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Chute à cause du sol glissant : responsabilité du magasin

Une personne chute dans un magasin parce que le sol était très glissant en raison « d'une brume qui sortait du frigo » : le magasin est responsable.

Panneau PVC Sol glissant | Signals

"EXPOSE DU LITIGE

Le 10 juin 2011, [I] [N] a glissé sur le sol d'un magasin Super U situé à [Localité 6] (66) alors qu'elle accompagnait [D] [M], en sa qualité d'auxiliaire de vie.

Suivant certificat médical du docteur [L] du 11 juin 2011, [I] [N] a présenté une lombalgie avec contracture, nécessitant des soins sans travail jusqu'au 10 juillet 2011.

Le 10 novembre 2015, [I] [N] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan, la SAS Ellul Alain et Cie et la MSA Grand Sud, aux fins d'expertise médicale. Cette dernière a été ordonnée et le rapport a été déposé le 10 mai 2016.

Le 4 novembre 2016, [I] [N] a assigné la SAS Ellul Alain et Cie ainsi que la MSA Grand Sud sur le fondement de l'article 1384 ancien du code civil, aux fins d'indemnisation en faisant valoir que le sol anormalement glissant du fait d'un brumisateur laissant échapper une importante quantité d'eau, était à l'origine de sa chute.

La SAS Ellul Alain et Cie a fait valoir que la preuve de l'état anormalement glissant du sol et de son rôle causal dans la chute n'était pas rapporté puisque [I] [N] aurait chuté en raison du déséquilibre de [D] [M]. Subsidiairement, elle a demandé que les demandes soient ramenées à de plus justes proportions.

La MSA Grand Sud n'a pas constitué avocat.

Le 19 juillet 2017, le tribunal d'instance de Perpignan s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Perpignan.

Le jugement rendu le 14 février 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan énonce dans son dispositif :

Déboute [I] [N] de ses entières demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [I] [N] aux dépens d'instance, en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise judiciaire.

Le jugement expose que [I] [N] ne démontre pas le caractère anormal de l'état du sol du magasin. Le témoignage produit de [P] [E] n'est d'aucune utilité puisqu'elle n'a pas été témoin direct de l'accident et se contente d'indiquer que les circonstances de sa propre chute, survenue le 26 octobre 2012 sont identiques à celles de [I] [N], la seule identité de lieu étant insuffisante pour établir la responsabilité du gardien de la chose. L'attestation de [D] [M] ne permet pas de déterminer les raisons de sa chute, ni si la chute de [I] [N] était due à l'état du sol ou à la chute de [D] [M]. Aucun constat d'huissier ou photo ne permet d'établir l'état du sol et le simple nettoyage du sol par un employé suite aux faits n'est pas un élément déterminant en soi.

[I] [N] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 16 mars 2020.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 mai 2022.

Les dernières écritures pour [I] [N] ont été déposées le 17 juin 2020.

La SAS Ellul Alain et Cie, régulièrement signifiée à personne, n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Le dispositif des écritures pour [I] [N] énonce :

Déclarer l'appel recevable et bien fondé ;

Infirmer le jugement en date du 14 février 2020 ;

Condamner la SAS Ellul Alain et Cie à verser à [I] [N] la somme de 5 450,40 euros à titre de réparation des préjudices subis, se décomposant en 950,40 euros au titre du DFP et 4 500 euros au titre des souffrances endurées ;

Condamner la SAS Ellul Alain et Cie à payer à [I] [N] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

[I] [N] se prévaut d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence en date du 3 septembre 2008 qui retient la responsabilité d'un supermarché pour avoir laissé un carton à même le sol et d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 26 février 1988 qui retient la responsabilité d'un gérant d'une station-service du fait d'un sol anormalement gras et glissant, afin de faire valoir qu'il est possible de retenir la responsabilité d'un commerçant du fait d'accident survenu dans ses locaux. Elle soutient que le sol du supermarché était anormalement mouillé du fait de la brume qui se dégageait d'un frigo. Elle verse aux débats l'attestation de [D] [M] qui corrobore ses explications, selon elle. Elle explique que [D] [M] aurait glissé et qu'en cherchant à la retenir, elle aurait chuté également du fait du sol glissant. L'attestation de [P] [E] démontre aussi selon [I] [N], le défaut d'entretien manifeste du sol puisque celle-ci a également été victime d'une lourde chute après avoir glissé sur des restes de légumes au sol. [I] [N] fait valoir que l'arrêt du 6 mars 1959 rendu par la Cour de cassation exige uniquement de rapporter la preuve que la chose a été l'instrument, en quelque manière que ce soit, fût-ce que pour partie, du dommage, ce qui est ici le cas, quand bien même le caractère anormalement glissant du sol ne serait que secondaire à la chute.

Concernant son indemnisation, [I] [N] se fonde sur le rapport d'expertise qui retient un DFT partiel de 25 % du 10 juin 2011 au 22 juillet 2011 et un DFT partiel de 10 % du 23 juillet 2011 au 14 mai 2012. Elle souligne que l'expert a retenu un taux de 2/7 au titre des souffrances endurées au vu des nombreux traitements qu'elle a dû suivre contre la douleur, outre son âge de 63 ans au moment des faits.

MOTIFS

1. Sur la responsabilité de la société Ellul Alain et Cie

L'article 1384 alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1242 alinéa 1er du même code, depuis la réforme du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu'il n'a fait que subir l'action d'une cause étrangère, le fait d'un tiers imprévisible et irrésistible ou la faute de la victime.

Lorsque la chose est par nature immobile, ce qui est le cas en l'espèce, la preuve qu'elle a participé de façon incontestable et déterminante à la production du préjudice incombe à la victime qui doit démontrer que la chose, malgré son inertie, a eu un rôle causal et a été l'instrument du dommage par une anormalité dans son fonctionnement, son état, sa fabrication, sa solidité ou sa position.

En l'espèce, il est constant que la chute de [I] [N] est survenue au rayon charcuterie, au motif d'un sol mouillé, de sorte que les témoignages de personnes qui auraient chuté au rayon fruits et légumes, en raison de la présence de restes de légumes au sol, sont inopérants.

Sur les circonstances de la chute, [D] [M], soit celle qui a chuté en premier, atteste que le sol du rayon charcuterie était très glissant en raison « d'une brume qui sortait du frigo ». Elle ajoute être allée consécutivement à l'accueil avec [I] [N] et que le responsable « s'est empressé d'aller faire nettoyer le sol ».

Il résulte notamment de cet exposé précis, dont la valeur probante ne souffre d'aucune contestation, que le fait qu'une brume ressorte d'un frigo relève nécessairement d'une anormalité de fonctionnement, qui a conduit à rendre le sol du magasin très glissant, venant ainsi corroborer la version de [I] [N].

Le lien de causalité étant établi entre le dysfonctionnement d'un frigo et la chute de [I] [N], au motif d'un sol rendu glissant par la brume qui s'en échappait, le jugement rendu le 14 février 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan sera infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses entières demandes.

Statuant à nouveau, la société Ellul Alain et Cie sera déclarée responsable de l'accident de [I] [N].

2. Sur la liquidation du préjudice de [I] [N]

Au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, de 25 % du 10 juin 2011 au 22 juillet 2011, soit 42 jours, de 10 % du 23 juillet 2011 au 14 mai 2012, soit 291 jours, il sera alloué à [I] [N] la somme totale de 950,40 euros, se décomposant comme suit :

42 jours x 24 euros = 1 008 euros x 25 % = 252,00 euros,

291 jours x 24 euros = 6 984 euros x 10 % = 698,40 euros.

Au titre des souffrances endurée, que l'expert judiciaire retient dans son rapport un taux de 2/7, correspondant à des souffrances dites légères, il sera retenu la somme de 3 000 euros, en application de la jurisprudence de la cour.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera infirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Ellul Alain et Cie sera condamnée aux dépens de l'instance, en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise judiciaire.

La société Ellul Alain et Cie sera au surplus condamnée à payer à [I] [N] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement rendu le 14 février 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan, en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Ellul Alain et Cie à payer à [I] [N] la somme de 3 950,40 euros à titre de réparation des préjudices subis, se décomposant en la somme de 950,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel et la somme de 3 000 euros au titre des souffrances endurées ;

CONDAMNE la société Ellul Alain et Cie à payer à [I] [N] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables ;

CONDAMNE la société Ellul Alain et Cie aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise judiciaire."

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