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Bail commercial ou bail emphytéotique ?

Cet arrêt juge que le bail en cause est un bail emphytéotique et non un bail commercial. Comme on le lira la question avait pour objet de faire passer le bail de 1 franc à 4 200 000 € ...

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 mars 2015), que, par acte du 25 janvier 1928, les syndics du syndicat des copropriétaires indivis de la Croisette ont donné à bail à la société Cannes Balnéaire un terrain situé sur la presqu'île de la croisette, pour une durée de 99 ans et moyennant un loyer annuel de 1 franc ; que la société preneuse y a édifié le "Palm Beach", casino d'été et complexe de loisirs ; que les bailleurs, ayant sollicité la révision du loyer et sa fixation au montant annuel de 4 200 000 euros, le juge des loyers commerciaux a sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur la qualification du bail ; que la qualification de bail emphytéotique a été retenue ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° E 15-22.374 :

Attendu que la société Cannes Balnéaire fait grief à l'arrêt de dire que le bail est un bail emphytéotique, alors, selon le moyen :

1°/ la société Cannes Balnéaire faisait valoir que le bail litigieux était un bail à construction de terrain nu et non un bail emphytéotique, la convention des parties stipulant qu'à défaut de réalisation de l'immeuble à usage de casino le bail serait résilié, qu'il n'existait pas de fonds de commerce lors de la conclusion du bail ; qu'en retenant que le bail conclu entre les parties porte sur un terrain mais stipule que la société Cannes Balnéaire aura la "faculté" de faire édifier sur la place tous immeubles à sa convenance et notamment un immeuble à usage de casino, qu'il précise en page 2 en compensation des avantages que les propriétaires de la Croisette retireront de la construction "éventuelle" d'un casino d'été ... et plus loin encore ...il est convenu que les immeubles que la société locataire pourra "éventuellement" construire sur le terrain loué devront être assurés à ses frais contre l'incendie, pour en déduire que le choix de ces termes exclut de considérer que le bail mettait à la charge de la société Cannes Balnéaire une obligation de construction, que la dernière clause du bail stipule "dans le cas où la ville de Cannes de donnerait pas à la société Cannes Balnéaire les autorisations nécessaires à l'exploitation d'un casino il est entendu que le présent bail n'aura aucun effet.", que cette clause qui n'est pas une clause résolutoire mais une clause qui réglemente les conditions de prise d'effet du contrat concerne les conditions d'exploitation du casino, n'édicte pas davantage une obligation de construction, de sorte que la qualification de bail à construction ne peut être retenue, la cour d'appel a dénaturé ladite clause dés lors qu'il s'agit d'une clause résolutoire et elle a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé ; que la société Cannes Balnéaire faisait valoir que le bail litigieux était un bail à construction de terrain nu et non un bail emphytéotique, la convention des parties stipulant qu'à défaut de réalisation de l'immeuble à usage de casino le bail serait résilié ; qu'en retenant que le bail conclu entre les parties porte sur un terrain mais stipule que la société Cannes Balnéaire aura la "faculté" de faire édifier sur la place tous immeubles à sa convenance et notamment un immeuble à usage de casino ... qu'il précise en page 2 en compensation des avantages que les propriétaires de la Croisette retireront de la construction "éventuelle" d'un casino d'été ... et plus loin encore ...il est convenu que les immeubles que la société locataire pourra "éventuellement" construire sur le terrain loué devront être assurés à ses frais contre l'incendie, pour en déduire que le choix de ces termes exclut de considérer que le bail mettait à la charge de la société Cannes Balnéaire une obligation de construction, que la dernière clause du bail stipule "dans le cas où la ville de Cannes de donnerait pas à la société Cannes Balnéaire les autorisations nécessaires à l'exploitation d'un casino il est entendu que le présent bail n'aura aucun effet.", que cette clause, qui n'est pas une clause résolutoire mais une clause qui réglemente les conditions de prise d'effet du contrat, concerne les conditions d'exploitation du casino, n'édicte pas davantage une obligation de construction, de sorte que la qualification de bail à construction ne peut être retenue quand le défaut d'autorisation nécessaire à l'exploitation d'un casino entrainait automatiquement la résiliation du contrat ce qui caractérisait une condition résolutoire et partant l'obligation de construire pesant sur la société exposante, la cour d'appel a violé les articles 1183 et suivants du code civil ensemble les articles L. 251-1 et suivant du code de la construction et de l'habitation ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les termes du bail, qui prévoyait seulement la faculté de faire édifier tous immeubles et notamment un casino, ne mettaient à la charge de la société Cannes Balnéaire aucune obligation de construire et retenu, sans la dénaturer, que la clause stipulant que, "dans le cas où la ville de Cannes ne donnerait pas à la société Cannes Balnéaire les autorisations nécessaires à l'exploitation d'un casino, il est entendu que le présent bail n'aura aucun effet", n'était pas une clause résolutoire mais une condition concernant l'exploitation du casino et n'édictait aucune obligation de construire, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le contrat devait être qualifié de bail emphytéotique ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° A 15-21.381 :

Attendu que les bailleurs font grief à l'arrêt de dire que la redevance du bail emphytéotique ne peut être révisée par le juge des loyers commerciaux, alors, selon le moyen :

1°/ que la déclaration d'inconstitutionnalité que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de prendre quant aux dispositions des articles L. 145-3 et L. 145-33 du code du commerce, selon la portée que leur a conférée la Cour de cassation par son arrêt du 19 février 2014, sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par les représentants du syndicat des propriétaires de la Pointe Croisette à Cannes emportera une perte de fondement juridique de l'arrêt attaqué, qui sera dès lors censuré ;

2°/ que les dispositions légales régissant les baux commerciaux ne sont pas applicables aux baux emphytéotiques, sauf en ce qui concerne la révision du loyer ; qu'il en résulte que le loyer des baux emphytéotiques, du moins ceux à caractère commercial, industriel ou artisanal, peut être révisé selon les règles applicables au bail commercial ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-3 du code de commerce, ensemble l'article L. 145-33 du même code ;

Mais attendu, d'une part, que, la question prioritaire de constitutionnalité ayant été déclarée irrecevable, la première branche est sans portée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la valeur locative était étrangère à l'économie du contrat de bail emphytéotique, la contrepartie de la jouissance du preneur étant pour le bailleur, non le payement du loyer, mais l'absence de renouvellement et l'accession sans indemnité en fin de bail de tous travaux et améliorations faits par le preneur, la cour d'appel en a exactement déduit que les bailleurs ne pouvaient saisir le juge des loyers commerciaux d'une demande de révision du loyer pour le faire correspondre à la valeur locative, fût-ce en invoquant une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour
M. X..., Mme Y..., MM. Z..., A... et B..., ès qualités, demandeurs au pourvoi n° A 15-21.381

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit que la redevance due par le preneur emphytéote ne peut pas être révisée par le juge des loyers commerciaux ;

AUX MOTIFS QUE le preneur emphytéote, titulaire d'un droit réel pendant la durée du bail ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement ni à indemnité d'éviction quand bien même il exploiterait sur le terrain un fonds de commerce, de sorte que la considération d'une commercialité découlant de l'autorisation du bailleur de construire est inopérante, le bail restant en tout état de cause exclu du statut ; que les consorts X... et autres qui ne discutent pas ce principe de l'exclusion du bénéfice du statut ne peuvent utilement revendiquer l'application de l'article L 45-3 du code de commerce selon lequel les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux baux emphytéotiques sauf en ce qui concerne la révision du loyer ; que d'une part, la redevance due par l'emphytéote n'est pas un loyer mais un canon emphytéotique ; qu'en outre, les dispositions de l'article L 145-33 du code de commerce qui énoncent que le loyer est fixé à la valeur locative et précisent les modalités de détermination de cette valeur locative ne peuvent s'appliquer au bail emphytéotique ; qu'en effet la valeur locative est étrangère à l'économie du contrat emphytéotique, la contrepartie de la jouissance du preneur étant pour le bailleur, non le paiement du loyer fixé à un montant symbolique, mais l'absence de renouvellement et l'accession sans indemnité en fin de bail de tous travaux et améliorations faits par le preneur, de sorte que les bailleurs ne peuvent prétendre saisir le juge des loyers commerciaux d'une demande de révision du « loyer » pour le faire correspondre à la valeur locative fût-ce en invoquant une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité ; qu'en conséquence la décision déférée qui dit que le loyer peut être révisé par le juge des loyers commerciaux sera infirmée ;

1/ ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de prendre quant aux dispositions des articles L. 145-3 et L. 145-33 du Code du commerce, selon la portée que leur a conférée la Cour de cassation par son arrêt du 19 février 2014, sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par les représentants du syndicat des propriétaires de la Pointe Croisette à Cannes emportera une perte de fondement juridique de l'arrêt attaqué, qui sera dès lors censuré ;

2/ ALORS QUE les dispositions légales régissant les baux commerciaux ne sont pas applicables aux baux emphytéotiques, sauf en ce qui concerne la révision du loyer ; qu'il en résulte que le loyer des baux emphytéotiques, du moins ceux à caractère commercial, industriel ou artisanal, peut être révisé selon les règles applicables au bail commercial ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-3 du code de commerce, ensemble l'article L. 145-33 du même code.

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour
la société Cannes Balnéaire, demanderesse au pourvoi n° E 15-22.374

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le bail litigieux est un bail emphytéotique et rejeté les demandes de la société exposante de ce chef;

AUX MOTIFS QUE la qualification qu'ont pu donner les parties à l'acte ne peut suffire à constituer un aveu qui leur soit opposable par application de l'article 1354 du code civil car l'aveu ne peut porter que sur un point de fait et non un point de droit ; que le bail conclu entre les parties porte sur un terrain mais stipule que la SA Cannes Balnéaire aura la "faculté" de faire édifier sur la place tous immeubles à sa convenance et notamment un immeuble à usage de casino ... qu'il précise en page 2 en compensation des avantages que les propriétaires de la Croisette retireront de la construction "éventuelle" d'un casino d'été ... et plus loin encore ...il est convenu que les immeubles que la société locataire pourra "éventuellement" construire sur le terrain loué devront être assurés à ses frais contre l'incendie ; que le choix de ces termes exclut de considérer que le bail mettait à la charge de la SA Cannes Balnéaire une obligation de construction ; que la dernière clause du bail stipule "dans le cas où la ville de Cannes de donnerait pas à la SA Cannes Balnéaire les autorisations nécessaires à l'exploitation d'un Casino il est entendu que le présent bail n'aura aucun effet." ; que cette clause qui n'est pas une clause résolutoire mais une clause qui réglemente les conditions de prise d'effet du contrat concerne les conditions d'exploitation du Casino, elle n'édicte pas davantage une obligation de construction, de sorte que la qualification de bail à construction ne peut être retenue ; que le bail est un bail de longue durée, qui confère un droit réel au locataire, il prévoit le bénéfice de l'accession au propriétaire sans indemnité de toutes les constructions qui pourraient être faites par le locataire et compte tenu de cette particularité le loyer est fixé à une somme symbolique ; que dans ces conditions, la convention conclue entre les parties doit être qualifiée de bail emphytéotique telle que prévu à l'article L 451-3 du code rural et de la pêche maritime et la décision déférée sera confirmée sur ce point ; Sur les possibilités de révision par le juge des loyers commerciaux ; que le preneur emphytéote, titulaire d'un droit réel pendant la durée du bail ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement ni à indemnité d'éviction quand bien même il exploiterait sur le terrain un fonds de commerce, de sorte que la considération d'une commercialité découlant de l'autorisation du bailleur de construire est inopérante, le bail restant en tout état de cause exclu du statut ; que les consorts X... et autres qui ne discutent pas ce principe de l'exclusion du bénéfice du statut ne peuvent utilement revendiquer l'application de 1 'article L 145-3 du code de commerce selon lequel les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux baux emphytéotiques sauf en ce qui concerne la révision du loyer ; que d'une part la redevance due par l'emphytéote n'est pas un loyer mais un canon emphytéotique ; qu'en outre les dispositions de l'article L 145-33 du code de commerce qui énoncent que le loyer est fixé à la valeur locative et précisent les modalités de détermination de cette valeur locative ne peuvent s'appliquer au bail emphytéotique ; qu'en effet la valeur locative est étrangère à l'économie du contrat emphytéotique, la contrepartie de la jouissance du preneur étant pour le bailleur, non le paiement du loyer fixé à un montant symbolique, mais l'absence de renouvellement et l'accession sans indemnité en fin de bail de tous travaux et améliorations faits par le preneur, de sorte que les bailleurs ne peuvent prétendre saisir le juge des loyers commerciaux d'une demande de révision du "loyer" pour le faire correspondre à la valeur locative fut-ce en invoquant une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité ;

ALORS D'UNE PART QUE la société exposante faisait valoir que le bail litigieux était un bail à construction de terrain nu et non un bail emphytéotique, la convention des parties stipulant qu'à défaut de réalisation de l'immeuble à usage de casino le bail serait résilié, qu'il n'existait pas de fonds de commerce lors de la conclusion du bail ; qu'en retenant que le bail conclu entre les parties porte sur un terrain mais stipule que la SA Cannes Balnéaire aura la "faculté" de faire édifier sur la place tous immeubles à sa convenance et notamment un immeuble à usage de casino ...qu'il précise en page 2 en compensation des avantages que les propriétaires de la Croisette retireront de la construction "éventuelle" d'un casino d'été ... et plus loin encore ...il est convenu que les immeubles que la société locataire pourra "éventuellement" construire sur le terrain loué devront être assurés à ses frais contre l'incendie, pour en déduire que le choix de ces termes exclut de considérer que le bail mettait à la charge de la SA Cannes Balnéaire une obligation de construction, que la dernière clause du bail stipule "dans le cas où la ville de Cannes de donnerait pas à la SA Cannes Balnéaire les autorisations nécessaires à l'exploitation d'un Casino il est entendu que le présent bail n'aura aucun effet.", que cette clause qui n'est pas une clause résolutoire mais une clause qui réglemente les conditions de prise d'effet du contrat concerne les conditions d'exploitation du Casino, n'édicte pas davantage une obligation de construction, de sorte que la qualification de bail à construction ne peut être retenue, la cour d'appel a dénaturé ladite clause dés lors qu'il s'agit d'une clause résolutoire et elle a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé ; que la société exposante faisait valoir que le bail litigieux était un bail à construction de terrain nu et non un bail emphytéotique, la convention des parties stipulant qu'à défaut de réalisation de l'immeuble à usage de casino le bail serait résilié ; qu'en retenant que le bail conclu entre les parties porte sur un terrain mais stipule que la SA Cannes Balnéaire aura la "faculté" de faire édifier sur la place tous immeubles à sa convenance et notamment un immeuble à usage de casino ... qu'il précise en page 2 en compensation des avantages que les propriétaires de la Croisette retireront de la construction "éventuelle" d'un casino d'été ... et plus loin encore ...il est convenu que les immeubles que la société locataire pourra "éventuellement" construire sur le terrain loué devront être assurés à ses frais contre l'incendie, pour en déduire que le choix de ces termes exclut de considérer que le bail mettait à la charge de la SA Cannes Balnéaire une obligation de construction, que la dernière clause du bail stipule "dans le cas où la ville de Cannes de donnerait pas à la SA Cannes Balnéaire les autorisations nécessaires à l'exploitation d'un Casino il est entendu que le présent bail n'aura aucun effet.", que cette clause, qui n'est pas une clause résolutoire mais une clause qui réglemente les conditions de prise d'effet du contrat, concerne les conditions d'exploitation du Casino, n'édicte pas davantage une obligation de construction, de sorte que la qualification de bail à construction ne peut être retenue quand le défaut d'autorisation nécessaire à l'exploitation d'un casino entrainait automatiquement la résiliation du contrat ce qui caractérisait une condition résolutoire et partant l'obligation de construire pesant sur la société exposante, la cour d'appel a violé les articles 1183 et suivants du code civil ensemble les articles L 251-1 et suivant du code de la construction et de l'habitation."

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