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L'architecte et le terrain inconstructible

Voici un arrêt qui statue sur le cas d'un architecte qui a acheté un terrain inconstructible en connaissance de cause :


"Vu l'article 1110 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 février 2008), que les consorts X... ont cédé par acte authentique du 20 mai 2003 à M. Y... leurs droits indivis sur un terrain situé à Val-d'Isère ; que l'acte mentionnait l'existence de divers recours et d'un pourvoi contre un
permis de construire et son modificatif délivrés en 1995 "en raison du caractère avalancheux de la route permettant l'accès audit immeuble" ; que M. Y... a déclaré dans l'acte faire son affaire personnelle de ces procédures et s'obliger à en supporter toutes les conséquences quelles qu'elles soient, sans recours contre les vendeurs ; qu'après l'annulation le 9 juillet 2003 par le Conseil d'Etat du permis de construire et de son modificatif comme entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des risques d'avalanche sur le terrain, M. Y... a assigné les consorts X..., principalement en résolution de la vente pour vice caché tenant au caractère inconstructible du terrain, et subsidiairement en nullité de la vente pour erreur sur la qualité substantielle de la chose et absence de cause ;

Attendu que, pour prononcer la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose, l'arrêt retient que n'ayant pas connu et accepté le risque que le terrain soit jugé totalement inconstructible, M. Y... est bien fondé à invoquer son erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue ;


Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si en qualité d'architecte et de promoteur immobilier expérimenté dans la région de Val d'Isère, M. Y..., qui avait déclaré dans l'acte d'acquisition "connaître parfaitement le bien vendu", "avoir pris par lui-même tous renseignements relatifs aux règles d'urbanisme", faire son affaire personnelle de ces règles "la vente ayant lieu à ses risques et périls", ne s'était pas engagé en connaissance de cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;


Condamne M. Y... aux dépens ;


Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. Y... à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; rejette la demande de M. Y... ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix.

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour les consorts X....


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la vente du 20 mai 2003 conclue entre M. Jean X... et Mme Hélène X... épouse Z... d'une part, et M. Michel Y..., d'autre part, est nulle à raison de l'erreur commise par ce dernier sur la qualité substantielle de la chose vendue, d'AVOIR dit que M. Jean X... et Mme Hélène X... épouse Z... doivent restituer le prix de cette vente à M. Michel Y... et qu'en contrepartie M. Michel Y... doit restituer la parcelle AI n°68 à M. Jean X... et Mme Hélène X... épouse Z... ;


AUX MOTIFS QUE sur l'aléa il est mentionné dans l'acte du 20 mai 2003 que l'acquéreur fait son affaire des règles d'urbanisme et que la vente a «lieu à ses risques et périls » ; que, pour autant, cette vente n'est aléatoire que si l'aléa a été couru non seulement par l'acquéreur mais aussi par le vendeur ; que le prix de la vente litigieuse est de 606.976 euros ce qui, pour la moitié indivise d'un terrain de 4021 mètres carrés, fait ressortir une valeur de 303,30 euros par mètre carré en pleine propriété ; que M. Y... produit cinq éléments de comparaisons, mentionnés dans une télécopie du 19 septembre 2007 du service urbanisme de la commune de Val d'Isère, dont le premier est le plus comparable à la vente litigieuse par sa date (mars 2003) et par la superficie de la parcelle vendue (1689 m²) ; que cette parcelle qui a été vendue au prix de 343.070 euros, soit 203 euros/m² ; qu'il ressort de ces éléments que les consorts X... ont perçu un prix conforme à la valeur vénale à cette époque d'un terrain constructible sur le territoire de la commune de Val d'Isère ; qu'ils ne prétendent d'ailleurs pas avoir couru un quelconque aléa ; que, l'aléa n'étant pas réciproque, la vente litigieuse n'est pas aléatoire ; que les consorts X... sont mal fondés à invoquer le principe selon lequel l'aléa chasse l'erreur pour tenter de faire écarter le moyen adverse tiré de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose ; que sur l'erreur il vient d'être relevé que le prix de la vente litigieuse est conforme à la valeur d'un terrain constructible de superficie et situation comparable ; qu'il est énoncé dans l'acte du 20 mai 2003 que la parcelle AI n°68 est située en zones INAdz et Ncs du plan d'occupation des sols (POS), approuvé le 9 août 1990 modifié et mis en révision le 30 avril 1998, et en «zone bleue» du plan des zones exposées aux avalanches (PZEA) approuvé par arrêté préfectoral du 9 mars 1992 ; qu'il est constant que dans ces zones du POS et du PZEA la construction d'habitation était possible sous réserve du respect de certaines prescriptions ; qu'il résulte de ces éléments que, pour les parties, le caractère constructible du terrain litigieux en constituait une qualité substantielle ; qu'or, pour annuler les arrêtés de
permis de construire des 24 mars 1995 et 30 août 1995 le Conseil d'Etat a retenu que la décision d'autoriser la construction projetée devait être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du risque d'avalanches auquel est exposé le terrain en cause dès lors que le terrain considéré avait subi en 1958 une avalanche (ayant détruit un magasin et un atelier qui s'y trouvaient), qu'en 1990 et 1991 deux autres avalanches, dont l'une avait entraîné la mort d'une personne, étaient survenues sur des terrains avoisinants qui, cependant, paraissaient moins exposés aux risques d'avalanche que ladite parcelle et que si cette parcelle, qui était jusque là inconstructible, avait été classée en « zone bleue » du PZEA par l'arrêté préfectoral du 9 mars 1992, la plus grande partie des terrains limitrophes avaient été classés dans le même plan en «zone rouge (dangereuse et non constructible)» sans qu'existent entre ces différentes parcelles des caractéristiques de localisation et de relief propres à justifier une telle différenciation ; qu'il ressort de cette motivation que, nonobstant son classement en zones INAdz et Ncs du POS et en « zone bleue » du PZEA, la parcelle AI 68 était déjà inconstructible lorsque les arrêtés de permis de construire attaqués ont été délivrés et donc aussi lors de la vente litigieuse ;
qu'il est encore mentionné dans l'acte de vente que l'arrêt du 2 mai 2001 de la cour administrative d'appel de Lyon avait été frappé d'un recours «en raison du caractère avalancheux de la route permettant l'accès audit immeuble» ; que cette précision quant au motif du recours montre que le risque dont M. Y... a été informé, qu'il a accepté et pour lequel il a renoncé à garantie de la part des vendeurs, tenait au projet autorisé par le permis de construire attaqué et plus précisément à sa voie d'accès, ce qui ne permettait pas de prévoir la décision du Conseil d'Etat ; que, n'ayant pas connu et accepté le risque que le terrain soit jugé totalement inconstructible, M. Y... est bien fondé à invoquer son erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue ; que sa demande d'annulation de la vente doit être accueillie ; qu'en conséquence les consorts X... doivent lui restituer le prix de la vente tandis que M. Y... doit leur restituer le terrain litigieux ; que ces obligations étant réciproques et découlant de l'annulation de la vente prononcée par la présente décision, M. Y... ne peut pas prétendre aux intérêts sur la somme de 609.769 euros à compter du jour de l'assignation introductive ;

1) ALORS QUE le plan d'occupation des sols constitue une décision administrative de nature réglementaire, dont le respect s'impose au juge judiciaire ; qu'en jugeant que la parcelle litigieuse était inconstructible au moment de la vente, quand elle constatait que cette parcelle était alors classée en zone constructible dans le plan d'occupation des sols de la commune de Val d'Isère, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'ancien article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;


2) ALORS QUE le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer le sens clair et précis d'un écrit ; qu'en retenant qu'il ressort des motifs de l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 juillet 2003 que le terrain litigieux était inconstructible au moment de la vente du 20 mai 2003, quand le Conseil d'Etat constatait au contraire que la parcelle avait été classée en zone constructible du PZEA par l'arrêté du 9 mars 1992 (arrêt, p.5), la cour d'appel a dénaturé cet arrêt, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;


3) ALORS, en tout état de cause, QUE l'erreur s'apprécie au moment de la formation du contrat ; qu'en se fondant sur une décision du Conseil d'Etat du 9 juillet 2003, postérieure à la vente du 20 mai 2003, pour retenir que le terrain vendu était inconstructible et caractériser ainsi l'erreur commise par M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil ;


4) ALORS, en tout état de cause, QUE l'acquéreur ne peut invoquer une erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue lorsque la qualité en cause a fait l'objet d'une clause de non garantie ; qu'en retenant que M. Y... a commis, sur la constructibilité du terrain, une erreur de nature à emporter l'annulation de la vente, quand elle constatait qu'aux termes de l'acte de vente, il déclarait faire son affaire personnelle des règles d'urbanisme et que la vente avait «lieu à ses risques et périls», ce dont il ressortait qu'il renonçait à toute garantie du vendeur quant au caractère constructible du terrain, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1110 du code civil ;


5) ALORS QUE l'acquéreur ne peut invoquer une erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue lorsqu'il a, au moment de la vente, accepté le caractère aléatoire de cette qualité ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si en déclarant dans l'acte de vente «connaître parfaitement le bien vendu», « avoir pris par lui-même tous renseignements relatifs aux règles d'urbanisme» et faire son affaire personnelle de ces règles , «la vente ayant lieu à ses risques et périls», M. Y... n'avait pas nécessairement accepté le risque que le terrain soit déclaré inconstructible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil ;


6) ALORS QUE l'acquéreur ne peut invoquer une erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue lorsqu'il a, au moment de la vente, accepté le caractère aléatoire de cette qualité ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si, en sa qualité d'architecte et de promoteur immobilier expérimenté dans la région de Val d'Isère, M. Y... ne s'était pas nécessairement engagé dans la vente en parfaite connaissance de cause des risques que le terrain soit déclaré inconstructible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil ;


7) ALORS QU'est aléatoire la convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, dépendent pour l'une des parties d'un événement incertain ; qu'en retenant que le contrat de vente du 20 mai 2003 ne constituait pas un contrat aléatoire, au motif que l'aléa n'était couru que par l'acquéreur mais pas par le vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1964 du code civil."

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