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Déchéance quadriennale et responsabilité de la Commune

Voici un exemple :


"Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 février, 20 juin et 28 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SORIMMO, dont le siège est 142, route de Paris à Brest (29200) ; la SOCIETE SORIMMO demande au Conseil d'Etat : 

1°) d'annuler l'arrêt du 27 septembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 16 janvier 2004 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Brest à lui verser la somme de 5 908 000 F (900 669 euros) avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts en réparation des conséquences dommageables résultant du non-respect de la convention en date du 5 mars 1983 lui garantissant la constructibilité d'un terrain situé rue du Stiff

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner la commune de Brest à lui verser la somme de 900 669 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'engagement contractuel conclu le 5 mars 1983 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Brest la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes, 

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE SORIMMO et de Me Odent, avocat de la ville de Brest, 

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE SORIMMO a conclu le 5 mars 1983 avec la commune de Brest une convention aux termes de laquelle : « la ville de Brest, après consultation des services de la ville et de la communauté urbaine intéressés, et après avoir reçu les engagements favorables du groupe de travail chargé de la nouvelle élaboration du plan d'occupation des sols et plus généralement, de toute autorité concernée, garantit à la SORIMMO les possibilités constructives minimales énoncées pour les terrains suivants (...) le terrain sis à Brest, rue du Stiff, cadastré à la section CR, n° 351, pour une superficie de 4 760 m², figurant (...) en zone UCB, COS 0,50, du plan d'occupation des sols en cours de révision. (...), la ville de Brest reconnaît que la SORIMMO sera fondée à obtenir des dommages-intérêts en compensation des préjudices pour non-réalisation des programmes prévus sur les terrains objet de la présente convention en fonction de leurs possibilités de constructibilité sus-énoncées. » ; que, toutefois, à la suite de son classement en espace boisé à protéger au titre de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme par le plan d'occupation des sols révisé du 20 janvier 1995 de la ville de Brest, le terrain en cause est devenu inconstructible ; que, par un jugement du 16 janvier 2004, le tribunal administratif de Rennes a accueilli l'exception de prescription de la créance opposée par la commune et a, en conséquence, rejeté la demande de la SOCIETE SORIMMO tendant à la réparation des conséquences dommageables du non-respect, par cette même commune, de la convention du 5 mars 1983 ; que par un arrêt du 27 septembre 2005, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir jugé que la convention précitée était entachée de nullité et ne pouvait faire naître aucune obligation à la charge de la commune, a rejeté les conclusions indemnitaires de la SOCIETE SORIMMO fondées sur la faute qu'aurait commise cette collectivité en signant cette convention au motif que la prescription quadriennale était acquise ; que la SOCIETE SORIMMO se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la mise en jeu de la responsabilité pour faute de la commune ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : « Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La prescription ne court, ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement (...) » ;

Considérant que, pour accueillir l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune, la cour a jugé que la société ne pouvait soutenir avoir pu ignorer l'origine de sa créance, dont le fait générateur est constitué par la signature fautive de la convention précitée, à la date du 20 janvier 1995 à laquelle le terrain est devenu inconstructible et où elle a eu connaissance du préjudice invoqué ; que, compte tenu de la nature de l'illégalité à l'origine de la nullité de la convention par laquelle la collectivité publique s'engageait à ne pas appliquer une règle d'urbanisme et de l'expérience de la société en matière de promotion immobilière, en statuant ainsi la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 méconnaîtraient les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel est nouveau en cassation et n'est pas d'ordre public ; que par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE SORIMMO la somme de 3 000 euros que demande la commune de Brest ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Brest, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SOCIETE SORIMMO au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; 




D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE SORIMMO est rejeté.
Article 2 : La SOCIETE SORIMMO versera à la commune de Brest une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SORIMMO et à la ville de Brest."

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