsabilité civile, de démontrer l'existence d'une faute de l'auteur de l'atteinte au droit de propriété et d'un préjudice subi par le propriétaire qui se plaint. 

plaque-propriete-defense-d-entrer-akilux.jpg

"Attendu que M. et Mme Y..., propriétaires d'une parcelle cadastrée [...] , ont assigné M. et Mme X..., propriétaires d'un immeuble situé sur la parcelle voisine, cadastrée [...] , en dénégation d'une servitude de passage sur leur fonds ; que M. et Mme X... ont invoqué l'état d'enclave de l'immeuble ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. et Mme Y... ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée [...] bénéficiait d' une sortie sur la voie publique au [...] et

qu'il avait été divisé en deux appartements occupant chacun un étage, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a exactement retenu que l'issue de l'appartement du premier étage vers la voie publique devait être prise sur l'appartement du rez-de-chaussée et que celui-ci n'était pas enclavé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour accueillir la demande en dommages et intérêts de M. et Mme Y..., l'arrêt retient que la seule atteinte à leur propriété par M. et Mme X..., à l'exclusion d'un autre préjudice non démontré, justifie une condamnation ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever une faute imputable à M. et Mme X... ni un préjudice subi par M. et Mme Y..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627, alinéa 1er, du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. et Mme X... à payer à M. et Mme Y... des dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 5 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme Y... ;

Dit n'y avoir lieu de modifier le sort des dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que le fonds cadastré sur la commune de Vienne section [...] ne disposait d'aucune servitude de passage sur le fonds voisin n° [...] et dit que le fonds cadastré sur la commune de Vienne section [...] n'était pas enclavé ;

AUX MOTIFS que « par application de l'article 691 du code civil, la servitude de passage discontinue et non apparente, ne peut s'établir que par titre, la possession même immémoriale ne suffisant pas à l'établir. En l'espèce, il est constant que les époux X... ne peuvent se prévaloir d'aucune servitude conventionnelle. Aux termes de l'article 682 du même code, le propriétaire dont les fonds sont enclavés est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la déserte complète de sa propriété. L'article 684 de ce code dispose que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. N'est pas enclavé, le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique tant que cette tolérance est maintenue. En l'espèce, l'immeuble X..., sis sur la parcelle [...] , à une sortie sur la voie publique, [...].

Il a bénéficié d'une tolérance de passage sur la parcelle [...] , constituant une petite impasse, qui lui est désormais refusée par les époux Y.... L'immeuble X..., ayant été divisé en deux appartements occupant chacun un étage, l'issue de l'appartement du premier étage vers la voie publique doit être prise sur l'appartement du rez-de-chaussée. C'est donc à tort que le tribunal a retenu l'état d'enclave et a ordonné une mesure d'expertise » ;

1°) ALORS QU'est enclavé le fonds qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante ; qu'en écartant l'état d'enclave de l'appartement situé au 1er et 2nd étage de l'immeuble des époux X..., bien qu'elle ait constaté que ces étages n'avaient pas d'accès sur la voie publique dès lors que seul l'escalier donnant sur la parcelle n° [...] les desservait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 682 du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'état d'enclave d'un fonds est caractérisé lorsque le coût des travaux de désenclavement est disproportionné par rapport à sa valeur ; qu'en jugeant que c'est à tort que le tribunal avait retenu l'état d'enclave au motif que l'issue de l'appartement du premier étage vers la voie publique devait être prise sur l'appartement du rez-de-chaussée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le coût de construction d'un escalier intérieur n'était pas disproportionné par rapport à la valeur de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 682 du code civil ;

3°) ALORS QUE si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; qu'en jugeant que l'issue de l'appartement du 1er étage situé sur la parcelle [...] vers la voie publique devait être prise sur l'appartement du rez-de-chaussée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la situation actuelle de l'immeuble ne résultait pas de son édification à une époque où les parcelles [...] et [...] constituaient une seule parcelle appartenant à un unique propriétaire et qu'ainsi la division avait été réalisée par ce propriétaire unique lors de la cession de son bien en deux parcelles distinctes, de sorte que le passage devait être pris sur la parcelle [...] sur laquelle se situe la seule issue dont dispose l'appartement du 1er étage de la parcelle [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 684 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. X... et Mme C... , épouse X..., à payer à M. et Mme Y... des dommages-intérêts de 2 euros ;

AUX MOTIFS QUE la seule atteinte à la propriété des époux Y... par les époux X... à l'exclusion d'un autre préjudice non démontré, justifie de condamner ceux-ci à payer aux premiers des dommages-intérêts d'un montant de 2 500 euros ;

1°) ALORS QUE la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen, du chef du dispositif par lequel la cour d'appel a exclu l'existence d'un état d'enclave et a refusé d'accorder aux époux X... un droit de passage sur la parcelle [...], entraînera la cassation de leur condamnation à des dommages-intérêts fondée sur la seule atteinte à la propriété des époux Y... sur la parcelle [...], en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'atteinte à un droit de propriété ne constitue pas un fait générateur de responsabilité s'il n'est pas fautif ou s'il ne résulte pas du fait d'une chose ou d'une personne dont on a la garde ; qu'en fondant la condamnation des époux X... à payer des dommages-intérêts sur la seule atteinte au droit de propriété des époux Y..., sans caractériser à la charge des premiers un quelconque fait générateur de responsabilité, la cour d'appel a violé les articles 1382 et suivants du code civil ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la responsabilité civile est subordonnée à l'existence d'un préjudice ; qu'en jugeant que la seule atteinte à la propriété des époux Y..., justifiait, même en l'absence de tout préjudice, de condamner les époux X... à des dommages-intérêts, la cour d'appel a violé les articles 1382 et suivants du code civil."

Les commentaires sont fermés.