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La décision de renoncer à une préemption ne peut faire l'objet d'un retrait

C'est ce qui est jugé par cette très intéressante décision du Conseil d'État.

On notera que la commune prétendait s'être trompée et avoir commis une confusion sur les parcelles en vente ...

 

"Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril et 11 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COMILUX, dont le siège est 19 rue Sigismond à Luxembourg (L-2537) et pour la SOCIETE CHAVEST, dont le siège est 76-78 avenue des Champs Elysées à Paris (75008) ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 9 avril 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté leur requête tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 26 janvier 2009 par laquelle le maire de Créteil a rapporté sa précédente décision du 26 décembre 2008 portant renonciation à exercer le droit de préemption de la commune sur l'ensemble immobilier sis 66/68 avenue Charles de Gaulle, 57/59 rue Saint Simon dans la commune de Créteil et cadastré section BE n° 533, ainsi qu'à la suspension de l'exécution de la décision du maire de Créteil du 9 février 2009 exerçant le droit de préemption de la commune sur cet ensemble immobilier ;

2°) statuant en référé, de suspendre l'exécution de ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Créteil la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 24 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat des SOCIETES COMILUX et CHAVEST et de Me Blanc, avocat de la commune de Créteil,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat des SOCIETES COMILUX et SOCIETE CHAVEST et à Me Blanc, avocat de la commune de Créteil ;





Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. / (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption ; que, selon l'article R. 213-8 du même code, Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption / b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; / c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation (...) ;

Considérant qu'il ressort de ces dispositions combinées, qui visent notamment à garantir que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise, que lorsque le titulaire du droit de préemption a décidé de renoncer à exercer ce droit, que ce soit par l'effet de l'expiration du délai de deux mois imparti par la loi ou par une décision explicite prise avant l'expiration de ce délai, il se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement décider de préempter le bien mis en vente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Melun que le maire de Créteil a, par décision du 26 décembre 2008, expressément renoncé à exercer son droit de préemption sur un immeuble, situé dans cette commune, que la SOCIETE COMILUX avait déclaré vouloir aliéner au profit de la SOCIETE CHAVEST ; qu'il a retiré cette décision le 26 janvier 2009 au motif qu'elle aurait procédé d'une confusion entre des déclarations d'intention d'aliéner portant sur des biens immobiliers distincts reçues durant la même période ; qu'il a ensuite décidé le 9 février 2009 de préempter l'immeuble en cause ;

Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution des décisions des 26 janvier et 9 février 2009, les SOCIETES COMILUX et CHAVEST soutenaient devant le juge des référés que le maire de Créteil ne pouvait légalement rapporter sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; qu'en jugeant que ce moyen n'était pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de ces décisions, alors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le titulaire du droit de préemption ne saurait légalement retirer sa décision de renoncer à l'exercice de ce droit, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant, en premier lieu, que, si la SOCIETE COMILUX ne justifie pas d'une situation d'urgence en se bornant à invoquer la circonstance que l'identité de l'acquéreur est un élément essentiel de la transaction envisagée, la SOCIETE CHAVEST bénéficie, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une présomption d'urgence ; que, si la commune de Créteil invoque les projets en cours de réalisation sur la parcelle contiguë et la dynamique générale de développement du quartier, ces seules circonstances, à les supposer établies, ne constituent pas une situation particulière susceptible de faire obstacle à ce qu'une situation d'urgence soit reconnue au profit de la SOCIETE CHAVEST ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de ce que le maire de Créteil ne pouvait légalement retirer sa décision de ne pas exercer le droit de préemption sur le bien détenu par la SOCIETE COMILUX ni, par suite, préempter ce bien, est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; qu'il y a lieu, dès lors, d'en suspendre l'exécution ;

Considérant en revanche que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens présentés par les requérantes n'est de nature à faire naître un tel doute ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des SOCIETES COMILUX et CHAVEST, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Créteil le versement à la seule SOCIETE CHAVEST de la somme de 1 500 euros à ce même titre ;



D E C I D E :


Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 9 avril 2009 est annulée.
Article 2 : L'exécution des décisions du maire de Créteil du 26 janvier 2009 et du 9 février 2009 est suspendue.
Article 3 : La commune de Créteil versera à la SOCIETE CHAVEST une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SOCIETE COMILUX et par la commune de Créteil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COMILUX, à la SOCIETE CHAVEST et à la commune de Créteil.
Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer."

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