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Le vendeur ne doit pas tromper l'acheteur sur la situation locative du bien vendu

Le vendeur ne doit pas tromper l'acheteur sur la situation locative du bien vendu : or il ne l'avait pas informé de la situation difficile d'un locataire qui au surplus menaçait de mettre fin au bail.

 

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"La société Financière Lord Byron, société par actions simplifiée venant aux droits de la société LIPS, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-19.229 contre l'arrêt rendu le 7 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Yes immo invest, société civile immobilière, dont le siège est, [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Financière Lord Byron, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Yes immo invest, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 février 2020), le 24 décembre 2014, la société Lips, aux droits de laquelle se trouve la société Financière Lord Byron, a conclu, au bénéfice de la société civile immobilière Yes Immo Invest (la SCI Yes Immo Invest), une promesse de vente portant sur un immeuble dont certains locaux étaient loués.

2. L'acte de vente a été conclu le 31 mars 2015 moyennant le prix de 2 352 000 euros.

3. S'estimant victime d'un dol de la part de la société venderesse relatif à la situation financière de l'un des locataires, la SCI Yes Immo Invest a assigné la société Financière Lord Byron en paiement de dommages et intérêts.

Examen du moyen
Enoncé du moyen

4. La société Financière Lord Byron fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation des règles de la responsabilité délictuelle ; qu'en condamnant la société Lips sur le fondement d'une réticence dolosive, après avoir retenu à son égard un manquement à une obligation contractuelle d'information, mise à sa charge par l'article 13-1 de la promesse de vente conclue avec la société Immo Invest, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et violé, par fausse application, l'article 1116 ancien devenu 1137 du code civil et, par refus d'application, l'article 1147 ancien devenu 1231-1 ;

2°/ que le dol doit être apprécié au moment de la formation du contrat ; que la promesse de vente valant vente, c'est à la date de la conclusion de cette promesse que l'existence d'une réticence dolosive doit être appréciée; qu'en l'espèce, une promesse synallagmatique avait été conclue entre les parties le 24 décembre 2014 ; que la cour d'appel a jugé qu'une information déterminante relative à la situation des locataires de l'immeuble vendu avait été portée à la connaissance du vendeur au plus tôt le 31 décembre 2014, soit postérieurement à la signature de cette promesse, de sorte que le vendeur, qui ne disposait donc pas de cette information au jour de la conclusion du contrat n'avait dès lors pas pu la dissimuler à son cocontractant; qu'en retenant pourtant de cette circonstance l'existence d'une réticence dolosive, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une telle réticence et a violé l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

3°/ que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ; qu'en se déterminant sur la seule constatation d'un défaut d'information de la société Lips, sans constater son caractère intentionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

4°/ que le préjudice réparable de la victime d'un dol qui fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, correspond uniquement à la perte de la chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'un tel préjudice, qui aurait été causé par un manquement de la société Lips à son obligation d'information à compter du 31décembre 2014; que ce manquement était postérieur à la conclusion du contrat litigieux, de sorte qu'en toute hypothèse, la société Immo Invest n'aurait pas pu contracter à des conditions plus avantageuses et ne pouvait invoquer la moindre perte de chance à cet égard; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une telle perte de chance et a violé l'article 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé que la promesse de vente contenait une clause stipulant que, pendant la période de « transfert », entre la signature de la promesse de vente et celle de l'acte de vente, le vendeur s'engageait à informer périodiquement l'acquéreur de tout changement qui pourrait affecter, de manière significative, l'immeuble et sa situation locative.

6. Ayant retenu, par une interprétation souveraine de la volonté des parties, qu'il résultait des termes de la promesse et de l'acte de vente que la situation locative de l'immeuble avait été érigée en élément déterminant du consentement des parties, elle en a fait, à bon droit, l'appréciation au jour de la vente définitive.

7. Elle a retenu que la SCI Yes Immo Invest rapportait la preuve que la venderesse avait eu connaissance, durant la période de « transfert », du fait que la société Rêveries sucrées, locataire, était confrontée à des difficultés financières importantes et qu'elle souhaitait mettre fin au bail portant sur un lot et obtenir une diminution du loyer sur deux autres lots faute de quoi elle ne reconduirait pas les baux.

8. Elle a relevé que le montant des loyers annuels versés par cette société s'élevait à près de la moitié des loyers de l'immeuble vendu et que la venderesse n'avait pas porté ces éléments d'information à la connaissance de l'acquéreur, se bornant à lui adresser un courriel rassurant faisant état d'un process classique de recouvrement des loyers dus par le locataire.

9. Ayant ainsi caractérisé le caractère intentionnel du défaut d'information, la cour d'appel, qui a fait application de la responsabilité délictuelle, a retenu que celui-ci constituait une réticence dolosive ayant entraîné, pour la SCI Yes Immo Invest, un préjudice résidant dans la perte de chance d'obtenir une diminution du prix de vente, dont elle a souverainement apprécié le montant.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Financière Lord Byron aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Financière Lord Byron et la condamne à payer à la SCI Yes Immo Invest la somme de 3 000 euros ;"

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