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L'absence de réserves à la réception pour des désordres apparents n'empêche pas forcément une action en responsabilité

L'absence de réserves à la réception pour des désordres apparents n'empêche pas forcement une action en responsabilité : c'est ce que juge cet arrêt, dès lors que les demandeurs  "n'étaient pas des professionnels du bâtiment et ne pouvaient imaginer que les désordres prendraient de l'ampleur".

 

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"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 juillet 2017), que M. et Mme X... ont confié la réalisation de travaux d'isolation extérieure à M. A... , qui a sous-traité la pose de l'enduit à la société Mereau ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserves le 29 décembre 2010 ; que, se plaignant de fissures apparues sur la façade, M. et Mme X... ont, après expertise, assigné en indemnisation M. A... , qui a appelé en garantie la société Mereau ;

Attendu que la société Mereau fait grief à l'arrêt de dire que M. A... a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de M. et Mme X..., de le déclarer entièrement responsable des désordres subis par ceux-ci et de dire M. A... fondé en son appel en garantie à l'encontre de son sous-traitant, la société Mereau, et de condamner celle-ci à lui payer une certaine somme ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la réception sans réserves de désordres apparents n'interdit pas au maître de l'ouvrage de rechercher la responsabilité de l'entrepreneur lorsqu'il n'a pas été mis en situation de mesurer l'ampleur des désordres au moment des opérations de réception et que M. et Mme X..., qui avaient réceptionné sans réserves les travaux, n'étaient pas des professionnels du bâtiment et ne pouvaient imaginer que les désordres prendraient de l'ampleur et se généraliseraient sur la quasi-intégralité de la façade, la cour d'appel en a exactement déduit que leur demande d'indemnisation était recevable nonobstant l'absence de réserves à la réception ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par motifs non hypothétiques, qu'aucun professionnel ne pouvait ignorer le risque de retrait rapide d'eau par forte chaleur et les fissurations qui pouvaient en résulter, et devait prendre les précautions qui s'imposaient, voire reporter son intervention, ce qui n'avait manifestement pas été le cas en l'espèce, la cour d'appel, qui a pu en déduire que, la société Mereau ayant commis une faute en posant l'enduit en période de forte chaleur, l'appel en garantie formé contre elle par M. A... serait accueilli à hauteur d'une certaine somme, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mereau aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mereau et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société AA Mereau JC

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que Monsieur A... avait manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de Monsieur X... et l'avait déclaré entièrement responsable des désordres subis par ceux-ci, et d'avoir, infirmant de ce chef le jugement entrepris, dit Monsieur A... fondé en son appel en garantie à l'encontre de son sous-traitant, la société Méreau, et d'avoir condamné celle-ci à lui payer la somme de 7 087,68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février2014, outre la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que M. A... fait valoir au soutien de son appel que la réception sans réserves de l'ouvrage le 29 décembre2010 par le maître de l'ouvrage, en dépit de l'existence de fissures apparues dès juillet 2010 et dont il rappelle qu'elles sont d'ordre esthétique, interdit toute réclamation des époux X... dont l'action est irrecevable ; que la société Mereau conclut de même faisant valoir qu'on est en présence de désordres esthétiques causés par des fissures apparues dès l'achèvement des travaux que les époux X... ont néanmoins réceptionnés sans réserves en sorte que leur action est irrecevable quel qu'en soit le fondement ; que les époux X... objectent que leur consentement à la réception est équivoque en ce que d'une part ils avaient obtenu la promesse de M. A... de travaux de reprise par son sous-traitant alors qu'en réalité il était en conflit avec celui-ci, d'autre part le phénomène s'est aggravé dans les suites de la réception dans des proportions qu'ils n'avaient pas envisagées ; qu'il ressort des explications des parties et des pièces communiquées que, bien qu'achevés fin juillet 2010, les travaux de M. A... n'ont été réceptionnés qu'en décembre 2010, à l'issue des paiements échelonnés convenus avec l'artisan, et ce, sans réserves, en dépit de l'apparition, dans l'intervalle, de micro-fissures sur les façades, les époux X... expliquant - sans être contredits - que M. A... leur avait promis une reprise de l'enduit en hiver par son sous-traitant, lequel a cependant refusé toute intervention (en témoignent les correspondances versées aux débats) rappelant notamment à M. A... qu'il avait émis des réserves sur son support avant d'entreprendre sa prestation ; que le tribunal a, par des motifs pertinents que la cour adopte, légitimement considéré qu'était équivoque dans ce contexte la réception sans réserves consentie par le maître de l'ouvrage, néophyte en matière de construction, incapable d'appréhender la cause des fissures et leur possible aggravation convaincu d'une reprise à venir des fissures litigieuses et laissé dans l'ignorance des échanges qui avaient lieu entre les deux professionnels et leur tournure contentieuse (M. A... refusait de régler son sous-traitant et de réceptionner sa prestation) ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il admet la recevabilité de leur demande d'indemnisation à l'encontre de leur cocontractant nonobstant l'absence de réserves à la réception ;

Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges que la réception sans réserves en présence de vices apparents produit normalement « un effet de purge », le maître de l'ouvrage ne peut plus invoquer la responsabilité spécifique ni la responsabilité de droit commun de l'entrepreneur ; qu'il est néanmoins de jurisprudence constante que la réception sans réserves de désordres apparents – le caractère visible s'appréciant au regard de la compétence technique du maître de l'ouvrage – n'interdit pas aux maîtres de l'ouvrage de rechercher la responsabilité de l'entrepreneur lorsqu'il n'a pas été mis en situation de mesurer l'ampleur des désordres au moment des opérations de réception ; qu'il est rappelé enfin que le maître d'oeœuvre a un devoir de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, les époux X... avaient réceptionné sans réserves les travaux réalisés par Monsieur A... le 29 décembre2010 par le paiement du solde de la facture ; que s'il n'est pas contestable qu'au moment où la réception s'est effectuée, des microfissures étaient visibles sur la façade de l'immeuble, Monsieur et Madame X..., qui ne sont pas des professionnels du bâtiment – Monsieur est médecin et Madame est enseignante – ne pouvaient imaginer que ces désordres prendraient de l'ampleur et se généraliseraient sur la quasi-intégralité de la façade, ainsi que Monsieur A... l'a d'ailleurs reconnu dans un dire qu'il a adressé à l'expert le 12 septembre2013 où il évoque un phénomène généralisé de microfissures ; que cet élément peut d'autant moins être dû aux maîtres de l'ouvrage qu'ils peuvent se prévaloir de l'attitude très ambiguë, et à tout le moins équivoque de Monsieur A... qui, dans un courrier adressé par son conseil à la société Méreau le 29 novembre2010 – soit antérieurement à la date de réception sans réserves – précisait à celle-ci que des fissurations multiples conduisaient le client à refuser l'ouvrage – ce qui, en définitive ne s'est pas avéré exact, Monsieur et Madame X... ayant réglé in fine l'intégralité des travaux sans émettre de réserves ; qu'il est donc établi par ce courrier qu'à ce stade, Monsieur A... n'ignorait pas que des difficultés importantes étaient survenues dans leur réalisation qui allaient perdurer et qu'il lui appartenait donc d'en avertir le maître de l'ouvrage dans le cadre du devoir de conseil auquel il était tenu et qui auraient dû le conduire à inciter ceux-ci à formuler des réserves ; qu'en définitive, il apparaît que la réception sans réserves non seulement porte sur des désordres dont Monsieur et Madame X... ne pouvaient mesurer l'ampleur au moment de la réception, mais est également équivoque en raison de l'attitude de Monsieur A... ; qu'elle ne peut donc être opposée à Monsieur et Madame X... qui conserve ainsi la possibilité d'engager la responsabilité de Monsieur A... sur le fondement de la responsabilité de droit commun auquel l'entrepreneur est tenu ;

Alors, de première part, que la réception sans réserves couvre les désordres apparents de l'ouvrage, sauf à ce que la nullité en soit recherchée pour vice du consentement ; qu'en s'appuyant pour recevoir l'action de Monsieur et Madame X... sur le caractère équivoque de leur consentement, la cour d'appel a statué par un motif inopérant à écarter les effets de la réception sans réserves expressément faite de l'ouvrage litigieux, dont la nullité n'était pas poursuivie, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil et de l'article 1147 du même code, ce dernier en sa rédaction applicable en la cause ;

Alors, de deuxième part, que la réception sans réserves couvre les désordres apparents de l'ouvrage, peu important que la cause et l'ampleur n'en soient pas connues ; qu'en s'appuyant pour recevoir l'action de Monsieur et Madame X... sur le fait qu'ils en ignoraient à la date de la réception la cause et la possible aggravation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant à écarter les effets de la réception sans réserves expressément faite de l'ouvrage litigieux et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil et de l'article 1147 du même code, ce dernier en sa rédaction applicable en la cause ;

2°) Et aux motifs qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, l'expert judiciaire recense trois types de fissures : - celles à la jonction des bavettes formant rejet d'eau aux fenêtres, imputables à une mauvaise exécution des joints par Monsieur A... , ces derniers ne remplissant pas le rôle d'étanchéité ; qu'à raison, le tribunal considère que ces malfaçons de pose sont de nature à engager la responsabilité de l'artisan sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; - les fissurations et éclatements liés à la repose des stores extérieurs et de l'appentis bois, attribuées à des malfaçons de pose dont Monsieur A... ne conteste pas être l'auteur ; que cette mauvaise exécution engage de même la responsabilité contractuelle de droit commun de l'artisan ; - les microfissurations à l'angle des baies traduisant un mauvais étirement de l'enduit causé par un assèchement trop rapide, susceptible d'avoir été provoqué par un ensoleillement trop fort ; qu'aucun des professionnels ne contestent cette explication technique de l'expert dont la cour déduit, comme le tribunal, une faute du poseur ; qu'en effet, aucun professionnel ne peut ignorer le risque de retrait rapide d'eau par forte chaleur et les fissurations qui peuvent en résulter et doit prendre les précautions qui s'imposent (voire reporter son intervention), ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce puisque très rapidement sont apparues des fissures ; que la faute du professionnel est donc avérée et engage sa responsabilité contractuelle de droit commun, le fait que le « désordre » ne soit qu'esthétique étant inopérant au regard des obligations qui pèsent sur le professionnel ; [
] que Monsieur A... réitère sa demande de garantie à l'encontre de son sous-traitant aux motifs d'une part que les joints (fissurations n 1) relevaient des finitions pesant sur son sous-traitant, d'autre part qu'il incombait à la société Mereau de prendre ses précautions en cas de temps chaud (fissures n° 2) ; que cette dernière se défend de toute responsabilité dès lors qu'elle avait émis des réserves sur le support réalisé par Monsieur A... , que l'expert attribue les fissurations n° 1 aux malfaçons de pose de l'intéressé, enfin qu'on ne peut lui reprocher la chaleur survenue après la pose de l'enduit ; que la cour estime, comme le premier juge qu'en présence de conclusions de l'expert judiciaire qui, pour les fissures 1 et 3, mettent exclusivement en cause des malfaçons de pose imputables à Monsieur A... (joints mal réalisés et repose défectueuse des stores), son appel en garantie au titre de ces fissures ne peut prospérer contre son sous-traitant ; que par contre, la cour considère, au contraire du premier juge, et pour les motifs sus-exposés tirés de la connaissance par les professionnels de l'influence de fortes chaleurs sur la tenue des enduits, que la société Mereau a commis une faute en posant l'enduit en période de forte chaleur (on se situe à la fin du mois de juillet), fût-elle survenue au lendemain de la pose, l'accessibilité à tout un chacun aux prévisions météorologiques permettant d'exclure l'existence en l'espèce d'un événement imprévisible et irrésistible susceptible d'exonérer le professionnel de sa responsabilité ; que le jugement sera donc infirmé de ce chef et l'appel en garantie de Monsieur A... contre son sous-traitant accueilli à hauteur de 7 087,68 € TTC ; que cet appel en garantie ne sera, par contre, pas accueilli au titre de l'indemnité de procédure allouée aux époux X... au regard des manquements personnels de Monsieur A... ;

Alors, de troisième part, que la cour d'appel qui déduit l'imputabilité des désordres au fait que la société Méreau aurait effectué la pose de l'enduit par forte chaleur, lors que l'expert, sur les conclusions duquel elle s'appuie exclusivement, n'a fait état que de la possibilité d'imputer le retrait de l'enduit au contexte météorologique de la pose, a statué par un motif hypothétique et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil en sa rédaction applicable en la cause ;

Alors de quatrième part, qu'en se bornant pour estimer que le pose de l'enduit aurait été faite dans des conditions de forte chaleur, à se référer à la date des travaux et à des considération purement générales (il fait chaud en été), sans s'expliquer plus avant sur les conditions météorologiques régnant effectivement eu lieu du chantier à la date concernée et à leur évolution, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil en sa rédaction applicable en la cause ;

Alors enfin qu'en statuant de la sorte, sans répondre au moyen déduit par la société Méreau en ses écritures d'appel de ce que le calendrier d'exécution lui avait été imposé par Monsieur A... , la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile."

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