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Plan de prévention des risques naturels prévisibles et permis de construire : comment faire ?

Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire.

 

Permis de construire et d’aménager : déclaration obligatoire auprès de l’Ordre

 

 

"Vu la procédure suivante :

Le préfet de l'Essonne a déféré au tribunal administratif de Versailles l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de Vigneux-sur-Seine a délivré à la société Altarea Cogedim IDF un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier comportant des habitations, des commerces et une crèche. Par un jugement n° 1800713 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 décembre 2018 et 29 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Altarea Cogedim IDF demande au Conseil d'État :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté implicitement les conclusions subsidiaires tendant à la mise en oeuvre des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., auditrice,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Altarea Cogedim IDF ;

 


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 septembre 2017, le maire de Vigneux-sur-Seine a accordé à la société Altarea Cogedim IDF un permis de construire en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier comportant 758 logements, des commerces et des services sur le territoire de la commune. Par un jugement du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a, sur déféré du préfet de l'Essonne, annulé l'arrêté du 18 septembre 2017 en retenant deux motifs d'illégalité, tirés respectivement de la méconnaissance des articles L. 152-6 et R. 111-2 du code de l'urbanisme. La société Altarea Cogedim IDF se pourvoit en cassation contre ce jugement

Sur le premier motif d'illégalité retenu par le tribunal, tiré de la méconnaissance de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme :

2. Aux termes de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l'article 232 du code général des impôts et dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue au dernier alinéa du II de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il peut être autorisé des dérogations au règlement du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu, dans les conditions et selon les modalités définies au présent article. / En tenant compte de la nature du projet et de la zone d'implantation dans un objectif de mixité sociale, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée : / (...) / 4° Déroger en tout ou partie aux obligations de création d'aires de stationnement applicables aux logements lorsque le projet de construction de logements est situé à moins de 500 mètres d'une gare ou d'une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre, en tenant compte de la qualité de la desserte, de la densité urbaine ou des besoins propres au projet au regard des capacités de stationnement existantes à proximité ; / (...) ".

3. Si le tribunal administratif a rappelé que la dérogation prévue aux obligations de création d'aires de stationnement applicables aux logements ne peut être accordée qu'à la condition que le projet poursuive un objectif de mixité sociale, il s'est fondé, pour juger illégal le permis de construire déféré, sur le motif tiré de ce que, contrairement à ce qu'exigent les dispositions de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme, la décision par laquelle le maire a accordé à la société la dérogation à l'obligation de créer des aires de stationnement qu'elle sollicitait n'était pas motivée. En retenant ce moyen d'insuffisance de motivation soulevé par le déféré du préfet, le tribunal n'a entaché son jugement ni d'une insuffisance de motivation, ni d'une contradiction de motifs. Pour le reste, les moyens du pourvoi mettant en cause le jugement en ce qu'il aurait accueilli un moyen tiré de ce que le projet litigieux n'aurait pas poursuivi un objectif de mixité sociale ne peuvent, dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas fondé sur un tel motif, qu'être écartés comme inopérants.

Sur le second motif d'illégalité retenu par la tribunal, tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

5. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme (...) ".

6. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par le plan de prévention et, le cas échéant, de préciser dans l'autorisation les conditions de leur application. Si les particularités de la situation l'exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, il peut subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à des prescriptions spéciales, s'ajoutant aux prescriptions édictées par le plan de prévention dans cette zone, si elles lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce n'est que dans le cas où l'autorité compétente estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, qu'il n'est pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, qu'elle peut refuser, pour ce motif, de délivrer le permis.

7. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le projet autorisé par le permis de construire litigieux consiste en la réalisation de 758 logements devant accueillir environ 2 000 personnes, de plusieurs commerces et d'une crèche de 60 berceaux, sur un terrain situé au bord du bras de la Darse, long d'environ 850 mètres, dans la zone " ciel " du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) de la vallée de la Seine, correspondant à un aléa " moyen ". Le tribunal a relevé, d'une part, qu'il ressort de l'étude hydraulique produite au dossier qu'en cas de forte crue, équivalente à la crue centennale, le site serait intégralement inondé, avec une hauteur d'eau moyenne d'un mètre et qu'en cas de crue moins importante, l'îlot central serait inondé, ainsi qu'une grande partie des parcelles voisines et, d'autre part, que l'Agence régionale de santé a émis un avis défavorable sur le projet. En en déduisant que, au vu de l'importance du projet et de la circonstance qu'il prévoit l'installation sur le site d'un établissement accueillant de très jeunes enfants, le maire avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en accordant le permis de construire attaqué, sans rechercher si, comme il était soutenu devant lui, les prescriptions du plan de prévention du risque d'inondation de la vallée de la Seine avait été respectées et n'étaient pas, à elles seules ou, le cas échéant, complétées de prescriptions spéciales, de nature à prévenir les risques d'atteinte à la sécurité publique, le tribunal a commis une erreur de droit.

Sur les conséquences à tirer de l'annulation prononcée, relatives à l'application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

9. Saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle retenant plusieurs motifs d'illégalité d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, puis refusant de faire usage des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le juge de cassation, dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu'après avoir vérifié si les autres motifs retenus et qui demeurent justifient ce refus.

10. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a annulé le permis de construire litigieux après avoir jugé que l'autorisation délivrée méconnaissait, d'une part, l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme et, d'autre part, l'article R. 111-2 du même code. Cependant, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le tribunal a commis une erreur de droit en retenant le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme apparaît susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et n'est, par suite, pas de nature à justifier à lui seul le refus du tribunal de faire application de ces dispositions. Dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions à fin d'annulation du jugement présentées par la société Alterea Cogedim IDF.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à société Altarea Cogedim IDF de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 8 octobre 2018 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Versailles.
Article 3 : L'État versera une somme de 3 000 euros à la société Altarea Cogedim IDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Altarea Cogedim IDF, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Vigneux-sur-Seine."

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