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Refuser un permis de construire peut coûter cher !

La commune refuse un permis de construire illégalement et est condamnée à payer le surcoût financier qui est la conséquence du retard ainsi pris à la réalisation du projet. 

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"Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Treize Vents à l'indemniser à hauteur de 30 755 euros du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la faute commise par la commune en refusant de lui délivrer un permis de construire.

Par un jugement n° 1010245 du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la commune de Treize Vents à lui verser 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2014, complétée par un mémoire enregistré le 22 janvier 2016, la commune de Treize Vents, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juin 2014 ;

2°) de rejeter les demandes de M. A...;

3°) de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient :
- qu'elle peut valablement invoquer l'exception de déchéance quadriennale à l'encontre des sommes réclamées par M.A... ;
- qu'elle avait déjà soulevé l'exception de déchéance quadriennale en première instance et qu'elle se borne ici à la confirmer ;
- que les sommes réclamées le 18 juillet 2006 par M. A...étaient prescrites, se rapportant à un jugement rendu le 23 avril 1999 ;
- qu'elle n'était pas dans l'obligation de délivrer une autorisation de construire à
M. A...du fait du jugement du 23 avril 1999 ;
- que le refus opposé à M. A...en 1995 aurait pu reposer sur des motifs différents ;
- que la délivrance d'une autorisation de construire ne peut être regardée comme constitutive d'un préjudice dès lors que M. A...ne disposait d'aucun droit particulier à l'obtenir ;
- que le jugement litigieux est irrégulier en ce qu'il ne détaille pas suffisamment les raisons ayant conduit les premiers juges a écarter l'argument selon lequel elle aurait pu opposer à M. A...d'autres motifs de nature à justifier le refus de permis de construire qui lui avait été opposé ;
- que les premiers juges se sont mépris en reconnaissant l'existence d'un lien de causalité entre la faute née d'un refus illégal de délivrer une autorisation de construire et le préjudice né du retard avec lequel les travaux finalement autorisés ont été entrepris ;
- que M. A...a lui-même tardé à entreprendre les travaux quand ceux-ci ont été autorisés et ne peut de ce fait prétendre qu'un tel retard est constitutif d'un préjudice ;
- que M. A...n'a pas procédé à un chiffrage de son préjudice reposant sur des données suffisamment précises ;
-qu'il n'est aucunement démontré que le chef de préjudice dont se prévaut M.A... dû à une perte de matériaux et à des frais d'entretien confortatif qui auraient pu être évités soit en lien direct avec les refus de permis qui lui ont été opposés ;
- que les frais de contentieux et d'avocat ne peuvent pas être inclus dans le préjudice indemnisable, leur sort se réglant au travers des frais irrépétibles ;
- que les troubles dans les conditions d'existence de M. A...sont insuffisamment démontrés ;
- que les premiers juges se sont trompés dans la fixation du quantum du préjudice réellement subi par M.A... ;
- que les justificatifs produits par M. A...ne démontrent pas clairement un renchérissement des travaux de construction tels qu'ils étaient prévisibles au moment où l'intéressé a sollicité la délivrance d'une autorisation de construire ;
- qu'un retard dans la réalisation d'un bâtiment annexe destiné au rangement et au stockage de matériaux divers ne peut être constitutif d'un trouble dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2015, complété par un mémoire enregistré le 14 mars 2016, M.A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci n'a pas totalement fait droit à ses conclusions indemnitaires, réclamant en outre 2 000 euros à la commune de Treize Vents en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la commune n'est fondé, et, au titre de l'appel incident, soutient :
- que la commune ne peut pas se prévaloir de l'exception de déchéance quadriennale en raison de l'appel dont a été frappée la décision du tribunal administratif, et que les sommes réclamées à la commune ne sont pas prescrites ;
- que la commune ne peut utilement se prévaloir des motifs qui auraient justifié un refus de délivrance de l'autorisation de construire sollicitée dès lors qu'elle lui a délivré celle-ci ;
- que les premiers juges n'ont pas estimé son préjudice à sa juste mesure ;
- que l'illégalité du refus qui lui a été opposé à tort est constitutive d'une faute engageant la responsabilité de la commune ;
- que cette faute est directement à l'origine du préjudice financier né du renchérissement du coût des travaux initialement projetés ;
- qu'il a fourni des justificatifs précis s'agissant de chacun des chefs de préjudice qu'il invoque ;
- que les travaux qu'il a entrepris ne présentent aucun caractère tardif ;
- que le passage du temps a nécessairement aggravé l'état des bâtiments qu'il se proposait de rénover et qui étaient déjà en mauvais état initialement ;
- que cette situation a nécessité des travaux confortatifs et des mesures préventives qu'il a lui-même entrepris et qui ne font donc pas l'objet d'une facturation ;
- que le double refus qui lui a été opposé par la commune est à l'origine d'une situation stressante et d'une détérioration de son état de santé ;
- que la circonstance qu'aucun devis n'a été établi en 1995 ne fait pas obstacle à ce que le surcoût des travaux finalement réalisés puisse néanmoins être objectivé ;
- que les pièces qu'il produit attestent du montant des frais qu'il a réellement supporté.

Par ordonnance du 23 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée à ce même jour.

Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 19 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la commune des Treize Vents, et de MeB..., représentant M.A....

 

 


1. Considérant que la commune de Treize Vents relève appel du jugement en date du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser 10 000 euros de dommages-intérêts à M. A...en indemnisation du préjudice financier et des troubles dans les conditions d'existence causés par le refus de lui délivrer un permis de construire qu'il n'a pu obtenir que par la voie contentieuse ; que M.A..., par la voie de l'appel incident, relève appel du même jugement en tant que celui-ci n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions de la requête de la commune de Treize Vents :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le tribunal administratif de Nantes a, au motif que celle-ci ne pouvait pas être valablement soulevée par son avocat, écarté à tort l'exception de prescription quadriennale soulevée par la commune de Treize Vents, il ressort néanmoins du dossier que, du fait du recours contentieux formé par M. A...contre la décision du 23 octobre 1995, puis de l'appel ensuite formé par la commune elle-même à l'encontre du jugement du 23 avril 1999 annulant cette décision, la décision d'appel confirmant le jugement du tribunal administratif intervenant le 14 mai 2002, ainsi que de la demande préalable d'indemnisation formée par M. A...le 18 juillet 2006, implicitement rejetée par la commune, le délai de quatre ans prévu par la loi du 31 décembre 1968 n'était pas expiré lorsque, le 29 décembre 2010, M. A...a formé son recours indemnitaire ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune doit être écartée ;

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

3. Considérant que la commune de Treize Vents soutient [0]que le refus opposé à M. A... n'était pas irrégulier, dès lors qu'elle aurait pu opposer à la demande d'autorisation de construire de ce dernier d'autres motifs permettant de la rejeter, et ne pouvait donc pas être de nature à engager sa responsabilité pour faute alors surtout que le jugement annulant le refus en cause lui enjoignait seulement de procéder au réexamen du dossier ; que si la commune de Treize Vents entend ainsi soutenir que le préjudice allégué par M. A...est dépourvu de tout lien de causalité avec la décision prise à son encontre le 23 octobre 1995, il résulte toutefois de l'instruction que les moyens dont la commune indique avoir voulu se prévaloir ont été, par l'arrêt du 14 mai 2002, expressément écartés au fond par la cour ; qu'il n'est également nullement démontré que les dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme auraient également pu constituer le fondement légal d'un refus de permis de construire, alors même que la décision en date du 13 août 1999 par laquelle la commune a de nouveau refusé de faire droit à une nouvelle demande, en tous points identiques, de M.A..., a été rapportée par la commune lorsque celle-ci a, le 20 novembre 2002, finalement délivré à ce dernier l'autorisation de construire qu'il sollicitait depuis le 2 août 1995 ; que, par suite, la commune de Treize Vents ne démontre pas qu'un autre motif légal aurait permis de justifier le refus de permis de construire opposé à M.A..., ni que, par voie de conséquence, ce dernier n'était pas illégal ;

En ce qui concerne le préjudice :

4. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que M. A...ait finalement présenté des conclusions indemnitaires d'un montant supérieur à celui qu'il indiquait dans sa demande préalable d'indemnisation est sans incidence sur la recevabilité de telles conclusions ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si la hausse du coût d'une construction subie en raison du retard avec lequel les travaux projetés ont finalement pu être entrepris constitue un dommage pour le pétitionnaire s'étant vu illégalement refuser la délivrance de l'autorisation de construire qu'il sollicitait et qu'il a ensuite obtenue, un tel préjudice ne peut toutefois être indemnisé que s'il présente le caractère d'un dommage direct et certain résultant de ce retard ; que ce préjudice ne peut être correctement évalué qu'à partir du moment où il est possible de constater une telle hausse, à savoir à la date à laquelle l'autorisation de construire a finalement été obtenue et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le bénéficiaire de cette autorisation n'ait pas immédiatement fait exécuter les travaux correspondants ; que le préjudice invoqué par M. A...du fait de l'augmentation du coût de la construction projetée doit ainsi être regardé comme né de son impossibilité de procéder aux travaux projetés entre le 23 octobre 1995, date du refus illégalement opposé à M. A..., et le 20 novembre 2002, date à laquelle l'autorisation sollicitée lui a finalement été délivrée ; que ce préjudice apparaît certain dès lors que la valeur de l'indice BT 01, correspondant à l'indice national du bâtiment et de la construction, tous corps d'état, est passé de 529,8 en octobre 1995 à 619,6 en novembre 2002, soit une augmentation de 16,95 % ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé qu'il y avait lieu de condamner la commune à réparer le préjudice subi par M. A...du fait du retard dans l'exécution des travaux de son projet immobilier ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que c'est également à juste titre que le tribunal a retenu le chef de préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence subi par M.A..., consécutifs aux difficultés et tracas que ce dernier a dû surmonter pour finalement obtenir près de sept ans plus tard et, après avoir dû engager plusieurs recours contentieux, l'autorisation de construire que lui avait illégalement refusée la commune ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que, s'agissant du chef de préjudice né des pertes de matériaux de chantier et aux frais d'entretien auxquels il aurait lui-même procédé dont fait état M.A..., il ne résulte pas de l'instruction, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, que celui-ci doive être regardé comme établi, les seuls justificatifs produits émanant de M. A...lui-même et présentant un caractère à la fois très approximatif, s'agissant du coût de remplacement, non confirmé par la production de factures, et invérifiable, en ce qui concerne le nombre d'heures de travail alléguées qui auraient été consacrées à ces divers travaux ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que, s'agissant des frais d'avocat et des frais liés au contentieux, ceux-ci ne peuvent être remboursés que sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la commune de Treize Vents, M. A...est fondé à demander réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la faute de la commune à lui avoir refusé l'autorisation de construire qu'il sollicitait ; que, cependant, ce préjudice ne peut être réparé qu'à hauteur du coût résultant du retard dans l'exécution des travaux et des troubles dans les conditions d'existence auxquels M. A...a été exposé ;


Sur l'appel incident de M.A... :

En ce qui concerne la réévaluation de la somme accordée par le tribunal :

10. Considérant d'une part, que M. A...démontre avoir acquitté les factures établies par les artisans ayant effectué les travaux de rénovation autorisés par le permis de construire qu'il a obtenu le 20 novembre 2002 ; que le coût de ces travaux s'est ainsi élevé à un montant de 86 805,27 euros ; que, ainsi qu'il a été indiqué au point 5, l'indice du coût de la construction BT 01 a augmenté de 16,95 % depuis le 23 octobre 1995, point de départ de la période ouvrant droit à indemnisation ; qu'une telle augmentation permet d'établir que M. A... a dû supporter, du fait du retard avec lequel il a fait effecteur les travaux requis par son projet de rénovation, un surcoût de 12 581,02 euros ; qu'en conséquence, en limitant à 8 000 euros le montant de l'indemnité accordée au titre de ce chef de préjudice à M.A..., le tribunal administratif n'en a pas procédé à une exacte appréciation ; qu'il y a lieu de porter le montant de l'indemnité auquel le requérant peut prétendre à ce titre à une somme de 12 581,02 euros ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'en limitant à 2 000 euros le montant de l'indemnité versée au titre des troubles dans les conditions d'existence ayant affecté M.A..., les premiers juges n'ont pas procédé à une juste évaluation de ce chef de préjudice ; qu'il en sera en conséquence fait une juste évaluation en portant la somme correspondante à 3 000 euros ;

12. Considérant, en troisième lieu, que, comme indiqué aux points 7 et 8, M. A...n'est pas fondé à prétendre être indemnisé des chefs de préjudice tirés de la perte de matériaux et des frais d'avocat et de contentieux ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il a limité à 10 000 euros la réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par la commune de Treize Vents, et à demander que cette somme soit portée à un montant de 15 581, 02 euros ;

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

14. Considérant que M. A...a droit aux intérêts de la somme de 15 581, 02 euros à compter du 18 juillet 2006, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par la commune de Treize Vents ;

15. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. A...dans le cadre de sa demande devant le tribunal administratif de Nantes ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 18 juillet 2007, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

 


Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Treize Vents la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre au même titre une somme de 1 500 euros à la charge de la commune au profit de M.A... ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la commune de Treize Vents est rejetée.

Article 2 : La somme que la commune de Treize Vents a été condamnée à verser à M. A...par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juin 2014 est portée à 15 581,02 euros.

Article 3 : Les intérêts sur la somme de 15 581,02 euros que la commune de Treize Vents est condamnée à verser à M.A..., échus à la date du 18 juillet 2007 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement du 12 juin 2014 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La commune de Treize Vents versera à M. A...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Treize Vents et à M. C... A...."

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