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Préemption et ordre public

Le droit de préemption ne peut être exercé au nom de l'ordre public :


"Vu le pourvoi, enregistré le 21 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler l'ordonnance n° 1206764 du 5 septembre 2012 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision du 4 juin 2012 du maire de Rosny-sous-Bois exerçant le droit de préemption sur la vente d'un fonds de commerce exploité 9, rue du général Leclerc à Rosny-sous-Bois ; 



2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ; 



3°) de mettre à la charge de la commune de Rosny-sous-Bois la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la contribution à l'aide juridique en application de l'article R. 761-1 du même code ;





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ; 



Vu la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :



- le rapport de M. Philippe Combettes, Maître des Requêtes en service extraordinaire, 



- les observations de Me Foussard, avocat de M. A...et de la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de Rosny-sous-Bois,



- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;



La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de M. A...et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de Rosny-sous-Bois ;











1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 4 juin 2012, prise en application de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme, le maire de la commune de Rosny-sous-Bois a exercé le droit de préemption à l'égard d'un fonds de commerce ayant une activité de " café, bar, PMU, loto " situé dans le périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité de la commune, adopté par délibération du conseil municipal du 28 mai 2009 ; que M.A..., acquéreur évincé du fonds de commerce, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil de suspendre l'exécution de cette décision ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 5 septembre 2012 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande ;



2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;



3. Considérant qu'en application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, " toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé " ; que l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme dispose dans son premier alinéa que " le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les aliénations à titre onéreux (...) de fonds de commerce (...) " ; qu'en application de l'article L. 214-2 du même code, la commune doit, dans le délai de deux ans à compter de la prise d'effet de l'aliénation à titre onéreux, rétrocéder le fonds concerné à une entreprise " en vue d'une exploitation destinée à préserver la diversité et à promouvoir le développement de l'activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné " ; que le droit de préemption exercé sur le fondement de ces articles, institué par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, a ainsi pour objet la sauvegarde des activités commerciales et artisanales de proximité ; que les motifs de protection de la sécurité et de l'ordre public ne sont pas au nombre de ceux qui peuvent justifier une décision de préemption ;



4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision de préemption du 4 juin 2012 est fondée sur l'existence de " plaintes récurrentes " concernant ce fonds de commerce, sur " une dégradation des relations de voisinage ", sur le " stationnement permanent " de la clientèle de ce commerce " gênant la circulation piétonne " et " troublant la sécurité et l'ordre public " ainsi que sur de " graves nuisances induites par ce type d'activité " ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en jugeant qu'aucun des moyens invoqués n'était de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, alors que le requérant soutenait que celle-ci était fondée sur des motifs de sauvegarde de la sécurité publique qui ne sont pas nombre de ceux qui peuvent légalement justifier une décision de préemption, le juge des référés a commis une erreur de droit ;



5. Considérant que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;



6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;



Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Rosny-sous-Bois :



7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est l'acquéreur évincé du fonds de commerce ayant fait l'objet de la décision litigieuse ; que, dès lors, il justifie à ce titre d'un intérêt pour agir ;



Sur l'urgence :



8. Considérant que M. A...bénéficie, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une présomption d'urgence, à l'encontre de laquelle la commune de Rosny-sous-Bois n'invoque aucune circonstance particulière ;



Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision :



9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le moyen tiré de ce que la décision du 4 juin 2012 se fonde sur des motifs de protection de la sécurité et de l'ordre public qui ne sont pas au nombre de ceux prévus par les dispositions législatives relatives au droit de préemption est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ; qu'il en est de même des moyens tirés de ce que la commune ne justifie pas de la réalité d'un projet en vue duquel le droit de préemption aurait été exercé et de ce que sa décision ne fait pas apparaître la nature de ce projet ; 



10. Considérant, en revanche que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation que le maire aurait commise en estimant que le local n'était plus adapté à l'activité exercée et que l'exploitation du fonds nuirait à l'attractivité du commerce de proximité n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 4 juin 2012 ;



11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision litigieuse ; 



Sur les dépens :



12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre la contribution pour l'aide juridique à la charge de la commune de Rosny-sous-Bois ;



Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :



13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Rosny-sous-Bois, sur le fondement de ces dispositions, la somme de 4 500 euros à verser à M. A...au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'il a exposés tant en première instance qu'en cassation ;









D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 5 septembre 2012 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du maire de Rosny-sous-Bois du 4 juin 2012 est suspendue.

Article 3 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par M. A...est mise à la charge de la commune de Rosny-sous-Bois. 

Article 4 : La commune de Rosny-sous-Bois versera à M. A...une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Rosny-sous-Bois présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la commune de Rosny-sous-Bois."


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