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Eoliennes, vente immobilière et dol

Un arrêt annule une vente parce que les vendeurs avaient dissimulé le projet de création d'éoliennes à proximité du bien vendu.

 

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"FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES:

Par acte authentique du 11 Août 2005, la SCI RUCROIZIC a acquis de Monsieur et Madame J-K X une maison d’habitation située à XXX, lieudit « La Croix de Logan » moyennant un prix de 213.500 euros outre 14.000 euros de frais.

Ayant été avisés de l’implantation à brève échéance d’un parc éolien à proximité du bien acquis, la SCI RUCROIZIC, par acte du 12 Mai 2006, a assigné les époux X devant le Tribunal de Grande Instance de QUIMPER afin de voir prononcer la nullité de la vente, et d’obtenir la restitution du prix, ainsi que des dommages et intérêts.

Par jugement du 09 Octobre 2007, le Tribunal de Grande Instance de QUIMPER a :

— débouté la SCI RUCROIZIC de l’ensemble de ses demandes,

— débouté les époux X de leur demande de dommages et intérêts,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la SCI RUCROIZIC à payer aux époux X la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

— condamné la SCI RUCROIZIC aux dépens.

Appelante de cette décision, la SCI RUCROIZIC, la SCI RUCROIZIC a, par conclusions du 09 Avril 2008, sollicité que la Cour, sur le fondement des dispositions des articles 1116 et 1382 du Code Civil :

— constate que les époux X se sont rendus coupables d’une réticence dolosive en ne l’informant pas du projet d’implantation des deux parcs éoliens à proximité de leur immeuble,

— prononce de ce chef et à leurs torts la nullité de la vente,

— les condamne in solidum au paiement :

* de la somme de 227 500 € au titre du remboursement du prix de vente en principal et frais, avec intérêts de droit capitalisés à compter du 11 Août 2005,

* d’une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

* d’une somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles engagés en première instance,

* d’une somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles engagés en appel,

* les condamne aux dépens avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l’avance.

Par conclusions du 28 Mai 2008, les époux X ont demandé que la Cour :

— confirme le jugement entrepris,

— condamne la SCI RUCROIZIC à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,

— condamne la SCI RUCROIZIC à leur payer la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— condamne la SCI RUCROIZIC aux dépens, avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l’avance.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, la Cour fait référence aux écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le bien acquis par la SCI RUCROIZIC est situé certes, en bordure d’une route, mais dans une région rurale, où seule la recherche de calme et d’un paysage préservé pouvait séduire les acquéreurs.

Les vendeurs, ainsi qu’il résulte des attestations LE CORRE et Y, étaient informés du projet de création de chambres d’hôtes de leurs acquéreurs, et de l’exigence accrue qui en découlait d’acquisition d’un bien dans un environnement de qualité.

A l’époque de la vente, les projets de parcs éoliens étaient encore très novateurs et ne pouvaient être considérés comme de ceux sur l’existence éventuelle desquels un acheteur normalement diligent avait l’obligation de s’informer préalablement à son acquisition.

A cette même époque, les vendeurs étaient informés de l’état avancé du projet d’implantation de huit éoliennes à proximité de leur bien.

Trois témoins (Madame Z, Monsieur A, Monsieur B) attestent que le XXX, Monsieur X avait assisté à une réunion d’information publique, prenant ainsi connaissance des débats et inquiétudes entourant le projet.

Les articles de journaux versés aux débats par la SCI RUCROIZIC démontrent que durant les mois ayant suivi la réunion d’information et précédé la vente, les journaux locaux (Ouest-France et le Télégramme) se sont régulièrement fait l’écho, tout à la fois des avancées du projet de parc éolien et des contestations formées par les opposants au projet, dénonçant les nuisances engendrées par de tels parcs et les pertes de jouissance et de valeur en découlant.

Quelques soient les assurances données par les pouvoirs publics quant à l’inocuité des installations et à l’absence de nuisance sous réserve de respect de distances minimales avec les habitations (lesquelles sont respectées dans le cas d’espèce), celles-ci étaient contestées par les opposants au projet, et le débat a été virulent durant les douze mois ayant précédé la vente (s’étant d’ailleurs poursuivi ensuite).

Notamment, la distance à laquelle les éoliennes doivent être implantées par rapport aux habitations reste sujette à de nombreuses discussions, allant de 500 mètres à 2,5 kilomètres, ce dont il résulte que le bien acquis se trouve dans un secteur critique (comme situé à 1 kilomètre du premier projet et 1,5 kilomètre du second).

Ces controverses locales étaient identiques à celles se produisant dans d’autres régions de France pour des projets similaires, partisans et opposants s’affrontant dans l’ensemble des médias.

Leur importance devait conduire les époux X à informer la SCI RUCROIZIC du projet en cours, les acquéreurs devant pouvoir évaluer eux-mêmes dans quelle mesure l’implantation projetée était compatible avec leur propre projet ou l’affectait au contraire dans l’une de ses qualité substantielles.

Ainsi, les vendeurs ne pouvaient, au lieu et place de la SCI RUCROIZIC, décider au regard de considérations de fait (distance d’implantation, position du jardin par rapport au lieu d’implantation) que l’implantation future était sans incidence sur le projet de l’acheteuse et qu’il n’y avait pas lieu de l’en informer.

A cet égard, leur réticence à révéler l’existence d’un projet aussi débattu démontre leurs craintes quant aux conséquences éventuelles d’une telle révélation et le caractère intentionnel de leur omission.

Il convient en conséquence de faire droit aux prétentions de la SCI RUCROIZIC et de prononcer la nullité de la vente intervenue entre les parties avec toutes conséquences de droit.

Précisément, les époux X sont condamnés à restituer à la SCI RUCROIZIC le prix de vente du bien, soit la somme de 213.500,00 euros, ainsi que ses accessoires, soit les frais mentionnés à l’acte notarié pour 10.244 euros.

Le solde de la demande en restitution n’est pas justifié et la SCI RUCROIZIC en est déboutée.

Ces sommes, formant un total de 223.744,00 euros, ne sont dues qu’à compter du prononcé de la nullité de la vente, ce dont il résulte que les intérêts de retard courront aux taux légal à compter du présent arrêt.

La SCI RUCROIZIC sollicite ensuite l’attribution d’une somme de 20.000 euros de dommages et intérêts visant à l’indemniser du préjudice résultant de l’impossibilité d’avoir pu mener à bien son projet de création de chambres d’hôtes.

A défaut d’éléments comptables précis permettant de caractériser ce préjudice, celui-ci apparaît fondé dans son principe mais non dans son quantum et les époux X sont condamnés à lui payer à ce titre la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts.

Enfin, la condamnation prononcée en première instance sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile doit être infirmée, tandis que les époux X sont condamnés à payer à la SCI RUCROIZIC la somme de 3.000 euros sur ce même fondement, indemnisant tout à la fois les frais exposés en première instance et en appel.

DECISION :

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, après rapport à l’audience,

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau :

Prononce la nullité de la vente intervenue selon acte authentique reçu par Maître C notaire à D (29), le 11 Août 2005, entre Monsieur et Madame J-K X et la Société Civile Immobilière RUCROIZINC, et relative à une propriété située Commune de XXX, XXX, cadastrée XXX et 100.

Condamne solidairement Monsieur et Madame J-K X à payer à la SCI RUCROIZIC la somme de 223.700,00 euros en restitution du prix de vente et de ses accessoires, avec intérêts légaux à compter de la présente décision.

Condamne solidairement Monsieur et Madame J-K X à payer à la SCI RUCROIZIC la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Déboute chaque partie du solde de ses prétentions.

Condamne solidairement Monsieur et Madame J-K X à payer à la SCI RUCROIZIC la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne solidairement Monsieur et Madame J-K X au paiement des dépens de première instance et d’appel avec droit de distraction pour ceux dont il a été fait l’avance.

Le Greffier, Le Président,"

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