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Cession de bail sous la condition de la signature d'un nouveau bail

La Cour de Cassation juge que la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite, et applique ce principe à la clause d' un contrat de cession de bail qui prévoyait comme condition celle de la signature d'un nouveau bail.

"Vu l'article 1168 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 avril 2014), que la société Enlux, titulaire d'un bail commercial portant sur des locaux appartenant à la SCI Capucine I, s'est engagée à le céder à la société Banque Chaix, sous diverses conditions suspensives dont la signature d'un nouveau bail commercial, devant être réalisées le 15 septembre 2012 ; que des pourparlers entre la société propriétaire et la société Banque Chaix se sont prolongés au-delà de cette date ; qu'invitée à signer l'acte de cession le 15 janvier 2013, la Banque Chaix ne s'est pas présentée en invoquant la caducité du compromis ; que la société Enlux l'a assignée aux fins de voir déclarer la vente parfaite et de la voir condamnée au paiement de diverses sommes ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la société Enlux, l'arrêt retient que le juge n'a pas le droit de modifier la loi des parties en appréciant la cohérence des contrats et en procédant à leur réfaction par des considérations propres et qu'il n'y a pas lieu de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d'un nouveau bail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Banque Chaix aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Banque Chaix ; la condamne à payer à la société Enlux la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Enlux.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR rejeté les demandes de la société Enlux aux fins de voir condamner la Bank Chaix à lui payer la somme de 240. 000 euros, avec intérêts légaux, au titre du prix de cession du bail, outre la somme de 27. 000 euros au titre de la clause pénale et une indemnité mensuelle de 4. 000 euros jusqu'à obtention d'une décision définitive ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, « sur les conditions suspensives (¿) le compromis de vente a été signé le 8/ 08/ 2012 par S. A. R. L. ENLUX et le 14 septembre 2012 par la S. A. BANQUE CHAIX ; que cet acte mentionne des conditions suspensives " générales " et deux conditions suspensives " particulières ", l'une relative à un permis de construire, l'autre relative au bail commercial ; qu'il convient de les citer : " CONDITIONS SUSPENSIVES PARTICULIERES La présente convention est soumise à la réalisation des conditions suspensives suivantes : PERMIS DE CONSTRUIRE : qu'il soit délivré au PRENEUR au plus tard le 15 janvier 2013 un permis de construire permettant la création d'un agence bancaire et consécutivement, obtention par le PRENEUR des autorisations administratives obligatoires relatives notamment à la sécurité des pompiers, à la pose d'enseignes, à l'installation de climatisation, de distributeurs de billets en façade, à l'aménagement d'un accès conforme à la réglementation pour les convoyeurs de fonds avec installation des protections anti-bélier et à l'accessibilité handicapés. Le PRENEUR s'engage à déposer sa demande de permis de construire au plus tard le 15/ 10/ 2012 à ses frais, et à en justifier au BAILLEUR à première réquisition. A défaut du respect de cet engagement, le PRENEUR ne pourra se prévaloir de la présente condition suspensive à laquelle il sera censé avoir renoncé. A cet effet, le BAILLEUR, intervenant aux présentes, confère au PRENEUR l'autorisation de déposer auprès des services compétents l'ensemble des demandes administratives nécessaires à l'obtention des autorisations susvisées (...) ". " REGULARISATION D'UN NOUVEAU BAIL Les présentes conventions sont également soumises à la condition suspensive de la signature concomitamment à la réitération des présentes par acte authentique, d'un nouveau bail commercial entre le BAILLEUR et le CESSIONNAIRE aux présentes, dont les conditions doivent être définitivement arrêtées au plus le 15 septembre 2012. Accord du bailleur sur la présente cession Par mail en date du 31 juillet 2012, le bailleur a donné son accord sur la présente session. Une copie de ce mail est demeurée ci-annexée " ; que la cohérence contractuelle et chronologique est donc bien la finition et la certitude d'un bail commercial au 15/ 09/ 2012, permettant à la banque le dépôt d'un permis de construire pour le 15/ 10/ 2012 et la signature d'un acte définitif le 15/ 01/ 2013 concomitamment avec l'obtention d'un permis de construire ; sur la défaillance des conditions suspensives et son imputation ; que contrairement à ce que soutient la S. A. R. L. ENLUX, certes l'acte lui-même est la cession du bail, autorisé en son principe par le bailleur, mais la condition subordonne l'accord définitif à un bail en bonne et due forme signé par le bailleur au profit de la banque ; Attendu que cela est cohérent et est la loi des parties, étant d'usage que le bailleur ait un droit de soumettre le nouveau locataire à des contraintes dont le cessionnaire entend se prémunir avant signature définitive de la cession ; qu'excessivement, la S. A. R. L. ENLUX prétend que cette clause suspensive porterait sur la substance même du contrat et énonce qu'elle serait en droit illicite et réputée non écrite ; qu'il invoque à cet égard " un non-sens juridique, en sorte que le juge recherchant la cohérence des contrats en assure la réfaction par la technique de la clause non écrite. Il ne paraît pas nécessaire d'en dire plus pour être entendu " ; que le juge n'a pas le droit de modifier la loi des parties en appréciant la cohérence des contrats et en procédant à leur réfaction par des considérations propres ; que bien plus la cohérence du contrat est favorable en l'espèce à la thèse de la S. A. BANQUE CHAIX ; en effet, qu'il est constant, comme le révèle le dossier aux débats, et comme l'a relevé justement le premier juge que, au-delà d'un accord initial de principe, le bailleur a émis des prétentions auxquelles la banque était en droit de s'opposer, sans que l'on puisse non plus lui reprocher de bénéficier ainsi d'une clause " potestative " ; qu'en effet, l'obstacle ne venait pas de l'attitude de la banque mais de celle du bailleur ; que le tribunal a relevé-que le cédant exerçait un commerce de pressing et le cessionnaire une activité de banque avec réception du public forcément différente du fait de cette activité ;- que la banque a accompli les démarches nécessaires en vue de la réalisation de la condition suspensive attachée à la signature d'un nouveau bail ; que les différents messages électroniques produits aux débats échangés entre le notaire de la banque-la SCP Z... notaires à Marseille-et la banque elle-même ainsi qu'avec le Cabinet Athur LOYD mandataire et intermédiaire, indiquent que des négociations se sont engagées après la signature du compromis le 14 septembre 2012, entre le bailleur et la BANQUE CHAIX pour la signature d'un nouveau bail ; qu'à la date du 20 septembre 2012- soit postérieurement à la date du 15 septembre 2012 indiqué dans le compromis-la BANQUE CHAIX a demandé des nouvelles à son notaire et a été informé que " Maître Y...avait rencontré le bailleur pour une dernière mise au point sur le projet de bail " et que divers points restaient en suspens ; que, si la date initiale n'avait pas été respectée pour un nouveau bail mais apparemment avec l'accord implicite de tous, aucune pièce versée au dossier ne permet de dire avec certitude après même le 10 octobre 2013 quelles ont été les termes de la discussion et pourquoi le bail n'a pas été au final signé ; qu'en tout cas selon le mail du 7 août 2012 le bailleur entendait modifier la destination des lieux en indiquant ce qui n'était pas le cas précédemment (cf. Son acte d'acceptation du 12 juillet 2012) que désormais les lieux seraient réservés à l'usage exclusif des activités bancaires ou annexes et que concernant la révision du loyer elle ne serait plus triennale mais annuelle ; que l'article 1177 et 1178 du code civil disposent : article 1177 du code civil " lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement n'arrivera pas dans un temps fixe, cette condition est accomplie lorsque ce temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; elle l'est également, si avant le terme il est certain que l'événement n'arrivera pas ; et s'il n'y a pas de temps déterminé, elle n'est accomplie que lorsqu'il est certain que l'événement n'arrivera pas. " Article 1178 du code civil. " La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement " ; qu'au sens du premier texte cité il est acquis qu'au 15/ 01/ 2013 un bail en bonne et due forme n'existait pas entre le bailleur et la S. A. BANQUE CHAIX ; qu'au sens du second texte la preuve n'est pas rapportée que l'accomplissement de la condition suspensive a été empêchée par la S. A. BANQUE CHAIX » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« aux termes de l'acte de cession du droit au bail il est indiqué que le bailleur a donné son accord à la cession du droit au bail ; qu'en annexe a été joint un acte d'acceptation signé le 12 janvier 2012 qui mentionne que le bailleur agrée l'acquéreur comme nouveau locataire et rappelle différentes modalités du bail actuel notamment l'affectation des lieux loués " tout commerce ". Le bailleur a donc agréé le cessionnaire. Il l'avait au demeurant déjà indiqué au mandataire de la SARL ENLUX par courrier du 8 juin 2012 dans lequel Madame X...pour LA SCI CAPUCINE I confirmait qu'elle autorisait la cession et agréait le nouveau locataire Groupe Banque Chaix et indiquait " qu'un bail neuf 3/ 6/ 9 serait rédigé... avec le cessionnaire avec prise d'effet au 1er octobre permettant d'actualiser le loyer négocié entre les parties... bien entendu le futur locataire devra veiller à laisser en permanence l'accès à l'étage pour un éventuel deuxième locataire ". Les parties ont estimé nécessaire dans l'acte de compromis du 14 septembre 2012 de soumettre la réalisation de la vente à la conclusion d'un nouveau bail dont les modalités devaient être arrêtées au 15 septembre 2012. Le cessionnaire devait par ailleurs obtenir également un permis de construire pour réaliser les aménagements qu'il souhaitait. Le cédant n'était pas tenu d'accepter ces conditions s'ils les estimaient contraires à l'objet du contrat. Il ressort par ailleurs du message électronique échangé entre le notaire de la BANQUE CHAIX et la Banque elle-même en date du 7 août 2012 que le notaire de la SARL ENLUX a proposé " de faire signer la promesse de cession sous condition suspensive de la signature concomitamment à la cession de l'acte authentique de droit au bail, d'un nouveau bail commercial dont les charges et conditions seront arrêtées directement entre le bailleur et le cessionnaire " et cela pour ne pas retarder la cession et la demande de permis de construire de la banque. Mais à supposer que la SARL bien que son notaire en soit à l'initiative, ait fait une erreur d'appréciation et ait signé sans avoir pleinement conscience de ce sur quoi elle s'engageait, il est faux de prétendre que cette condition est potestative dès lors qu'elle ne dépend pas de la seule volonté du cessionnaire. Le bailleur a accepté d'agréer le cessionnaire mais a conservé le droit de fixer lors de la conclusion du bail avec ce dernier des modalités différentes liées au loyer et à l'activité même du cessionnaire. Il ne relève donc pas de la seule volonté de la BANQUE CHAIX qui n'exerce pas la même activité que le cédant, de voir les modalités du bail renégociées. Le cédant exerçait en effet un commerce de pressing et le cessionnaire une activité de banque avec réception du public forcément différente du fait de cette activité. Par conséquent, la SARL ENLUX n'est pas fondée à soutenir que l'acte de cession serait sans objet du fait de l'une de ces conditions suspensives » ;

1°) ALORS QUE la condition est une modalité qui affecte un rapport de droit existant indépendamment d'elle et ne peut se confondre avec un élément essentiel à ce rapport ; qu'en considérant néanmoins, pour refuser de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d'un nouveau bail, que cette condition suspensive ne portait pas sur la substance du contrat de cession de bail et était stipulée de façon cohérente avec l'acte de cession de bail conclu entre la société Enlux et la Banque Chaix, bien que la condition prévoyant la conclusion d'un bail entre la Banque Chaix et le bailleur ait porté sur un élément essentiel de la cession de bail convenue entre la société Enlux et la Banque Chaix, la cour d'appel a violé l'article 1168 du code civil ;

2°) ALORS QU'en se bornant à relever, pour refuser de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d'un nouveau bail, que le cédant n'était pas tenu d'accepter cette condition s'il l'estimait contraire à l'objet du contrat, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1168 du code civil ;

3°) ALORS QUE la condition qui porte sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite ; qu'en relevant néanmoins, pour refuser de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d'un nouveau bail, que le juge n'a pas le droit de modifier la loi des parties en appréciant la cohérence des contrats et en procédant à leur réfaction par des considérations propres, bien que le juge soit tenu de déclarer non écrite la condition qui n'est pas extérieure au rapport de droit dont elle est une modalité, la cour d'appel a violé l'article 1168 du code civil ;

4°) ALORS QU'aux termes de l'article 1177 du code civil, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement n'arrivera pas dans un temps fixe, cette condition est accomplie lorsque ce temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; qu'en affirmant, pour refuser de faire produire effet à la cession de bail conclue entre la société Enlux et la Banque Chaix, qu'il était acquis, au sens du texte précité, qu'au 15 janvier 2013 un bail en bonne et due forme n'existait pas entre le bailleur et la Banque Chaix, bien que la condition suspensive litigieuse ait subordonné la cession de bail à la survenance d'un événement, et non au défaut de survenance d'un événement, ce dont il résultait que le texte précité n'avait pas lieu de s'appliquer en l'espèce, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1177 du code civil."

 

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