Rappel de ce principe par cette décision :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 14 mai 2007) que dans les années 1980 la société civile immobilière Le Donjon a fait édifier des immeubles par la société ABRI, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., ces constructeurs étant assurés auprès de la société Axa assurances ; que les réceptions sont intervenues les 20 août 1987, 15 décembre 1988 et 9 mai 1989 ; que la société civile immobilière Immo Mi, qui a acquis les immeubles par actes des 26 mai 1998 et 18 septembre 1999, a assigné le 22 août 2002 M. X... et son assureur en réparation de désordres ayant fait l'objet de déclarations de sinistre le 13 février 1991 et en décembre 1997 ; que la société Axa assurances a conclu à l'irrecevabilité de la demande pour défaut de droit d'agir et prescription ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. X... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Axa assurances fait grief à l'arrêt de déclarer la société Immo Mi recevable à agir alors, selon le moyen, qu'en l'absence de clause expresse, la vente de l'immeuble n'emporte pas de plein droit cession au profit de l'acquéreur des droits et actions à fin de dommages et intérêts qui ont pu naître au profit du vendeur en raison des dommages affectant l'immeuble antérieurement à la vente : que, dès lors, faute de stipulation expresse dans les actes de vente des 26 mai 1998 et 18 septembre 1999, la société Immo Mi était irrecevable à poursuivre l'indemnisation des désordres affectant les immeubles antérieurement aux ventes réalisées à son profit et qu'en décidant le contraire pour cette raison que les dommages étaient d'une nature décennale et que l'action correspondante était transmise à l'acheteur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que les acquéreurs successifs d'un immeuble sont recevables à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne, en tant qu'accessoire, l'immeuble, nonobstant la connaissance, par les acquéreurs, des vices de celui ci lors de la signature de l'acte de vente et l'absence, dans ce dernier, de clause leur réservant un tel recours à moins que le vendeur ne puisse invoquer un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir ; qu'ayant relevé que les désordres apparus en 1991, qui avaient donné lieu à déclaration de sinistre auprès de la compagnie Axa assurances, assureur de dommages ouvrage et assureur de l'architecte et de la société Abri, entrepreneur, relevaient de la garantie décennale et que l'action en garantie avait été engagée par la société Immo Mi, qui avait acquis les immeubles en 1998 et 1999, la cour d'appel en a déduit à bon droit que cet acquéreur était recevable à agir contre les constructeurs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2248 (ancien) du code civil ;
Attendu que pour dire que la prescription décennale n'était pas expirée lorsque la SCI Immo Mi a introduit sa demande, le 22 août 2002, l'arrêt retient que la compagnie Axa a mandaté un expert le 24 décembre 1997, puis a fait procéder le 3 décembre 1999 à l'estimation de la valeur vénale des immeubles sinistrés et qu'il résulte de courriers échangés du 24 janvier au 4 août 2000 entre la SCI Immo Mi et la compagnie Axa que cette dernière reconnaissait devoir prendre en charge le sinistre et cherchait un "réglement amiable", et que ces actes ont interrompu le délai de la garantie décennale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les actes retenus soit ne caractérisaient pas une reconnaissance certaine et non équivoque par la société Axa du droit de la société contre laquelle elle prescrivait, soit étaient postérieurs à l'expiration du délai de garantie décennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'exception soulevée par la société Axa Assurances tirée de la prescription de la garantie décennale, l'arrêt rendu le 14 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;
Condamne la société Immo Mi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Immo Mi et celle de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour la société Axa Assurances
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré la SCI IMMO MI recevable à agir en réparation de l'entier dommage affectant les immeubles sis 29, 31 et 33 rue du 71ème B.C.P. à JARGEAU (Loiret), dont elle est propriétaire ;
AUX MOTIFS QUE les acquéreurs successifs d'un immeuble sont recevables à agir contre ses constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne en tant qu'accessoire l'immeuble, nonobstant la connaissance par ces acquéreurs des vices de celui-ci lors de la signature de l'acte de vente et l'absence dans ce dernier de clause prévoyant un tel recours ; que c'est dès lors à tort que le premier juge a déclaré la SCI IMMO MI irrecevable en son action, au seul motif que les désordres affectant l'ensemble immobilier étaient apparus antérieurement à la vente ; qu'il n'est pas contesté que l'ensemble immobilier litigieux est affecté de désordres relevant de la garantie décennale ; que la réception des ouvrages est intervenue les 20 août 1987, 15 décembre 1988 et 9 mars 1989 ; que des désordres apparus dès 1991 ont donné lieu à une déclaration de sinistre le 13 février 1991 auprès de la Compagnie AXA, laquelle a missionné le 28 janvier 1992 un expert qui a déposé un rapport le 20 juillet 1992 ; qu'une seconde déclaration de sinistre a été régularisée en décembre 1997 ; que la Compagnie AXA a mandaté le 24 décembre 1997 un expert, le Cabinet SARETEC, lequel a estimé, dans une note du 25 octobre 1999, que les immeubles n'étaient pas réparables et devaient être détruits ; que la Compagnie AXA a fait procéder le 3 décembre 1999 à l'estimation de la valeur vénale des immeubles sinistrés par Monsieur Y..., puis a pris contact avec les propriétaires concernés en vue d'un règlement des indemnités ; qu'ainsi, s'en est notamment suivi, du 24 janvier au 4 août 2000, un échange de courriers entre la SCI IMMO MI et la Compagnie AXA, dont il ressort que la Compagnie AXA reconnaissait devoir prendre en charge le sinistre et cherchait un "règlement amiable", qui en fin de compte n'a pas abouti en raison d'un désaccord sur le montant des indemnités ; qu'il en résulte que le délai de garantie décennale a été interrompu par les actes ci-dessus rappelés, de sorte qu'elle n'était pas expirée lorsque la SCI IMMO MI a saisi le Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS, le 22 août 2002 ; qu'il est constant, au vu du rapport SARETEC, que les immeubles sinistrés doivent être démolis ; que la Cour ne disposant pas des éléments suffisants pour fixer le préjudice subi, doit recourir à une expertise ; que la Compagnie AXA entend que l'expertise tienne compte de l'état des biens à la date de leur acquisition par la SCI IMMO MI, sans quoi celleci, qui a acheté peu cher des immeubles en mauvais état, bénéficierait d'un enrichissement sans cause ; mais que cette difficulté concerne les relations entre l'acquéreur et le vendeur, lequel peut, dans l'acte de vente, se réserver un recours contre les constructeurs à raison des désordres apparus antérieurement à la vente ;
qu'elle ne peut pas être invoquée, en revanche, par les constructeurs pour échapper aux conséquences de leur responsabilité car, faute de disposition contraire dans l'acte de vente, le vendeur qui n'a plus aucun recours contre les constructeurs, est réputé avoir cédé à l'acquéreur, avec l'immeuble, l'action qu'il avait contre les constructeurs ; qu'ainsi, il n'y a pas d'enrichissement sans cause car l'enrichissement, qui n'est au demeurant pas systématique, tout dépendant du prix de vente librement négocié entre vendeur et acquéreur, trouve sa source dans la volonté de celui-ci de vendre celui-là à un prix déterminé ; qu'en conséquence, l'expertise devra déterminer la valeur vénale des immeubles, abstraction faite des désordres ; qu'il n'y a pas lieu non plus de limiter l'expertise aux postes de préjudice susceptibles d'être couverts par la police d'assurance, le maître de l'ouvrage conservant en toute hypothèse un recours contre l'assuré ;
ALORS D'UNE PART QU' en l'absence de clause expresse, la vente de l'immeuble n'emporte pas de plein droit cession au profit de l'acquéreur des droits et actions à fin de dommages et intérêts qui ont pu naître au profit du vendeur en raison des dommages affectant l'immeuble antérieurement à la vente ; que, dès lors, faute de stipulation expresse dans les actes de vente des 26 mai 1998 et 18 septembre 1999, la Société IMMO MI était irrecevable à poursuivre l'indemnisation des désordres affectant les immeubles antérieurement aux ventes réalisées à son profit et qu'en décidant le contraire pour cette raison que les dommages étaient d'une nature décennale et que l'action correspondante était transmise à l'acheteur, la Cour d'Appel a violé l'article 1134 du Code Civil ;
ALORS D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrit ; que la Cour d'Appel, après avoir constaté que la dernière réception était intervenue le 9 mars 1989, s'est bornée à relever que la Société AXA avait désigné deux experts les 28 janvier 1992 et 24 décembre 1997, en quoi elle n'a pas caractérisé par ces seules énonciations une reconnaissance non équivoque du droit revendiqué interruptive de la prescription décennale invoquée et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 2248 du Code Civil."