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L'annulation pour excès de pouvoir de l'acte portant approbation d'un plan local d'urbanisme rend illégale la délibération instituant un droit de préemption urbain

Ainsi jugé par cet arrêt :


"Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2010, présentée pour Mme Régine B, demeurant ... et Mme Catherine A, demeurant ...), par la SCP Berenger -Blanc - Burtez - Doucede et Associes ; Mme B et Mme A demandent à la cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0802717 du 19 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Six-Fours-les-Plages du 14 mars 2008 préemptant une parcelle cadastrée section BK n° 302 ;


2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;


3°) de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ; 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2012 :

- le rapport de Mme Ségura, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
- les observations de Me Reboul pour Mme B et Mme A et les observations de Me Mazel substituant Me Perez pour la commune de Six-Fours-les-Plages ;


Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande Mme B et de Mme A tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2008 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a exercé le droit de préemption sur la parcelle cadastrée section BK n° 302 au lieu-dit Quartier les Gardières ; que Mme B et Mme A relèvent appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :


Considérant que les requérantes soutiennent que le jugement est irrégulier dès lors qu'elles n'ont eu communication du moyen d'ordre public que le tribunal envisageait de soulever que le 4 février 2010, soit la veille de l'audience et qu'en outre, il n'était pas exprimé dans des termes permettant d'en comprendre la portée ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B et Mme A ont produit le même jour un mémoire en réponse au moyen d'ordre public qui leur avait été communiqué ; que si la lettre du tribunal indiquait seulement que ce moyen était tiré du défaut de qualité à agir des requérantes, le contenu du mémoire en réponse de ces dernières qui ont fait valoir l'absence de déchéance de leur droit à rétrocession au regard de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique démontre toutefois qu'elles en avaient pleinement apprécié la portée ; que, dès lors, Mme B et Mme A ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;
Sur la recevabilité de la demande : 


Considérant qu'aux termes de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :" Si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique. (...) Lorsque ces terrains sont rétrocédés, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel disposent d'une priorité pour leur acquisition. L'estimation de leur valeur de vente se fera suivant les mêmes normes que pour les expropriations. Ils doivent, dans ce cas, et dans le mois de la fixation du prix soit à l'amiable, soit par décision de justice, passer le contrat de rachat et payer le prix, le tout à peine de déchéance." ;


Considérant qu'aux termes de l'art L. 211-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan, (...) Ce droit de préemption est ouvert à la commune. Le conseil municipal peut décider de le supprimer sur tout ou partie des zones considérées. Il peut ultérieurement le rétablir dans les mêmes conditions. (...) " ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en vertu d'une ordonnance d'expropriation du 1er février 1983, le ministre de la Défense a acquis par expropriation, afin de faire réaliser l'extension de l'ancien laboratoire du Brusc, la parcelle BK 302 appartenant à Mme B et Mme A, située en zone UH du plan local d'urbanisme ; que n'ayant pas donné à cet immeuble la destination prévue dans la décision d'expropriation, le ministre a informé les propriétaires, en février 2005, de sa décision de l'aliéner et de leur droit prioritaire de l'acquérir ; que Mme B et Mme A ont décidé d'exercer leur droit à la rétrocession du terrain ; qu'en désaccord sur le prix proposé, elles ont saisi le juge de l'expropriation qui a fixé la valeur de rachat à la somme de 158 195 euros et ordonné le transfert de la propriété par jugement du 21 mars 2007 devenu définitif le 11 juillet 2007 ; que le 30 janvier 2008, la commune de Six-Fours-les-Plages a reçu de Domaine de France une déclaration d'intention d'aliéner cette parcelle au prix fixé par le juge de l'expropriation ; que, par la décision attaquée du 14 mars 2008, le maire a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune


Considérant que le tribunal administratif a jugé la demande de Mme B et de Mme A irrecevable au motif que n'ayant pas payé le prix de rachat de la parcelle dans le mois de la fixation du prix par le juge judiciaire, elles étaient, à la date de leur recours devant lui, soit le 21 avril 2008, déchues de leur droit à rétrocession et n'avaient plus, dès lors, la qualité d'acquéreurs évincés leur donnant un intérêt à agir contre la décision de préempter du maire de Six-Fours-les-Plages ;


Considérant qu'à la suite de la décision du juge de l'expropriation, l'Etat a proposé à nouveau à Mme B et Mme A le rachat de leur terrain au-delà du délai de rétrocession et a adressé à la commune de Six-Fours-les-Plages, dans le cadre du droit de préemption urbain institué sur le territoire de celle-ci, une déclaration d'intention d'aliéner ; que dans ce contexte juridique, le délai de rétrocession d'un mois fixé par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'était plus opposable au regard du projet de transaction à Mme B et Mme A qui présentaient, à la date de la décision attaquée, du fait de la proposition de l'Etat et de sa déclaration d'intention d'aliéner, la qualité d'acquéreurs évincés ; que, par suite, elles sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges leur ont opposé, en se fondant sur la déchéance de leur droit de rétrocession, le défaut de qualité leur donnant intérêt à agir contre la décision du maire en date du 14 mars 2008 ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé ;


Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par Mme B et Mme A devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :


Considérant que, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de l'acte portant approbation d'un plan local d'urbanisme rend illégal la délibération instituant un droit de préemption urbain ; que, d'autre part, la délibération instituant un droit de préemption est non seulement une décision nécessaire aux décisions individuelles de préemption mais en outre une décision spécialement prise pour permettre l'intervention de ces décisions avec lesquelles elles constituent une opération complexe ; que, dès lors, les exceptions d'illégalité de cette délibération, qui est une décision non réglementaire, sont recevables sans condition de délai ;


Considérant que Mme B et Mme A excipent de l'illégalité de la délibération du 27 avril 2005 du conseil municipal de Six-Fours-les-Plages instituant un droit de préemption urbain sur le territoire de la commune ; que, par un arrêt du 23 février 2012, n° 09MA01043, la cour de céans a confirmé le jugement du 11 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du conseil municipal de Six-Fours-les-Plages du 23 décembre 2004 approuvant le plan local d'urbanisme ; que cette annulation rend illégale la délibération du 27 avril 2005 instituant le droit de préemption urbain ; que, toutefois, par une délibération de son conseil municipal en date du 25 février 1994, la commune de Six-Fours-les-Plages avait déjà institué, dans le cadre du plan d'occupation des sols redevenu applicable à la suite de l'annulation contentieuse du plan local d'urbanisme de 2004, un droit de préemption urbain sur la zone UH dans laquelle est situé la parcelle BK 302 ; qu'il s'ensuit qu'en vertu de cette délibération, le maire a pu légalement exercer le droit de préemption de la commune sur le bien dont les requérantes s'étaient portées acquéreurs, nonobstant l'illégalité de la délibération du 27 avril 2005 ; que, dès lors, leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, fondées sur la seule illégalité de la délibération instituant un droit de préemption urbain, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :


Considérant que, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions présentées à fin d'injonction par les requérantes, qui demandent d'ordonner la rétrocession du bien au bénéfice de l'Etat en indiquant que celui-ci sera tenu de leur proposer l'acte de rachat sous peine d'astreinte, doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par Mme B et Mme A devant tribunal administratif de Toulon ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :



Article 1er : Le jugement n° 0802717 du 19 mars 2010 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B et Mme A devant tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : L'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Régine B, à Mme Catherine A et à la commune de Six-Fours-les-Plages."

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