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Préempter pour empêcher une plus value ?

Voici une décision qui considère comme illégale un usage du droit de préemption par une commune pour empêcher une plus value.

Pour combattre les décisions de préemption voyez cette article : IL FAUT CONTESTER LES DÉCISIONS DE PRÉEMPTION !

"Mme K...C...et M. J...A...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision en date du 15 juillet 2014 par laquelle le maire de la commune de Nanterre a exercé le droit de préemption urbain sur un appartement de type T4 (lot n°108) et un emplacement de stationnement (lot n°24) dans un immeuble sis 14, rue de l'Avenir.

Par un jugement n° 1407488 du 22 juillet 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé la décision du maire de la commune de Nanterre du 15 juillet 2014.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 septembre 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 19 juillet 2017, la Commune de Nanterre, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par Mme C...et M. A...comme dépourvue de tout fondement ;

3° de condamner Mme C...et M. A...à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de préemption ne méconnait pas les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; la décision de préemption n'est pas fondée sur le seul critère du prix du bien mais sur une action d'intérêt public de revente après préemption au prix de l'accession sociale à la propriété à des futurs acquéreurs aux revenus modestes tel que cela est prévu initialement par la politique locale de l'habitat de la commune à l'intérieur des périmètres qui sont identifiés comme des zones réservées à l'accession maitrisée ; la commune pouvait se fonder sur la délibération du 25 juin 2013 qui mentionne l'existence du dispositif d'accession encadrée à la propriété pour les ménages de Nanterre aux revenus modestes ;

- le moyen tiré de l'incompétence du maire de la commune de Nanterre doit être écarté ;

- la décision de préemption a été prise au terme d'une procédure régulière, l'avis du service des domaines du 27 juin 2014 ayant été recueilli par la commune le 4 juillet 2014 ;

- la décision litigieuse est motivée en droit et en fait ;

- la réalité du projet est établie et la décision entreprise n'est pas punitive mais a vocation à réintégrer le bien litigieux dans le dispositif d'accession encadrée de la ZAC

Rouget-de-l'Isle incluse dans l'opération d'intérêt national Seine-Arche ;

- la décision litigieuse n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir, l'objectif poursuivi par la commune n'étant pas de peser sur le prix de l'immobilier mais de maintenir un bien dans le programme d'accession sociale à la propriété auquel il est destiné.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de Me G...substituant MeB..., pour la commune de Nanterre et de MeE..., substituant MeD..., pour Mme C...et M.A....

1. Considérant que Mme C...et M. A...ont acquis, le 8 novembre 2012, un appartement de type T4 (lot n°108) et un emplacement de stationnement (lot n°24), qu'ils occupaient depuis 2008 dans le cadre d'un contrat de location-accession, dans un immeuble situé 14 rue de l'Avenir à Nanterre, dans la zone d'aménagement concerté Rouget-de-l'Isle ; que cet achat a été réalisé à un prix de 195 400 euros inférieur à celui du marché dans le cadre de la politique locale de l'habitat sur la base d'un contrat stipulant, en cas de revente avant sept ans et sauf situation particulière au nombre desquelles la séparation d'un couple, un reversement à l'établissement public Seine-Arche d'une part dégressive de la plus-value réalisée ; que Mme C... et M. A...ont conclu le 17 avril 2014, avec Mme F...I...et M. H..., une promesse de vente au prix de 330 000 euros ; qu'après réception le 23 mai 2014 de la déclaration d'intention d'aliéner, le maire de la commune de Nanterre a, le 15 juillet 2014, exercé son droit de préemption sur ces deux lots en fixant un prix de 271 000 euros ; que la commune de Nanterre relève appel du jugement du 22 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du maire de la commune de Nanterre du 15 juillet 2014 ;

2. Considérant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision au motif que le maire de Nanterre a inexactement appliqué les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme en décidant de préempter le bien des requérants dès lors que l'usage du droit de préemption afin de s'opposer, sur le seul critère du prix, à des ventes portant sur des logements ayant été acquis dans le cadre d'une accession aidée ne constitue pas une action susceptible de fonder légalement une décision de préemption au sens de ces dispositions ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code :

" Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, (...) / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;

5. Considérant que la décision du 15 juillet 2014 mentionne que la commune de Nanterre exerce son droit de préemption dans le cadre de la mise en oeuvre de sa politique en matière de logements à prix encadrés visant à permettre aux ménages aux revenus modestes d'accéder à la propriété à Nanterre en dépit de l'inflation que connait le marché immobilier ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 25 juin 2013, des nouvelles modalités du suivi de l'accession encadrée ont été décidées, avec une clause d'agrément de prix au sein des clauses anti-spéculatives mises en oeuvre incluse dans les futurs contrats de vente de biens, afin d'assurer le respect des modalités de calcul du prix de revente et des conditions de ressources des acquéreurs et que le procès verbal de la séance publique de cette délibération fait état de l'intention de la commune de préempter systématiquement toutes les ventes conclues à un prix supérieur au prix d'acquisition augmenté de l'indice du coût de la construction durant la période de la clause anti-spéculative de sept ans pour tous les contrats antérieurs à l'entrée en vigueur des nouvelles modalités susmentionnées ; qu'en l'espèce, la décision attaquée repose uniquement sur le critère du prix de revente par rapport au prix d'achat afin d'empêcher pendant un délai de 7 ans que la revente d'un bien issu d'un programme d'accession sociale à la propriété puisse donner lieu à une plus-value " substantielle " ; qu'un tel objectif, mentionné dans l'arrêté de préemption attaqué, ne saurait constituer à lui seul, eu égard à l'absence de toute précision sur un autre objectif poursuivi par la préemption, une action ou opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la commune de Nanterre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de préemption du 15 juillet 2014 au motif que l'action en cause n'était pas susceptible de fonder légalement une décision de préemption au sens des dispositions précitées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de

Mme C...et M.A..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Nanterre de la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Nanterre le versement à Mme C...et M. A...d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Nanterre est rejetée.

Article 2 : La commune de Nanterre versera à Mme C...et M. A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative."

 

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